Questionnaire de M. Biagiotti (43/50)

ParJDA

Questionnaire de M. Biagiotti (43/50)

Andréa Biagiotti
Etudiant – UT1 Capitole

Art. 181.

1 – Quelle est, selon vous, la définition du droit administratif ?

La définition du droit administratif ? Il s’agit dans un premier temps d’une question curieuse, parce qu’on pourrait simplement reprendre la définition classique que l’on retrouve dans différents cours et manuels de droit. Selon Weil et Pouyaud : « Le droit administratif est l’ensemble des règles définissant les droits et obligations de l’Administration, c’est-à-dire le gouvernement et l’appareil administratif ». Mais en réalité, et en tant que simple étudiant en droit, ce type de définition me paraît peut-être trop simpliste, car en réalité le droit administratif n’est que le tronc d’un ensemble de disciplines très vastes.

On pourrait ainsi définir le droit administratif comme la branche de droit public régissant les rapports entre les hommes et l’état, que ce soit au niveau de l’administration, mais également au sein des diverses règles permettant d’avoir des rapports entre les individus et l’Etat. Il s’agit certes d’une définition très générale, mais qui en réalité, si on a la volonté de décortiquer, on peut voir dans cette définition le tronc commun, c’est à dire ce qu’est la généralité qu’est le droit administratif. Puis par la suite, on peut s’intéresser aux branches de ce tronc, permettant de mettre en évidence toutes les disciplines qui sont liées au droit administratif.

2 – Selon vous, existe-t-il un « droit administratif d’hier » et un « droit administratif de demain », et dans l’affirmative, comment les distinguer / les définir ?

Oui, c’est certain, il existe un droit administratif d’hier, et d’aujourd’hui. Le droit administratif d’hier se considérait naturellement par son absence voire son occultation. Il existait, lors de la création du code civil en 1804 – et des années qui ont suivi – une véritable proclamation du droit civil, des rapports entre les hommes et des droits et devoirs les dotant de capacité juridique entre eux. Mais cette omniprésence a eu pour but véritable d’occulter la seconde discipline, à savoir le droit administratif, qui peut en apparaître comme un droit secondaire et voire même facultatif, dont son enseignement fût dans un premier temps dénigré avant de pouvoir enfin « rentrer dans les mœurs » auprès des universitaires et des étudiants en droit.

Il faut également ajouter un élément essentiel : le contexte historique qui a beaucoup joué au développement du droit administratif. En effet, il y avait la peur de la part des administrés de la puissance étatique. Tout en sachant que les régimes qui ont suivi la révolution Française de 1789 furent des régimes monarchiques, avec la puissance de l’Etat aux mains d’un seul homme, ce qui à créer et à promouvoir la peur après des administrés. Ces derniers avaient véritablement la hantise de revoir un seul Homme diriger le pays. Mais ce n’est pas la seule peur, car le roi se voyait doté de tous les pouvoirs, et sa puissance apparaissait comme suprême et despotique. La puissance de l’Etat était telle qu’il fût difficile de la renverser à maintes reprises au cours des trois derniers siècles, mettant ainsi en avant le peu d’intérêt que les administrés pouvaient en avoir, mais également la peur qui pouvait se créer au sein d’eux. En conséquence, le droit administratif pouvait être défini comme le droit qui régit les rapports entre l’administration, l’Etat, et les administrés, c’est à dire les citoyens.

Dans un second temps, le droit administratif d’actuel fût crée notamment par la prééminence et la force qui fût accordée au Conseil d’Etat ; celui-ci permettant enfin, depuis sa création jusqu’à ce jour, de mettre en avant toute l’importance du droit administratif, n’étant pas seulement un simple conseiller d’état, ce qui était son rôle principal à l’origine.

Le Conseil d’Etat a su, de par ses avis mais également sa jurisprudence, faire place à son rôle essentiel dans le système juridique Français. Il a permis de faire énormément d’avancées, il a admis le principe que l’Etat et ses représentants peuvent commettre des erreurs, de fautes, et ainsi se voir condamner. Mais également il a permis de faire comprendre aux administrés que le peuple Français se doit, s’il accorde son pouvoir à l’Etat, et à ses représentants, de pouvoir avancer avec, et non pas à l’encontre. Le droit administratif d’aujourd’hui serait donc un droit de compromis, avec des concessions faites aux administrés de la part de l’administration, et des concessions de la part de l’administration aux administrés, dans un souci d’équité et de continuité. Permettant ainsi aux administrés de légitimer le pouvoir, et ainsi de légitimer les règles qui sont issues du droit administratif.

3 – Qu’est ce qui fait, selon vous, la singularité du droit administratif français ?

La singularité du droit administratif Français se caractériserait tout simplement, dans un premier temps par la séparation des pouvoirs. En effet, et comme nous le savons, le pouvoir exécutif, législatif, et judiciaire Français se doivent d’être séparés. On pourrait ensuite arriver à une seconde étape, à savoir la stricte séparation qui pouvait exister entre la branche de droit privé, et la branche de droit public. Mais, en s’intéressant plus précisément à cela, la caractéristique et la singularité du droit administratif Français serait son actuel entremêlement avec le droit privé. En effet, cette singularité se caractérise par l’entremêlement et le besoin que peut exprimer l’une des disciplines à l’autre. Aujourd’hui, on ne peut plus faire fonctionner une discipline sans l’autre.
Il fût un temps ou les deux disciplines se devaient d’être séparées strictement, et où l’on devait occulter tout lien pouvant exister entre les deux matières, alors qu’aujourd’hui, malgré le fait qu’on se doit, en tant qu’étudiant de droit, de choisir si l’on souhaite continuer ses études en tant que « privatiste » ou « publiciste » la réalité est entièrement différente.
En effet, à partir du moment où l’on comprend que ses deux matières se doivent de « travailler » et de « murir » ensemble, la singularité de la matière serait donc le besoin d’existence avec l’autre discipline, le droit privé. La singularité étant que l’une s’inspire de l’autre, et inversement. Permettant ainsi de faire progresser chacune des deux disciplines, malgré de nombreuses différences évidentes.

4 – Quelle notion (juridique) en serait le principal moteur (pour ne pas dire le critère) ?

La notion juridique qui est le principal moteur du droit administratif est plus simplement l’administration. En effet, sans administration, on ne peut faire de droit administratif. Il paraît donc nécessaire que son moteur principal soit la puissance étatique au sens large, et plus précisément la puissance qui est accordée aux personnes publiques et aux administrations, ce qui permet de comprendre tout l’intérêt du droit administratif, à savoir répondre aux interrogations pouvant être posées par les administrés, mais également de permettre un fonctionnement certain et continu de l’Etat.

5 – Comment le droit administratif peut-il être mis « à la portée de tout le monde » ?

Le droit administratif pourrait être mis à la portée de tout le monde en le clarifiant et en le simplifiant. Il existe aujourd’hui, et je le constate en tant qu’étudiant en droit de 3e année, une certaine complexité et une incompréhension telle que son intérêt n’est pas compris. Alors, nous avons eu certes une codification à droit constant ces dernières années, permettant aux premiers abords de comprendre et clarifier le droit administratif dans ses traits les plus larges, c’est certain, mais le problème est tel que lorsqu’on parle de droit administratif, les administrés ne comprennent ni ses subtilités, ni sa complexité, et encore moins son intérêt. Le problème étant la complexité qui peut être présente au sein de la procédure administrative. Lorsqu’on nous affirme que lorsque nous marchons dans la rue, nous sommes sur le domaine public, ou encore qu’il faille des autorisations pour construire une maison sur un terrain acquis par soi-même, il paraît difficile de comprendre l’intérêt et les enjeux.

Différents exemples existent, mais l’un des plus marquant à mes yeux étant celui des délais à suivre, et des recours que l’on peut exercer ou non. Que l’on doit dans telle ou telle situation, il convient de s’adresser à telle ou telle administration ; lorsque l’on demande la délivrance d’un acte administratif, et qu’on vous le refuse, on pourrait imaginer qu’un recours devant le tribunal administratif compétent suffirait, mais ce dernier serait rejeté car il est nécessaire de s’adresser à la CADA. Or, en réalité, peu de gens le savent. Cela met en avant non seulement le morcellement qui peut exister au sein des administrations, malgré une volonté d’en avoir une unique, mais également la difficulté de se « repérer » au sein de cette complexité juridique. Cela peut donc nous conduire à supposer qu’il existe différentes failles au sein de l’administration Française. Ces failles pouvant être dues soit à un manque d’information, mais elles permettent ainsi à l’administration d’assoir ses nombreux pouvoirs et sa complexité, mais manifestent aussi un manque de puissance et de compréhension de la part des administrés. Tout en sachant, bien sûr, que l’administration a, et aura toujours l’avantage sur les administrés.

6 – Le droit administratif est-il condamné à être « globalisé » ?

Au sujet de la globalisation du droit administratif, elle est en effet nécessaire. C’est à dire que le droit privé et le droit public, qui ne fonctionnaient pas ensemble auparavant, sont obligés aujourd’hui de travailler ensemble pour avancer, apprendre l’un de l’autre. Chacune des matières s’inspirant de l’autre, leur globalisation est donc nécessaire. Il est non seulement condamné à le faire, mais en réalité il l’est déjà. Il existe aujourd’hui beaucoup trop de lois, et d’articles de code indiquant qu’on doit se référencer à des procédures ou des articles de droit civil, et inversement. Donc dans un sens, le droit administratif est déjà condamné. Mais, ce n’est pas vraiment une condamnation en y réfléchissant, parce qu’elle permettrait simplement d’avoir une véritable unité du droit, cette condamnation serait plus qu’utile sur de nombreux aspects, il ne faut pas voir son aspect négatif, bien au contraire.

7 – Le droit administratif français est–il encore si « prétorien » ?

Le droit administratif Français n’est plus si prétorien qu’auparavant. En effet, de par la volonté du législateur d’une codification et de la création de nombreux codes à droit constant, cet aspect prétorien tend à disparaître. Mais malgré cela, le droit administratif Français reste tout de même un droit prétorien, énormément inspiré de la jurisprudence, qui a su marquer par de nombreux aspects, l’importance du Conseil d’Etat comme juridiction administrative Française, et toute l’importance de ses décisions qui se doivent d’être suivies par les administrations, et les administrés. Au cours du XXe siècle, il y a eu énormément de nouveautés, de modifications, et de créations qui sont directement issus de la jurisprudence ; ainsi on ne peut se défaire –  même si l’on en arrive à une codification complète du droit administratif – une prééminence de la jurisprudence qui ne cessera d’exister que lorsque le juge se décidera de ne pas créer de nouvelles règles et de nouvelles dérogations, mais de suivre au pied de la lettre les textes écrits. Mais malgré cela, et les exemples récents sont nombreux, le Conseil d’Etat permet également d’analyser, et de comprendre une situation juridique jusqu’alors inconnue. On peut ainsi prendre les différents exemples des crèches au sein des lieux publics, ou bien encore du burkini ayant fait les unes des différents tabloïds. En effet, ces situations, jusqu’alors inconnues du législateur, ont mis en évidence l’importance d’un Conseil Constitutionnel afin de comprendre de nouvelles situations. Dans la continuité, la Cour de Cassation a également pu mettre son rôle de juridiction judiciaire à l’essai, en définissant elle aussi de nouvelles situations juridiques, jusqu’alors inconnues.
Par conséquent, le droit administratif est, et sera toujours dans l’avancée du temps un droit prétorien, pour simplement permettre d’appréhender de nouvelles situations juridiques. Il est donc un droit évolutif, qui évolue avec son temps et les situations nouvelles qui peuvent lui être soumises.

8 – Qui sont (jusqu’à trois propositions) selon vous, les « pères » les plus importants du droit administratif ?

Les pères du droit administratif sont pour moi, dans un premier temps Maurice Hauriou. Cet ancien Doyen de la faculté de Toulouse 1 Capitole, a fait du critère de la puissance publique son fondement. Il développa au cours de sa carrière et de sa vie de nombreuses théories, et fondements, qui sont encore source d’inspiration aujourd’hui. Il a créé à Toulouse « l’Ecole de Toulouse » ou il placera tous ses espoirs de développement.

Dans un second temps, Léon Duguit, professeur de droit public à l’université de Bordeaux. Il va, dans une certaine continuité avec Maurice Hauriou, mettre en place « l’école du service public ».

9 – Quelles sont (jusqu’à trois propositions) selon vous, les décisions juridictionnelles les plus importantes du droit administratif ?

Différentes décisions furent véritablement marquantes au sein du droit administratif.

  • La première étant l’arrêt Blanco, de 1873, car cet arrêt va permettre, pour la première fois, de mettre en cause la mise en cause de la responsabilité de l’Etat.
  • La seconde étant l’affaire du Bac d’Eloka, de 1921, qui a permis la création du service public industriel et commercial, et de faire la distinction entre SPIC et SPA.
  • La dernière, et montrant toute l’importance de ce droit évolutif, à qui on oppose de nouvelles situations juridiques, l’arrêt Commune de Morsang Sur Orge de 1995, qui développa une nouvelle composante de l’ordre public, en mettant en avant l’évolution nécessaire avec son temps de ce droit administratif.

10 – Quelles sont (jusqu’à trois propositions) selon vous les normes (hors jurisprudence) les plus importantes du droit administratif ?

Il existe plusieurs normes importantes au sein du droit administratif Français. A commencer par la Constitution de la Vème République, ainsi que son préambule contenant différents textes, notamment la déclaration de 1789 jusqu’à la charte de l’environnement de 2004, tout en passant par le préambule de 1946, définissant les libertés accordées au peuple, mais également de disposer que l’Etat en devient le protecteur. Tout ceci rejoignant directement le droit administratif, qui se doit de protéger et d’affirmer les droits de chaque citoyen, mais également les devoirs qui lui sont dus.

Ensuite, le rôle des normes internationales, notamment la Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950, reprenant dans un premier temps le travail des législateurs Français, mais également permettant d’assoir la position de l’Europe vis à vis des états qui en font partie ; ce qui met en évidence  la nécessaire évolution du droit administratif puisque ce dernier peut se voir appliquer de nouvelles mesures directement applicable en droit Français, et qui doivent être respectées.

11 – Si le droit administratif était un animal, quel serait-il ?

(…)

12 – Si le droit administratif était un livre, quel serait-il ?

S’il était un livre, il serait « la ferme des animaux » de George Orwell, car l’enseignement principal de cet œuvre est que nous sommes tous égaux, mais certains le sont plus que d’autres. Or, le droit administratif, à mon avis, met en avant le fait que tous les administrés sont égaux, mais que l’administration sera toujours plus puissante et plus dominatrice.

13 – Si le droit administratif était une œuvre d’art, quelle serait-elle ?

Si le droit administratif était une œuvre d’art, ce serait le tableau de Delacroix « la liberté guidant le peuple ». Car pour moi, cette œuvre permet non seulement de comprendre ce qu’est la liberté, mais également les limites que peuvent être ses libertés, à savoir le respect d’autrui. Dans un sens, c’est pour moi le rôle du droit administratif : autoriser tout un chacun à prendre des décisions, et commettre des actes, toujours dans le respect notamment de l’ordre public, et des bonnes mœurs, et c’est l’Etat, et plus précisément la puissance publique et donc l’administration qui pose ces limites.

Journal du Droit Administratif (JDA), 2017, Dossier 04 : «50 nuances de Droit Administratif» (dir. Touzeil-Divina) ; Art. 181.

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