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« Circulez, il n’y a pas de religion à y voir » : rétrospective 2016 sur la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de laïcité

par Quentin Alliez,
doctorant contractuel en droit public, Université Toulouse 1 Capitole, IMH
et Abdesslam Djazouli-Bensmain,
doctorant contractuel en droit public, Université Toulouse 1 Capitole, IDETCOM

Art. 138.

Les élections présidentielles françaises, sonnant dans les prochains jours comme la fin d’une épopée ayant fini par en désintéresser ses spectateurs, est marquée par la question de la laïcité. Cette notion, relativement ancienne, issue de la loi de 1905, apparait comme fondamentale dans la conception que nous nous faisons de la République Française. Ces dix dernières années, le débat autour de sa définition, de ses contours et de sa portée s’est fait de plus en plus entendre. C’est certainement l’émergence, dans notre pays de cultures nouvelles, africaines et moyen-orientales, ainsi que la remontée des conservatismes, notamment depuis le « Choc des Civilisations »[1] qui aura fait de la laïcité un élément fondamental du débat citoyen

Si nous ne devions retenir qu’une seule définition, il faudrait – logiquement – utiliser celle de la loi qui a imposé celle-ci dans notre société. La loi du 9 décembre 1905[2] évoque la laïcité en imposant à la République d’assurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public. L’article 2 poursuit « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Enfin, au terme de l’article 28 « il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ». Il y a donc, pour les personnes publiques, une obligation leur imposant d’assurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes. Mais aussi, de veiller à la neutralité des agents publics et des services publics

S’opposent dès lors deux visions de la laïcité. Certains voient dans le terme un rejet : la République ne saurait connaitre de religions et ne s’y intéresse pas, de fait toutes intrusions du cultuel dans le domaine public ne sauraient être acceptées. D’autres, appliquent à la laïcité une forme d’égalité : cette même République doit reconnaitre toutes les religions et faire en sorte que chacun puisse croire en ce qu’il souhaite, ou ne pas croire si cela est son souhait.

Ces deux visions s’opposent constamment et brouillent notre perception de cette question. Le politique use de l’actualité pour en extraire des situations où le principe de laïcité pourrait justifier l’interdiction de certaines pratiques. Cette habitude politique contraint donc le juge administratif à se faire arbitre de ce qui « est acceptable » dans une république laïque et ce qui ne l’est pas.

L’année 2016, sujet de cette rétrospective, aura été l’occasion d’avoir un aperçu de la position du Conseil d’Etat en matière de « Laïcité » puisque deux « affaires » ont donné lieux à des décisions non plus politiques mais juridiques. Il s’agit du « burkini » sur les plages et des « crèches » dans les mairies. Cette dernière affaire trouve une acuité particulière avec la récente décision de la CAA de Marseille[3], interdisant l’installation d’une crèche dans la mairie de Béziers.

La rétrospective n’aura pas pour but d’établir une manière nouvelle de penser la laïcité ou même encore de prendre le parti de l’un ou l’autre des courants de pensée. Il s’agira e mettre en lumière ce qui nous semble être la position du CE en matière de laïcité, nous permettant de savoir de quelle manière le juge administratif appréhende les contentieux en matière de laïcité.

Au travers de l’étude des décisions citées, il apparaît que le Conseil d’Etat, interrogé sur la compatibilité avec la laïcité de potentielles manifestations cultuelles, statue en réalité sur la présence d’un caractère religieux. Plus que de savoir si les « revendications » de certains sont compatibles avec la laïcité, la haute juridiction recherche l’existence d’un caractère religieux.

Sans entrer dans un commentaire des décisions rendues en matière de burkini[4] ou de crèches[5] leurs analyses nous permettront d’illustrer la position du CE. Rappelons qu’un dossier du Journal de Droit Administratif s’intéresse de façon plus exhaustive à la laïcité, il convient de lier le présent article à celui-ci[6].

L’affaire dite du « Burkini » témoigne, dans l’année 2016, de la méthode d’analyse des questions liées à la laïcité par le Conseil d’Etat. Le « burkini », contraction grossière de bikini et de burqa[7], a pris une importance particulière à l’été 2016 où les pouvoirs publics ont remarqué la présence de certaines femmes sur les plages françaises portants des bouts de tissus recouvrant leurs corps à l’exception du visage, des mains et des pieds. Il est important de noter que contrairement à ladite burqa le burkini ne couvre pas le visage et permet tout à fait l’identification des personnes.

Le maire d’une petite commune littorale, Villeneuve-Loubet, décide – par un arrêté municipal, d’interdire le port de tenues vestimentaires regardées comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages. Cet arrêté « anti-burkini » assimile donc cette tenue vestimentaire à une religion, plus précisément à l’Islam. Par cet arrêté, l’élu impose à celles qui ne souhaitent pas faire publicité de leur corps sur les plages soit à se déshabiller, soit à ne pas profiter du littorale de la ville. De manière évidente, des associations ainsi que des particuliers ont demandé la suspension de cette interdiction en formant un référé-liberté devant le tribunal administratif de Nice.

Il revient finalement au juge des libertés du Conseil d’Etat de clarifier la situation au travers d’une ordonnance du 26 août 2016 Ligue des droits de l’homme et autres – association de défense des droits de l’homme collectif conte l’islamophobie en France[8].

Dans cette ordonnance, le juge administratif vient retirer au cœur du litige son aspect cultuel. En effet, nous pourrions penser – peut être à juste titre – que la question d’accepter ou d’interdire le port d’un vêtement considéré comme manifestation d’une religion est une question cultuelle. Elle n’est pourtant que politique. En effet, les arrêtés municipaux, comme le souligne le Conseil d’Etat, ont été une réaction à l’attentant perpétré à Nice[9] un peu plus tôt dans l’été. Le juge administratif rappelle, s’il le fallait, que « l’émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment de celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d’interdiction contestée ». Les instigateurs de cet acte barbare se revendiquant de la religion musulmane, il apparaît que ces réactions politiques ont été suscités en effet par l’émotion plus que par la raison.

La question est alors la suivante : est ce que le principe de laïcité accepterait le port d’un vêtement dit « musulman » sur la place publique ? Le Conseil d’Etat ne va pas du tout répondre à cette question. Alors qu’on lui propose la laïcité, le juge administratif répond par l’ordre public. Il fait alors de la question un débat non plus cultuel mais de police.

En l’occurrence, il rappelle que l’article L2212-2 du CGCT impose au maire de s’assurer du « bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité publiques ». Sur le point des plages, en particulier l’article L2213-23 du même code permet au maire d’assurer une forme de police des baignades. Il est donc chargé de s’assurer du bon déroulement de l’ordre public sur les plages comme à la ville. Le Conseil d’Etat remarque, suite aux auditions, qu’aucun élément ne permet d’identifier un trouble à l’ordre public conséquence du port d’un tel vêtement. Dès lors, cette pratique ne saurait faire l’objet d’une interdiction dans le cadre de la compétence donnée au maire.

L’analyse du Conseil d’Etat est alors la suivante : est ce que la pratique contestée cause un trouble à l’ordre public ? Si oui, elle peut faire l’objet d’une interdiction, si non, rien ne l’interdit. Ainsi, la Haute-Juridiction de l’ordre administratif ne questionne en aucun cas le rapport au fait religieux. Se plaçant sur le terrain de l’ordre public, le CE ne s’intéresse pas au caractère religieux du vêtement et ne se prononce pas sur sa compatibilité avec la laïcité.

Plusieurs mois plus tard le Conseil d’Etat a réaffirmé ce qui nous semble être sa jurisprudence en matière de laïcité. La question posée au juge administratif était simple et pourrait se résumer ainsi : l’installation de crèche de la nativité dans le cadre des fêtes de Noël est-elle compatible avec la laïcité ?

La réponse à apporter aux problématiques soulevées par ces installations dans les lieux publics est cependant plus délicate. Le Conseil d’Etat devait, pour la première fois, se prononcer sur cette question. Les tribunaux[10] et cours administratives d’appel[11] y voyaient tantôt un symbole religieux, tantôt une représentation traditionnelle culturelle qui aurait perdu son caractère religieux. La solution de la haute juridiction administrative était ainsi attendue comme les Rois Mages, mais ne trouvant pas de majorité lors du vote initial du 21 octobre 2016, les magistrats ont de nouveau dû se prononcer quelques jours plus tard.

Ménageant « l’âne et le bœuf », le Conseil d’Etat considère que les crèches sont susceptibles de revêtir une pluralité de significations[12]. Bien qu’il s’agisse « d’une scène qui fait partie de l’iconographie chrétienne » et qui « présente un caractère religieux », il s’agit aussi d’un élément « faisant partie des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement, sans signification religieuse particulière, les fêtes de fin d’année ». Serait alors compatible les installations si elles présentent « un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse ». Dans ce cas l’implantation de crèche doit être dépourvue de prosélytisme, mais au contraire répondre à des usages locaux. Le Conseil d’Etat recourt ici à la notion « d’objet mixte ». En effet, après avoir reconnu que la crèche a une signification cultuelle, le Conseil d’Etat y voit aussi une décoration culturelle. En sortant le caractère religieux au profit de la reconnaissance d’un aspect traditionnel de la crèche, renforcée par la prise en compte des usages locaux, la haute juridiction réaffirme ce qui nous semble être sa ligne de conduite en matière de laïcité. Plus que de répondre à la question de la compatibilité avec la laïcité, le CE se prononce sur le caractère religieux de la crèche, qui, si elle fait « partie des décorations et illustrations » accompagnant les fêtes de fin d’année, ne comporte pas de « signification religieuse particulière ». Le juge se fonde sur le caractère temporaire des installations et leur contextualisation[13].

Pour cela le CE distingue si la crèche est installée dans l’enceinte d’un bâtiment, siege d’une collectivité publique ou d’un service public, ou en dehors et notamment sur la voie publique.

Dans l’enceinte d’un bâtiment public le fait pour une personne publique de procéder à l’installation d’une crèche de Noël ne répond a priori pas aux exigences de neutralité des personnes publiques. Il en va différemment s’il existe des circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif. A l’inverse en dehors des bâtiments publics et notamment sur les voies publiques, il existe comme une présomption de caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année. Présomption qui peut être renversée, si la crèche constitue un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse. Alors que la loi traite, en effet, uniformément les espaces publics, la jurisprudence s’applique différemment au porche de l’hôtel de ville et à son parvis « dans une approche centimétrée de la légalité »[14]. La frontière créée semble dès lors assez artificielle.

Cette jurisprudence, rendue à l’approche des fêtes de Noël, avait, comme le note le Pr. Ciaudo dans ce Journal, pour objectif d’apaiser le débat autour des crèches[15].

Si les critères qui doivent être appréciés pour déterminer si l’installation d’une crèche a un caractère culturel et festif ou exprime la reconnaissance d’un culte relèvent de la méthode du faisceau d’indice, ils risquent d’entrainer des solutions casuistiques. Cependant, la précision de ses considérants 6 et 7 sur l’implantation dans les bâtiments publics et en dehors donne à cette jurisprudence des airs de circulaire ou à tout le moins d’indications pour les élus locaux sur leurs possibilités.

Cette solution peut laisser dubitatif. Sur une « échelle de la religiosité », il nous apparaît que la crèche y occupe une place importante, bien plus que les autres symboles que peuvent être le renne ou le sapin. En effet, « affirmer que la représentation de la naissance miraculeuse du Christ n’est pas un symbole religieux n’est guère convaincant »[16].

***********

Le Conseil d’Etat a, au cours de cette année 2016, livré une jurisprudence étonnante. Plus que de se prononcer sur la compatibilité avec le « droit positif laïc »[17], il se prononce sur la religiosité de telle ou telle manifestations. D’abord avec le burkini, le CE apprécie l’atteinte à l’ordre public ; ensuite avec les crèches, le CE retire le caractère cultuel au profit d’une représentation culturelle.

Si le CE présente, au moins, l’intérêt de la cohérence dans ses décisions en matière de laïcité, sa position peut apparaître comme contestable. En n’intervenant pas dans le débat, il ne peut donner une définition claire, précise et moderne de ce que l’on doit entendre en droit par laïcité. Comme nous l’avons explicité plus haut deux interprétations du principe s’opposent et le juge doit être cet arbitre de touche. Les difficultés que nous vivons aujourd’hui, celles du terrorisme et de la gangrène des conservatismes nous imposent de donner une réponse juridique à ce débat qui pollue la vie publique.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2017 ; chronique administrative 05 ; Art. 138.

[1] S. Huntington, Le Choc des civilisations, Odile Jacob, 1997.

[2] Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

[3] CAA de Marseille, 20 mars 2017, Ligue des Droits de l’Homme c/ la commune de Béziers

[4] Note sous Conseil d’État, 26 août 2016, Ligue des droits de l’homme et autres et Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France n° 402742 et n° 402777, Lebon ; AJDA 2016. 1599 ; ibid. 2122, note P. Gervier ; D. 2016. 1704, et les obs. ; AJCT 2016. 508, obs. G. Le Chatelier, obs. G. Le Chatelier ; ibid. 529, tribune M.-A. Granger ; ibid. 552, étude C. Alonso.

[5] CE, ass., 9 nov. 2016, n° 395122, Fédération départementale des libres penseurs de Seine et Marne, Lebon ; AJDA 2016. 2135 ; D. 2016. 2341, obs. M.-C. de Montecler ; ibid. 2456, entretien D. Maus ; n° 395223, Fédération de la libre pensée de Vendée, Lebon ; AJDA 2016. 2135 ; ibid. 2375, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 2456, entretien D. Maus.

[6] Journal du Droit Administratif (JDA), 2017, Dossier 03 & Cahiers de la LCD, numéro 03 : « Laï-Cités : Discrimination(s), Laïcité(s) & Religion(s) dans la Cité » (dir. Esteve-Bellebeau & Touzeil-Divina) ; Art. 111.

[7] Il s’agit d’un vêtement qui, selon les traditions, couvre tout ou partie du corps d’une femme. Selon les pays, le port de celui-ci peut être imposé par l’Etat (c’est le cas en Arabie Saoudite). Ce vêtement est confondu avec la pratique de la religion musulmane même si les spécialistes des religions sont en désaccord sur l’appartenance de cette pratique aux rites liés à l’Islam.

[8] Voir, pour plus de précision, l’excellent article de Pierre Bon, professeur émérite à l’UPPA : « Le « burkini » au Conseil d’Etat », RFDA 2016, p.1227

[9] Un camion avait écrasé de nombreuses personnes à Nice lors du traditionnelle feu d’artifice du 14 juillet. L’attentat a été revendiqué par le groupe « Etat Islamique ».

[10] M. Touzeil-Divina, « Trois sermons (contentieux) pour le jour de Noël. La crèche de la nativité́ symbole désacralisé : du cultuel au culturel ? » : JCP A 2015, 2174, note sous TA Nantes, 14 nov. 2014, Fédération de Vendée de la libre pensée ; TA Montpellier, 19 déc. 2014 et TA Melun, 22 déc. 2014, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne.

[11] M. Touzeil-Divina, La crèche de la nativité, emblème religieux confirmé au sens de la loi de 1905 mais avec des conséquences différentes selon les juges ! : JCP A 2015, act. 878, note sous CAA Nantes, 13 oct. 2015, Département de la Vendée et CAA Paris, 8 oct. 2015, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne.

[12] M.-C. de Montecler, « Crèches : le Conseil d’Etat ménage l’âne et le bœuf », AJDA 2016, p. 2135

[13] M. Touzeil-Dvina, « Ceci n’est pas une crèche ! », JCP A 2016, act. 583.

[14] L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet, « La crèche entre dans les Tables », AJDA 2016, p. 2375.

[15] Journal du Droit Administratif (JDA), 2017, Dossier 03 & Cahiers de la LCD, numéro 03 : « Laï-Cités : Discrimination(s), Laïcité(s) & Religion(s) dans la Cité » (dir. Esteve-Bellebeau & Touzeil-Divina) ; Art. 118.

[16] T. Hochmann, « Le Christ, le père Noël et la laïcité, en France et aux Etats-Unis », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, oct. 2016, n° 53, p. 53.

[17] J. Morange, « Les crèches de Noël – Entre cultuel et culturel », RFDA 2017, p. 217.

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Etat d’urgence & juge administratif

par Mme Mélina ELSHOUD,
Doctorante contractuelle en droit public à l’Université du Maine, Themis-Um

Etat d’urgence & juge administratif

Art. 48. En principe, le rôle joué par le juge administratif sous l’état d’urgence est essentiel.

En principe, le juge administratif est LE juge de l’état d’urgence  (et cela explique sans doute la médiatisation qui a entouré son action depuis novembre dernier) ;

– c’est lui qu’il faut saisir pour contester la déclaration d’entrée ou de sortie, dans l’état d’urgence par le Président de la République ;

– c’est lui qu’il faut saisir pour contester toute mesure de police administrative prise sur le fondement de l’état d’urgence : assignations à résidence, perquisitions administratives, réglementation de la circulation des personnes et des véhicules, fermeture provisoire de lieux publics, etc.

Ainsi, alors qu’en temps normal, le droit commun prévoit qu’un certain nombre des mesures citées ci-dessus, doivent systématiquement être autorisées par le juge judiciaire a priori (donc avant leur mise en œuvre), en situation d’état d’urgence, ces mêmes mesures n’ont pas à faire l’objet de ce premier contrôle, et ne pourront donc être contrôlées pour la 1ère fois qu’a posteriori (après leur mise en œuvre) par le juge administratif.

Le rôle que doit jouer le juge administratif, sous l’état d’urgence, est donc essentiel ; il est un organe de contrôle d’un grand nombre d’actions menées par l’Administration pendant cette période exceptionnelle. Il doit en contrôler la légalité et la conventionnalité (c’est à dire vérifier que l’Etat agit dans le respect de la Loi et des engagements internationaux) ; il doit en favoriser le contrôle de constitutionnalité en renvoyant, si un justiciable le demande, une QPC au Conseil constitutionnel.

Ce rôle, en pratique, a-t-il jusqu’ici vraiment été rempli ?

Si l’on reprend les positions exprimées par les universitaires, les journalistes, les citoyens, les experts européens depuis novembre dernier et jusqu’à aujourd’hui, elles sont très « contrastées ». On a pu lire d’un côté qu’il n’y avait aucune raison de douter de l’efficacité du contrôle du juge administratif (voir par exemple, l’avis de la Commission de Venise sur le projet de loi constitutionnelle français du 10 février 2016 (§74) et d’un autre que « l’état d’urgence montre la vraie nature du juge administratif » (c’est l’intitulé de la tribune d’un universitaire) c’est à dire un juge essentiellement protecteur de l’Administration, qui n’empêche jamais son action et dont les justiciables ne peuvent rien attendre. Alors qu’en est-il ?

Si on analyse l’ensemble des décisions (un peu plus d’une centaine) rendues par les juges administratifs depuis novembre (des tribunaux administratifs au Conseil d’Etat), nous pouvons faire plusieurs constats :

Le 1er constat c’est que le juge administratif a rencontré de vraies difficultés à exercer sa mission. On peut citer plusieurs sources de difficultés.

– 1. La rareté de la situation d’état d’urgence. En effet, le juge administratif français n’est, comme personne, un habitué de cette situation. L’état d’urgence ayant été déclaré cinq fois depuis 1955, rares sont les juridictions qui ont eu à connaître de décisions prises dans ce cadre. Le juge administratif n’est donc pas habitué de ce contrôle juridictionnel.

– 2. La situation d’état d’urgence est une situation délicate et le contrôle de certaines de ses mesures l’est tout autant. D’abord, la décision de déclarer l’état d’urgence, relève, sans doute plus qu’aucune autre, de l’opportunité politique. On demande au juge de se prononcer sur des éléments très difficiles à appréhender : confirmer ou infirmer l’existence d’un « péril imminent » ou d’une « calamité publique » n’a rien d’aisé (les débats parlementaires le démontrent) ; alors, bien que le juge administratif se reconnaisse compétent pour contrôler la légalité de la déclaration de l’état d’urgence (cet acte administratif ne fait donc pas partie de la catégorie des actes de gouvernement non susceptibles de recours), son contrôle sur elle reste indéniablement restreint.

Quant à lui, le contrôle des mesures de police administrative est également compliqué, notamment parce que l’état d’urgence de 2015 et 2016 a une particularité par rapport aux expériences passées : il est en relation avec le terrorisme. Or, la traque terroriste est intimement liée au travail d’investigation des services de renseignement et au secret qui l’entoure. Concrètement, la difficulté posée au juge administratif est la suivante : l’une des rares pièces, faisant preuve de la « menace » d’un individu, et soumise au débat contradictoire, est ce que l’on appelle « la note blanche ». La note blanche c’est une feuille, souvent type A4 et format Word, non datée et non signée, qui fait état de tous les éléments de fait qui « prouvent », selon l’Administration, qu’un individu représente une menace pour la sécurité et l’ordre publics, et justifie ainsi son assignation à résidence. Malgré les critiques et l’interdiction de leur usage par une circulaire de 2004 (dont la valeur juridique est faible), le juge administratif admet qu’elles constituent un moyen de preuve, parce que c’est souvent le seul qu’il a. En l’occurrence, le Conseil d’Etat a confirmé dans ses décisions du 11 décembre 2015, « qu’aucune disposition législative ni aucun principe ne s’oppose à ce que les faits relatés par les ‘notes blanches’ produites par le ministre, qui ont été versées au débat contradictoire et ne sont pas sérieusement contestées par le requérant, soient susceptibles d’être pris en considération par le juge administratif ».

3. Il y a un cadre juridique nouveau. La loi du 20 novembre 2015 a modifié le régime des assignations à résidence tel qu’on le connaissait : pour appréhender des menaces devenues plus diffuses (objectif préventif), l’assignation à résidence peut concerner, non plus toute personne « dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics » mais toute personne pour laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Le juge administratif a donc dû s’adapter à un nouveau cadre juridique volontairement peu précis. Cela a posé une question d’interprétation : les dispositions modifiées de la loi permettent elles de prononcer une assignation à résidence pour des motifs d’ordre public étrangers à ceux ayant justifié l’état d’urgence ? En clair, pouvait-on utiliser l’état d’urgence déclaré pour les attaques terroristes pour assigner à résidence des militants écologistes et éviter qu’ils ne troublent la COP 21 ?

– 4. La demande de dérogation à la CEDH. Enfin, l’information par le Président de la République au Secrétaire général du Conseil de l’Europe de la susceptibilité par la France de déroger à la Convention européenne des droits de l’Homme a pu susciter le désarroi du juge administratif, qui, depuis 1989, contrôle son respect par les actes administratifs français. Devait-il, le temps de l’état d’urgence, mettre cette source de contrôle de côté ?

Tous ces éléments cumulés ont, selon nous, constitué un contexte complexe qui a favorisé le malaise d’un juge administratif, conscient du rôle qu’il doit jouer dans l’équilibre entre liberté et sécurité, mais plein d’incertitudes sur la façon de remplir ce rôle. Ce malaise on peut en donner trois illustrations :

  1. Ce « malaise » du juge administratif, on le sent dès les premières décisions rendues sur des affaires d’assignation à résidence à propos de militants écologistes susceptibles de troubler la tenue de la COP 21. Comme nous l’avons dit, du fait de la modification de la loi, la question était de savoir si les assignations à résidence devaient avoir un lien direct avec le terrorisme, ou si elles pouvaient être prononcées à l’encontre de personnes dont le comportement constitue une menace à l’ordre public sans pourtant constituer une menace terroriste. La question se posait pour la 1ère fois devant les tribunaux de Rennes, Melun et Cergy-Pontoise, saisis en référé-liberté. Incertains de la réponse à y apporter (le Conseil d’Etat ne s’étant pas prononcé sur l’interprétation à en donner), 2 tribunaux sur 3, pour 6 des 7 affaires, ont préféré rejeter les recours en référé en faisant valoir qu’ils ne remplissaient pas la condition d’urgence ; cette solution leur permettait de « botter en touche », trier l’affaire sans répondre au fond. Sans doute, les juges administratifs ont-t-ils commis ici une vraie faute car en refusant de reconnaître l’urgence de la situation des intéressés, ils retiraient toute son effectivité au référé-liberté. Le 11 décembre, saisi en appel, le Conseil d’Etat affirma son « profond désaccord » avec ce qu’il a considéré comme une « grosse erreur de droit » des tribunaux de 1ère instance (voir les conclusions du rapporteur public Xavier Domino). Ainsi, il semble qu’il y ait réellement eu un temps de paralysie des premiers juges administratifs autour de la question : « Qu’est ce qu’on doit faire ? Qu’est ce qu’on attend de nous ? Et quelle responsabilité aurons-nous à porter si les mesures qu’on annule conduisent à un nouvel attentat ? ».
  1. Ce « malaise », on le sent dans les tribunes anonymes publiées sur Internet par des juges administratifs, de façon individuelle ou collective, peu avant la prorogation de l’état d’urgence de février. On a pu y lire toutes les insatisfactions des juges dont le pouvoir paraissait soit limité (par des mesures telle la dérogation faite à la CEDH) soit pas suffisamment renforcé, notamment par « les sept ordonnances rendues le 11 décembre 2015 par le Conseil d’Etat ». Même si d’habitude, écrivent-ils, « les positions du Conseil d’Etat font jurisprudence », les juges administratifs « de base » ont considéré que cette fois la cour suprême n’avait pas garanti l’effectivité de leur contrôle (notamment en n’encadrant pas davantage l’utilisation des « notes blanches »). « Nous nous retrouvons, juges administratifs, dotés d’une responsabilité accrue sans avoir véritablement les moyens de l’assumer. » (voir la tribune publiée sur Médiapart le 29 décembre 2015) et malheureusement, « la suspicion souvent infondée de complaisance du juge administratif envers l’Etat ne pourra que se voir renforcée» (voir la tribune publiée sur le Blog Droit administratif le 5 janvier 2016).
  1. Ce « malaise », il nous semble enfin être confirmé par une pratique tout à fait exceptionnelle dans les décisions qui ont été rendues sous l’état d’urgence : il s’agit de l’anonymisation des membres de la juridiction. Ainsi, les noms des juges en charge de l’affaire (rapporteur et rapporteur public) n’apparaissent plus (ils sont remplacés par un espace blanc ou des points) et ce, quand bien même, les noms du requérant et de son avocat restent visibles. Cette pratique donne l’impression que le juge administratif n’ose pas porter la responsabilité des conséquences du rejet ou de l’annulation (Cf. en ce sens le témoignage de M. le Magistrat Arnaud Kiecken).

A l’analyse du reste des décisions, le 2nd constat que l’on peut faire, c’est que ces difficultés ont au fil des semaines diminué, le juge administratif ayant réaffirmé sa place et davantage « borné » l’action de l’Administration.

  1. Une reconsidération de l’office du juge. Quoi qu’on puisse en dire par ailleurs, les décisions du 11 décembre 2015 rendues par le Conseil d’Etat, ont eu le mérite d’inviter les juges administratifs en général à reconsidérer leur office. Elles créent d’abord une présomption d’urgence pour les contentieux concernant les assignations à résidence (évitant le rejet des recours sur ce point à l’avenir). En outre, elles ont invité le juge à reconsidérer la portée de son contrôle en REP : jusqu’alors il exerçait seulement un « contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation » (depuis 1985), désormais il doit exercer un contrôle plus approfondi, c’est le cas du contrôle « normal » des mesures (attention, le contrôle est évidemment plus restreint en procédure de référé : cf. la contribution de M. le pr. Stéphane Mouton). Au considérant n°16, est ainsi évoqué «  l’entier contrôle du juge de l’excès de pouvoir », ce qui corrobore les conclusions du rapporteur public : « Il nous semble important que votre décision envoie le signal clair, tant à l’égard de l’administration, des citoyens que des juges, que le contrôle exercé par le juge administratif sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence n’aura rien d’un contrôle au rabais, et que l’état de droit ne cède pas face à l’état d’urgence ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 décembre 2015 confirma « que le juge administratif est chargé de s’assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit » (considérant 12). Un magistrat administratif l’admet : « On est en quelque sorte passé d’un extrême à l’autre » (Cf. en ce sens le témoignage de M. la magistrat Arnaud Kiecken).
  1. Un contrôle renforcé en pratique. Parmi les jugements rendus les semaines suivantes, on relève les premières suspensions par les TA et le Conseil d’Etat. Bien que la cour suprême n’ait pas davantage encadré le recours aux notes blanches dès décembre, en pratique les juges administratifs en ont affiné le contrôle : suppléments d’instruction, enquêtes à la barre (R. 623-1 CJA), débats lors de l’audience publique sont largement utilisés pour obtenir des preuves supplémentaires à même de valider ou d’invalider le contenu de ces « notes ». Le 15 janvier 2016, le TA de Cergy considère que les « contraintes liées à l’activité des services de renseignement » ne sauraient suffire à exonérer l’Etat d’étayer une note blanche. Le 22 janvier 2016, le Conseil d’Etat suspend pour la 1ère fois en appel une assignation faute « d’élément suffisamment circonstancié ».

S’il semble clair que « les services de renseignement […] ne se lèvent pas le matin pour écrire des fausses notes blanches  » (ce sont les propos tenus par Mme Léglise, sous-directrice du conseil juridique et du contentieux de la place Beauvau), le contrôle juridictionnel a pu mettre en évidence que l’Etat avait commis des erreurs ou confusions : ainsi, une communication téléphonique en haut parleur n’aurait pas due être confondue avec une prise de photographies du domicile d’une personnalité protégée, et le projet professionnel d’être instructeur en boxe thaï n’aurait pas du prouvé que l’intéressé se soit livré à une activité d’entrainement de jeunes convertis dans la pratique des arts martiaux.

Selon les statistiques fournies par le Conseil d’Etat, 106 mesures de police administrative avaient été examinées au 25 février 2016 : dans 16% des cas, il y a eu suspension partielle ou totale (17 mesures), dans 65% des cas, il y a eu rejet (69 mesures) et dans 19% des cas (20) il y a eu abrogation de la mesure par le ministère de l’Intérieur avant que le juge ne statue.

Ce dernier chiffre nous conduit au 3e constat : Que le juge administratif ait amélioré son contrôle ces quatre derniers mois n’est pas suffisant tant qu’un certain nombre de mesures restent hors de son champ d’action.

Parmi les mesures qui restent hors du contrôle juridictionnel :

– il y a ces assignations à résidence que l’Etat prononce, et applique, puis abroge (parfois seulement quelques heures) avant leur examen par le juge administratif, forçant ce dernier à prononcer un non-lieu à statuer : il n’y a plus d’acte donc il n’y a pas de contrôle possible ;

– il y a, de la même manière, les assignations à résidence qui, aux alentours du 26 février, ont disparu du fait de la prolongation de l’état d’urgence. C’est une nouveauté de la loi de 2015 : toute mesure doit être renouvelée explicitement, et ne perdure pas pour le seul motif que l’état d’urgence est prolongé. Cette mesure a l’avantage d’obliger l’Etat à réétudier les situations individuelles, mais elle a l’inconvénient de forcer le juge à prononcer de nouveau des non lieu à statuer quand le recours a été introduit moins de 48 heures avant la prolongation ; plusieurs décisions du Conseil d’Etat rendues aux alentours du 26 février le prouvent ;

– enfin, et c’est là, le plus grand problème : les perquisitions administratives, qui forment la très large majorité des mesures de police administrative prises sous l’état d’urgence ne peuvent de facto  faire l’objet d’un contrôle juridictionnel a posteriori, car compte tenu de leur brièveté, elles ne peuvent pas décemment être contrôlées par le juge administratif.  Il reste à l’intéressé la possibilité d’exercer un recours indemnitaire, long et très incertain. Environ 1% des perquisitions qui ont eu lieu depuis novembre ont fait pour le moment l’objet de ce type de recours. (Sur les perquisitions administratives, cf. la contribution de Maître Benjamin Francos).

Ces éléments nous conduisent à penser que si le juge administratif est conscient des attentes qui s’expriment à son encontre, il ne faut décemment pas tout attendre de lui.

A propos des mesures que le juge administratif ne peut actuellement pas contrôler, il faudrait rétablir un contrôle a priori. Il y a une nécessité de reposer la question de la compétence du juge judiciaire : il a son rôle à jouer dans cette situation exceptionnelle, et il faut déterminer avec précisions dans quelle mesure (cf. la contribution de Mme la députée Marietta Karamanli).

A propos des mesures qu’il contrôle déjà, il faut se rappeler que le juge administratif n’est garant des libertés qu’à la condition que le Législateur les ai protégées avant lui. Autrement dit, son contrôle s’exerce au prisme de la loi et de son esprit. Et lorsque l’esprit de la loi est favorable à la sécurité plutôt qu’aux libertés, jusqu’où peut s’exercer son contrôle ?  Qu’on ait été en accord ou en désaccord avec la position du Conseil d’Etat quand il a confirmé les assignations à résidence des militants écologistes, il faut souligner qu’il a été conforme à l’esprit de la loi de 2015 qui cherchait à embrasser une menace devenue plus diffuse. C’est d’ailleurs ce qui fait dire à certains que, rien ne permet de penser que, s’il avait été compétent, le juge judiciaire aurait abouti à d’autres interprétations et d’autres conclusions.

Nous ne pensons donc pas qu’il n’y ait que les optimistes pour croire que le juge administratif peut garantir les libertés fondamentales. Il le fait depuis de nombreuses années, en France, et partout en Europe, en Méditerranée. En Grèce, il y a bientôt 50 ans, à l’époque de ce qu’on appelle la « Dictature des colonels », le gouvernement a nié, sous couvert d’ « urgence », le Droit, tous ceux qu’il protège et tous ceux qui le protègent. En 1968, il a suspendu la disposition constitutionnelle garantissant l’inamovibilité des juges pour révoquer en trois jours 30 magistrats et c’est le Conseil d’Etat grec, qui a, le 24 juin 1969, courageusement, déclaré cette révocation illégale, et c’est son Président qui a courageusement refusé d’en démissionner malgré les pressions. Cet exemple confirme encore ce que nous venons d’écrire : le juge administratif est un allié de l’Etat de droit, mais il ne peut l’assurer seul.

En France, aujourd’hui, ne reprochons donc au juge administratif que ce qui tient de sa responsabilité. Et souhaitons, comme lui, que face à la menace permanente, on ait recours à des instruments pérennes. L’état d’urgence prolongé maintient pour le moment dans une situation très inconfortable le juge administratif et l’équilibre qu’il défend.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 48.

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ParJDA

Un état d’urgence qui s’installe dans la durée est une épée de Damoclès sur nos libertés (interview)

par Serge SLAMA,
maitre de conférences HDR en droit public, Université Paris Ouest-Nanterre, CREDOF-CTAD UMR 7074
initiateur d’une intervention volontaire de 450 universitaires au soutien du référé-liberté
de la LDH ayant demandé la levée de l’état d’urgence

Un état d’urgence qui s’installe dans la durée
est une épée de Damoclès sur nos libertés (interview)

Art. 45. JDA : Qu’est-ce que l’état d’urgence selon vous ?

A mes yeux le régime d’état d’urgence est d’abord et avant tout le régime d’exception adopté en avril 1955 pour lutter contre l’insurrection algérienne sans déclarer l’état de siège. Il avait alors été fortement critiqué par la doctrine (on pense en particulier au célèbre article de Roland Drago, « L’état d’urgence (lois des 3 avril et 7 août 1955) et les libertés publiques », RDP, 1955, p. 671) – comme c’est encore le cas aujourd’hui (v. en particulier la monumentale étude d’Olivier Beaud et Cécile Guérin-Bargues, L’état d’urgence de novembre 2015 : une mise en perspective historique et critique, Juspoliticum, n°15, janvier 2016).

On sait en effet que la loi du 3 avril 1955 a été adoptée au début de la guerre d’Algérie. Alors que les attentats et actes de sabotages se multiplient le gouvernement Faure souhaite se doter d’instruments juridiques pour lutter contre cette insurrection mais sans reconnaître à ces opérations la qualification d’une guerre et aux fellagas le statut de combattants. Il s’agit de les considérer comme de simples fauteurs de trouble qu’on peut canaliser et réprimer grâce à un instrument de police administrative. C’est pourquoi on ressort alors des cartons ministériels un projet préparé en 1954 par François Mitterrand, ministre de l’intérieur du gouvernement Mendès-France qui visait à ne pas proclamer l’état de siège en Algérie (par méfiance à l’égard des militaires). Pour laisser accroire qu’il ne s’agit pas d’une loi d’exception pour l’Algérie, on présente cette loi non comme une loi de circonstance mais comme une loi plus générale applicable sur tout ou partie du « territoire métropolitain, de l’Algérie ou des départements d’outre-mer ». L’exposé des motifs n’évoque d’ailleurs pas une insurrection mais un « désordre » provoqué par « quelques bandes organisées de hors-la-loi, numériquement peu importantes » et rappelle que « l’Algérie, partie intégrante du territoire national, ne peut se voir dotée d’un régime d’exception »… (cité par Sylvie Thénault, « L’état d’urgence (1955-2005). De l’Algérie coloniale à la France contemporaine : destin d’une loi », Le Mouvement Social 2007/1 (no 218), p. 63-78).

Pour parachever le tout, comme les tremblements de terre dans la région d’Orléansville en septembre 1954 ont été suivi de pillages, on ajoute au « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » un second motif de proclamation de l’état d’urgence : les événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.

Si l’état d’urgence proclamé par la loi du 3 avril 1955 sur le territoire de l’Algérie pour une durée de six mois s’applique initialement au seul Constantinois, il est fin août 1955 étendu à l’ensemble des départements algériens. Il s’interrompt le 30 novembre 1955 avec la dissolution de l’Assemblée nationale.

Mais même pour quelques mois son application a été particulièrement liberticide (A. Heymann-Doat, Les libertés publiques et la guerre d’Algérie, Paris, LGDJ, 1972). Outre les mesures encore applicables aujourd’hui permettant de restreindre les libertés individuelles (assignations à résidence, interdiction de séjour, confiscation d’arme) ou collectives (couvre-feu, saisies de journaux, interdictions des réunions) s’ajoutent des dispositions bien plus répressives. Cette période est en effet marquée non seulement par des internements administratifs « à grande échelle » dans des camps (Emmanuel Blanchard, « État d’urgence et spectres de la guerre d’Algérie », La Vie des idées, 16 février 2016) mais aussi un empiétement sur les compétences de l’autorité judiciaire au profit de l’autorité administrative (perquisitions administratives, de jour comme de nuit) mais aussi, il ne faut pas l’oublier, de la justice militaire (Vanessa Codaccioni, Justice d’exception : l’État face aux crimes politiques et terroristes, Paris, CNRS éditions, 2015.).

JDA : Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à titre personnel à l’état d’urgence ?

Comme beaucoup de juristes j’ai été fasciné dès ma deuxième année de droit par les arrêts au GAJA sur les circonstances exceptionnelles comme Heyriès (1918), Dme Dol et Laurent (1919) ou encore Canal et Rubin de Servens (1962). Mais j’ai surtout été happé par l’état d’urgence lors de sa proclamation le 8 novembre 2005 à la suite des émeutes urbaines dans les banlieues consécutives au décès de Zyed et Bouna. Maître de conférences fraichement nommé à l’Université Evry Val d’Essonne j’ai alors participé à la réflexion collective – et souvent arrosée – qui a amené notre collègue Frédéric Rolin à saisir le Conseil d’Etat de requêtes en référé-suspension et en annulation et à relayer ces actions sur son blog contre l’état d’urgence proclamé. Alors que nous nous rendions presque quotidiennement à Evry en banlieue parisienne il nous semblait que l’état d’urgence était inadapté et disproportionné au regard de la situation compte tenu du fait qu’à la date de la promulgation de cet état d’urgence les moyens ordinaires de police administrative avaient permis de juguler ces émeutes. Comme le disait André Cheneboit dans le Monde du 24 mars 1955 pour décrire les instruments de la loi de 1955 « l’on ne braque pas un canon pour écraser une mouche ».

Or, en l’occurrence toutes les mesures adoptées par les préfets dans le cadre de l’état d’urgence (couvre-feux, interdiction de manifestation, etc.) auraient pu être adoptée dans le cadre de la légalité ordinaire. Il nous semblait donc que la proclamation de l’état d’urgence par le président Chirac obéissait en réalité à deux finalités étrangères à l’état d’urgence : d’une part un affichage politico-médiatique (montrer que le Premier ministre Dominique de Villepin était aussi crédible que son ministre de l’intérieur et rival pour l’élection présidentielle Nicolas Sarkozy) et de nécessités opérationnelles (mobiliser de manière extraordinaire les forces de l’ordre pour maintenir le calme dans les banlieues sans accorder de congés jusqu’à la St Sylvestre). Aux audiences devant le Conseil d’Etat, auxquelles j’ai assistée aux côtés de Frédéric Rolin, les représentants du gouvernement défendaient d’ailleurs uniquement le fait que les mesures de l’état d’urgence n’étaient nécessaires que pour prévenir la recrudescence des émeutes urbaines – ce qu’a validé le juge des référés compte tenu de la finalité préventive de l’état d’urgence (CE, réf., 14 novembre 2005, n° 286835). En déclarant recevable la requête de notre collègue, il a écarté l’idée que la proclamation de l’état d’urgence puisse être qualifiée d’acte de gouvernement contrairement à la proclamation de l’article 16 – en l’état actuel de la jurisprudence (CE, Ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens, n° 55049, Lebon). Le chef de l’Etat détient néanmoins un large pouvoir d’appréciation sur l’appréciation des motifs de déclenchement et le juge ne pratiquait alors qu’un contrôle restreint de l’erreur manifeste d’appréciation sur cette décision.

Assez naturellement j’ai été signataire du référé-liberté initié par Frédéric Rolin, Yann Kerbrat et Véronique Champeil Desplats, signé par 74 collègues, pour tenter d’obtenir la fin anticipée de cet état d’urgence dès lors que l’article 3 de la loi de prolongation du 18 novembre 2005 avait expressément prévu qu’ « il peut y être mis fin par décret en conseil des ministres avant l’expiration de ce délai ».

Si la requête a été rejetée, l’ordonnance rendue par Bruno Genevois comporte deux évolutions positives : d’une part elle reconnaît que toute personne résidant habituellement, à la date de la saisine du juge, à l’intérieur de la zone géographique d’application de l’état d’urgence a intérêt à en demander la cessation (seul François Julien Laferrière avait alors été déclaré irrecevable car il était en séjour de recherche à l’étranger). D’autre part, et surtout, même si le juge des référés admet le maintien de l’état d’urgence compte tenu « de l’éventualité de leur recrudescence à l’occasion des rassemblements sur la voie publique lors des fêtes de fin d’année » (CE, réf., 9 décembre 2005, Allouache et a., n° 287777, au Lebon), il était clair, qu’en l’absence de nouvelles émeutes, l’état d’urgence devait s’interrompre passer la St Sylvestre – ce qui fut fait à compter du 4 janvier 2006 par décret du 3 janvier 2006. C’était un exploit car, comme le notent Olivier Beaud et Cécile Guérin-Bargues au regard de l’expérience historique, il existe une « tendance presque naturelle du pouvoir exécutif à pérenniser un état d’exception » (L’état d’urgence de novembre 2015 : une mise en perspective historique et critique, préc., p.65). Or Bruno Genevois a clairement indiqué dans son ordonnance qu’un tel régime de pouvoirs exceptionnels a « des effets qui dans un Etat de droit sont par nature limités dans le temps et dans l’espace ».

L’ordonnance rendue par son successeur en janvier 2016 est bien moins satisfaisante.  En qualité de membre de la LDH (président de la section Nanterre Université), j’ai participé, en liaison avec Nicolas Hervieu, doctorant du CREDOF travaillant au cabinet Spinosi-Sureau, à la définition de la stratégie juridique visant à contester l’état d’urgence. Après le dépôt d’une vague de QPC contre le fondement légal des assignations à résidence (qui, paraît-il et de manière absurde, porte atteinte à la liberté individuelle uniquement si vous êtes enfermés plus de 12  heures par jour à domicile – Décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015, M. Cédric D. [Assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence], cons. 6)), des perquisitions administratives et des restrictions à la liberté de réunion, il est apparu que la seule fenêtre de tir contentieuse appropriée était avant la seconde prolongation fin février et peu après la publication du rapport Urvoas (contrôle parlementaire de l’état d’urgence). J’ai donc organisé, en complément du référé-liberté déposé par la LDH, Françoise Dumont et Me Henri Leclerc une intervention volontaire qui a réuni en quelques jours 450 signatures de collègues universitaires et chercheurs, et non des moindres (Olivier et Stéphane Beaud, Frédéric Sudre, Patrick Wachsmann, Danièle Lochak, Jacques Chevallier, Joël Andriantsimbazovina, Bastien François, Pascal Beauvais, Florence Bellivier, Laurence Burgorgue-Larsen, Marie-Anne Cohendet, Delphine Costa, Olivier de Frouville, Arlette Heymann-Doat, Stéphanie Hennette-Vauchez, Véronique Champeil-Desplats, Denis Mazeaud, Thomas Perroud, Mathieu Touzeil-Divina, etc.) (v. « Fin de l’état d’urgence : 450 universitaires intervenants volontaires sur le référé-liberté de la LDH »).

Malheureusement le juge des référés n’a pas été au rendez-vous de l’histoire et a rendu une décision non seulement décevante mais surtout potentiellement dangereuse pour les libertés. Il admet en effet le maintien durable de l’état d’urgence en jugeant que le péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public « qui a conduit, à la suite d’attentats d’une nature et d’une gravité exceptionnelles », à déclarer l’état d’urgence « n’a pas disparu » en janvier 2016 dès lors que « des attentats [de moins grande ampleur que ceux du 13 novembre] se sont répétés depuis cette date à l’étranger comme sur le territoire national et que plusieurs tentatives d’attentat visant la France ont été déjouées » et que « la France est engagée, aux côtés d’autres pays, dans des opérations militaires extérieures de grande envergure qui visent à frapper les bases à partir desquelles les opérations terroristes sont préparées, organisées et financées ». Seule ouverture, il n’exclut pas dans l’avenir une modulation des mesures prévues par la loi de 1955 qui pourront être désactivées selon les besoins (CE, réf., 27 janvier 2016, Ligue des droits de l’homme et autres, n° 396220).

Sans nier l’existence d’une menace – diffuse et permanente – d’attentats terroristes en France, si les mots ont un sens, il n’existait plus le 27 janvier 2016 de « péril imminent » résultant des atteintes graves à l’ordre public qui ont été provoqués par les attentats du 13 novembre. Or, non seulement les mesures pouvant être prises dans le cadre de l’état d’urgence ont perdu leur efficacité contre les réseaux terroristes mais en outre son maintien constitue pour tout à chacun une épée de Damoclès sur ses libertés. En effet à tout moment n’importe qui peut être assigné en raison d’un simple comportement, même assez vague, représentant une menace supposée pour l’ordre et la sécurité publics et même si cette menace est sans rapport avec le péril ayant justifié la proclamation de l’état d’urgence mais avec un autre événement – comme la COP 21 ou l’Euro de foot. Pire le Conseil d’Etat a admis que « la forte mobilisation des forces de l’ordre pour lutter contre la menace terroriste ne saurait être détournée, dans cette période, pour répondre aux risques d’ordre public liés à de telles actions » (CE, Sect., 11 décembre 2015, M. J. Domenjoud et a., n° 394989). Le rapporteur public expliquait en effet « qu’en réalité, avec les motifs ayant justifié la déclaration de l’état d’urgence, il doit bien […] exister un lien, mais un lien non pas idéologique ou politique qui tiendrait à l’origine des troubles auxquels il convient de parer, mais plutôt un lien opérationnel ou fonctionnel, qui tient à l’ampleur de la mobilisation des forces de l’ordre qu’ils pourraient entraîner et à la nécessité de ne pas avoir à mobiliser par trop ces forces dans un contexte déjà difficile, où, rappelons-le, le péril est imminent » (concl. X. Domino, RFDA 2016 p.105). Avec un tel raisonnement, en invoquant le manque de forces de police pour assurer la sécurité d’une gay pride les autorités russes pourraient assigner à résidence tous les militants homosexuels ou de défense des droits de l’homme susceptibles d’engendrer de graves troubles à l’ordre publics (v. contra : Cour EDH, 1e Sect. 21 octobre 2010, Alekseyev c. Russie, n° 4916/07, 25924/08 et 14599/09).

De même tout à chacun peut être perquisitionné sur ordre du préfet et sur la base d’une simple fréquentation d’un lieu par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics et ce sans pouvoir bénéficier de la protection offerte par la juridiction judiciaire ou de tout contrôle juridictionnel effectif. On ne peut en effet sérieusement souscrire à l’analyse du Conseil constitutionnel, pour le moins aberrante au regard des exigences de la CEDH, que la possibilité d’engager postérieurement à la perquisition la responsabilité de l’État  constitue une voie de recours suffisante pour respecter les exigences de l’article 16 de la DDHC « au regard des circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l’état d’urgence » (Décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme [Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l’état d’urgence], cons. 11).

JDA : Concrètement, quel est impact sur votre pratique professionnelle ?

L’état d’urgence a eu un impact indirect sur ma pratique professionnelle. D’une part, nous avons été particulièrement sollicités par les médias sur la question de l’état d’urgence, de sa constitutionnalisation mais aussi de la constitutionnalisation concomitante de la déchéance de nationalité de Français de naissance. Nous avons d’ailleurs organisé avec Frédéric Rolin et le sénateur Jean-Yves Leconte une conférence le 4 janvier 2016 au Palais du Luxembourg sur la constitutionnalisation de l’état d’urgence avec François St Bonnet, Olivier Beaud et Laurent Borredon (la vidéo doit être mise en ligne. V. aussi leur libre propos : « État d’urgence : un statut constitutionnel donné à l’arbitraire », JCP G  n° 4, 25 Janvier 2016,  71), suivie d’une autre conférence sur la constitutionnalisation de la déchéance le 15 février 2016. Nous avons aussi participé comme intervenant à plusieurs conférences sur ce thème, notamment une conférence organisée par le CREDOF le 21 janvier 2016 à Nanterre ou encore les journées « prison / justice » du GENEPI en présence des frères Domenjoud d’ailleurs et du contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

D’autre part, et surtout, alors qu’ils participaient à une manifestation le 29 novembre 2015 place de la République contre l’état d’urgence, plusieurs de mes étudiants en M2 droits de l’homme ont été parmi les 341 personnes interpellées sur la place et les 316 gardés à vue. Leur participation à la manifestation était pourtant purement pacifique, au sein d’un cortège politico-syndical. En outre selon toutes les témoignages recueillis par la presse ils sont été sciemment pris dans un « kelting » policier et ils n’ont ni entendu les sommations d’usage ni pu quitter le cortège, entouré par les policiers, au moment de la dispersion. Après avoir attendus plusieurs heures après l’interpellation avant d’être transportés, ils ont subi de la part des policiers des brimades et humiliations de nature sexiste ou en raison de leurs convictions politiques (v. leur témoignage : « La privation de droits : une leçon d’Etat ? », 4 décembre 2015). Le Défenseur des droits a été peu après saisi de leurs réclamations. Le comble est qu’alors que l’arrêté préfectoral qui interdisaient l’ensemble des manifestations sur la voie publique à Paris était expressément fondé sur la loi de 1955, le Conseil constitutionnel a jugé depuis que les dispositions de l’article 8 de cette loi « n’ont ni pour objet ni pour effet de régir les conditions dans lesquelles sont interdites les manifestations sur la voie publique » (Cons. constit., Décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme [Police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l’état d’urgence]). Les manifestations ne pouvaient donc être interdites dans le cadre d’un état d’urgence que sur le fondement de la légalité ordinaire et pas de manière générale et absolue comme elles l’ont été.

Cette expérience n’a fait que renforcer les convictions militantes de mes étudiants et la solidarité de la promotion 2015/2016 – merci Monsieur le Préfet. En effet un groupe d’étudiants du M2 droits de l’homme a ensuite participé à une analyse juridique avec des associations et des universitaires intitulées « L’urgence d’en sortir ».

Ces étudiants m’ont aussi accompagné à l’audience de Section au Conseil d’Etat et à l’audience devant le Conseil constitutionnel, dans laquelle la LDH avait été admise en qualité de tiers intervenante. Mieux, les étudiants qui avaient été placés en garde à vue ont été à titre personnel admis en qualité d’intervenants volontaires devant le Conseil constitutionnel dans la décision qui a fait reconnaître au Conseil constitutionnel que la loi de 1955 ne permettait pas d’interdire des manifestations… (Décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme [Police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l’état d’urgence]). Ils étaient représentés par Me Raphaël Kempf, un ancien étudiant du M2 droits de l’homme. Le seul avantage de l’état d’urgence est donc de susciter des vocations militantes dans sa contestation…

JDA : Au nom de l’état d’urgence, avez-vous été empêché d’agir, comme en temps normal ?

En effet, à la fin de l’année 2015 plusieurs compétitions de courses à pied ou de cross auxquels je m’étais inscrit avec mon club – l’Azur Charenton – ont été annulées sur décision de la préfecture.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 45.

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