Archive mensuelle 23 août 2021

ParJDA

De Chauveau aux chevaux, le triple élu local Victor Ucay & les rêves de députation

Art. 352.

Par M. le professeur Mathieu Touzeil-Divina,
fondateur et directeur du Journal du Droit Administratif,
professeur de droit public à l’Université Toulouse 1 Capitole, IMH

Le présent article est dédié à M. le professeur B. Pacteau
– en respectueux hommage –
ainsi qu’à la famille de M. Victor Ucay

Des fondateurs aux lecteurs. Le Journal du Droit Administratif (Jda) a été fondé en 1853 et ce, notamment par les professeurs de la Faculté de Droit de Toulouse, Adolphe Chauveau[a] (1802-1868) et Anselme (Polycarpe) Batbie[b] (1827-1887). Il nous a été donné, déjà, non seulement de leur rendre un juste hommage et tribut mais encore de revenir sur l’histoire même[c] du premier (et pérenne) média spécialisé dans la branche dite publiciste du droit administratif. Après nous être ainsi intéressés à ses fondateurs et à ses promoteurs, penchons-nous maintenant sur leurs lecteurs.

Il nous a alors semblé intéressant – dans le cadre de la section « Histoire(s) du Droit Administratif » – de mettre ici en lumières – en cinq articles ainsi répartis – les éléments que nous avions trouvés, entre droit administratif, histoire locale et politique mais aussi généalogie, concernant Victor Ucay (1856-1950) :

IV. De Chauveau aux chevaux,
le triple élu local Victor Ucay
& les rêves de députation

De Chauveau aux chevaux. On nous pardonnera, on l’espère, ce jeu de mot d’administrativiste toulousain (de « Chauveau aux chevaux ») qui permet, cela dit, d’expliquer manifestement deux constantes fortes chez Victor Ucay : non seulement un goût prononcé pour une matière pourtant à l’époque très (et trop) décriée (le droit administratif initié à la Faculté de Droit de Toulouse de façon pérenne par Adolphe Chauveau) et l’amour des équidés qui va se traduire aussi de multiples façons (depuis la tradition familiale des diligences et autres messageries jusqu’aux courses et aux élevages hippiques). Cela dit, c’est vraisemblablement plus encore (on l’a vu) auprès de Rozy (et même de Vidal) que de Chauveau que Victor Ucay reçut, quant à lui et à la différence des deux premiers, le virus du droit administratif.

Ill. 32 © & coll. perso. Mtd. Daguerréotype
de M. Adolphe Chauveau (circa 1860). 
  Ill. 33 © & coll. perso. Mtd. Daguerréotype
de M. Henri Rozy (circa 1880).

Aussi, après avoir présenté le juriste, l’avocat puis le militaire Victor Ucay, il faut mentionner son autre engagement pour la Cité et ses concitoyens comme élu local aux multiples mandats successifs (mais assurément aux mandats moins nombreux qu’il ne l’aurait espéré).

1899, 1913 & 1944 :
les trois élections locales de Victor Ucay

Les trois mandats d’élu local. On recense, sauf omission, les trois mandats suivants :

  • Victor Ucay est d’abord (ce qui semble être son premier mandat) conseiller départemental (pour le canton de Grenade) de 1899 à 1901 (on y reviendra) ;
  • il est ensuite de 1913 à 1919, pendant la Première Guerre mondiale, maire de la commune de Merville, dans l’ancien canton de Grenade ;
  • il est enfin a priori conseiller municipal de Grenade pendant la Seconde Guerre mondiale et notamment en 1944 d’après les services actuels de la commune. On ne dispose cependant pas d’archives ou de documents concernant ces deux dernières fonctions municipales même si l’on sait qu’il a, à plusieurs reprises (dont en 1900), cherché – en se présentant aux suffrages municipaux – à devenir, mais en vain, maire de Grenade. On dispose en revanche de nombreuses archives s’agissant de son engagement départemental en Haute-Garonne.
Ill. 34 © Famille Ucay. Victor Ucay, candidat (non élu) comme maire
aux élections municipales de 1900 de Grenade-sur-Garonne (1900).

Le conseiller Ucay du canton (et de l’église) de Grenade-sur-Garonne. Un mandat d’élu départemental est de six années. Pourtant, Victor Ucay ne siégea au conseil général occitan que de 1899 à 1901. Pourquoi ? Tout simplement parce que dans le canton de Grenade pendant le mandat de six ans de 1895 à 1901 avait été élu, le 28 juillet 1895, le très républicain maire de Grenade-sur-Garonne, déjà évoqué supra, Auguste (Jean Antoine Marie) Barcouda (1830-1898) dont l’histoire retient notamment son engagement républicain dès 1870 ainsi que sa bravoure pour ses concitoyens lors des inondations de juin 1875 ayant décimé plusieurs communes occitanes à la suite de violentes crues de la Garonne. Ce fait lui vaudra, l’été suivant, un soutien du Ministre de l’Intérieur qui lui fit obtenir sa légion d’honneur[1].

Toutefois, M. Barcouda décéda à la fin de l’année, le 31 décembre 1898 à Toulouse, ce que Le Figaro annonça dans son édition du premier jour de l’année 1899 (en page 02). En conséquence, on dut procéder à des élections partielles. Celles-ci eurent lieu les 12 et 19 mars 1899 ainsi que l’annonça le Journal officiel dans son édition du 07 avril[2] suivant indiquant l’élection partielle de neuf nouvelles personnalités locales dont « M. Ucay, membre du conseil général du département de la Haute-Garonne pour le canton de Grenade ». Cette élection partielle était loin d’être une sinécure pour le candidat Ucay qui se trouvait face au maire radical-socialiste de Toulouse, prêt à cumuler, Honoré Serres (1845-1905). Ce dernier, très soutenu par la presse locale républicaine (et notamment socialiste) comme La Dépêche avait alors basé sa profession de foi non « pour » le canton de Grenade où il candidatait mais « contre » Victor Ucay présenté comme un conservateur réactionnaire, acquis à l’Eglise, vraisemblablement favorable au retour d’un monarque et contre l’idée même de République. Ainsi écrit Honoré Serres[3], il serait un « républicain de l’avant-veille » alors que Victor Ucay, sans le nommer pour autant, serait issu de la « réaction monarchiste ».

Ill. 35 © & coll. perso. Mtd. Honoré Serres
in Le Monde illustré du 08 décembre 1894.

Victor Ucay, effectivement soutenu dans la presse par L’Express du midi et le Messager[4] de Toulouse connus pour leurs opinions catholiques conservatrices, s’était pourtant présenté aux suffrages (et on le lui reprochera) sous l’étiquette de « républicain rallié » alors qu’on le décrivait, parmi ses opposants, comme non-républicain. On ne s’attendait alors pas à ce que le 12 mars 1899 l’avocat et sous-lieutenant du Train conduisit au ballotage le célèbre et assis maire de Toulouse. Un second tour fut donc organisé et, nous dit Le Temps du 17 mars 1899 (p. 02) alors que restaient en lice Honoré Serres, maire radical-socialiste de Toulouse et Victor Ucay sou l’étiquette « docteur en droit, rallié », c’est bien le second qui fut porté vainqueur et l’emporta. Les chiffres du scrutin[5] furent alors les suivants :

  • au 1er tour :
    • M. Serres, 1429 voix ;
    • M. Ucay, 808 voix ;
    • M. Jouves, « républicain », 720 voix.

Et, alors que le camp républicain socialiste ne s’y attendait pas, Ucay réussit à obtenir le ralliement des voix républicaines de Lucain Jouves (1845-1917[6]) ce qui permit les résultats suivants ; au 2nd tour :

  • M. Ucay, 1519 voix ;
    • M. Serres, 1465 voix.

Au lendemain de son élection, le conseiller Ucay fit publier des mots de remerciements à ses électeurs mais la presse républicaine le prit aussitôt en grippe et conduisit contre lui, singulièrement à la Dépêche, une campagne de dénigrement(s).

Ainsi, dès la parution des remerciements précités[7], le journal titrait « Grenade : le quart d’heure de Rabelais » et expliquait en un article au vitriol que le nouvel élu était bien moins républicain qu’il ne l’avait prétendu :

« il n’est pas plus question de la République que du Grand Turc. Ce mot – c’est de la République que nous voulons parler – eût offusqué les lecteurs de ces feuilles conservatrices[8] parmi lesquels M. Ucay a recruté la grande majorité de ses électeurs ». Et, relate La Dépêche, il n’y a que dans l’édition du Télégramme (proche de Jouves) et sûrement pour lui faire plaisir que la mention « Vive la République » avait été ajoutée !

Quoi qu’il en soit, le trio Serres / Ucay / Jouves va bien régner sur le canton de Grenade à la mort de Barcouda.

En effet, détaille le dictionnaire des conseillers généraux de la Haute-Garonne[9], le canton de Grenade sera représenté comme suit :

  • de 1878 à 1899 par Auguste Barcouda, républicain ;
  • de 1899 à 1901 par Victor Ucay ;
  • de 1901 à 1905 (jusqu’à son décès) par Honoré Serres qui réussit là où il avait échoué en 1899 ;
  • de 1905 (en élection partielle) puis de 1907 à 1910 par Dominique Bosc (1847-1910) ;
  • et enfin de 1910 (en élection partielle) à 1913 par Lucain Jouves !

Ucay, comme Serres et Jouves vont alors avoir deux autres points communs : celui de n’avoir accompli que des mandats inférieurs aux six années pleines et de n’avoir pas réussi à y être réélus. En effet, même si, en 1901, Ucay se présenta à sa propre succession, il ne réussit plus à convaincre. La Dépêche[10] s’en donna alors à cœur joie pour décrire et dénigrer sa campagne électorale avec, par exemple, son passage en juillet 1901 à Launac, commune du canton où personne – ou presque – ne serait venu à sa réunion politique et où, selon le journal républicain, il ouvrait « le robinet de son éloquence agricole et congrégationniste » et où il aurait osé se « présenter comme le père du Crédit agricole dans le canton ; ce qui ne nous étonne pas puisque seuls les gens riches peuvent bénéficier de cette Loi méliniste[11] et antidémocratique ». Concrètement, on lui reprochait surtout, outre son républicanisme jugé « mou » ou peu franc, non seulement de faire semblant (pour plaire au plus grand nombre) d’être républicain alors qu’il se serait dit monarchiste auprès d’autres. C’est par suite surtout son attachement et son rattachement au parti du Clergé et à l’Eglise que les Républicains – surtout socialistes et radicaux – critiquaient et ce, en des termes tels que[12] : il « fulmine contre la Loi sur les associations qui ne laisse pas les Jésuites jouir de leurs rapines » (sic). Ainsi, après le vote de la Loi de Séparation des Églises et de l’État du 09 décembre 1905, contre laquelle il avait combattu comme citoyen engagé[13] (et non plus comme élu), il fut même pris à partie sur ce terrain ecclésiastique lors d’une conférence publique dans laquelle aurait été prononcés les mots suivants[14] :

« M. Cruppi constate qu’au cours de sa campagne (…), il a été interrompu par un curé à robe longue et par un curé à robe courte : M. l’abbé Péchou de Castelnau et M. Ucay de Grenade » pour conclure que « M. Ucay est plus curé que M. l’abbé Péchou ».

Jean (Charles Marie) Cruppi (1855-1933) fut député de la Haute-Garonne de 1898 à 1919 sans discontinuité mais il trouva devant lui, en 1902 et en 1910, notamment un adversaire lors des élections législatives, Victor Ucay, ce que l’on évoquera ci-après. Les deux hommes se connaissaient donc fort bien et s’affrontèrent pendant des décennies.

Ill. 36 © & coll. perso. Mtd. Jean Cruppi caricaturé alors qu’il était ministre du commerce
sous les traits de l’un des « Toulousains de Paris » avec tous les clichés correspondants (le Capitole, les oies, le cassoulet, l’argent du commerce, la toque d’avocat, etc.) (circa 1908).

Quant au renouvellement du conseil général de 1901, Ucay y fut battu comme suit, en réussissant là encore à se hisser au moins au second tour[15] :

  • M. Serres, 1677 voix ;
  • M. Ucay, 1318 voix ; l’ancien élu avait donc perdu deux centaines d’électeurs.

Ses travaux au Conseil général. Pendant ses deux années et demie de conseiller du département, Victor Ucay participa à plusieurs délibérations ainsi qu’à plusieurs commissions et ce, sous la présidence, à cette époque du Conseiller d’État et préfet Paul (Théodore) Viguié[16] (1855-1915), ancien préfet du Finistère. On sait par exemple qu’il appartient avec son « ennemi » Cruppi à la première (et prestigieuse) commission des Finances du département ainsi qu’il en ressort de la première des délibérations auxquelles il participa en avril 1899[17] :

« 1ère Commission : Finances. Répartition des contributions directes. Demandes en réduction formées par les conseils électifs. Budget départemental. Vote des centimes additionnels ordinaires et extraordinaires et des emprunts. Archives. Mobiliers départementaux. Reports. Comptes du Préfet. Dettes départementales. Cadastre » composée au 1er avril 1899 de
MM. Cibiel, Cruppi, Duran, Ebelot, Gaston, Mandement, Talazac & Ucay.

Ill. 37 © & coll. perso. Mtd. Carte postale (non circulée) (près la Cathédrale Saint-Etienne) de l’entrée du conseil général et de la préfecture de la Haute-Garonne (circa 1900).

La lecture des rapports des délibérations montre par ailleurs qu’il fait partie des élus quasiment toujours présents et non des abstentionnistes fréquents. A la séance du 11 avril 1899[18], il donne alors lecture du rapport suivant qu’il a établi à propos des pensions à accorder aux aînés :

« Je suis heureux qu’étant appelé pour la première fois à discuter un sujet important devant vous, le hasard ait mis entre mes mains une de ces multiples questions qui se rattachent à l’assistance publique. Soulager les infortunes, tarir la source des misères humaines, diminuer le, nombre des malheureux, cela a été sans doute un problème de tous les temps, mais qui passionne d’autant plus de nos jours qu’on croit approcher davantage de sa solution. Cette solution nous a-t-elle été apportée par l’article 43 de la loi du 29 mars 1897, qui a pour but la création de pensions agricoles par les concours simultanés de l’Etat, des départements et des communes ? C’est ce que je voudrais rechercher en quelques mots.

Je ne ferai point l’exposé complet de cette loi, qui se trouve tout au long dans le remarquable rapport de mon excellent collègue M. Bepmale, déposé à la session du mois d’août dernier; mais je crois devoir présenter quelques observations qui feront mieux ressortir le mécanisme de la loi. Rappelant simplement pour mémoire les conditions générales desquelles dépend la contribution de l’Etat, savoir : que les pensions ne soient pas inférieures à 90 francs ni supérieures à 200 francs; qu’elles soient attribuées à des personnes âgées de plus de soixante-dix ans ou atteintes d’une infirmité ou maladie incurable; que le nombre de ces pensions ne dépasse pas la proportion de 2 pour 1,000 habitants, et enfin que les dépenses soient couvertes par des ressources extraordinaires, je tiens à préciser les trois cas particuliers qui peuvent se présenter et dans lesquels nous pourrions, je pense, englober tous les autres.

Premier cas. — La commune et le département sont d’accord pour créer une pension.

Ce cas est évidemment le plus simple. Il entraîne pour la commune l’obligation de contribuer au payement de la pension dans les proportions indiquées au barème A de la loi sur l’Assistance médicale, et pour l’Etat l’obligation de se conformer aux prescriptions du barème B de la même loi. Le département paie la différence entre la somme fournie par l’Etat et les communes et la pension totale.

Deuxième cas. — La commune refuse de voter en totalité, ou en partie une pension agricole.

Le département peut accorder cette pension en prenant à sa charge la totalité ou partie du contingent qui concerne la commune et la contribution de l’Etat est calculée d’après le même barème et reste la même que dans le premier cas.

Enfin, troisième cas, c’est le département qui refuse sa contribution.

La commune peut encore accorder cette pension en se substituant au département et en prenant à sa charge la part qui aurait incombé à celui-ci, et la contribution de l’Etat se règle toujours d’après le barème B. Seulement, au lieu d’être attribuée au département, elle est reversée directement à la commune. Bien entendu, le département ne sera jamais engagé au-delà des sommes qu’il aura inscrites à son budget pour le service des pensions de retraites.

Tels sont, Messieurs, si du moins j’ai bien compris les deux textes législatifs ainsi que les trois circulaires ministérielles qui traitent cette question, les trois cas particuliers dans lesquels on peut faire rentrer tous les autres, et je serais satisfait si cette classification avait seulement pour mérite de bien faire connaître aux intéressés les obligations qu’ils ont à remplir ou les droits qu’ils peuvent exercer. Je voudrais cependant, Messieurs, afin que la lumière soit complète, obtenir de vous une précision au sujet des pensions agricoles déjà existantes et qui sont, je crois, au nombre de 412. Lorsque ces pensions s’éteindront par suite du décès des titulaires, les communes qui en auront bénéficié jusqu’à ce jour devront-elles pour les conserver se placer dans le premier des cas que je viens d’énumérer, ou bien consentirez-vous à leur continuer cette pension en vous plaçant dans le deuxième cas, c’est-à-dire en conservant à votre charge la part contributive de la commune ? Peut-être, me direz-vous, qu’il appartiendra à la Commission départementale de trancher cette question. Mais d’ores et déjà on pourrait donner une indication dont les communes feraient leur profit. Le fonctionnement de la loi étant ainsi établi, le moment est venu de nous demander quelles vont être ses conséquences sur l’avenir des pensions agricoles. A vrai dire, je crains que les premières applications de cette loi n’aient point beaucoup excité le zèle des communes à demander des pensions. En effet, jusqu’ici les communes payaient, peut-être même sans s’en douter, 1 centime par habitant et avaient droit presque toutes à une pension agricole. Si nous prenons une commune de 1,000 habitants, elle payait 40 francs et recevait 60 francs. Avec la nouvelle loi, cette commune devra contribuer au payement de la pension d’après la valeur de son centime, et on peut évaluer que pour une commune de 1,000 habitants cette contribution ne sera pas moindre de 40 ou 50 % de la valeur de la pension. Cette même commune qui payait 10 francs pour en obtenir 60, payera 40 ou 45 pour en obtenir 90. Son avantage n’est pas très évident. En outre, elle devra s’imposer extraordinairement ou créer des taxes nouvelles pour pouvoir obtenir la subvention de l’Etat.

Or, vous savez tous, Messieurs, combien les communes hésitent à entrer dans cette voie de création de taxes et d’impôts nouveaux. Il est bien à craindre que les communes, dès le début, ne fassent pas une application suffisante de la loi de 1897. Et ce qui me le prouve, c’est que le contingent facultatif des communes est très minime par rapport à celui du département, puisqu’il n’est que de 3,000 pour 25,500 fournis par ce dernier, à peine le 4/8e et que ce contingent n’a pas été augmenté. II nous appartiendra peut-être, Messieurs, par des moyens que je n’ai pas à vous indiquer aujourd’hui, d’encourager les communes à entrer dans cette voie de création de pensions agricoles et à faire pour les vieillards et les infirmes les sacrifices qu’elles ont déjà consentis pour assister les malades.

Nulle dépense ne peut être plus justifiée, plus morale même que celle-là, et si j’ai un regret à exprimer ici, c’est que l’Etat ait cru devoir fixer une proportion qui ne pourra dépasser deux pensions pour 1,000 habitants, chiffre qui me paraît absolument trop bas. A cet égard, voudrez-vous me permettre, Messieurs, si je ne dois pas abuser de vos moments, de vous citer les résultats autrement étendus qu’on obtient par l’application d’un autre principe, celui de la mutualité. J’ai l’honneur d’appartenir à une Société de secours[19] dont le siège est dans ma commune et qui s’occupe depuis plusieurs années de créer des pensions de retraite. Savez-vous à quels chiffres elle est arrivée aujourd’hui ? A sept pensions de 90 francs chacune pour 170 membres. C’est à peu près le 5 % au lieu de 2/°°°, soit 25 fois plus. C’est donc, à mon avis, dans le développement de la mutualité que se trouve l’avenir des pensions agricoles plutôt que dans les subventions directes des communes et de l’Etat. Si des hommes de cœur et de dévouement, il n’en manque certes pas, soit dans cette assemblée, soit ailleurs, prenaient dans chaque commune l’initiative de la formation de Sociétés en vue de la création de caisses de retraites, dans quelques années d’ici, moyennant de minimes cotisations, tous nos vieillards pourraient être secourus sans qu’il en coûte beaucoup à l’Etat, sans que nous soyons obligés de surcharger nos budgets. Cela serait d’autant plus facile que les Sociétés de secours ayant aujourd’hui perdu de leur importance par suite de l’application de la loi sur l’assistance, c’est vers les Sociétés de retraites qu’il faut diriger ce courant de bonnes volontés qui est si manifeste dans nos campagnes et qui est si conforme à l’esprit français. Je m’excuse, Messieurs, d’avoir été si long, et je vous prie de vouloir bien voter pour 1900 une imposition extraordinaire de un demi centime afin de pouvoir inscrire au budget de l’exercice prochain un crédit égal à celui qui figure au budget de l’exercice en cours pour le service des pensions de retraite, conformément aux dispositions des articles 55 et 124 de l’Instruction générale du 13 juillet 4893 sur la comptabilité départementale ».

Il nous a semblé intéressant de reproduire in extenso ce rapport non seulement car il s’agissait du premier établi par Ucay au sein du conseil général et au nom de la 1ère Commission mais aussi parce qu’il témoigne non seulement de la haute technicité acquise par l’intéressé en matières de finances et d’assistance publiques mais encore parce que, pour un lecteur du Journal du Droit Administratif, il montre bien en quoi, le docteur en droit de l’Université toulousaine était compétent tant en matières privatiste qu’ici publiciste. Par suite, de nombreuses délibérations nous dépeignent un Victor Ucay très sensible aux questions d’assistance et de secours publics ; l’homme n’hésitant pas à rappeler à ces occasions, son action privée et souvent même bénévole comme membre de sociétés de secours et d’assistance.

Comme au canal de Gignac, le syndicat de la Hille. Victor Ucay a même été investi dans des associations syndicales de propriétaires comme il en fleurit beaucoup à la fin du XIXe siècle ce qui donna lieu, on le sait, à un fort contentieux administratif dont la célèbre association syndicale des propriétaires du canal de Gignac permit à Maurice Hauriou de rédiger l’un de ses plus célèbres commentaires[20] lui faisant exulter un « on nous change notre État » (note sous TC, 09 décembre 1899, Association syndicale du canal de Gignac ; Rec. 731) ! En effet, le droit administratif, ici aussi, allait s’appliquer et consacrer en « établissements publics » les associations syndicales pourtant créés comme à Grenade-sur-Garonne avec l’association syndicale « pour la protection de la Hille » par des propriétaires privés mais reconnues et « autorisées » par la puissance publique les transformant alors en véritables personnes publiques. Le parallèle avec le canal de Gignac (au nord-ouest de Montpellier) est alors frappant avec le bras de la Hille, à Grenade-sur-Garonne. Victor Ucay, propriétaire de terrains qui la traversaient avaient en effet convaincu plusieurs autres propriétaires voisins de se constituer en association syndicale et – pourquoi pas – ressort-il de plusieurs délibérations du conseil général, d’en faire par suite un véritable canal parallèle à la Garonne. Cela aurait constitué, disait-on, un canal commercial plus stable et régulier que le fleuve. D’autres projets envisageaient à l’inverse d’assécher le cours d’eau d’où, en tout état de cause, la création, le 31 juillet 1900, de l’association syndicale dont Victor Ucay fut l’initiateur et le premier président élu. Officiellement, l’objet de l’association était la lutte première contre les inondations de la Garonne (et conséquemment de la Hille) par la construction envisagée d’une digue[21]. Comme celle de Gignac (mais bien plus tôt et ayant connaissance de la décision précitée du Tribunal des conflits de 1899), l’association personne privée à la fin du mois de juillet 1899 fut « autorisée » et donc reconnue par la puissance publique incarnée par la préfecture de la Haute-Garonne le 06 août suivant (1899) comme établissement public. Victor Ucay fut donc à la tête, sous contrôle préfectoral, d’un service public local de protection environnementale ainsi que des propriétés privées.

Ill. 38 © & coll. perso. Mtd. La vérité (sic) sur le canal de Gignac ;
ouvrage écrit par son fondateur, Auguste Ducornot (Paris, Chaix ; 1908).

Le conseiller général Ucay, dès son arrivée à l’assemblée départementale en mars 1899, avait ainsi matérialisé une importante action pour ses contemporains cantonaux par la création, quelques semaines après son élection, de ce syndicat demandé et espéré depuis près de dix années[22]. Dans la presse, les avis furent alors divisés : soit on louait son investissement pro-actif et énergique dès 1899 en mettant en avant la défense du canton et de ses infrastructures, soit (à la Dépêche de Toulouse en particulier), on remarquait comme le doyen Hauriou qu’il s’agissait plutôt d’un intérêt collectif que d’un intérêt général et conséquemment que l’on défendait ici davantage les seuls intérêts bourgeois des propriétaires garonnais à commencer par ceux de Victor Ucay ! Gageons, quant à nous, que la vérité fut certainement mue par ces deux ambitions : servir l’intérêt général et la protection de la Hille grenadine et, au passage, les droits plus privés des propriétaires rassemblés. De nos jours, à Grenade, le combat pour la Hille n’existe plus vraiment et elle continue de couler de façon souterraine en passant notamment sous le skate-park ou circuit routier municipal dédié au roller de vitesse et construit, est-ce-un hasard, au format (ou sur les traces) d’un hippodrome ! Si les terrains précédant sa construction appartenaient à Victor Ucay, il ne peut s’agir d’un simple hasard. Cela dit, si à Gignac, la mairie est désormais sise place Ducornot, juste tribut de la commune pour celui qui a tant fait pour son canal, il n’existe pas encore (ce que l’on pourra regretter) de place Victor Ucay à Grenade-sur-Garonne.

Ill. 39 © Famille Ucay. Convocation, par le Président Victor Ucay,
de l’une des premières assemblées générales (après sa constitution en juillet-août 1899)
de l’association syndicale pour la protection de la Hille (31 août 1899).

Des mutuelles au crédit agricole(s). Précisément, Victor Ucay a été très engagé dans le mouvement mutualiste, syndical agricole et de crédit(s). On le connaît ainsi dans plusieurs associations et sociétés telles que la Mutuelle-Bétail de Merville dont il fut président, le groupement des Silos garonnais, le Syndicat professionnel agricole de la Haute-Garonne ou encore même du Crédit agricole dont il fut, en Haute-Garonne, l’un des fervents promoteurs.

Sans détailler (car cela n’en serait pas le lieu) l’histoire du mouvement des crédits agricoles et de la banque devenue « le » crédit agricole, on en rappellera néanmoins ici quelques aspects fondamentaux. C’est à l’initiative – notamment – d’un ancien membre du Conseil d’État, Louis Milcent (1846-1918) qu’est fondé en 1885, dans le Jura, à Salins-les-Bains, la première « caisse locale de crédit agricole » à l’origine directe de toutes les suivantes. A cette époque, comme en 1896-1898, c’est Jules Méline (1838-1925) qui est à la tête du ministère de l’agriculture et qui va considérablement le marquer non seulement par une politique protectionniste[23] mais encore interventionniste. L’homme originaire des Vosges, qui a été avocat avant de devenir député, connaît bien la création de Salins-les-Bains et son rattachement sinon son inspiration à partir des sociétés mutualistes agricoles allemandes de la même époque. C’est alors lui qui permet, par la Loi du 05 novembre 1894 portant son nom[24], l’érection de sociétés locales de crédit(s) agricole(s) qui permirent, concrètement, outre la constitution de syndicats, celle de caisses locales mutualisées afin de mettre en œuvre la production et la protection agricoles.

Ill. 40 © & coll. perso. Mtd. Jules Méline, ministre de l’agriculture (1883-1885),
caricaturé au regard de sa politique agricole protectionniste
& comme fondateur du « mérite agricole » (in Le Don Quichotte ; 13 mars 1885).

Ainsi, c’est entre 1894 et 1919 que se multiplient dans toute la France les créations de caisses locales et de crédits agricoles. En Haute-Garonne, devant le Syndicat professionnel agricole du département (dont il était un membre moteur), le 11 mars 1900, c’est Victor Ucay[25] qui s’en fit le promoteur et réussira, par suite, à convaincre ses contemporains.

Plusieurs hommes politiques, dont Cruppi on l’a vu, ont voulu décrire (et décrier) Ucay comme un bourgeois propriétaire ne défendant, par le crédit agricole et le syndicat précité, que ses intérêts (et ceux de sa classe) et non l’intérêt général. On l’y raille alors, à gauche, comme ouvrant[26] « le robinet de son éloquence agricole et congrégationniste » et comme ayant osé se « présenter comme le père du Crédit agricole dans le canton ; ce qui ne nous étonne pas puisque seuls les gens riches peuvent bénéficier de cette Loi méliniste et antidémocratique ».

Disons-le simplement : cette affirmation était fausse. En effet, si par le syndicat de propriétaires, il est évident que l’intérêt collectif des possédants était prioritaire, par le crédit agricole, la dimension était autre et bien d’intérêt général. Ainsi, dans les caisses créées après la Loi Méline du 05 novembre 1894, quel que soit le montant de la participation des sociétaires, un principe très démocratique avait été acté selon lequel chaque part sociale comptait pour une seule voix. En ce sens, affirmait Ucay dans sa conférence de 1900[27] :

« Je serais trop heureux, Messieurs, si je pouvais vous faire partager les convictions qui m’animent ; mais, ce que je désire avant tout, c’est que ma voix, si faible qu’elle soit, trouve en vous un écho, et que, franchissant les murs de cette enceinte, elle arrive jusqu’à nos cultivateurs, nos ouvriers, nos paysans, et leur donne l’assurance formelle qu’en favorisant la création d’un crédit agricole, le Syndicat de la Haute-Garonne ne poursuit qu’un but : c’est de travailler sans relâche à l’amélioration matérielle et morale de leur sort ». (…) « L’institution du Crédit agricole est surtout faite pour favoriser le petit propriétaire, le fermier, le métayer et, en un mot, tous ceux qui peuvent avoir besoin de petites sommes et pour un temps relativement court ». Et plus loin : « Soyons tous mutualistes, Messieurs, car nulle devise n’est plus belle, plus humaine et plus réalisable que celle qui est inscrite sur le drapeau de la Mutualité : Tous pour un ; un pour tous ». Invoquant le droit comparé, Ucay affirme même[28] : « Quel que soit d’ailleurs le système adopté, la caisse rurale mutuelle est sûre de réussir. Les six cents caisses qui existent en France sont toutes prospères. A l’étranger, le succès est plus accentué que chez nous. L’Allemagne ne compte pas moins de six mille caisses ; l’Italie en a plus de quatre mille. Leur situation est excellente et leur crédit est supérieur à celui de l’Etat. Il y a quelques jours, Messieurs, visitant ce pays, je fus agréablement impressionné en lisant sur la porte d’une maison de très modeste apparence : « Banco populare », et je me pris à espérer que bientôt, peut-être, je pourrais aussi lire pareille enseigne dans ma propre commune ».

Au même discours, cela dit, les propriétaires comme lui pouvaient espérer une défense collectiviste[29] :

« Lorsque le plus petit commerçant ou industriel veut obtenir du crédit, il trouve des banquiers toujours disposés à lui ouvrir leur guichet ; tandis que le petit propriétaire qui a de bonnes terres au soleil, mais qui à un moment donné a besoin d’une somme, même minime, se voit refuser l’accès de toutes les maisons de banque ».

En 1900, concrètement, le conseiller général Ucay pouvait compter sur le vote récent de la Loi du 31 mars 1899 amplifiant le phénomène mutualiste agricole et lui donnant des liquidités et des assurances financières. Voilà pourquoi Ucay achevait sa conférence précitée par ces mots[30] :

« Telle sera, Messieurs, la Caisse régionale agricole du Midi, que l’Union des syndicats du Midi se propose de fonder à Toulouse et dont le succès sera assuré, grâce à votre précieux concours ». Pour conclure de façon très politique :

« Ces jours-ci, une haute personnalité politique disait : « Le capital doit travailler et le travail doit posséder. — » formule bien platonique si elle est prise à la lettre, car personne ne songerait à empêcher le capital de travailler, pas plus que le travail de posséder, — mais formule bien dangereuse aussi par l’opposition qu’elle semble créer entre le capital et le travail. En effet, à mon sens du moins, le résultat le plus clair de ces paroles est de créer des classes de citoyens et de déchaîner la lutte entre ces classes. Et bien cette lutte nous ne la voulons pas. Nous nous efforçons d’unir les Français et non de les diviser.

Que les capitalistes tendent la main aux travailleurs. C’est de cette alliance entre le capital et le travail, c’est de cette mutualité bien comprise que résulteront l’harmonie et le bonheur de tous. Et, nous, Messieurs, qui aurons favorisé cette alliance par la création du crédit agricole, nous aurons réalisé une partie de cet idéal de justice et d’humanité qui est au fond de tous nos cœurs ».

Ne retrouve-t-on pas ici dans les mots orientés d’Ucay ceux de l’un de ses maîtres en droit administratif à la Faculté de droit de Toulouse ? Henri Rozy signa en effet en 1871[31] un opuscule dont les propos d’Ucay en 1900 sont en droit ligne et l’on ne peut imaginer qu’il ne s’agit que d’un hasard. Ici encore le droit administratif venait inspirer la vie et les travaux du héros de la présente contribution. Depuis l’été 1878, par ailleurs, a-t-on rappelé Rozy était devenu le nouveau directeur du Journal du Droit Administratif.

Ill. 41 © & coll. perso. Mtd. Première de couverture de l’ouvrage
Le travail, le capital et leur accord (Henri Rozy ; 1871).

Plusieurs autres délibérations[32] présentent encore notre homme comme soutenant la demande de tel administré réclamant un secours. Les questions agricoles l’intéressant au plus haut point (du fait notamment de la tradition familiale), on sait même que Victor Ucay a été fort investi dans plusieurs comices et assemblées d’agricultures. Ainsi, en 1936, alors qu’il était âgé de quatre-vingts années, il était encore membre (et doyen) de l’Assemblée générale des silos garonnais[33].

Outre l’agriculture, de façon globale, signalons également que la famille Ucay possédait de nombreux chais qui lui firent, également, gagner quelques prix agricoles. En décembre 1902, ainsi, on la cite[34] comme multi gagnant d’un concours de chais du comice agricole où il remporta notamment une médaille d’argent. La même année, toujours à propos d’alcool, mais cette fois ci en sa qualité de notable érudit et de publiciste, on le vit assister[35] à une conférence, dans le grand amphithéâtre de la Faculté de médecine, du député Gabriel Chaigne (1859-1910) sur le monopole revendiqué étatique de l’alcool.

En joue ? Feu ! En 1901[36], en revanche, on découvre une autre des facettes du Conseiller Ucay, fonctionnaire militaire. Il émet en effet lors de la séance du 15 avril 1901 le vœu suivant :

« Je suis heureux d’avoir été chargé de faire un rapport sur un projet d’enseignement théorique et pratique de tir dans les écoles et pour les adultes, parce que les idées que j’ai à exposer ici me sont chères et que je les préconise depuis longtemps auprès des municipalités de mon canton. Je suis convaincu que le tir devrait être pratiqué dès l’enfance, et qu’il est un complément indispensable de l’enseignement moral et physique. Il développe chez l’enfant des facultés dont il fera plus tard le meilleur usage. Habitué dès ses premiers ans à tenir une arme dangereuse entre ses mains, à la manier, à viser une cible, à faire le coup de feu, à supporter le bruit d’une forte détonation, le jeune homme acquerra de la confiance en lui-même, du coup d’œil, du sang-froid et du courage. Toutes ces qualités feront de lui un homme plus complet, mieux approprié aux luttes de l’existence, plus utile à ses concitoyens ; elles le prépareront surtout à faire un meilleur soldat.

Nous qui sommes passés par cette école du régiment et qui avons l’honneur de lui appartenir encore, nous savons tout le temps qui est perdu chaque année à enseigner aux jeunes conscrits le maniement de l’arme, si bien qu’il s’écoule six mois avant qu’on ose lui faire effectuer un tir réel à longue portée. Et non seulement, Messieurs, ce temps est perdu, mais vous seriez effrayés du maigre résultat que l’on obtient après les écoles à feu. Le pourcentage des balles mises dans la cible est si faible qu’on se demande si une balle sur dix mille pourrait atteindre le but. De là l’énorme consommation de cartouches, la charge qui accable le soldat, et la dépense qu’entraînent l’approvisionnement et le transport des munitions.

Tout cela, Messieurs, pourrait être diminué si le conscrit arrivait au corps après avoir reçu un enseignement sérieux et pratique du tir. Non seulement son instruction militaire serait plus rapide, mieux acquise ; non seulement on pourrait diminuer les fatigues, lui imposer le tir de guerre et affecter à l’amélioration de son ordinaire l’économie faite sur ses munitions, mais on pourrait, et c’est surtout le but qui doit nous préoccuper, diminuer la durée du service militaire.

Ce serait là, Messieurs, un grand progrès que de rendre à l’agriculture des bras qui lui manquent, de rendre à leurs foyers ceux qui en sont involontairement absents, et enfin de diminuer dans une large mesure mis dépenses budgétaires. Je ne veux pas empiéter sur un autre rapport en discutant ici le service de deux ans ou même d’un an, comme le demande la Commission de l’armée ; mais je dis qu’avec le développement de l’instruction, cette réduction, quelle qu’elle soit, s’impose, et elle s’impose d’autant plus que, par la pratique du tir, on aura à l’avance accompli la tâche la plus difficile, la plus délicate qui incombe de l’instruction militaire. Il serait presque banal, Messieurs, de vous citer l’exemple de ce pays qui, d’après l’histoire et peut-être encore la légende, n’a dû sa liberté qu’à la merveilleuse habileté de son héros Guillaume Tell. Il n’est pas moins vrai que depuis sa lutte pour l’indépendance il n’a cessé de développer chez ses enfants le goût de la pratique du tir ; que, défiant toutes les agressions, il est resté le peuple libre par excellence, peuple de montagnards indomptés et indomptables. Aussi, lorsqu’on parcourt ce pays, on remarque, dit-on, dans tous les villages, dans le plus petit hameau, un monument composé d’une toiture pour abriter des cibles et deux murs latéraux pour protéger les passants.

C’est le champ de tir, c’est le champ de la liberté.

Mais quel autre exemple moins probant ne nous offrent pas les événements contemporains ? Une poignée de braves tient tête à une armée dix fois supérieure en nombre, bien disciplinée et admirablement outillée. Et depuis deux ans, ce peuple, selon la belle expression de son président, étonne le monde et soulève l’admiration de tous. Et d’où lui vient sa vigueur, sa force de résistance : de sa pratique du tir. Après avoir porté des coups mortels, les Boërs disparaissent pour se reformer plus loin et faire de nouveau face à l’ennemi, toujours sûrs d’eux-mêmes, confiants dans leur habileté invincible et dans leur courage. Eh bien, Messieurs, cette habileté, ce courage ne s’acquièrent que par une longue expérience du tir. Et c’est pourquoi je suis convaincu qu’en enseignant le tir dès l’école, en poursuivant cet enseignement dans l’âge adulte, nous préparerons à la France de meilleurs soldats, de plus ardents défenseurs, et qu’en mettant dans leurs mains l’arme qui doit sauvegarder l’intégrité du sol, nous allumerons aussi dans leur cœur cette flamme patriotique et cet amour de la liberté qui font les héros ».

La proposition de M. Ucay fut adoptée mais on ignore si elle fut mise en application !

Du rêve du champ de tir comme champ de la Liberté, passons maintenant en revue, l’un des échecs les plus douloureux de Victor Ucay.

1902 & 1910 : les deux rêves de députation nationale
de Victor Ucay
(la 3e circonscription de Toulouse)

Contre Cruppi. C’est sans discontinuité, on l’a dit, que Jean Cruppi, avocat[37] comme Ucay et étudiant également issu de Faculté de Droit pendant les mêmes années puis membre commensal du Conseil général de Haute-Garonne de 1899 à 1901, fut député de Haute-Garonne de 1898 à 1919 (dans le cadre de la 3e circonscription de Toulouse) (avant de devenir Sénateur de 1920 à 1924). L’homme fut également ministre du Commerce (1908-1909), des Affaires étrangères (1911) et même Garde des Sceaux (en 1911-1912). Surtout, il s’agissait plus encore qu’Honoré Serres de l’ennemi politique de Victor Ucay et ce, notamment parce que les positions de Cruppi en matière religieuse n’étaient pas celles de ceux invoquant la neutralité mais bien celles des anticléricaux.

Ill. 42 © & coll. perso. Mtd. Carte de visite de l’ennemi politique de Victor Ucay (1899),
Jean Cruppi y est alors conseiller général aux côtés d’Ucay ainsi que député.

A deux reprises, portés par quelques succès locaux, Ucay voulut s’y confronter mais malheureusement pour lui ne parvint pas à ses objectifs rêvés. En 1902, ainsi (scrutins des 27 avril et 11 mai), il réussit l’exploit de mettre en ballotage son adversaire mais ne l’emporta pas :

  • 1902, au 2nd tour :
    • M. Cruppi, 8376 voix ;
    • M. Ucay, 7578 voix.

En 1910[38] (scrutins du seul 24 avril), c’est dès le 1er tour, que l’indéboulonnable Cruppi l’emporta :

  • 1910[39], au 1er tour :
    • M. Cruppi, « radical socialiste » :7811 voix ;
    • M. Ucay, « conservateur (sic) » : 5589 voix ;
    • M. Emile Bardiès, « socialiste unifié » : 1720 voix.

Sans grande surprise, les journaux contemporains présentaient Ucay comme un « républicain rallié » ou très modéré avant 1900 puis surtout comme un « conservateur » (Le Petit Marseillais) ou encore comme dans Gil Blas daté du 26 avril 1910, comme un « libéral ». La Dépêche du midi, quant à elle, sans surprise non plus, le présentait en 1902[40] comme « candidat clérico-nationaliste-réactionnaire » ; « rétrograde et ambitieux » portant le « drapeau de la réaction » contre le député sortant Jean Cruppi. Le 31 suivant La Dépêche mentionnait même qu’Ucay calomnierait Cruppi en le faisant passer pour corrupteur alors qu’il ne ferait qu’aider ses concitoyens et aurait porté, lui, le chemin de fer de Toulouse à Cadours alors que Victor Ucay au Conseil général s’y serait opposé.

On l’a compris, pour les journaux républicains de gauche, Ucay était décrit comme un conservateur réactionnaire, jugé trop proche de l’Église catholique, et des réseaux royalistes. On écrit même ainsi à son propos que « la fleur de lis a élu domicile chez lui » (ce qui est une manière de rappeler son union maritale avec une fille de Baron).

« Laissez Grenade à ses enfants » ! En 1901, un article anonyme (in La Dépêche, 17 juillet 1901) relate qu’il oserait intituler sa profession de foi « Laissez Grenade à ses enfants » pour dénoncer la candidature d’un non natif de cette commune et alors que lui-même avait navigué entre Toulouse (pour ses études et ses affaires comme avocat) mais aussi Merville dont il sera le premier édile. Il y est par suite décrit comme un « maître (sic) dupeur » toujours prêt à la « roublardise » et ce, pour ces deux exemples de la fin et du début de siècle : « en mars 1899, à la veille du scrutin pour le conseil général, il disait « la mairie à M. Bosc, que j’aime beaucoup ; à moi le conseil général ». Il en aurait été élu au conseil du département avec les voix de républicains qui auraient accepté ce « partage » entre le républicain Bosc et lui. Toutefois, dès 1900, Ucay aurait dénoncé cet accord pour chercher à renverser le maire de Grenade « qui a le tort impardonnable d’être l’ami de Serres ».

Victor Ucay, Républicain libéral. Outre en 1944 où, peut-être du fait de l’Union nationale, on connaît un nouvel engagement électif de Victor Ucay (au conseil municipal de Grenade-sur-Garonne), il semblerait qu’après 1919 et son mandat de maire de Merville, l’engagement direct – comme élu – se soit tu. Toutefois, comme un dernier combat dans l’arène politique, cette année 1919 (où le capitaine Ucay, devenu de réserve, avait déjà 63 ans) fut politiquement encore importante à ses yeux. En novembre 1919 en effet (les 16 et 30) était élue la « chambre bleue horizon » des députés formée (d’où la couleur bleue des uniformes) de fort nombreux anciens combattants et – politiquement – d’une alliance centriste et conservatrice ancrée à droite. Au Sénat, analyse Fabien Connord[41] « les élections sénatoriales qui se déroulent [à partir de 1920 (…)] permettent de mesurer le reclassement du radicalisme vers la droite de l’échiquier politique et la résistance de la discipline républicaine dans les esprits de gauche ». Concrètement, voici l’état politique et fractionné des lieux :

  • au niveau national, on l’a rappelé, la chambre des députés est celle du Bloc national, conservateur, républicain et portant à droite ;
  • parallèlement ou plutôt à l’opposé de l’échiquier, viennent en revanche d’être élus des conseils municipaux ancrés à gauche et parfois même au cœur du nouveau parti communiste qui se positionne de façon plus révolutionnaire que la Sfio[42].
Ill. 43 © & coll. perso. Mtd. Extraits de la « une » du Petit Journal du 21 décembre 1919.

A Merville même, la Gauche reprend le pouvoir municipal à la fin du mandat de Victor Ucay qui comprend immédiatement que les élections sénatoriales de 1920, qui éliront non pas une mais deux séries (puisqu’aucun renouvellement n’a été effectué pendant la Première Guerre mondiale), vont être décisives au regard de la composition via les élus locaux et notamment municipaux, « grands électeurs » des sénatoriales. En ce sens, précise toujours Fabien Connord[43] :

« L’essentiel du corps électoral est issu des élections municipales de novembre et décembre 1919. Celles-ci se sont révélées plutôt favorables aux gauches, et « la Haute Assemblée, si souvent représentée comme la « citadelle de la réaction », le Sénat, « obstacle au progrès de la démocratie », prend aujourd’hui, aux yeux de certains partis encore tout meurtris du résultat des élections législatives, l’apparence d’une Assemblée de salut et de redressement[44] ».

Lors des élections municipales de 1919, « on a donc, ici et là, reconstitué le bloc des gauches, sous prétexte de sauver la République, d’affirmer une politique de progrès contre la réaction et le cléricalisme[45] ». Une telle pratique signifie la persistance, au-delà de la Première Guerre mondiale, de la tactique habituelle de rassemblement à gauche et augure d’une telle continuité lors des élections sénatoriales. C’est le vœu de La Dépêche[46] de Toulouse qui lance un appel à l’union des « trois grands fractions du parti républicain ». Dans l’Hérault, les élus socialistes lancent un appel en faveur de leur camarade Camille Reboul, « à côté des deux candidats qui seront désignés par les autres groupements républicains ». Le texte s’inscrit dans « le regroupement de toutes les forces républicaines de gauche qui s’est opéré dans les élections municipales et cantonales ». Dans sa profession de foi, Camille Reboul demande en quelque sorte réparation aux grands électeurs des résultats produits par les élections législatives[47] : « La représentation législative élue le 16 novembre dernier dans le département, ne correspond pas, au point de vue politique, à ce qui s’est dégagé des élections municipales et cantonales. Il faut donc que pour correctif, les Sénateurs que vous élirez le 11 janvier prochain, soient l’expression la plus fidèle des Conseils municipaux, des Conseils d’arrondissement et du Conseil général. En votant pour moi, vous manifesterez donc nettement votre sentiment de réagir contre les résultats du scrutin législatif et aussi contre la Chambre de réaction dont nous sommes dotés ».

On imagine aisément que Victor Ucay, défait aux municipales de 1919 et voyant remonter « les gauches » singulièrement en Haute-Garonne, ait désiré s’impliquer dans ce mouvement de résistance. C’est dans ce contexte qu’il rédigea un « appel » aux grands électeurs auquel on a eu la chance de pouvoir accéder grace aux archives familiales privées. Dans ce document adressé aux « délégués sénatoriaux », c’est-à-dire aux grands électeurs des élections sénatoriales à venir de 1920, Victor Ucay prévient et menace des conséquences graves en cas d’inaction(s). Il commence néanmoins par un constat et une bonne nouvelle au regard du camp républicain libéral auquel il appartient :

« le suffrage universel s’est prononcé dans la Haute-Garonne en faveur du parti libéral » ce qui a permis d’envoyer à la Chambre des députés quatre élus conservateurs sur les sept circonscriptions en jeu. Pourtant, au lieu de revigorer les troupes, ce score n’a pas encore permis la constitution, pour les sénatoriales à venir, de listes libérales ; seules deux « listes radicales » de gauche étant actuellement constituées.

Victor Ucay, ancien capitaine, ne mache alors pas ses mots et ose comparer, au sortir de la Guerre, « l’abandon de la lutte à un moment aussi critique » à « l’abandon du poste devant l’ennemi ». C’est alors l’ancien combattant Ucay qui s’exprime et rappelle à ses concitoyens que lui, depuis 1900 sans discontinuité, a été sous « le drapeau du parti républicain libéral » en combattant notamment son ennemi politique de toujours, le député Jean Cruppi que précisément les élections de 1919 ont renversé.

« Et après une si belle lutte poursuivie pendant vingt années et si bien terminée par la victoire, on viendrait nous dire qu’il faut restaurer ce même Cruppi et le porter sur le pavois ! Quelle aberration ou plutôt quelle abdication » !

« Laissons de côté les mesquines combinaisons politiques » conclut même le capitaine de réserve devenu le « sage » politique de Grenade avant de lancer un franc « Vive la République » qu’on lui reprochait, vingt ans plus tôt, de ne pas assez assumer. C’est bien ici à un dernier sursaut qu’appelait Ucay puisque, même si le document n’est pas formellement daté, il évoque « dimanche prochain » et doit donc avoir été diffusé dans la semaine précédent le dimanche 11 janvier 1920. Malheureusement pour l’animal politique Ucay, c’est encore Jean Cruppi qui allait l’emporter devant lui et son appel n’y suffira pas. En effet, rapporte le Journal officiel des débats du Sénat[48], « MM. Honoré Leygue, Fabien Duchesne, Jean Cruppi et Raymond Blaignan ont été proclamés sénateurs comme ayant réuni un nombre de voix au moins égal à la majorité absolue des suffrages-exprimés et supérieur au quart des électeurs inscrits ».

Ill. 44 © Famille Ucay. Lettre imprimée et appel du docteur Victor Ucay
aux « grands électeurs » des élections sénatoriales (1919).

Mais quittons maintenant l’arène politique pour envisager plus sereinement Victor Ucay comme un amoureux des chevaux et des courses hippiques.

Le rêve réalisé des courses hippiques

En effet, si Victor Ucay n’a pas fini député, il peut s’enorgueillir d’avoir remporté et fait gagner de nombreux prix aux chevaux qu’il accompagnait et élevait. D’où lui vint cette passion ? Vraisemblablement de ce que la famille Ucay était à la tête, on l’a dit avec notamment Barthélémy Ucay, du service local de messageries et de diligences qui avait intégré dans la maisonnée de Grenade des écuries notamment. Dès sa prime enfance, les chevaux accompagnèrent donc Victor.

Ill. 45 © Famille Ucay. Victor Ucay à l’épingle de cravate en fer à cheval (circa 1910).

En 1901, par exemple, la presse locale mentionne[49] à propos d’un concours de Castelsarrasin, que les « primes allouées aux chevaux qui ont pris part au concours » ont gratifié « Utile » un « demi-sang de M. Victor Ucay » ayant reçu trois des primes. Par suite, les prix tombent et s’accumulent. Citons ainsi entre autres, mais parmi tant d’autres :

  • en 1902, une victoire[50] avec un demi sang nommé Alezan au concours de chevaux de Selle ;
  • en 1904 comme en 1926, des succès[51] à des concours de pouliches ;
  • même la presse spécialisée le félicite ainsi que le fait le journal Le Jockey du 18 octobre 1928 à propos  de la vente d’une de ses pouliches Clairette VI, pouliche baie, née en 1925 par Clairon & Finette.

On sait même que la passion des chevaux était telle chez lui, qu’il en créa, à Grenade, le premier champ privé originellement (et désormais public) de courses hippiques : un lieu pour les chevaux et leurs amateurs, un lieu qui – reconnaissance ultime – engendrera après sa mort le fait que plusieurs prix hippiques portent désormais son nom.

Aujourd’hui, du reste, à Grenade-sur-Garonne, l’hippodrome dit de Marianne (devenu propriété publique a priori après la Seconde Guerre mondiale) doit aussi beaucoup aux investissements et efforts de Victor Ucay. Il n’est cependant évidemment pas le lieu dans un article à dominante juridique de s’étendre sur ces questions mais il était impensable de ne pas les mentionner tant les chevaux eurent une place importante dans la vie de l’homme. Deux exemples en témoignent encore : la photo retrouvée par la famille Ucay et reproduite ci-dessus avec leur autorisation ainsi que le port du nom de « prix Ucay » donné, encore en 2021[52] on l’a dit, à plusieurs courses hippiques en considération de l’action qu’il porta pour la cause hippique.


Le professeur Touzeil-Divina tient à remercier la mairie de Grenade-sur-Garonne, l’Université Toulouse 1 Capitole et, surtout, la famille de Victor Ucay pour leur disponibilité et l’accès privilégié à leurs sources.


Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2021, Art. 352.


[a] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Chauveau [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 14 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=128.

[b] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Batbie [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 15 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=131.

[c] Touzeil-Divina Mathieu, « Le premier et le second Journal du Droit Administratif (Jda) : littératures populaires du Droit ? » in Guerlain Laëtitia & Hakim Nader (dir.), Littérature populaires du Droit ; Le droit à la portée de tous ; Paris, Lgdj ; 2019 ; p. 177 et s. ; Eléments en partie repris in : Journal du Droit Administratif (Jda), 2019, Eléments d’histoire(s) du JDA (1853-2019) I à IIII [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 253, 254 et 255. En ligne depuis : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=2651.


[1] Cf. aux archives nationales sous la cote LH/112/3.

[2] Jorf du 07 avril 1899 ; p. 2333.

[3] Profession de foi du candidat Serres publiée dans l’édition du 04 mars 1899 de La Dépêche ; p. 03.

[4] Il est amusant, pour l’anecdote, de se souvenir que la famille Ucay doit l’un de ses élèvements sociaux à l’entreprise, précisément, de « messagerie » et de diligences de Barthélémy Ucay.

[5] Tels que rapportés par La Petite République dans son édition du 22 mars 1899 ; p. 02.

[6] Né le 31 octobre 1845 et décédé le 31 octobre 1917 comme le rapporte l’édition de La Dépêche du 02 novembre 1917 ; p. 03.

[7] La Dépêche, édition de Toulouse du 23 mars 1899 ; p. 03.

[8] La Dépêche évoque ses concurrents de L’Express du midi, du Messager de Toulouse et même du Télégramme qui avait rallié la candidature d’Ucay entre les deux tours.

[9] Rédigé par les archives départementales du ressort ; dans sa version provisoire de 2006 ; p. 41.

[10] La Dépêche, édition de Toulouse du 11 juillet 1901 ; p. 03.

[11] On reviendra infra sur la discussion de ce point.

[12] Ibidem.

[13] Il a même tout fait en ce sens, retiennent quelques témoignages, pour sauver et sauvegarder plusieurs des biens de l’Église (notamment à Grenade-sur-Garonne) lors de la nationalisation et des « partages » de ceux-ci en application des Lois et règlements de séparation des Églises et de l’État.

[14] La Dépêche, édition de Toulouse du 23 avril 1906 ; p. 04.

[15] La Dépêche, édition de Toulouse du 23 juillet 1901 ; p. 02.

[16] L’homme fut Préfet de la Haute-Garonne du 25 juillet 1898 au 20 octobre 1911.

[17] Conseil général de la Haute-Garonne, Rapports et délibérations ; Toulouse, Privat ; 1899.

[18] Ibidem.

[19] On sait que Victor Ucay a effectivement appartenu et même présidé plusieurs sociétés ou mutuelles de ce type (dont la Mutuelle-Bétail de Merville qu’il a présidée) et qu’il a même été un « fer de lance » du mouvement propre au Crédit agricole ; on y reviendra.

[20] In Rec. Sirey ; 1900.III.49.

[21] Ainsi qu’il en ressort par exemple d’une délibération du conseil général de 1892 (aux Rapports et délibérations du Conseil général de la Haute-Garonne préc.).

[22] Ibidem.

[23] Bezbakh Pierre, « Jules Méline (1838-1925), chantre du protectionnisme » in Le Monde ; 29 août 2014.

[24] On qualifiera de « Loi méliniste » toutes les normes issues de cette politique. On doit par ailleurs également à Méline la création du « poireau » avec (ou en) lequel il est souvent caricaturé (c’est-à-dire la médaille du mérite ou parfois dit « Méline » agricole).

[25] Ucay Victor, Conférence sur le crédit agricole ; les caisses régionales et rurales ; Toulouse, 11 mars 1900.

[26] La Dépêche, édition de Toulouse du 11 juillet 1901 ; p. 03.

[27] Ucay Victor, Conférence sur le crédit agricole ; op. cit.

[28] Ibidem.

[29] Ibidem.

[30] Ibidem.

[31] Rozy Henri, Le travail, le capital et leur accord ; Paris, Guillaumin ; 1871.

[32] Y compris la dernière citée.

[33] La Dépêche, édition de Toulouse du 03 août 1936.

[34] La Dépêche, édition de Toulouse du 14 décembre 1902.

[35] Ce que relate La Dépêche, édition de Toulouse du 1er juillet 1902.

[36] Conseil général de la Haute-Garonne, Rapports et délibérations ; Toulouse, Privat ; 1901.

[37] Puis magistrat et notamment avocat général à la Cour de cassation en 1896.

[38] Résultats par exemple annoncés (avec quelques erreurs minimes dues à leur absence d’officialité) dans Le Petit Marseillais du 25 avril 1910.

[39] On apprend même qu’un dénommé Maurice Henri, publiciste (sic) s’était également présenté mais il se serait rapidement désisté.

[40] La Dépêche, édition de Toulouse du 29 mars 1902 ; p. 04.

[41] Connord Fabien, Les élections sénatoriales en France ; 1875-2015 ; Rennes, Pur ; 2020 ; p. 75.

[42] Section française de l’Internationale ouvrière fondée en 1905 et qui deviendra le Parti socialiste.

[43] Ibidem.

[44] Le Petit Courrier, 6 janvier 1920 cité par F. Connord.

[45] Le Temps, 9 décembre 1919 cité par F. Connord.

[46] La Dépêche de Toulouse, 30 décembre 1919 ; id.

[47] Archives Départementales 4 AD Hérault, 3 M 1306, élections sénatoriales 1920 ; citées par F. Connord.

[48] Jorf – débats du Sénat ; 2e séance du 13 janvier 1920 ; p. 07.

[49] La Dépêche, édition de Toulouse du 24 septembre 1901 ; p. 02.

[50] La Dépêche, édition de Toulouse du 27 juin 1902.

[51] La Dépêche, éditions de Toulouse des 17 mai 1904 & 11 juillet 1926.

[52] Retenons par exemple le prix Victor Ucay matérialisé le 04 octobre 2020 à Agen et ayant consacré Marahill Girl ; le même prix (toujours à Agen) le 14 mars 2021 en « galop plat » au profit de True Amitié et même, à Grenade-sur-Garonne, le prix Victor Ucay du 15 août 2020.

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ParJDA

Du Jda oublié à l’affaire des affiches lacérées

Art. 353.

Par M. le professeur Mathieu Touzeil-Divina,
fondateur et directeur du Journal du Droit Administratif,
professeur de droit public à l’Université Toulouse 1 Capitole, IMH

Le présent article est dédié à M. le professeur B. Pacteau
– en respectueux hommage –
ainsi qu’à la famille de M. Victor Ucay

Des fondateurs aux lecteurs. Le Journal du Droit Administratif (Jda) a été fondé en 1853 et ce, notamment par les professeurs de la Faculté de Droit de Toulouse, Adolphe Chauveau[a] (1802-1868) et Anselme (Polycarpe) Batbie[b] (1827-1887). Il nous a été donné, déjà, non seulement de leur rendre un juste hommage et tribut mais encore de revenir sur l’histoire même[c] du premier (et pérenne) média spécialisé dans la branche dite publiciste du droit administratif. Après nous être ainsi intéressés à ses fondateurs et à ses promoteurs, penchons-nous maintenant sur leurs lecteurs.

Il nous a alors semblé intéressant – dans le cadre de la section « Histoire(s) du Droit Administratif » – de mettre ici en lumières – en cinq articles ainsi répartis – les éléments que nous avions trouvés, entre droit administratif, histoire locale et politique mais aussi généalogie, concernant Victor Ucay (1856-1950) :

V. Du Jda oublié
à l’affaire des affiches lacérées

Assurément, Victor Ucay fut un personnage politique important et un véritable juriste d’envergure. On a ainsi pris beaucoup de plaisirs à relire ses écrits et ses engagements (même si on ne les partagerait pas tous pour autant). L’homme semblait passionné et fondamentalement habité d’une envie d’agir pour la Cité et les plus nécessiteux. Sa passion pour le monde agricole, les chevaux, le droit administratif ou encore les questions fiscales semble évidente.

On est alors peu étonné de constater que sa présence était recherchée et appréciée des notables et la lecture de la presse nous apprend même qu’il fit partie de la liste des jurés tirés au sort pour siéger[1] en Cour d’assises en 1911 même si l’on n’en sait encore pas davantage sur cette participation potentielle.

Pour terminer ce portrait d’un de nos abonnés, on a voulu exprimer ici une quasi uchronie.

Que se serait-il en effet passé si Victor Ucay avait lu le Journal du Droit Administratif qui lui était destiné en juillet 1878 ? L’a-t-il reçu et non ouvert et dans cette hypothèse comment s’est-il retrouvé près d’un siècle et demi après à Bordeaux puis à Toulouse ? De même, s’il n’a jamais reçu ledit numéro, comment a-t-il pu à ce point être égaré ?

On ne le saura vraisemblablement jamais.

On sait en revanche, ainsi qu’on l’a expliqué supra, que le numéro oublié contenait quelques précisions (au n°3252) sur la question de la responsabilité d’un élu qui avait lacéré les affiches électorales d’un candidat. Et Victor Ucay n’avait pas eu – et pour cause – connaissance de cet article. Or, nous apprend-t-on[2] en mai 1902, quelques jours avant le second tour des législatives opposant Cruppi et Ucay, le député sortant s’était ému de ce qu’Ucay aurait – précisément – fait lacérer et contre placarder certaines des affiches du député Cruppi avec une bannière « aux républicains honnêtes » à qui l’on recommandait l’abstention contre Cruppi afin qu’elle profitât à Ucay !

Était-ce un simple argument voire une calomnie de campagne ? De la contre-propagande ? Ucay avait-il vraiment lui-même lacéré ou fait lacérer des affiches ? On ne le sait pas plus mais l’on s’amuse à penser que s’il avait été destinataire du Jda oublié, peut-être y aurait-il réfléchi à deux fois.

Il existe encore, en conclusion, de nombreuses pistes à aller explorer à propos de la vie et des travaux de Victor Ucay, l’un des premiers abonnés de notre Journal du Droit Administratif.

  • Pourquoi avait-il voulu faire une thèse de doctorat ?
  • Qui décida d’attribuer son patronyme à des courses hippiques ?
  • Jean Cruppi appréciait-il – derrière le masque politique – le commensal Ucay ?
  • Avait-il rencontré, en politique ou à Toulouse, un Jean Jaurès (1859-1914) ?
  • Reste-t-il quelques traces oubliées mais écrites des éventuelles plaidoiries au Palais de Justice de l’avocat Ucay ?
  • Quels liens entretint-il avec plusieurs des professeurs de la Faculté dont les professeurs de droit administratif Rozy, Vidal, Wallon et même Hauriou ?
  • Ucay appartint-il à d’autres sociétés savantes ou autres ?
  • Comment le numéro oublié du Jda fut-il retrouvé à Bordeaux ?
  • Et, surtout ( ?), combien de temps y fut-il abonné ?

Il reste encore et heureusement à chercher, à trouver et à écrire mais l’on est heureux de pouvoir ainsi saluer la mémoire de ce glorieux personnage. Enfin, il faut évidemment mentionner ici le décès de Victor Ucay. Il advint le 18 décembre 1950, à Grenade, « en son domicile rue Gambetta ». Victor était alors presque centenaire et son corps a été par suite inhumé au cimetière de Grenade, la Chapelle de Saint Bernard, autrefois appelé l’ancien cimetière.

Ill. 46 © Commune de Grenade-sur-Garonne. Certificat de décès de Victor Ucay.

Le professeur Touzeil-Divina tient à remercier la mairie de Grenade-sur-Garonne, l’Université Toulouse 1 Capitole et, surtout, la famille de Victor Ucay pour leur disponibilité et l’accès privilégié à leurs sources.


Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2021, Art. 353.


[a] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Chauveau [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 14 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=128.

[b] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Batbie [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 15 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=131.

[c] Touzeil-Divina Mathieu, « Le premier et le second Journal du Droit Administratif (Jda) : littératures populaires du Droit ? » in Guerlain Laëtitia & Hakim Nader (dir.), Littérature populaires du Droit ; Le droit à la portée de tous ; Paris, Lgdj ; 2019 ; p. 177 et s. ; Eléments en partie repris in : Journal du Droit Administratif (Jda), 2019, Eléments d’histoire(s) du JDA (1853-2019) I à IIII [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 253, 254 et 255. En ligne depuis : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=2651.

[1] La Dépêche, édition de Toulouse du 06 mai 1911.

[2] La Dépêche, édition de Toulouse du 10 mai 1902 ; p. 04.

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ParJDA

Victor UCAY, l’avocat propriétaire notamment marié à l’Armée

Art. 351.

Par M. le professeur Mathieu Touzeil-Divina,
fondateur et directeur du Journal du Droit Administratif,
professeur de droit public à l’Université Toulouse 1 Capitole, IMH

Le présent article est dédié à M. le professeur B. Pacteau
– en respectueux hommage –
ainsi qu’à la famille de M. Victor Ucay

Des fondateurs aux lecteurs. Le Journal du Droit Administratif (Jda) a été fondé en 1853 et ce, notamment par les professeurs de la Faculté de Droit de Toulouse, Adolphe Chauveau[a] (1802-1868) et Anselme (Polycarpe) Batbie[b] (1827-1887). Il nous a été donné, déjà, non seulement de leur rendre un juste hommage et tribut mais encore de revenir sur l’histoire même[c] du premier (et pérenne) média spécialisé dans la branche dite publiciste du droit administratif. Après nous être ainsi intéressés à ses fondateurs et à ses promoteurs, penchons-nous maintenant sur leurs lecteurs.

Il nous a alors semblé intéressant – dans le cadre de la section « Histoire(s) du Droit Administratif » – de mettre ici en lumières – en cinq articles ainsi répartis – les éléments que nous avions trouvés, entre droit administratif, histoire locale et politique mais aussi généalogie, concernant Victor Ucay (1856-1950) :

III. Victor Ucay,
l’avocat propriétaire
notamment marié à l’Armée

Le propriétaire Victor Ucay. Si, comme on le verra, le « métier » ou la fonction principale de Victor Ucay a officiellement été celle de militaire, outre ses compétences juridiques et son titre d’avocat au Barreau de Toulouse, il faut également citer ici sa principale source de revenus (outre sa vocation hippique sur laquelle on reviendra infra) : celle de « propriétaire » agricole et terrien. Là encore, l’étendue et la diversité des facettes du personnage étonne. On le retrouve à la tête d’une coopérative des cornichons, d’un élevage sylvicole de peupliers, de chais pour ses vignes, etc.

Ill. 19 © Famille Ucay. Une des cartes de visite de type commerciale
du « propriétaire » Victor Ucay (circa 1880).

Maître & docteur Ucay. Avant même celui de « docteur en droit » avec lequel il signait parfois, y compris officiellement, le premier titre dont Victor Ucay était fier était celui d’être (ou d’avoir été) avocat. A titre personnel, cependant on ignore presque tout sur cette fonction d’auxiliaire de la Justice. On sait, certes, qu’il fut rattaché d’abord au Barreau de Toulouse à partir de 1879 vraisemblablement ce qui correspond au moment où, après avoir conquis en novembre 1877 le grade de licencié en Droit, il s’est dirigé vers les affaire contentieuses mais ce, a priori, seulement en fin d’année 1878 voire aux débuts de 1879. En témoigne précisément le numéro du Jda reçu en juillet 1878 et sur lequel il n’est encore identifié que comme « étudiant en droit » et non en qualité d’avocat. Cela dit, peut-être que le Jda n’avait pas encore répercuté l’information. En tout état de cause c’est bien entre 1878 & 1879 que cette inscription au Barreau de Toulouse se fit c’est-à-dire au moment où l’ordre était dirigé par Henri Ebelot (1831-1902) de 1877 à 1879 ou même lorsque (de 1879 à 1881) Joseph Timbal (1856-1905), l’un des premiers promoteurs du droit constitutionnel à la Faculté de Droit de Toulouse, y accéda.

Ces premiers éléments actés, il faut avouer que l’on n’a pas encore retrouvé d’archives sur son activité contentieuse. Était-il lié à d’autres avocats ? S’était-il spécialisé ? Avait-il brillé dans l’un des tribunaux du ressort toulousain ?

C’est un quasi-mystère. Les ouvrages référents sur l’histoire des avocats et du Barreau de Toulouse[1] ne le mentionnent à aucun moment et même la lecture de la presse locale ne permet pas d’avoir des renseignements sur la question. Il semble même ne pas participer par exemple aux travaux de l’Académie de législation[2] comme l’on fait plusieurs notables toulousains singulièrement pour les docteurs en Droit s’étant confrontés à l’exercice de la recherche.

En revanche, on sait qu’il participa à une autre société savante juridique et toulousaine : la Société de Jurisprudence de Toulouse. Fondée en 1812 notamment par le magistrat Antoine François Héloin (1779-circa 1860), la société comptait 24 membres à son origine et prit pour devise « crescit eundo » afin de montrer sa croissance évolutive. Comme l’indique, en 1880, l’avocat, collègue de Victor Ucay, docteur en Droit et futur Bâtonnier de l’Ordre, Paul Desarnauts (1856-1922), la Société avait essentiellement trois sortes de travaux[3] : « plaidoiries, discussions, débit oratoire ». Et, à lire, les comptes-rendus de ses activités, il s’agissait surtout de formes de procès fictifs où les uns et les autres s’affrontaient en des joutes oratoires mais aussi écrites. Il arrivait même que la société offrit son concours à l’instar d’une clinique juridique[4] à des parties qui la consultait et l’on ne doute pas que c’est à cet égard, en particulier, que Victor Ucay eut plaisir à y participer. Plusieurs documents issus des archives privées de la famille attestent de la présence de Maître Ucay aux travaux de ladite Société.

Ill. 20 © Famille Ucay. Liste des 35 membres résidents (dont Victor Ucay)
de la Société de Jurisprudence (circa 1879).
Ill. 21 © Famille Ucay. Première page du nouveau règlement
de la Société de Jurisprudence de Toulouse (1879).

On sait ainsi grâce aux « papiers de famille Ucay » qu’en 1879 Victor Ucay (qui reçut copie du nouveau règlement de la société ; cf. supra doc. 21) faisait partie de ses « 35 » membres résidents. Un autre document (cf. supra doc. 20) le mentionne au crayon de bois comme « Président » de ladite institution. (…) .

Au 13 septembre 2021, on a reçu entre temps un nouveau document confirmant le pressentiment émis ci-vant : en 1887 – au moins – Victor Ucay fut bien président de la société de Jurisprudence toulousaine comme en témoigne cette nouvelle archive retrouvée :

Ill. 21 BIS © Famille Ucay.

On signale par ailleurs le caractère « sélectif » de cette société aux 35 membres résidants (pas un de plus !) et devant régulièrement, au décès ou au départ de l’un d’entre eux, renouveler ses membres ce dont atteste le document 20. sur lequel la main de Victor Ucay a biffé ou agrémenté d’une croix les noms des anciens membres de l’année passée (1878 ?) partis de l’association et devenus pour certains membres seulement « affiliés ».

Par ailleurs, si l’on en croit ses descendants (et l’on ne peut que les croire !), Maître Victor Ucay n’aurait même peut-être jamais plaidé. Il était conseiller juridique et, du reste, manifestement fréquemment consulté pour ce faire. Il était un juriste prêt à proposer ses services et ses conseils, mais a priori, même si on le décrit excellent orateur, il n’aurait pas plaidé ses affaires.

Voilà encore une conception très moderne des fonctions d’avocat qui allaient devenir celles d’avocat-conseil. On sait même que l’une de ses qualités était d’être si à l’écoute de ses contemporains qu’il en aurait été un « marieur » hors pair, capable de conseiller là encore les unes et les uns sur leurs possibilités de rencontrer et de former de beaux mariages.

Seule certitude, Maître Ucay même lorsqu’il fut intégré à l’Armée (on y reviendra) portera longtemps (sinon toujours) comme en sautoir son titre d’avocat. En 1892, ainsi, on retrouve cette mention (même s’il ne plaide peut-être déjà plus) sur un faire-part de deuil mentionnant le décès de Jean Dubor (1813-1892), un grand-oncle maternel de Victor, du côté de la branche Garres. On retrouve ici l’une des caractéristiques des juristes (bien loin d’être propre à Victor Ucay) : le besoin d’affirmer ses titres et de les revendiquer. Ainsi, dans le faire-part ci-dessous publié, rares sont les personnes à faire mention de leurs titres : seul un notaire et deux avocats (dont Victor Ucay) le font aux côtés d’un abbé et d’un capitaine.

Ill. 22 © & coll. perso. Mtd. Faire-part de deuil de M. Jean Dubor (1813-1892)
faisant apparaître au convoi funéraire, « Monsieur Victor Ucay, avocat ».

Le premier mariage : à la famille de Guibert. C’est le 28 novembre 1899, à Auterive (arrondissement de Muret, en Haute-Garonne) que Victor Ucay, alors âgé de quarante-trois ans, épouse[5] une Toulousaine noble et issue d’une grande famille militaire : Julie-Marie[6] (Joséphine Adèle Victorine) de Guibert (1872-1917), fille de (Marie Eudore) François de Guibert (1841-1892), propriétaire à Auterive, et de Louise (Paule Marquette (sic) Marie Joséphine) Balby de Monfaucon (1839-1915), descendante du Baron Joseph de Cabalby (1732-1807), son trisaïeul, Seigneur du Château de Monfaucon à Latrape ; son bisaïeul étant Honoré de Balby de Monfaucon (1801-1886), officier des haras royaux (de 1820 à 1832).

Il s’agit là d’une très belle union pour les deux familles et, sans grand étonnement, même si la thèse de doctorat en droit du docteur Ucay avait porté sur le régime dotal[7] de la femme, on imagine que la noble famille de la mariée en particulier y préféra un contrat de mariage qui fut, en l’occurrence, signé à l’étude d’Auterive de Maître Cuzès.

Ill. 23 © Ad 31. Extrait du registre municipal d’état civil d’Auterive (1899)
 – AD 31 ; 2 E IM 1931 – Auterive 1 E 31.
Ill. 24 © Ad 31. Extrait du registre municipal d’état civil d’Auterive (1899)
 – AD 31 ; 2 E IM 1931 – Auterive 1 E 31 avec signature autographe de Victor Ucay.

Victor et Marie-Julie donneront naissance à au moins trois enfants selon nos recherches :

  • Jean (Louis Marie) Ucay (1903-1949) qui épousera Yvonne (Maie Claire) Douzans[8] (1911-1999) et qui reprendra la charge des terres agricoles ainsi que deux filles :
  • Marie (Hippolyte Victoria) Ucay (1904-2002) qui épousera l’officier de marine Jacques (Paul Eugène Henri) Prim (1905-1962)
  • ainsi que Madeleine (Anne Marie Marguerite) Ucay (1905-1945) qui convolera également en noces avec un haut-serviteur de l’armée française, André (Eugène Justin Joseph Adel) Bourret (1900-1974), médecin et officier de Marine.

Ainsi, à l’exception de son fils qui reprendra la tradition agricole et propriétaire des Ucay, les deux filles de Victor seront mariées à des militaires comme leur père. On a même retrouvé traces d’un faire-part de mariage de la troisième des filles Ucay en 1928. Sur ce document, tous les titres les plus prestigieux de Victor Ucay figurent : son doctorat en droit de 1881, sa Légion d’Honneur de 1918 (on y reviendra) mais non plus – comme disparu ou d’importance moindre – sa qualité première d’avocat.

Ill. 25 & 26 © & coll. perso. Mtd. Faire-part de mariage des familles Ucay & Bourret (1928).

Un mot peut-être, désormais, sur les lieux d’habitation connus de Victor Ucay :

  • à partir de sa naissance, on sait qu’il grandit dans la maison familiale de Grenade-sur-Garonne, rue Gambetta (alors nommée rue Notre-Dame (puisque partant de l’église Notre-Dame de Grandselve) ; maison où décéda également le 06 août 1870 son grand-père, Barthélémy Ucay (1805-1870) et les deux ascendants de ce dernier) ;
  • comme étudiant à Toulouse (au moins a priori de 1874 à 1881 jusqu’au doctorat) et peut-être dans ses débuts comme avocat, on sait qu’il logeait au 01, rue du Fourbastard près du Capitole là où le numéro de 1878 du Jda lui fut adressé ;
  • à son décès, on le signale, comme un retour, rue Gambetta (dans la maison familiale où son père même décéda le 02 novembre 1903) à Grenade-sur-Garonne.

Entre temps, outre le domaine et les chais de Grenade, on lui connaît[9] plusieurs lieux de résidence toulousains (peut-être issus de la famille de son épouse) et notamment ceux où naquirent ses enfants :

  • Jean est ainsi identifié le 11 mai 1903 comme né au 21 de la rue des 36 ponts à Toulouse ; rue qui devint en 1920 une partie de l’école Saint-Louis de Gonzague, immeuble qui fut intégré en 1929 au désormais Lycée Montalembert ; cette rue se trouve à proximité immédiate du Palais de Justice mais s’agissait-il d’un lieu d’habitation ou seulement d’un lieu d’accouchement, on ne le sait ;
  • Marie & Madeleine, quant à elles, sont respectivement nées les 28 juin 1904 et 10 novembre 1905, rue Pharaon, à Toulouse toujours non loin du Palais et de la précédente localisation. Ceci nous pousse à croire que même s’il ne plaida peut-être pas, Victor Ucay eut ses habitudes à proximité du Palais de Justice.

Le second mariage : à l’Armée française. Est-ce pendant l’un des cours de procédure civile enseigné par le futur doyen Bonfils que la vocation militaire de Victor Ucay naquit ? On ne le sait !

En revanche, la lecture du Registre de la Faculté de Droit signale[10] une protestation dudit professeur rédigée en ces termes : « M. Bonfils ayant insisté de plus fort (sic) pour que l’autorité militaire veilla à ce que le passage des troupes avec musique et clairons n’eut pas lieu devant les locaux de la Faculté pendant l’heures des cours », le doyen Dufour avait été mandaté pour agir. Anecdote à part, si l’on sait avec précision (le 28 novembre 1899) quand Ucay épousa Mademoiselle Guibert, on ne sait en revanche quand lui vint la vocation militaire ni même son entrée officielle au service de la Grande Muette. Il y a d’ailleurs un certain paradoxe (pour ne pas dire un amusement) à considérer Victor Ucay, dont on a déjà pu apprécier les talents d’orateur et la verve, à être intégré dans une administration militaire dans laquelle le secret et l’absence de parole sont censés être rois. Plusieurs archives témoignent, cela dit, de son ascension dans les différents grades de l’Armée.

Ill. 27 © Famille Ucay. Certificat du 19 juillet 1877
du 17e corps d’armée du Train relatif à l’aptitude du volontaire Victor Ucay (1877).

En 1877, ainsi, on sait (grâce à une archive détenue par la famille) qu’un certificat daté de juillet 1877 atteste que le 17e corps d’armée (celui dans lequel il va gravir tous ses échelons) « certifie que le sieur Ucay Victor, examiné dans la séance du 19 juillet 1877 sur son aptitude hippique comme candidat au volontariat d’un an » et qu’il en a « mérité la note : sait bien monter à cheval (sic)».

On peut alors aisément imaginer qu’à la suite de cet enrôlement volontaire, Victor Ucay serait devenu simple soldat engagé puis officier. On relève, cela dit, que c’est (déjà ou encore) via les chevaux que Victor Ucay intégra l’armée. En 1887, ainsi, on le connaît sous le titre de « sous-lieutenant » du Train des équipages. Un article[11] de la Dépêche, en effet, relate un terrible incendie du 25 précédant, à Grenade, au sein de l’usine Jougla (une fabrique de caisses). Et le journal précise alors qu’on remarqua sur les lieux du sinistre plusieurs notables et autorités dont MM. « Barcouda, maire et conseiller général », les forces de l’ordre, l’instituteur et « Victor Ucay, sous-lieutenant du train des équipages ». On reviendra plus tard sur l’importance d’Auguste (Jean Antoine Marie) Barcouda (1830-1898), maire et conseiller général de Grenade-sur-Garonne. Concentrons-nous d’abord sur le lieu d’affectation militaire du sous-lieutenant (puis lieutenant puis capitaine) Ucay.

Il s’agit du 17e Etem, l’escadron du Train des équipages militaires, cantonné à Montauban et rattaché au 17e corps d’armée. Le « Train », rappelons-le, était une Arme autrefois indépendante et distincte de l’Armée de Terre à laquelle elle a été réintégrée. Le Train organise essentiellement la logistique des Armées en en coordonnant la gestion matérielle (du ravitaillement aux munitions) et ce, pour éviter comme avant l’Empire que l’Armée ne dépende de services et d’entreprises privées. C’est au printemps 1875, après la guerre franco-prussienne, que le Train est singulièrement réorganisé et monte en compétences et en besoins ce qui explique, peut-être, le recrutement d’Ucay à cette même époque (vraisemblablement entre 1878 et 1885).

Gravissant les échelons de son corps d’Arme, on retrouve Ucay devenu Capitaine du 17e du Train des équipages pendant la Première Guerre mondiale. Il est cité en ce sens dans plusieurs documents dont le fascicule retraçant l’histoire de cet escadron[12]. C’est à ce titre, de Capitaine, qu’au cours des hostilités, il est cité et promu Chevalier de l’ordre national de la Légion d’Honneur. Un arrêté du 30 juillet 1916 officialise cette décoration en application d’un décret du 13 août 1914. Dès le 20 juillet suivant, il fut même autorisé non seulement à porter en public sa décoration mais encore à recevoir, à compter de ce moment, un traitement militaire supplémentaire de 125 francs par semestre. Il sera inscrit en ce sens au registre de la Grande Chancellerie sous le numéro 127388. Son dossier[13] archivé dans la base dite « Léonore » des légionnaires français mentionne du reste un incident administratif puisqu’il y est indiqué qu’en 1922 il aurait égaré son « livret de Chevalier », livret lui permettant de réclamer chaque semestre sa pension au Trésor public. Plusieurs documents témoignent de cet accident.

Quatre photos du 17. Il nous a été permis, et l’on en remercie une nouvelle fois la famille des descendants de Victor Ucay, de consulter et de diffuser ici quatre photographies originales

  • du sous-lieutenant
  • puis du capitaine Ucay en uniforme du 17e escadron à plusieurs moments de son existence.
Ill. 28 © Famille Ucay. Victor Ucay,
nouvellement intégré au 17e escadron du Train (circa 1890).
Ill. 29 © Famille Ucay. Victor Ucay,
sous-lieutenant du 17e escadron du Train (circa 1900).
Ill. 30 © Famille Ucay. Victor Ucay,
capitaine du 17e escadron du Train (1915).
Ill. 31 © Famille Ucay. Victor Ucay,
ancien capitaine du 17e escadron du Train, en famille (circa 1920).

Le professeur Touzeil-Divina tient à remercier la mairie de Grenade-sur-Garonne, l’Université Toulouse 1 Capitole et, surtout, la famille de Victor Ucay pour leur disponibilité et l’accès privilégié à leurs sources.


Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2021, Art. 351.


[a] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Chauveau [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 14 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=128.

[b] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Batbie [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 15 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=131.

[c] Touzeil-Divina Mathieu, « Le premier et le second Journal du Droit Administratif (Jda) : littératures populaires du Droit ? » in Guerlain Laëtitia & Hakim Nader (dir.), Littérature populaires du Droit ; Le droit à la portée de tous ; Paris, Lgdj ; 2019 ; p. 177 et s. ; Eléments en partie repris in : Journal du Droit Administratif (Jda), 2019, Eléments d’histoire(s) du JDA (1853-2019) I à IIII [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 253, 254 et 255. En ligne depuis : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=2651.

[1] Gazzaniga Jean-Louis, Histoire des avocats et du Barreau de Toulouse ; Toulouse, Privat ; 1992 et Etudes d’histoire de la profession d’avocat ; Toulouse, Put1 ; 2004 ; y compris au chapitre sur les avocats ayant refusé la République (1814-1873).

[2] Là encore, même « la » thèse référente en la matière ne le mentionne pas : Boyer Pierre-Louis, L’académie de législation de Toulouse (1851-1958) : un cercle intellectuel de province au cœur de l’évolution de la pensée juridique ; Toulouse, 2010 ; thèse multigraphiée de l’Université Toulouse 1 Capitole.

[3] Desarnauts Paul, discours prononcé le 17 novembre 1879 sur La Société de Jurisprudence de Toulouse (1812-1880) ; Toulouse, Privat ; 1880 ; p. 12.

[4] Ibidem ; p. 18.

[5] Son acte figure aux archives départementales de la Haute-Garonne sous la cote 2 E IM 1931 – Auterive ; 1 E 31 registre d’état civil : naissances, mariages, décès (collection communale) (1895-1899) ; p. 235 et s.

[6] Elle est née à Toulouse le 18 septembre 1872 (au 19 de la rue des Coffres) et décèdera le 18 septembre 1917 à La Dupine, à Merville où son mari fut premier édile.

[7] On en rappelle le titre : Pouvoirs du mari sur la personne et les biens de la femme en droit romain ; Du régime dotal avec société d’acquêts en droit français ; Toulouse, Creyssac & Tardieu ; 1881.

[8] Impossible en conséquence de ne pas signaler ici la parenté d’un autre juriste toulousain contemporain : M. Jean-Michel Eymeri-Douzans, professeur de sciences politiques à l’IEP de Toulouse, face à la Faculté de Droit.

[9] En particulier grâce à la lecture des registres d’état civil conservés aux archives municipales de Toulouse.

[10] D’après la séance délibérée le 03 février 1877 ; p. 104 du Registre préc.

[11] La Dépêche, édition de Toulouse du 29 septembre 1887 ; p. 03.

[12] Historique du 17e escadron du train des équipages pendant la guerre 1914-1918 ; Nancy, Berger-Levrault ; 1937 ; p. 38.

[13] Aux archives nationales sous la cote LH/2655/38.

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ParJDA

Trois dates communes au droit administratif & à Victor Ucay

Art. 350.

Par M. le professeur Mathieu Touzeil-Divina,
fondateur et directeur du Journal du Droit Administratif,
professeur de droit public à l’Université Toulouse 1 Capitole, IMH

Le présent article est dédié à M. le professeur B. Pacteau
– en respectueux hommage –
ainsi qu’à la famille de M. Victor Ucay.

Des fondateurs aux lecteurs. Le Journal du Droit Administratif (Jda) a été fondé en 1853 et ce, notamment par les professeurs de la Faculté de Droit de Toulouse, Adolphe Chauveau[a] (1802-1868) et Anselme (Polycarpe) Batbie[b] (1827-1887). Il nous a été donné, déjà, non seulement de leur rendre un juste hommage et tribut mais encore de revenir sur l’histoire même[c] du premier (et pérenne) média spécialisé dans la branche dite publiciste du droit administratif. Après nous être ainsi intéressés à ses fondateurs et à ses promoteurs, penchons-nous maintenant sur leurs lecteurs.

Il nous a alors semblé intéressant – dans le cadre de la section « Histoire(s) du Droit Administratif » – de mettre ici en lumières – en cinq articles ainsi répartis – les éléments que nous avions trouvés, entre droit administratif, histoire locale et politique mais aussi généalogie, concernant Victor Ucay (1856-1950) :

II. Trois dates communes
au droit administratif
& à Victor Ucay

1856 : année de naissance
de Victor Ucay
& du droit administratif toulousain ?

Ill. 05 © Ad 31. Extrait du registre municipal d’état civil de Grenade (1856)
 – AD 31 ; 2 E IM 2015 – Grenade 1 E 24.

C’est en mai (le 02) de l’année 1856 qu’est né (Pierre Jean) Victor Ucay, à Grenade-sur-Garonne (Haute-Garonne) à moins de trente kilomètres de Toulouse. Les archives départementales de Haute-Garonne[1] possèdent son acte de naissance avec mention de celui de son décès[2] comme suit :

« Le quatrième jour du mois de mai 1856, à deux heures du soir, acte de naissance de Pierre Jean Victor Ucay, né à Grenade le deux du courant à trois heures du soir, fils de M. Jean Ucay, propriétaire et de Dame Bernarde Victorine Garres, mariée, demeurant à Grenade.
Le sexe de l’enfant a été reconnu être Masculin. Le premier témoin, M. Alexis Caussé, propriétaire, âgé de quarante ans ; second témoin, M. Pouilh (sic) Mesurand, âgé de trente-huit ans, tous deux demeurant à Grenade. Sur la réquisition à nous faite par M. Jean Ucay, père de l’enfant, lecture du présent acte a été par nous faite, aux comparants et témoins qui ont signé avec nous de ce requis, constaté suivant la Loi, par nous adjoint au Maire de Grenade, faisant la fonction d’officier public de l’état civil par délégation spéciale
 ».

Ill. 06© Ad 31. Extrait du registre municipal d’état civil de Grenade (1856)
 – AD 31 ; 2 E IM 2015 – Grenade 1 E 24.

Il est par suite intéressant (et peut-être amusant) de se demander quel était l’état de l’enseignement du droit administratif à la même époque. On sait[3] qu’à Toulouse le droit administratif a été enseigné bien avant qu’Hauriou n’y règne en maître à partir de 1888. Dès l’Ancien Régime, des éléments de droit public sont ainsi diffusés et enseignés tant dans des structures privées (on songe à l’Institut Paganel) que publiques (à la Faculté de Droit) mais ces cours sont rarement pérennes et les écrits peu publiés. Ainsi, ce n’est effectivement pas en 1856 que naît au sens premier le droit administratif à Toulouse. Il faut citer à cet égard ses premiers promoteurs parmi lesquels les deux professeurs de Bastoulh[4] (en 1806-1808 puis en 1829-1830), l’avocat Romiguière(s)[5] (en 1830) mais surtout Adolphe Chauveau qui enseigna le droit administratif à Toulouse de 1838 à 1868, c’est-à-dire de façon enfin pérenne. Toutefois, pendant cette affirmation du droit public, essentiellement sous la Monarchie de Juillet, on relève qu’un regain d’intérêt et – disons-le – de notabilité du droit public ne se fera que sous le Second Empire avec trois événements convergents :

  • l’adjonction d’un suppléant du professeur Chauveau en droit public : Anselme-Polycarpe Batbie qui enseignera aux côtés de son collègue de 1852 à 1857 avant de rejoindre Paris, sa Faculté et ses ministères ;
  • la création, par les deux susnommés en 1853, du Journal du Droit Administratif ;
  • et la prise en compte véritable, après plusieurs années de lutte académique, du caractère scientifique et juridique du droit public.

En effet, alors que dans les premières années de son enseignement (à Toulouse comme ailleurs), le droit administratif fut d’abord rangé parmi les matières accessoires (sinon inutiles selon d’aucuns) aux étudiants en Droit (ses enseignants étant par exemple dispensés de participer aux examens), les années 1850 vont au contraire parachever la reconnaissance académique du droit public et permettre, même, sous la Troisième République, l’arrivée de l’enseignement diffus (et non réservé) du droit constitutionnel.

On peut donc affirmer qu’en 1856, à Toulouse mais en France de manière générale, au moment où naissait Victor Ucay, le droit administratif naissait également en tant que branche juridique et matière d’enseignement du Droit « véritable » et véritablement reconnue.

1877-1878 : les études juridiques
de Victor Ucay
& le « nouveau » Jda

De la famille Ucay. On dispose de plusieurs informations sur les parents de Victor Ucay. Son père, Jean Ucay (1828-1903) et sa mère, (Bernarde) Victorine Garres, (1834-1895) étaient des propriétaires bourgeois, a priori financièrement aisés. Ainsi, Jean est-il souvent, comme Victor, désigné ou identifié publiquement et professionnellement comme « propriétaire » dans les actes d’état civil et son épouse est elle-même la descendante de Pierre Garres (1798-1879) également propriétaire à Cambebrats-Aucamville aux côtés de Jeanne Pétronille Bacalerie (1810-1888), fille d’un négociant dénommé Thomas Jean Bacalerie (1784-1856).

Ill. 07 © Famille Ucay. Extrait d’un papier à en-tête de l’entreprise familiale Ucay
au nom du grand-père de Victor, Barthélémy Ucay ;
il s’agit des services postaux, de diligence et/ou de messageries (circa 1840).

Si l’on remonte du côté des ascendants[6] paternels du patronyme Ucay on trouve alors principalement des propriétaires mais aussi deux traditions professionnelles : celle d’entrepreneur de diligences et messageries assurée par son grand-père (Barthélémy Ucay (1805-1870)) et son arrière-grand-père (Jean Ucay (1765-1837)) et celle de paysan (et plus précisément laboureur ou brassier, c’est-à-dire ouvrier agricole proposant ses bras) même si son arrière-arrière-grand-père (Etienne Séverin Ucay (1741-1814)) semble être celui qui, avec la Révolution française, a le premier réussi à s’élever socialement. Il décède en effet sous l’appellation de « propriétaire cultivateur » alors que la plupart de ses ascendants ne sont « que » brassiers ou laboureurs ; c’est le cas de son quadrisaïeul Jean Pierre Ucay (1703-1761) identifié comme « travailleur, brasseur ». On porte à notre connaissance la mention a priori de deux sœurs, dont Marie Barthélémye (sic) Ucay, malheureusement décédées très peu de temps après leurs naissances. On ne connaît a priori pas d’autres enfants ce qui fait de Victor un « enfant-roi », fils unique de facto alors que la tradition familiale est plutôt celle d’avoir de généreuses fratries à l’instar de celle engendrée par son bisaïeul Jean Ucay, père de huit enfants… dont sept filles[7] il est vrai ! Un élément, dans l’arbre généalogique, nous a par ailleurs – un instant – troublé. On signale en effet la mort d’une Dame Garres en janvier 1895 (par ex. dans La Gironde) sous le nom de Mme Gabriel Coutaut née Garres. On aurait pu imaginer qu’il s’agissait de la mère de Victor non seulement parce que le nom coïncide mais encore parce que la présence de notre homme y est avérée (à Bordeaux) au convoi funéraire[8]. Toutefois, il ne figure pas aux côtés de ses enfants, parmi les premières personnalités citées.

Ill. 08 © & coll. perso. Mtd. Extraits de La Gironde du 09 janvier 1895 ; p. 03.

A priori, confirment la famille et la marie de Grenade, Mme Victorine Ucay née Garres est inhumée au sein du caveau familial à Grenade. Pourtant, dans cette même commune, son acte de décès est – en l’état – introuvable et au moment où elle meurt (janvier 1895) cette autre Mme Garres meurt à Bordeaux et est manifestement liée aux Ucay puisque Victor est présent au convoi comme il est associé aux remerciements parus dans la presse quelques jours après (cf. La A priori, confirment la famille et la marie de Grenade, Mme Victorine Ucay née Garres est inhumée au sein du caveau familial à Grenade. Pourtant, dans cette même commune, son acte de décès est – en l’état – introuvable et au moment où elle meurt (janvier 1895) cette autre Mme Garres meurt à Bordeaux et est manifestement liée aux Ucay puisque Victor est présent au convoi comme il est associé aux remerciements parus dans la presse quelques jours après (cf. La Gironde du 15 janvier 1895). Deux hypothèses en conséquence : soit cette Mme Garres est une proche de la mère de Victor, soit ladite mère se serait remariée à Bordeaux avec un dénommé Gabriel Coutaut. Cette hypothèse est cependant rapidement écartée. Concrètement, deux dames Garres sont bien décédées en janvier 1895 et l’une d’entre elles était la mère de Victor (même si, sans avoir trouvé encore son certificat de décès on ignore si elle est décédée aussi à Bordeaux (comme l’indiquent certaines sources et arbres généalogiques) ou si elle s’est éteinte à Cambebrats-Aucamville (31). Quant à celle du convoi funéraire préc. il s’agit en fait, nous apprend la famille, de la nièce de Victor : Marguerite Garres.

Ill. 09 © & coll. perso. Mtd. Frontispice du Traité de la maladie vénérienne
du docteur en Médecine de Toulouse, Gervais Ucay (1699).

Autre élément historique concernant la famille, elle est a priori liée, en région toulousaine toujours, au docteur en médecine, Gervais Ucay, à qui l’on doit un extraordinaire (et étonnant) Traité[9] de médecine au XVIIe siècle.

A la lecture du Dictionnaire[10] historique de la médecine ancienne et moderne, on apprend à son sujet que le docteur Ucay avait émis une thèse théologiquement simple : la fornication hors mariage serait la mère de tous les vices et de toutes les maladies sur terre. L’auteur s’exprimant en ces termes : « Nous pouvons dire (…) que Dieu ayant toujours eu en horreur le péché de fornication, il l’a aussi en tous les temps du monde fait suivre d’une infinité de malheurs et de maux corporels, parmi lesquels on doit compter la vérole comme une suite de l’impureté, et l’apanage que Dieu promet aux débauchés ».

Victor Ucay étudiant & lecteur du Jda. En 1878, Victor Ucay a vingt-deux ans et c’est l’année où il reçoit donc ce numéro « perdu » du Journal du Droit Administratif. Quel est alors son parcours estudiantin ? On connaît, grâce aux archives universitaires[11], très exactement son parcours et l’obtention de ses diplômes qui se sont organisés comme suit :

  • le 1er décembre 1874, Victor Ucay obtint son baccalauréat ès Lettres ce qui lui permit de prendre sa première inscription pour suivre les cours de première année en Droit près la Faculté de Droit de Toulouse, à compter de cette même époque (automne 1874) ;
  • le 18 décembre 1876, il obtint sa première année en Droit et le 21 suivant on lui remit son diplôme de Bachelier en Droit ;
  • le 06 juillet 1877, il conquit sa deuxième année de Licence en Droit ;
  • le 11 août 1877, il soutint, en suivant sa thèse de Licence ; examen consistant à soutenir devant un jury des aphorismes alors qualifiés de « positions de thèses[12] » et reçu le 16 novembre 1877 son diplôme de licencié en Droit lui permettant d’accéder à l’avocature ;
  • il entama ses examens de doctorat en 1878 (inscription prise le 17 juillet au moment même où il était lecteur du Journal du Droit Administratif) ;
  • et soutint sa thèse de doctorat en droit le 18 juillet 1881 (ses droits étant acquis le 20 suivant).
  • On sait même qu’il participa (et paya pour se faire) en 1876, 1877 & 1878 à des conférences facultatives.

Victor ne fut ainsi pas le meilleur étudiant de sa promotion mais ses résultats sont tout à fait honorables. Il ne fait ainsi pas partie des lauréats ou médaillers, chaque année, des prix de la Faculté mais on connaît, grâce aux archives, ses résultats à tous ses examens.

Ill. 10 © Ut1. Archives de l’Université Toulouse I Capitole,
5Z3, fiche d’étudiant de Victor Ucay, recto.

En effet, la fiche universitaire d’étudiant de Victor Ucay indique, au verso, les « boules obtenues » à chacun de ses examens.

Rappelons à cet égard[13], qu’à cette époque, les étudiants devaient répondre aux questions d’un jury formé de trois (pour le baccalauréat), quatre (pour la licence) ou cinq (pour le doctorat) examinateurs. Ce jury posait des questions sur toutes les matières d’examen qui n’étaient pas forcément les matières suivies dans l’année par l’étudiant. L’interrogation durait au moins une heure au bout de laquelle chaque juré déposait une bille de bois ou verre dans une urne. Selon la couleur de cette boule on connaissait l’appréciation anonyme du jury et on en déduisait, à la majorité, l’échec ou la réussite de l’impétrant. Pour le baccalauréat par exemple, les étudiants devaient subir un examen pour chacune des deux années. Ils étaient donc notés, en tout, par six professeurs (soit six boules différentes de couleur). Pour parvenir à la licence, il fallait encore ajouter deux nouveaux examens oraux (soit huit boules différentes) ainsi qu’une soutenance de thèse en la présence de cinq examinateurs. Autrement dit, une fois toutes ces billes ajoutées, on constate ainsi que l’explique le doyen Foucart[14] (1799-1860) que « le mérite des épreuves à subir pour arriver au grade de licencié [était] apprécié par 19 boules[15] (…) blanches, rouges ou noires ». La couleur noire était celle de l’échec, le blanc celle de la réussite et le rouge traduisait un examen tout juste moyen. Aussi[16], « tout scrutin sur une desdites épreuves dans lequel le candidat [avait] deux boules noires entraîn[ait] de plein droit l’ajournement ». En revanche l’unanimité de boules blanches emportait la proclamation : « reçu avec éloges ».

Ill. 11 © Ut1. Archives UT1, 5Z3, fiche d’étudiant de Victor Ucay, verso.

Qu’en fut-il s’agissant de l’étudiant Ucay ? Sur les 34 boules qu’il obtint de sa première année en Droit au doctorat, on recense :

  • Aucune boule noire ;
  • 16 boules rouges ;
  • et logiquement 18 boules blanches, symbole d’excellence.

Le bilan est donc globalement « très » positif mais il ne s’agit pas de l’étudiant « modèle » ou brillant en toute occasion académique.

Ucay, étudiant à la Faculté de Droit de Toulouse. Si l’on connaît le résultat des examens de Victor Ucay, on sait aussi avec précision qui furent ses enseignants. Pour le savoir, il suffit par exemple d’ouvrir le Registre de la Faculté de Droit[17] pour connaître la répartition des leçons et des conférences.

On sait ainsi que pendant l’été 1876, au moment où il devenait bachelier en Droit, Victor Ucay put assister aux leçons[18] de droit romain d’Henri Massol (1804-1885) et même profiter de celles du doyen Auguste Laurens[19] (1792-1863) peu de temps avant son départ. De même, put-il suivre les cours de Code civil de MM. François Joseph Paget (1837-1908) ainsi que du futur préfet Eugène René Poubelle (1831-1907). Lors de sa 2e année de Licence[20], il suit entre autres, toujours le professeur Poubelle qui lui enseigne encore le Droit civil, mais aussi le professeur Henry Bonfils (1835-1897) en procédure civile ; toujours Massol en droit romain et Victor Molinier (1799-1887) en droit pénal (à l’époque dit criminel).

De la Licence au Doctorat. S’agissant de la 3e année de Licence (1877-1878) puis des examens de 4e de Doctorat (1879 à 1881), on sait[21] également que Victor Ucay put assister aux leçons suivantes :

  • aux dernières leçons (3e année) de droit civil, d’Eugène Poubelle ;
  • au cours de droit commercial du doyen Dufour (présenté infra) ;
  • ainsi qu’au cours de droit administratif d’Henry (Antoine) Rozy (1829-1882).

On s’arrête évidemment un instant sur cette dernière information pour rappeler que Rozy est né à Toulouse, le 12 octobre 1829 et décédé le 20 septembre 1882. Il a successivement été avocat, professeur suppléant provisoire (1855), puis agrégé et rattaché à la Faculté de droit de Toulouse (1862) où il enseigna l’économie politique pour les aspirants au doctorat et remplaça en droit administratif le titulaire Chauveau aux côtés de Batbie lorsque Chauveau, précisément, ne pouvait assurer du fait de son état de santé ses leçons[22]. A la mort de Chauveau, en 1868, Rozy sera durablement chargé du cours (qu’il n’appréciait pourtant manifestement pas !) et ce, jusqu’en 1882 lorsqu’un dénommé (et célèbre) Ernest Wallon[23] (1851-1921) l’y remplacera avant l’arrivée (en 1888) de Maurice Hauriou. Hélas, Rozy n’a pas assez publié et spécialement pas en droit administratif pour que l’on soit renseigné sur son enseignement. En revanche, il participa au Journal du Droit Administratif ce qui incita peut-être Victor Ucay à s’abonner.

On sait par ailleurs, grace à la lecture du précieux Registre préc., que pendant l’année 1878-1879 certains des cours de Rozy (malade et empêché) furent assurés par un remplaçant[24], jeune professeur agrégé, (Pierre Marie) Georges Vidal (1852-1911) qui avait plutôt goût pour le droit pénal mais accepta la charge en droit administratif comme tout dernier arrivé à l’époque. En dernière année[25], il retrouva Massol en droit romain et Laurens en droit des gens (droit international) et connut le professeur Ginoulhiac (1818-1895) qui lui fit découvrir le droit coutumier, présent dans sa thèse de doctorat. Il faut alors rappeler que c’est peu de temps auparavant, dans une séance datée du 1er mars 1878, que la Faculté de Droit Toulouse fut[26] :

« d’avis à l’unanimité qu’une chaire de droit des gens, que l’on pourrait plus opportunément appeler chaire de droit international, soit créée à Toulouse dans les plus brefs délais possibles ».

C’est à la même époque[27] qu’il fut expliqué que « chacun de MM. Les Professeurs » allait être appelé « d’après son rang d’ancienneté à se prononcer sur le point de savoir s’il voulait ou non se charger d’un cours » complémentaire financé par les collectivités locales (essentiellement municipales). C’est à partir de cet instant que Rozy exprima qu’il « prendrait volontiers le cours de législation industrielle » c’est-à-dire le futur cours de droit du travail[28], matière dans laquelle il s’exprima et s’épanouit bien plus qu’en droit administratif.

1877, Victor Ucay & la vocation pour le droit administratif ? Les liens entre Victor Ucay et le droit administratif sont véritables, ainsi qu’on le développera par plusieurs exemples tout au long de sa vie et de ses engagements (électoraux notamment). Non seulement il fut abonné au Jda ce qui marque naturellement déjà un intérêt réel et précoce pour le droit administratif mais encore, il désira manifestement s’y investir scientifiquement même si l’Université ne le suivit pas sur ce chemin.

En effet, apprend-t-on dans une exceptionnelle archive privée détenue par ses descendants, en août 1877 (c’est-à-dire à la fin de sa dernière année de Licence puisqu’à l’époque les cours s’achevaient à la fin de l’été), il écrivit à son père que le sujet qu’il avait d’abord proposé pour son dernier examen, la thèse de Licence en Droit, avait été refusé :

« Je n’ai pas de chance pour mon dernier examen. M. Massol et M. le Doyen ont refusé de signer ma thèse de droit administratif – sous prétexte qu’elle parlait de religion – mais je me demande comment on peut faire pour ne pas parler religion dans un sujet qui traite des cultes ».

On imagine la déception de Victor. Il avait écrit sa thèse de Licence (une dissertation généralement d’une dizaine à une vingtaine de pages) en choisissant le droit administratif et en proposant, comme premier sujet personnel d’étude(s), une question lui tenant à cœur : celle des cultes (on ignore s’il s’agissait de biens, d’agents, de libertés puisque nous n’avons pu trouver le manuscrit refusé). Par suite, précisait le fils à son père : « Enfin, peine perdue, c’est à refaire. J’ai pris un autre sujet « l’attribution des conseils municipaux » » c’est-à-dire un sujet bien plus descriptif et bien moins polémique essentiellement relatif aux évolutions des Lois dites municipales.

Il est alors très intéressant non seulement de voir que Victor Ucay désirait faire du droit administratif (qu’il ne subissait pas à la différence de très nombreux étudiants et même d’enseignants) mais encore qu’il avait choisi de parler d’un sujet lui tenant particulièrement à cœur, celui des cultes et de la religion. Il précise même dans sa lettre qu’il y avait passé trois mois alors que pour refaire son travail il allait y consacrer seulement quelques heures de rédaction, en urgence, pour pouvoir soutenir quelques jours plus tard, le 14 août ce qui lui fera obtenir 4 boules blanches (un travail exceptionnel) et une seule boule rouge.

Ill. 12 & 13 © Famille Ucay. Lettre du 10 août 1877 de Victor Ucay
à son père Jean à propos de sa scolarité et du droit administratif (1877).

Pour l’anecdote, dans sa thèse de doctorat, Victor Ucay réussira (on y reviendra) à tout de même parler des cultes (et donc de religion !) malgré la « peur » sinon la « frilosité » de ses enseignants.

Les doyens en place de 1874 à 1881. Pendant la période où Victor Ucay étudie à la Faculté de Droit de Toulouse, le décanat évolue. A son arrivée, c’est François-Constantin Dufour (1805-1885), l’un des moteurs et rénovateurs de l’enseignement du droit commercial en France qui sera doyen et le restera jusqu’en 1879. A partir de ce moment, c’est Henry Bonfils (1835-1897) qui règnera jusqu’en 1888.

1878, Toulouse, le droit administratif & le nouveau Jda. En 1878, a-t-on dit, Victor Ucay recevait donc des cours de droit administratif et le Droit administratif, quant à lui, subissait quelques secousses et ce, singulièrement à Toulouse. En effet, pour le Jda en particulier, 1878 est une année noire car elle est marquée par le décès d’Ambroise Godoffre le 17 août 1878 à Toulouse. La dépêche[29] du même jour relate ainsi la mort « de M. Ambroise Godoffre, avocat et chef de division à la préfecture de la Haute-Garonne, qui a été emporté, ce matin, à une heure, par une attaque d’albuminerie (sic). Depuis fort longtemps, M. Godoffre occupait son poste à la préfecture, où ses aptitudes spéciales et ses connaissances administratives lui permettaient de rendre des services appréciés ».

Voilà donc que, sans le savoir, Victor Ucay reçu le dernier des numéros du Jda dont Godoffre fut le rédacteur en chef et auquel, on l’a vu (et lu), il participa. Par suite, le Journal allait évoluer et être dirigé à nouveau par un universitaire succédant à Godoffre qui avait lui-même remplacé Chauveau. Qui fut alors le nouveau directeur ? Le titulaire de la chaire de droit administratif de la Faculté toulousaine : Henry Rozy qui allait, à son tour, essayer de donner sa « patte » à notre média, notamment en essayant d’y apporter un regard plus critique envers les collectivités administratives et leurs gestions. Relisons alors le bandeau postal adressé à Victor Ucay en 1878. Deux informations s’y trouvent qui avaient peut-être échappé à l’œil rapide et premier du lecteur.

Ill. 14 © & coll. perso. Mtd. Extrait posté du cahier numéro 05 (juin 1878)
du « premier » Journal du Droit Administratif (26e année)
envoyé en juillet suivant à l’abonné n°1980 – M. Ucay ; oblitéré avec timbre
(modèle Paix & Commerce (dessiné par Jules Auguste Sage (1829-1908)) à 02 centimes.

On y apprend effectivement trois informations :

  • d’abord, le lieu d’édition du Jda qui était en 1878, comme lors de sa fondation en 1853, rue St-Rome à Toulouse au numéro 44 ;
Ill. 15 © & coll. perso. Mtd. Extrait d’un courrier-mandat adressé par la rédaction
du Journal du Droit Administratif (au 44, rue St-Rome à Toulouse)
à M. le maire de Cintegabelle le 25 mars 1873.
  • ensuite, qu’en 1878, au moins, Victor Ucay alors qu’il était étudiant et au moment où il devenait avocat, résidait rue du Fourbastard, près du Capitole, au n°01 de la rue, à l’emplacement actuel d’une chocolaterie, au croisement de la rue dite des puits clos ;
  • enfin qu’il arrivait que le typographe ne se relise pas ou pas assez puisqu’une coquille (l’aviez-vous vue ?) s’est glissée dans le titre même de la revue dénommée Journal du Droit Adminisralif … et non « administratif » !

Ena, encore & toujours ? Enfin, 1878 et le droit administratif, c’est aussi l’évocation d’un projet que toutes les Républiques ont connu : celui d’une école spécialisée en droit administratif (l’Ecole Nationale d’Administration ou Ena) chargée de former l’élite administrative du pays. En 1848, sous la Seconde République, il s’agissait du rêve d’Hippolyte Carnot (1801-1888), le père du futur Président de la République qui y consacrera en 1878 une très belle notice historique. On a d’ailleurs déjà écrit sur cette première[30] « Ena » dans d’autres travaux[31] et ce qu’il est intéressant de constater ici en 1878 c’est la façon dont la Faculté de Droit de Toulouse, comme la plupart des autres établissements des Universités de France va s’arc-bouter par principe contre le projet de peur que l’on touche à son monopole d’enseignement. En effet, en 1848 déjà, lorsque Carnot (avant d’être rapidement remplacé) proposa ce projet d’Ena, les Facultés de Droit en très grande majorité le refusèrent en bloc craignant que l’on touchât à leurs compétences et pré carrés. Il est alors amusant de penser que ces mêmes Facultés jusqu’en 1848 dénigraient globalement, par leurs membres, l’enseignement du droit public mais, au moment où on voulut y porter atteinte en créant un enseignement concurrent, se réunirent pour affirmer non seulement l’importance mais encore la nécessité d’un enseignement du droit administratif dans toutes les Universités de France. Rares furent effectivement les enseignants de Facultés (comme Macarel (1790-1851), Bourbeau (1811-1877) ou encore Foucart) à oser prôner la nécessité d’une Ecole spécialisée et complémentaire des Facultés de Droit ce que des publicistes ou des juristes comme Edouard de Laboulaye (1811-1883), hors les murs des Facultés, étaient bien plus prompts à soutenir.

Or, en 1878, à Toulouse en particulier, on revit la même scène. C’est encore à l’initiative d’Hyppolyte Carnot, alors sénateur, qu’était effectivement envisagée la création d’une nouvelle Ecole républicaine d’administration. Avant d’y procéder, on décida de consulter les Facultés de Droit et, comme en 1848, voici ce que globalement elles répondirent[32] :

« non ».

La Faculté toulousaine refusait ainsi comme beaucoup d’autres l’idée d’une Ecole unique d’administration et y préférait la création, dans chaque Faculté de Droit, de sections « sciences administratives & politiques ». L’Ecole toulousaine émit même un « contre-projet » en ce sens et conclut d’un : « nous ne remonterons pas avec [Carnot] dans le passé » ! 1878 achève donc cette pérennité de reconnaissance de l’utilité et de la scientificité du droit administratif dans les Facultés de Droit après 1856. Il a fallu pour ce faire que les Facultés de Droit se sentent attaquées mais peu importe la raison après tout !

1881 : année du doctorat de Victor Ucay
& grève à la Faculté !

Troisième et dernière année importante dans cet examen comparé de la vie d’Ucay et de celle du droit administratif à Toulouse : 1881. C’est avant tout, pour Victor Ucay, l’achèvement de son cursus académique qu’incarne, le 18 juillet 1881, à quatre heures de l’après-midi, la soutenance de sa thèse de doctorat en droit.

Une thèse « notariale » en droits romain, coutumier & civil positif. Son étude, dont il a été imprimé plusieurs exemplaires[33], s’intitulait Pouvoirs du mari sur la personne et les biens de la femme en droit romain suivis Du régime dotal avec société d’acquêts en droit français mais comprenait, comme on l’a exprimé supra en fait trois parties distinctes : deux en ancien(s) droit(s) et une en droit positif :

  • il y a d’abord une première partie (d’une centaine de pages) sur les pouvoirs du mari sur la personne et les biens de la femme en droit romain ;
  • suivie d’une cinquantaine de pages sur le régime dotal avec Société d’acquêts en droit coutumier, suivant alors les enseignements précités du professeur Ginoulhiac dont le titre était alors celui de[34] « professeur de droit français étudié dans ses origines féodales et coutumières » ;
  • et la dernière partie (d’une cent cinquantaines de pages environ) s’attaque au droit civil positif du régime dotal.
Ill. 16 © & coll. perso. Mtd. Frontispice de la thèse de doctorat en droit de M. Victor Ucay :
Pouvoirs du mari sur la personne et les biens de la femme en droit romain ; Du régime dotal avec société d’acquêts en droit français ; Toulouse, Creyssac & Tardieu ; 1881.

Il s’agit donc, pour l’époque, d’une thèse non pas conséquente mais – très – conséquente.

Près de 335 pages jusqu’à la table des matières ; introduction et « positions » de thèses comprises. C’est énorme à l’époque où une thèse de 120 à 150 pages était la moyenne et constituait, déjà, une œuvre remarquée.

Avec ses 335 pages écrites non en une année (comme souvent à l’époque juste après l’obtention de la licence mais en deux voire trois années (à regarder les inscriptions des examens acquis entre 1878 et 1881), la thèse de Victor Ucay est remarquée et il en obtient presque les éloges puisque sur cinq suffragants quatre lui délivrent les « boules blanches » de la réussite. On connaît d’ailleurs le nom des membres de son jury de thèse (sans savoir qui a refusé les éloges !) ainsi constitué sous la présidence de Gustave Bressolles (1816-1892), qu’a priori, pourtant, Ucay n’eut pas comme enseignant à l’exception de conférences de doctorat[35] : MM. Charles Ginoulhiac (on imagine pour le droit coutumier sus-évoqué), Barthélémy Arnault (1837-1894) qui, en 1878, est le seul à enseigner (par le jeu des conférences et des cours complémentaires notamment) le droit notarial et celui de l’enregistrement, Georges Vidal que l’on a présenté supra comme chargé temporaire du cours de droit administratif lorsqu’Ucay y assista et Ernest Wallon également évoqué ci-avant (pour ses compétences en droits civil et administratif). Il s’agit donc étonnamment peut-être d’un jury très favorable aux idées même du droit public puisque trois des cinq membres au moins (Ginoulhiac, Vidal & Wallon enseignèrent ou écrivirent à propos du droit administratif). D’ailleurs, on pourra relever[36] que parmi les positions[37] de thèse soutenues par l’impétrant, trois concernant le droit administratif, étaient loin d’être inintéressantes et que deux en particulier étaient certainement proches des convictions profondes de Victor Ucay. Si l’on met donc de côté la première position relative aux droits pécuniaires et de remboursement de l’État, on note ces deux aphorismes défendus par le candidat :

« La contrainte exercée sur un électeur, même lorsqu’elle n’a pas déterminé le vote ou l’abstention, est punissable en vertu des Lois du 02 août et 30 novembre 1875 » ;

et « La mairie ne fait pas, comme l’église, partie du domaine public de la commune ».

Quelques brèves remarques à leurs égards : en 1881, Victor Ucay a vingt-cinq ans et il n’est pas encore élu local (ni municipal ni départemental). Il y songe peut-être mais il ne l’est pas. Il donne manifestement tout son temps entre les propriétés familiales et leurs chevaux (cf. infra) mais aussi, il est déjà un avocat délivrant conseils juridiques et contentieux. Il signe et présente d’ailleurs sa thèse de doctorat sous ce titre. En revanche, tout au long de la thèse, en anciens droits comme en droit positif, son attachement à la religion et à l’Eglise catholique est (encore) patent mais ne nous étonne pas. Nous ne sommes ainsi pas surpris de retrouver parmi les positions de thèse la mention du sort d’un bâtiment, selon lui, à protéger plus encore que la mairie : l’église ! Il s’agit même peut-être en résumé de la thèse de licence qu’il avait voulu soutenir (et qu’il avait écrite mais qui fut refusée) en 1877. Il faut dire aussi qu’à l’époque où Ucay écrit, il n’existe pas encore de définition assise du domaine public et la conception très libérale de Jean-Baptiste Victor Proudhon (1758-1838) s’affirme en doctrine majoritaire. Concrètement, à part quelques lecteurs des Eléments de droit public et administratif du doyen Foucart, on considérait en effet, en 1881 et jusqu’à la Seconde guerre mondiale au moins, que le domaine public devait être le plus restreint possible et essentiellement concentré dans les voies de communication, les éléments immobiliers à la garde des personnes publiques et mis à l’accès direct de tous ainsi que les objets insusceptibles de propriété[38]. On pouvait donc tout à fait soutenir comme Ucay qu’une église était ouverte et accessible à tous et donc faisait ainsi partie du domaine public à la différence d’une mairie gérant le bâtiment l’abritant comme une propriété privée classique. Un doyen Foucart qui prônait quant à lui l’affectation au service public[39] en aurait bondi mais il n’était pas là ; pas même son esprit !

De même, est-il amusant de constater l’intérêt de Victor Ucay pour le droit public électoral alors qu’il sera lui-même vingt années après au sein de collectivités territoriales et même de batailles électorales.

Pourtant, la lecture du sujet puis du contenu de la thèse, n’y trompent pas : il s’agit, outre les aspects historiques de droits romain et coutumier, de droit notarial, de droit civil (des familles) et de droit commercial. Dans la première partie, Ucay insiste sur les pouvoirs exceptionnels de l’époux, détenteur de la manus et de la patria potestas sur l’ensemble de la cellule familiale. La manus étant[40] « définie (…) comme un pouvoir sans limites, une autorité sans contrôle sur la femme, tant sur sa personne que sur ses biens » et ce qui est intéressant c’est que tout l’ouvrage essaie de prendre en compte le passé. Il ne s’agit effectivement pas de trois parties totalement hermétiques et l’auteur y jette sans arrêt des ponts pour essayer, grace au passé, d’éclairer le présent et de prévoir l’avenir. En ce sens, conclut-il[41] à l’actualité et au futur vraisemblable des « contrats de mariage » au détriment du régime dotal mais ce, « comme pour rappeler qu’il fut le produit d’une transaction entre « ceux qui furent nourris au pays de Droit écrit et ceux des pays de Coutumes » ». Et l’auteur de citer à cet égard un nouveau venu à la Faculté de droit de Toulouse, Joseph Bressolles[42], fils de son Président de thèse ayant récemment publié sur le sujet.

La thématique étant néanmoins éloignée du droit administratif, on ne la détaillera pas se contentant de questionner peut-être en conclusion l’utilité d’un tel travail ? Au fond, pour le notariat en particulier, il était évident. Pour la science, a priori, également à en croire les « boules blanches » obtenues malgré la présence d’un jury difficile mais qu’en était-il pour l’avocat (et non le notaire) Victor Ucay ? Cette soutenance de thèse était-elle simplement le parachèvement de ses études comme pour prouver aux siens ou à lui-même qu’il en était capable ? Ou s’agissait-il d’une volonté de conquérir ensuite un poste dans l’Université puisque cette dernière n’est ouverte, en enseignements pérennes, qu’aux titulaires du doctorat ?

On ne connaît avec certitude la réponse à cette question mais l’absence de candidatures (sauf erreur de notre part) de Victor Ucay à quelques concours toulousains notamment nous laisse à penser que c’est véritablement pour lui (et pour la science) qu’il conquit ce grade de docteur. Le fait qu’il ait aussi désiré autant s’y investir dès la Licence nous le présentent comme un véritable érudit, un amateur de la science, du verbe et des études, au sens le plus noble et désintéressé de termes.

Partant, Ucay nous offre à découvrir l’une de ses premières facettes (après n’avoir été qu’étudiant) : celui du notable érudit et docteur en Droit comme une honorabilité scientifique acquise. Toutefois, l’homme fut aussi un élu local, un avocat, un propriétaire surtout, un amoureux des chevaux et des chais ainsi qu’un militaire de carrière.

Ill. 17 © Famille Ucay. Victor Ucay – portrait (circa 1885).

Ce sont donc plusieurs visages et peut-être plusieurs vies qu’a connus Victor Ucay.

1881 & les étudiants de la Faculté de Droit de Toulouse. Quelques mois avant la soutenance de la thèse précitée, la Faculté de Droit de Toulouse va connaître une véritable révolution dont le Registre[43] préc. des délibérations de la Faculté mais aussi la presse tant locale que nationale va relater. En effet, pendant les deux dernières semaines de mars 1881, les étudiants en Droit se sont fait entendre et ont manifesté leur mécontentement jusqu’à causer un fort désordre à l’ordre public toulousain ce qui étonnerait toutes les actuelles Facultés de Lettres et de sciences des Universités de Toulouse II et III d’aujourd’hui ! Ainsi, relate d’abord[44] le Journal du Cher à propos de la journée du 1er avril 1881 :

« Quatre cents étudiants ont envahi l’amphithéâtre et sommé le doyen de comparaître. Sur son refus, ils ont crié « À bas Bonfils ! À bas le doyen ! Qu’il donne sa démission… » Puis ils ont brisé les bancs, les fauteuils des professeurs et les becs de gaz. Un professeur ayant voulu intervenir a été repoussé, puis renversé et maltraité assez fortement. Pendant ce temps, le doyen se tenait caché dans le vestiaire ». Les étudiants promettaient alors de continuer leur lutte tant que le doyen n’aurait pas abrogé son « règlement vexatoire ».

Ce même 1er avril (sans blague), la Faculté voulut délibérer pour agir mais – relève le Registre – il fut « constaté au procès-verbal que, par suite de l’état d’insubordination dans lequel se sont mis les étudiants de l’Ecole de droit, la Faculté n’a pu délibérer dans le lieu ordinaire de ses séances ». Pourquoi tant de haine et de troubles ? Il faut rappeler qu’à cette période le doyen Bonfils (qui venait de succéder à Dufour à la rentrée 1879) avait voulu se montrer très zélé dans l’application du règlement sur les assiduités estudiantines en refusant leurs inscriptions aux examens aux étudiants ayant été défaillants à plus de trois reprises… Cette poigne n’était en revanche en rien toulousaine et coïncide parfaitement avec la première présence, très contestée par les catholiques conservateurs et libéraux, de Jules Ferry (1832-1893) au ministère de l’Instruction publique (du 04 février 1879 au 10 novembre 1881) parallèlement à sa présidence du Conseil des ministres tout entier. On en veut pour preuve cet entrefilet dans Le Français du 03 avril 1881 :

« Le régime moral auquel M. Ferry a mis l’Université produit ses fruits. Chaque jour on entend parler dans une école de l’Etat d’une révolte nouvelle. Aujourd’hui (…) c’est à la Faculté de droit de Toulouse que les désordres ont éclaté. Or, en était-il de même avant M. Ferry » ?

À Toulouse et en région, la presse se divisa selon les accointances politiques. La Gazette, par exemple, voulut se payer la tête du doyen en soutenant les étudiants[45] et en affirmant à propos de Bonfils que l’on ne « trouve personne qui consente à le défendre. Tant pis pour lui, il ne nous plaît pas de le plaindre ». La Dépêche également se rangea, mais avec plus de modération, du côté des étudiants en acceptant de publier leurs comptes-rendus ainsi que leurs invitations. Ainsi, lit-on dans l’édition du 04 avril 1881 (en page 03) que « MM. Les étudiants en droit » sont prévenus de ce qu’une « réunion privée aura lieu » le lundi après-midi (04 avril) dans la salle du Pré-Catelan avec pour ordre du jour « mesures à prendre par suite de la fermeture de la Faculté de droit ». C’est qu’effectivement à la suite des événements du 1er avril 1881, l’Ecole dut fermer ses portes. Selon les journaux, on parla alors d’un événement politique et d’une grève estudiantine mettant en cause des dizaines ou des centaines d’étudiants (de 150 à 500 selon les narrateurs !). La petite Gironde[46] retint quant à elle que contrairement à ce que d’autres écrivaient, le doyen Bonfils n’avait jamais de sa propre initiative réactivé une norme obsolète par excès de zèle puisque ledit règlement litigieux avait « été rédigé » et « voté par la Faculté tout entière » (ce dont atteste la délibération du 31 janvier 1881 au Registre) « en conformité d’un décret de la fin de décembre 1880 » publié sur « l’invitation formelle » du ministre Ferry[47]. Il n’y aurait donc ni manœuvre décanale ni règlement « tombé en désuétude ». Concrètement, en effet, en 1881, si trois absences étaient constatées, les étudiants pouvaient être privés de leur droit de s’inscrire aux examens ou aux cours suivants « à moins qu’ils ne fournissent de bonnes raisons pour être relevés » et leur assiduité retrouvée du trimestre suivant pouvant même compenser un manque passé. L’auteur de l’article à La petite Gironde ajoutait même que la plupart des parents en étaient ravis et qu’il en était même qui avaient « appris ainsi que leur fils leur faisaient payer très régulièrement des inscriptions » alors qu’il n’allait pas en cours ou – pire – que pour certains ces inscriptions étaient, avec les nouvelles Lois républicaines, devenues gratuites ! Depuis Paris, Le Figaro[48] relate ainsi les événements :

« Toulouse, 1er avril. Des troubles viennent d’éclater à la Faculté de Droit. Depuis longtemps, déjà, une irritation sourde des étudiants existait contre M. Bonfils, le doyen de la Faculté, en raison de l’application draconienne de règlements tombés en désuétude. Ainsi, par exemple, trois manquements aux cours entraînaient la perte d’une inscription. Hier soir, une réunion de cinq cents étudiants a eu lieu dans la salle du Pré Catelan. La discussion a été vive, mais calme. On a décidé l’abstention en masse au cours et la mise en quarantaine de la Faculté jusqu’à ce que satisfaction soit obtenue. Ce matin, à huit heures, un très grand nombre d’étudiants ont bloqué les professeurs et les cours ont été nuls. A une heure, des troubles sérieux se sont produits. Les banquettes, les chaises, des vitres ont été brisées. Le doyen a voulu s’interposer ainsi que M. Capmas, recteur (…) mais ils n’ont pas réussi. La Faculté délibère. L’irritation est très grande. Toute la police est sur pied ».

Ill. 18 © & coll. perso. Mtd. Extraits du Figaro daté du 02 avril 1881.

A la Faculté justement, on s’était donc enfermé, le 1er avril 1881, portes closes, dans une autre salle que celle du conseil et l’on chercha une solution entre professeurs. Personne n’ignorait alors la délibération du 31 janvier[49] dernier au cours de laquelle le règlement si litigieux avait été adopté et disposait en son article 1er : « la résidence à Toulouse et l’assiduité aux cours sont obligatoires pour tous les étudiants » puis par les articles suivants imposait un appel « au moins deux fois par mois » par cours. Y figurait aussi cette mention de ce que « l’étudiant qui aura manqué à l’appel trois fois dans un trimestre et dans le même cours, sans dispense ou excuse légitimes, ne sera pas admis à prendre l’inscription suivante » pour conclure en un article cinquième que : « les inassidus (sic) ne peuvent être relevés, sur la demande des parents, que par une délibération de la Faculté ».

Le 1er avril 1881, par suite, l’assemblée des professeurs évoqua l’application de l’article 05 du règlement de janvier 1881 et constata que, fin mars (ce qui avait provoqué l’ire estudiantine), les parents des étudiants juristes toulousains avaient reçu des lettres par centaines les informant de ce que leurs enfants n’avaient – précisément – pas été assidus alors qu’auparavant on était effectivement plus laxiste en la matière. Le doyen Bonfils avait conséquemment reçu 115 lettres narrant des excuses et explications et « pour 113 de ces lettres », la Faculté acceptait de lever la suspicion d’inassiduité. Pour deux autres, en revanche, « la Faculté ne [crut] pas devoir admettre les explications fournies ». Et, comme pendant la réunion, on avait continué au-dehors par des « bris de meubles et de carreaux » à commettre de sérieux troubles à l’ordre public, non seulement le renfort de la police avait été demandé mais on avait même sollicité le représentant de l’Etat pour qu’il ordonnât la fermeture temporaire de l’établissement.

Effectivement, du 1er au 25 avril 1881, à la suite des mouvements estudiantins, la Faculté de Droit de Toulouse ferma ses portes (ce qui comprenait les vacances de Pâques lors des derniers jours de la période considérée) mais il fallut bien quelques semaines pour que cessât ce que l’on qualifia de « grève » des étudiants juristes. Ces derniers s’étaient réunis avant le 1er avril au Pré Catelan et à la suite de l’annonce d’une fermeture des locaux, il se réunirent donc une seconde fois le 04 avril comme l’avait annoncé La Dépêche. Lors de cette réunion, on releva[50] que la Faculté de Droit, à la suite des événements du 1er avril, avait demandé (et obtenu du rectorat) une fermeture temporaire de l’établissement ; que les étudiants (manifestement conduits par des Républicains) avaient remercié la presse de son concours et même que le maire de Toulouse (qui avait été maire provisoire de Toulouse pendant l’année 1871 de « Commune » puis en 1881, l’avocat et républicain Léonce (Raymond Jean) Castelbou (1822-1887)) y fut très applaudi pour son soutien même s’il était aussi dit qu’il avait cherché à rester le plus neutre possible. Le Journal La Loi[51] rapporta quant à lui que les étudiants s’étaient réunis « place du Capitole » le lundi 04 avril avant d’aller en rangs à la Faculté où des « escouades d’agents de police gardaient les alentours de l’Ecole ». « Le commissaire central ayant très poliment demandé aux étudiants de vouloir bien se disperser », ils ont été se réunir au Grand-Rond en engageant à continuer les manifestations s’il ne leur était pas donné satisfaction. Très concrètement, c’est alors que la Faculté était encore fermée, que la solution arriva. En présence du recteur, le doyen Bonfils et ses collègues se réunirent à nouveau le 07 avril 1881[52] et décidèrent des actions à matérialiser : continuer la fermeture de l’établissement, ne pas partir à l’affrontement direct avec les étudiants et écrire aux parents pour expliquer la situation et espérer l’apaisement. C’est bien dans une opération de communication et de transparence que le doyen et son équipe se lancèrent. Leur volonté était alors de communiquer non seulement sur le fait que le règlement contesté par les étudiants juristes n’avait en rien été abrogé par coutume ou réactivé par une volonté décanale de nuisance mais qu’il s’agissait au contraire d’une norme toute nouvelle. Ce règlement de janvier 1881 n’avait en effet été acté par la Faculté (et non par son seul doyen) sur invitation de la nouvelle réglementation académique de Jules Ferry. Par ailleurs, on désirait souligner le fait que la Faculté de Droit de Toulouse, dès janvier 1881 comme par application en avril suivant, avait organisé des possibilités de lever ou de rattraper les inassiduités originellement prévues. Alors, avec l’assentiment du ministère et même du Président du Conseil, jules Ferry, il avait été décidé de retrouver les « meneurs » de la révolte pour les poursuivre et les faire condamner mais uniquement eux ; les centaines d’étudiants « suiveurs » recevant l’indulgence de l’Université « pour éviter d’entretenir ou de raviver une émotion regrettable ». Ainsi, sur les près de 200 jeunes hommes suspectés originellement d’avoir manqué à leurs obligations, 75 seulement furent réellement considérés tels[53]. Dès le lendemain, 08 avril 1881, la lettre expliquant ces éléments fut imprimée et envoyée à tous les parents même à ceux des étudiants assidus.

Victorine et Jean Ucay reçurent donc cette lettre quelques semaines avant la soutenance de la thèse de doctorat de leur fils qui, manifestement, ne faisait pas partie des manifestants grévistes précisément parce qu’il avait, quant à lui, bien pris et payé toutes les inscriptions pertinentes à temps. Peut-être même ne fut-il pas invité aux manifestations étant depuis 1879 sorti du sérail estudiantin pour se consacrer à ses affaires d’avocat et à la rédaction pluriannuelle, on l’a dit, de sa thèse. Quoi qu’il en soit la coïncidence chronologique était intéressante à rappeler.


Le professeur Touzeil-Divina tient à remercier la mairie de Grenade-sur-Garonne, l’Université Toulouse 1 Capitole et, surtout, la famille de Victor Ucay pour leur disponibilité et l’accès privilégié à leurs sources.


Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2021, Art. 350.


[a] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Chauveau [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 14 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=128.

[b] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Batbie [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 15 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=131.

[c] Touzeil-Divina Mathieu, « Le premier et le second Journal du Droit Administratif (Jda) : littératures populaires du Droit ? » in Guerlain Laëtitia & Hakim Nader (dir.), Littérature populaires du Droit ; Le droit à la portée de tous ; Paris, Lgdj ; 2019 ; p. 177 et s. ; Eléments en partie repris in : Journal du Droit Administratif (Jda), 2019, Eléments d’histoire(s) du JDA (1853-2019) I à IIII [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 253, 254 et 255. En ligne depuis : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=2651.

[1] L’acte se trouve, sous le numéro d’appel 63, au Recueil versé des anciennes archives communales de Grenade dans un Registre d’état civil pour 1856-1857 (sous la cote AD 31 ; 2 E IM 205 – Grenade 1 E 24). A la page 18 dudit registre. Par ailleurs, le recueil des tables alphabétiques d’Etat civil de la commune (pour les années 1851-1856 ; cote AD 31 ; 2 E 547 Grenade 1 E 19) indique également (p. 82) la mention au 02 mai 1856 de la naissance d’un enfant légitime de sexe masculin et dénommé Pierre Jean Victor Ucay.

[2] Il est en effet mentionné, en date du 18 décembre 1950, en marge du premier recueil cité (1 E 24 ; p. 18) que Victor Ucay est « décédé à Grenade le 18 décembre 1950 ».

[3] Et l’on se permettra de renvoyer à notre article en ce sens au Journal du Droit Administratif (JDA), 2020 ; Dossier VII, Toulouse par le Droit administratif ; Art. 304 : « Toulouse & le droit administratif enseigné I / III : le XV avant Hauriou (1788-1888) ». Il s’agit d’un article partiellement publié en ligne et totalement accessible in Toulouse par le Droit administratif ; Toulouse, L’Epitoge ; 2020 ; p. 17 et s.

[4] Il s’agit d’abord du père (Jean-Raymond (1751-1838) de Bastoulh et ensuite au nom du fils (Carloman (1797-1871)). Rappelons en effet que le père (qui devint doyen de l’établissement d’août 1821 au 29 septembre 1829) fut l’un des premiers titulaires de la chaire de Code civil III dans laquelle a priori devait être enseigné le droit administratif ou a minima ses linéaments. On ne sait en revanche si – concrètement – le civiliste accepta de s’y adonner plus qu’une année ou deux ! On sait par ailleurs que le futur doyen de Bastoulh avait été avocat au Parlement de Toulouse sous l’ancien régime (vers 1775) et qu’il accéda le 22 mars 1805 comme titulaire de la 3e chaire de Code Napoléon. On devine enfin qu’il fut légitimiste puisque, comme son fils (ou plutôt l’inverse) il démissionna de ses fonctions (y compris décanales) le 29 septembre 1830. Quant au fils : né le 06 janvier 1797, (Antoine-Hyacinthe) Carloman de Bastoulh était donc l’héritier d’une dynastie occitane. C’est dans sa ville natale, à Toulouse, que Carloman avait obtenu ses grades (du baccalauréat au doctorat) en droit puis qu’il s’était inscrit au Barreau dès 1816. Toutefois, ambitionnant à son égard une carrière d’envergure nationale, son père, dès sa nomination comme doyen de la Faculté de droit, le confia, en novembre 1821, à son ami Isidore de Montbel pour qu’il apprenne auprès du Barreau parisien. Carloman n’y resta toutefois qu’une année puisque, le 09 octobre 1822, il réussit à intégrer l’établissement paternel en qualité de professeur suppléant. En octobre 1829, c’est encore de Montbel qui va permettre à Carloman d’obtenir sa titularisation en tant que professeur de droit administratif.

[5] Il s’agit d’un des Ténors du Barreau toulousain mais selon les sources son identité (Louis ? Jean-Baptiste ?) change. Il s’agit a priori bien de Louis (de son nom complet Jean-Dominique-Daniel-Louis) Romiguières (1775-1847). En tout état de cause cet avocat, relève le rédacteur de la Revue de Législation ne resta pas : « fut créée, pour M. Romiguiere, une chaire de droit public français à laquelle M. Romiguiere renonça peu de jours après avoir été installé, et sans qu’il eût encore professé » (Wolowsky Louis-François-Michel-Raymond (dir.), « Tableau actuel des neuf Facultés de droit de France avec les mutations survenues depuis leur création » in Rlj ; Paris, De Cosson ; 1839, Tome IX ; p. 464 et s.).

[6] La plupart des éléments généalogiques ici réunis l’ont été grâce à l’admirable gentillesse et amabilité de l’actuelle famille Ucay et particulièrement de M. Jean Ucay. Mille mercis à eux.

[7] Respectivement dénommées Dominique (1797-1882), Marie-Anne (1799-1866), Guillemette (1800-1880), Françoise (1804-1804), Jeanne (1804-1890), Pétronille (1808-1808) et Guillemette (1812-1896).

[8] In La Gironde datée du 09 janvier 1895 ; édition de Bordeaux.

[9] Ucay Gervais, Nouveau traité de la maladie vénérienne où après avoir démontré que la méthode ordinaire de la guérir est très dangereuse, douteuse et difficile ; on en propose une autre fort facile… ; Toulouse, Dom. Desclassan ; 1688 et Amsterdam, Pain ; 1699 (plusieurs éditions connues).

[10] Dezeimeris Jean Eugène, Dictionnaire historique de la médecine ancienne et moderne ; Paris, Béchet ; 1839 ; Tome IV ; p. 296 et s.

[11] Que l’on remercie ici pour leur disponibilité.

[12] On a écrit sur ces positions in Touzeil-Divina Mathieu, Histoire de l’enseignement du droit public (…) ; Poitiers, Lgdj ; 2007, p. 60 et s.

[13] On reprend ici des développements issus d’Histoire de l’enseignement du droit public (…) ; op. cit. ; p. 50 et s.

[14] Foucart Emile-Victor-Masséna, « Rapport annuel du doyen sur les travaux de la Faculté (1845-1846) » in Séance solennelle de rentrée de la Faculté de droit de Poitiers (1846) ; Poitiers, Dupré ; 1847 ; p. 14.

[15] Pour le doctorat le total était de 34 boules : les 19 du grade de licencié plus cinq autres pour chacun des deux examens oraux et la soutenance de thèse (soit 15).

[16] Article 06 in fine du règlement du 06 juillet 1841 relatif aux examens de baccalauréat, de licence et de doctorat en droit in Recueil de Beauchamp ; Tome I ; p. 907.

[17] Accessible notamment aux Archives départementales de la Haute-Garonne sous la cote : 8395 W 6.

[18] D’après la séance délibérée le 03 juin 1876 ; p. 98 du Registre préc.

[19] À son égard : Nélidoff Philippe, « Les doyens de la Faculté de Droit de Toulouse au XIXe siècle » in Les facultés de droit de province aux XIXe et XXe siècles : les conquêtes universitaires ; Toulouse, Put1 ; Tome III ; n°16 ; p. 274.

[20] D’après le Registre préc ; p. 102 et s.

[21] D’après le Registre préc ; respectivement aux p. 111 et s.

[22] Archives départementales 31, 3160W249 & Archives universitaires Ut1, 2Z2-7 et 2Z2-8.

[23] On se permettra à son sujet de renvoyer à : Touzeil-Divina Mathieu, « A Toulouse, entre Droit & Rugby : Ernest Wallon (1851-1921) » in Mélanges en l’honneur du professeur Jean-Louis Mestre ; Toulouse, L’Epitoge ; 2020 ; Tome I ; p. 411 et s.

[24] D’après la séance délibérée le 13 juin 1879 ; p. 153 du Registre préc.

[25] Ibidem.

[26] Ibidem.

[27] D’après la séance délibérée le 12 mars 1878 ; p. 122 du Registre préc.

[28] Ce que nous avons établi dans des travaux précédents.

[29] La Dépêche (n°2695), édition de Toulouse du 17 août 1878 ; p. 03.

[30] A l’égard de laquelle il faut lire : Thuillier Guy, L’Ena avant l’Ena ; Paris, Puf ; 1983, collection « Histoires » et Wright Vincent, « L’Ecole nationale d’administration de 1848-1849 : un échec révélateur » in Revue française d’administration publique ; Paris, 2000, n°93, p. 19 ; Verrier Pierre-Eric, L’enseignement de l’administration publique en France ; Paris, multigraphié ; 1984 (Université de Paris-I Panthéon Sorbonne) ; p. 59 et s. Pour de plus anciens témoignages on ne négligera pas : Tranchant Louis-Charles-Marie, Notice sommaire sur l’école nationale d’administration de 1848 (…) ; Nancy, Berger-Levrault ; 1884 et Carnot Hippolyte, D’une école d’administration ; Versailles, Aubert ; 1878.

[31] On se permet ici de renvoyer à notre Histoire de l’enseignement du droit public (…) ; op. cit. ; p. 556 et s.

[32] Séance délibérée du 25 juin 1878 ; p. 124 et s. du Registre préc.

[33] Ucay Victor, Pouvoirs du mari sur la personne et les biens de la femme en droit romain ; Du régime dotal avec société d’acquêts en droit français ; Toulouse, Creyssac & Tardieu ; 1881.

[34] Ainsi que le rappelle la première page de la thèse de doctorat de Victor Ucay.

[35] On peut néanmoins imaginer que c’est au cours de ces conférences que le sujet fut appréhendé.

[36] Ucay Victor, Pouvoirs du mari (…) ; op. cit. ; p. 325 et s.

[37] L’une d’elles, sachant que nous sommes désormais co-directeur du Master Droit de la Santé de l’Université Toulouse 1 Capitole et que le descendant direct de Victor Ucay, M. Jean Ucay, est aujourd’hui à la direction d’une clinique privée a retenu notre intérêt puisque selon le futur docteur en droit de 1881 : « le médecin peut être déclaré civilement responsable de ses fautes dans les termes des art. 1382, 1383 du Code civil » ce qui, pour l’époque, était assez audacieux et non encore accepté par tous les civilistes.

[38] Ce n’est effectivement, on le sait, en jurisprudence qu’à partir de 1956 avec la célèbre décision CE, Sect., 19 octobre 1956, Société Le Béton (Rec. 375) que l’on considèrera que le domaine public, aussi, peut-être constitué des biens affectés (fut-ce au moyen d’un aménagement particulier) au service public. On renverra sur ce point à : Touzeil-Divina Mathieu, Des objets du droit administratif ; Toulouse, L’Epitoge ; 2020 ; p. 92 et s.

[39] Cf. à cet égard le chapitre 05 (« JB Proudhon est le « père » du domaine public) de nos Dix mythes du droit public ; Paris, Lextenso ; 2019 ; p. 193 et s.

[40] Vanneau Victoria, La Paix des ménages ; histoire des violences conjugales (…) ; Paris, Anamosa ; 2016 ; chap. 01 ; note 31.

[41] Ucay Victor, Pouvoirs du mari (…) ; op. cit. ; p. 323.

[42] Bressolles Joseph, Des régimes matrimoniaux actuellement pratiqués dans le pays toulousain ().

[43] Et ce, à partir de la séance du 1er avril 1881 ; n°182 ; p. 192 et s. dudit Recueil.

[44] Le Journal du Cher daté du 05 avril 1881 ; p. 02.

[45] En une de la Gazette (édition de Toulouse) du 04 avril 1881.

[46] Dans son édition du 02 avril 1881 ; p. 03.

[47] Il s’agit du décret du 28 décembre 1880 en son art. 1 § 3 (publié au Recueil préc. de Beauchamp).

[48] Le Figaro du 02 avril 1881 ; p. 02.

[49] Séance du 31 janvier 1881 ; n°179 ; p. 190 et s. dudit Recueil.

[50] La Dépêche (de Toulouse) du 06 avril 1881 ; p. 03.

[51] Edition du 06 avril 1881 ; p. 04.

[52] Séance du 07 avril 1881 ; n°183 ; p. 192 et s. dudit Recueil.

[53] La lecture du Registre (op. cit. p. 195) nous apprend même que la Faculté délibéra sur les cinq étudiants considérés comme révoltés et non assidus qu’elle décida de radier même si, formellement, on ne put y procéder dès le mois d’avril parce que quelques collègues étaient en mission en Algérie ce qui empêchait le quorum.

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ParJDA

Sur les traces d’un de nos premiers abonnés, l’avocat, militaire, docteur en Droit & élu local, Victor Ucay (1856-1950)

Art. 349.

Par M. le professeur Mathieu Touzeil-Divina,
fondateur et directeur du Journal du Droit Administratif,
professeur de droit public à l’Université Toulouse 1 Capitole, IMH

Le présent article est dédié à M. le professeur B. Pacteau
– en respectueux hommage –
ainsi qu’à la famille de M. Victor Ucay.

Des fondateurs aux lecteurs. Le Journal du Droit Administratif (Jda) a été fondé en 1853 et ce, notamment par les professeurs de la Faculté de Droit de Toulouse, Adolphe Chauveau[a] (1802-1868) et Anselme (Polycarpe) Batbie[b] (1827-1887). Il nous a été donné, déjà, non seulement de leur rendre un juste hommage et tribut mais encore de revenir sur l’histoire même[c] du premier (et pérenne) média spécialisé dans la branche dite publiciste du droit administratif. Après nous être ainsi intéressés à ses fondateurs et à ses promoteurs, penchons-nous maintenant sur leurs lecteurs.

Il nous a alors semblé intéressant – dans le cadre de la section « Histoire(s) du Droit Administratif » – de mettre ici en lumières – en cinq articles ainsi répartis – les éléments que nous avions trouvés, entre droit administratif, histoire locale et politique mais aussi généalogie, concernant Victor Ucay (1856-1950) :

I. Rencontre fortuite,
le long de la Garonne,
avec M. Ucay, étudiant en droit

Il faut, au préalable, raconter notre étonnante rencontre avec celui qui a justifié sinon provoqué la présente contribution. En décembre 2020, à Bordeaux où la Garonne finit de charrier les humeurs et autres alluvions chers au droit administratif des biens, nous avions organisé un petit événement en hommage officieux au 150e anniversaire de la Faculté de Droit de Bordeaux et de son plus fin connaisseur et narrateur, le professeur Bernard Pacteau. Ce dernier venait en effet de signer[1] un extraordinaire opus sur cette histoire académique. Le jour même de l’anniversaire du décret du 15 décembre 1870[2] (re)créant une Faculté de droit en Gironde, ce 15 décembre 2020, nous l’avions donc célébré malgré les confinements. A cette occasion et après avoir évoqué notamment les grands maîtres bordelais du droit administratif, Léon Duguit (1859-1928) en tête mais aussi Henri Barckhausen (1834-1919) ou encore Jean-Marie Auby (1922-2000) pour ne mentionner ici que notre « tiercé[3] gagnant », le professeur Pacteau nous confia (et on voudrait ici très respectueusement et chaleureusement l’en remercier) plusieurs trésors (mais aussi anecdotes) de l’histoire de notre droit administratif. Alors, aux côtés d’écrits rares et précieux des deux maîtres publicistes de la Garonne, Duguit et Hauriou (1856-1929), et notamment « les » thèses[4] de doctorat du (futur) doyen de Toulouse envoyées en hommage à son ami Bordelais, le professeur nous confia ce qui pouvait apparaître de prime abord qu’à l’instar d’un simple clin d’œil complice et amical.

Ill. 01 © & coll. perso. Mtd. Cahier numéro 05 (juin 1878) du « premier » Journal du Droit Administratif (26e année) envoyé en juillet suivant à l’abonné n°1980 – M. Ucay ; oblitéré avec timbre (modèle Paix & Commerce (dessiné par Jules Auguste Sage (1829-1908)) à 02 centimes.

Encore cerclé d’un bandeau de papier jauni permettant au Journal du Droit Administratif d’envoyer (sans avoir à le mettre sous enveloppe comme on le ferait aujourd’hui) un exemplaire de sa dernière édition mensuelle (en l’occurrence le numéro de juin 1878[5]), le professeur nous remettait un exemplaire du « premier » Jda (celui de 1853) sachant que nous avions refondé en 2015, ce « second » média[6]. La transmission de ce numéro, qui n’avait semble-t-il jamais été ouvert par son destinataire (un dénommé M. Ucay) ainsi que le matérialisent plusieurs pages qui n’avaient pas été encore coupées ainsi que le bandeau d’expédition a priori non arraché, était alors doublement émouvante. D’abord, évidemment, parce que le geste de son donateur était rempli d’une si délicate attention et pensée. Ensuite parce que nous nous retrouvions comme en « contact » avec l’un des premiers abonnés (certes vingt-six années après la création du média mais il y a de cela près d’un siècle et demi aujourd’hui) du Journal du Droit Administratif.

Mystérieux abonnés des premières revues juridiques. On ignore presque tout (à défaut d’une étude historique et sociologique exhaustive en la matière) sur ces premiers abonnés des médias spécialisés en droit public.

Qui étaient-ils[7] ?

Le nombre d’abonnés à un journal est évidemment un signe de sa diffusion – restreinte aux spécialistes – ou – au contraire – popularisée et élargie à un autre cercle que celui – originel – des « prêtres » de la matière. Pour le premier Jda, on sait (grâce aux recherches de Mme Vanneuville[8]) que ce nombre fut en 1861 au moins de 600 abonnés (ce qui est considérable pour l’époque) et montre que le pari de ses promoteurs fut réussi : non seulement quelques dizaines de spécialistes s’abonnèrent mais il y eut aussi beaucoup d’administrateurs et d’administrations (et sûrement quelques particuliers) à franchir ce pas. On imagine même (et sait ainsi par quelques archives retrouvées) que ce premier Jda, était principalement lu des administrateurs (nationaux et locaux) non seulement partout en France (puisque le Journal avait un certain monopole de fait à être longtemps le seul à n’être spécialisé qu’en droit administratif) mais aussi particulièrement dans l’actuelle Occitanie. On connaît par ailleurs autour de 1878 le prix annuel d’un abonnement : 11 francs sans les frais d’envoi et de recouvrements portés à 12 francs en les comprenant (si l’on en croit une archive retrouvée) ce qui équivaut, selon les historiens et économistes, à une somme d’à peu près quarante euros actuels[9].

Ill. 02 © & coll. perso. Mtd. Mandat adressé par la rédaction du Journal du Droit Administratif
à M. le maire de Cintegabelle le 25 mars 1873.
Ill. 03 © & coll. perso. Mtd. Extraits (sans le bandeau d’envoi) du cahier numéro 05 (juin 1878)
du « premier » Journal du Droit Administratif (26e année).

Ces liens entre lecteurs et rédaction du Jda font l’objet de nombreux échanges (souvent reproduits dans des rubriques de type « courrier des lecteurs ») où l’un des rédacteurs ou directeurs du Jda discute avec ses honorables lecteurs de tel ou tel point de droit, d’actualité ou d’un sujet pratique (à l’instar des cliniques juridiques[10] actuellement ressuscitées) qui aurait été soumis à la sagacité et à la réflexion de la rédaction.

Du reste, sur la couverture bleue de ce cinquième cahier pour 1878 du Journal, on peut encore trouver et lire la mention spéciale selon laquelle :

« Le rédacteur » c’est-à-dire le directeur de la Revue,
                « répond avec exactitude » (sic) « aux doutes soumis par les abonnés »
                « sur des questions administratives » !

En 1878, ainsi, le Jda cherchait et provoquait les questions de ses abonnés pour pouvoir offrir ses lumières à ses lecteurs. Il faut lire à cet égard les « lettres à un administré sur quelques matières usuelles de droit administratif », elles sont truculentes : rédigées dans un français courant ce qui les rend accessibles à tout public et surtout – ce qui est étonnant lorsqu’on les découvre – elles sont parfois pleines d’humour[11] (ce qui, d’après nos recherches, était dû principalement aux premières de ces consultations régies par Batbie) témoignant alors de véritables liens entre le Journal et ses pourtant centaines d’abonnés parmi lesquels le « mystérieux » dénommé Ucay.

Le bandeau d’affranchissement contenant son adresse indiquait « 1980 » ce qui laisse croire qu’après un demi-siècle d’existence, le Jda allait bientôt enregistrer 2000 abonnés cumulés.

On peine en effet à croire qu’il y avait effectivement au moins 1980 abonnés en 1878 (sachant qu’il y en avait trois fois moins en 1860).

La façon de compter du Journal a d’ailleurs toujours été celle de la succession accumulée et non du renouveau annuel des listes et ce, tant pour le nombre d’abonnés que pour celui de la recension des articles publiés.

Ainsi, à chaque mois de janvier, on continuait la liste précédente des items (sujets d’articles) et des découpages de chaque cahier depuis la création en 1853. Ce cahier de 1878 retrouvé comportait ainsi les art. 245 et s. et évidemment il n’y avait pas eu 244 articles publiés entre janvier et mai 1878 mais le 1er article était celui inséré dans la première tomaison du Journal.

Dans cette dernière, Batbie écrivait en 1853 à un administré qui se plaignait avec une verve toute toulousaine des malheurs que lui feraient vivre plusieurs administrations (notamment locales). Il est alors particulièrement savoureux de lire la réponse que lui fit publiquement Batbie qui mêlait non seulement des arguments juridiques (comme dans une consultation) mais également des éléments rendus sur un ton presque familier à l’égard de son « lecteur administré » dont il raillait abondamment le caractère ; ces premiers mots étant[12] : « Je n’ai pu m’empêcher de rire, mon cher ami, en lisant la lettre que vous m’avez adressée ».

Ces lettres ou consultations pratiques plaisaient énormément au lectorat du Jda. Dès la première année, Chauveau (Jda 1853 ; p. 233) se plaisait ainsi à reproduire une lettre qu’il avait reçue et qui expliquait combien les « lettres aux administrés » qui deviendront des « lettres aux administrateurs » étaient utiles aux lecteurs.

Plus encore, Batbie & Chauveau iront même jusqu’à critiquer vertement certains abonnés : « Vos articles me paraissent un peu longs et trop scientifiques. Faites-les plus courts et plus nombreux ; moins de motifs et plus de choses, surtout de choses usuelles qui arrêtent si souvent l’administrateur et l’administré ». Le décor est, dès 1853, clairement posé : si une revue – au grand désespoir de certains universitaires – met en avant des observations courtes et pratiques, des résumés, des propositions calibrées et brèves c’est bien dans un but simple et toujours actuel : satisfaire les abonnés praticiens (bien plus nombreux que les universitaires parfois théoriciens). Ces « consultations » importaient donc énormément aux rédacteurs comme aux lecteurs du premier Jda et il s’agissait là d’une des forces du Journal.

Chaque année d’ailleurs, dans le bilan dressé par les rédacteurs sur l’année écoulée insistait fréquemment sur cette force participative et interactive que le Jda avait réussi à instaurer. Concrètement, ces consultations eurent lieu de 1853 à 1893 puis après 1910 mais de façon bien moins littéraire qu’aux débuts du Journal.

Critique sur cette démarche, Mme Vanneuville retient (ce qui semble effectivement judicieux) qu’en agissant de la sorte, les rédacteurs (par ailleurs avocats) considéraient leur lectorat comme une clientèle à laquelle ils démontraient leurs compétences in vivo.

Au Tome XXVI du Jda. Qu’allait ou plutôt qu’aurait dû découvrir notre mystérieux lecteur, Victor Ucay, dans ce numéro retrouvé (et peut-être jusqu’alors égaré) de juin 1878 ?

En voici le sommaire : le fascicule cousu d’une quarantaine de pages au format in-octavo comprenait les pages 241 à 288 de l’année 1878 et en son sein une vingtaine d’items numérotés à partir du n°3241.

Ill. 04 © & coll. perso. Mtd. Dos ou quatrième de couverture du cahier numéro 05 (juin 1878)
du « premier » Journal du Droit Administratif (26e année).

On y retrouve ce qui faisait la force du premier Jda : non seulement des informations sur la parution et l’actualité normatives (avec par exemple, au n°3241, en ouverture, une reproduction / diffusion de la Loi[13] du 1er juin 1878 « sur la construction des maisons d’école ») ainsi que plusieurs thématiques chères au droit administratif de l’époque : des éléments sur les chemins vicinaux (n°3255 et 3256), sur les chemins… de fer (n°3254), sur les hospices (n°3243 et 3245) ou encore sur les cultes (n°3249 et s.). L’ensemble du numéro est surtout centré sur le droit des collectivités à l’époque dites locales et, en particulier, sur la discussion des compétences et responsabilités communales avec, entre autres (au n°3252), la question de la responsabilité d’un premier édile municipal qui avait lacéré les affiches électorales d’un candidat (on y reviendra in fine).

Concrètement, comme la plupart des numéros de ces années, les revues étaient constitués d’items répartis en articles. Il y avait, en l’occurrence ici deux articles :

  • le n°245 (comprenant les items 3241 à 3250) correspondant à la diffusion directe des normes nouvelles et intitulé « Lois, décrets, avis du Conseil d’Etat, circulaires, décisions ministérielles » ; il y s’agit d’informations brutes ainsi diffusées aux administrateurs et administrés soucieux de la gestion et de la chose publiques ;
  • l’art. 2456 (intégrant les items 3251 à 3262) et comprenant quant à lui les « questions diverses (sic) » c’est-à-dire les faits, questionnements ou actualités repérés par la rédaction en matière administrative ainsi que, ce qui était la force du Jda dès cette époque, une mise en avant – avec commentaires et observations – de plusieurs décisions de « jurisprudence administrative » et même « judiciaire ». Au sein du numéro, le Jda avait réservé une étude spéciale sur le droit des octrois (n°3251) et commentait plusieurs jurisprudences qu’il avait relevées comme étant dignes d’intérêt(s) dont cet arrêt Cass., 03 janvier 1878, Thigé (item 3253) à propos de la conciliation de la Loi sur la liberté du commerce, de l’industrie et les prix, défiant toute concurrence, pratiqués par certains boulangers. Un autre item intéressant (n°3259) interrogeait la compétence communale à partir de la décision CE, 26 janvier 1877[14], Compans, Fournié et commune de Dalon.

Surtout, on a particulièrement été attiré par l’item 3258. A priori, on a d’abord cru qu’il s’agissait d’une facilité de la part de la rédaction puisqu’elle initie ce passage par la reprise d’un article[15] déjà publié et signé de « nos excellents confrères du Recueil Sirey-Devilleneuve ». On a donc cru que le Jda se contentait ici de reprendre quelques bonnes feuilles à propos d’un commentaire paru sur un arrêt de la Cour d’Amiens daté du 18 février 1878 (Maire et commissaire de police de Bohain contre Raveneau). Toutefois, et précisément, le Journal ne s’est pas contenté de reproduire l’avis du Recueil Sirey en matière de compétence et de propriété communale des chemins ruraux : il l’a commenté et même plus critiqué ou querellé. En effet, relève la rédaction, alors placée sous la direction d’Ambroise Godoffre[16] (1826-1878) :

« Nous ne partageons pas l’opinion exprimée dans ces observations critiques. Certes, nous ne sommes pas suspect (sic) de sacrifier les principes qui sauvegardent l’indépendance de l’administration aux prérogatives de l’autorité judiciaire. Nous pensons que, chacun des deux pouvoirs doit rester dans sa sphère, mais sans donner notre entière approbation à tous les motifs de l’arrêt de la cour d’Amiens, nous croyons que la situation juridique dont elle était saisie permettait la décision qui est intervenue ».

Par suite, expliquait le directeur Godoffre, il eut été plus simple, en l’espèce, de consacrer une voie de fait plutôt que de permettre au juge judiciaire de critiquer la compétence et la légalité d’actes administratifs ce qui n’est pas sans nous rappeler un conflit latent et quasi perpétuel entre défenseurs et/ou promoteurs des juridictions de droits public et privé. L’émotion du Jda était alors vive et il désira se lancer dans la controverse. Sauf erreur de notre part, en revanche, le Recueil Sirey n’y a pas répondu !


Le professeur Touzeil-Divina tient à remercier la mairie de Grenade-sur-Garonne, l’Université Toulouse 1 Capitole et, surtout, la famille de Victor Ucay pour leur disponibilité et l’accès privilégié à leurs sources.


Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2021, Art. 349.


[a] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Chauveau [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 14 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=128.

[b] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Batbie [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 15 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=131.

[c] Touzeil-Divina Mathieu, « Le premier et le second Journal du Droit Administratif (Jda) : littératures populaires du Droit ? » in Guerlain Laëtitia & Hakim Nader (dir.), Littérature populaires du Droit ; Le droit à la portée de tous ; Paris, Lgdj ; 2019 ; p. 177 et s. ; Eléments en partie repris in : Journal du Droit Administratif (Jda), 2019, Eléments d’histoire(s) du JDA (1853-2019) I à IIII [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 253, 254 et 255. En ligne depuis : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=2651.

[1] Pacteau Bernard, La Faculté de droit de Bordeaux, 150 ans en 2020 et même davantage… ; Toulouse, L’Epitoge, 2020.

[2] Cf. Bull., n° 35, texte n° 231 ; Jorf du 16 décembre ; Carette, Lois annotées, 1866-1870, p. 526 ; et sur la norme : Pacteau Bernard, La Faculté de droit de Bordeaux (…) ; op. cit. ; p. 21 et s.

[3] On en comprendra par suite l’allusion.

[4] Hauriou Maurice, Etude sur la condictio et Des contrats à titre onéreux entre époux en droit français ; Bordeaux, Veuve Cadoret ; 1879.

[5] Cinquième cahier de l’année 1879 ; 26e année de la collection fondée en 1853.

[6] Désormais en ligne à l’adresse : http://www.journal-du-droit-administratif.fr.

[7] Quels étaient leurs réseaux ? On reprend, cela dit, au présent paragraphe quelques éléments issus de notre recherche préc. à l’ouvrage des prof. Hakim et Guerlain.

[8] Que nous remercions pour la communication de ses notes non encore publiées au colloque Les savoirs de gouvernement à la frontière entre « administration » et « politique » ; France-Allemagne ; XIX-XXe siècles (Berlin, juin 2010) : « Le Journal du droit administratif, ou comment mettre l’administration dans le droit (1853-1868) ».

[9] Sur la base moyenne retenue d’un franc de 1860 équivalent à 3.27 €.

[10] À propos desquelles, il « faut » lire : Aurey Xavier & Pitcho Benjamin, Cliniques juridiques et enseignement clinique du droit ; Paris, LexisNexis ; 2021.

[11] Lors du soixantenaire du Jda en 1913, le directeur Mihura qualifiait le talent épistolaire de Batbie de « vraiment folâtre » (sic) (Jda 1913 ; p. 108) : « n’est-ce pas joyeux et enjoué » ? Et de conclure : « nous ne sommes » désormais « pas aussi aimables, aussi agréables ». Le conseiller Deville (ancien Président du conseil municipal de Paris) ajoutait en ce sens (op. cit. ; p. 117) qu’aujourd’hui le Jda ne contenait plus « les boutades ou les frivolités » de M. Batbie.

[12] Ils sont reproduits en ligne sur le site du Jda : 2016, Dossier 02 ; Art. 65 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=706.

[13] Publiée au Jorf du 04 juin 1878.

[14] Rec. 94.

[15] Sirey ; 1878 ; II, 81.

[16] On sait (encore) très peu de choses sur ce directeur (depuis 1869) du Journal avant qu’Henri Rozy (1829-1882) n’en prenne la direction et après que le fondateur Adolphe Chauveau se soit éteint. Il était avocat (et signait ainsi de ce titre aux archives du Jda) mais on retrouve surtout sa trace en qualité d’administrateur et en l’occurrence, en 1878, de chef de division à la préfecture de la Haute-Garonne.

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