par Marie LECLAIR
Déléguée Régionale Adjointe, Syndicat de la Magistrature
Le point de vue
d’un magistrat judiciaire :
interview
Art. 42. JDA : Qu’est-ce que l’état d’urgence selon vous ?
ML : L’état d’urgence est un ensemble de dispositions exceptionnellement prises par le législateur et dérogatoires aux règles constitutionnelles qui organisent la séparation des pouvoirs, notamment l’artilce 66 de la constitution aux termes duquel l’autorité judiciaire est la gardienne des libertés individuelles. Par exception à ce principe le régime d’état d’urgence confie aux préfets le pouvoir d’ordonner des perquisitions domiciliaires et des assignations à résidence sous le seul contrôle du juge administratif et sans autorisation ni contrôle du juge judiciaire.
JDA : Concrètement, quel est impact sur votre pratique professionnelle ?
ML : Exerçant uniquement des fonctions civiles je n’ai pas été impactée par ces dispositions dans ma pratique professionnelle. En revanche mes collègues exerçant en matière pénale ont dû être saisis de procédures diligentées par le parquet pour la poursuite d’infractions découvertes dans le cadre de mesures administratives.
JDA : Au nom de l’état d’urgence, avez-vous été empêché d’agir, comme en temps
normal ? Quel en est l’exemple le plus marquant ?
ML : Je ne pense pas que le dispositif de l’état d’urgence puisse empêcher le juge judiciaire d’agir comme « en temps normal », en revanche il n’est pas consulté pour des décisions qui « en temps normal » relèvent de lui (perquisitions, assignations à résidence) et il peut être amené dans les procédures pénales qui suivent des procédures administratives à être incité à traiter de procédures dont la nullité peut être soulevée au regard des conditions dans lesquelles elles ont été initiées, ou à prendre en considération des éléments confidentiels non soumis au débat contradictoire (renseignements, fiche S dont l’autorité administrative fait état sans en justifier…..). Il lui appartient de veiller au respect des règles de procédure qui garantissent le débat judiciaire et de ne pas se laisser influencer par l’argument que l’état d’urgence justifierait qu’il déroge à la pratique judiciaire imposée par le code de procédure pénale pour la garantie du procès équitable et donc dans l’intérêt du citoyen.
Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 42.
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