Archive mensuelle 14 novembre 2023

ParJDA

Jules Liégeois (1833-1908), « professeur hypnotisant » du Droit (II/II)

Art. 417.

Le présent article rédigé par le pr. Mathieu Touzeil-Divina, Co-directeur du Master Droit de la Santé, Université Toulouse Capitole, s’inscrit dans le cadre de la 8e chronique en Droit(s) de la santé (janvier 2024) du Master Droit de la Santé (Université Toulouse Capitole) avec le soutien du Journal du Droit Administratif. Il est composé de deux parties :

Jules Liégeois (1833-1908)
« professeur hypnotisant » du Droit – II

La présente contribution est respectueusement dédiée à la plus nancéienne des avocates (Sophie H.) et au plus liégeois des Méditerranéens (Idir C.) ainsi, naturellement, qu’au chevalier Estéban T.
Elle est, enfin, offerte à la plus hypnotisante et chérie des sœurs.


Jules Liégeois,
entre les médecines & les droits

1884-1889. En matière de suggestion, l’ouvrage le plus important de Liégeois se construira en deux temps : en 1884, d’abord, il fait publier son Mémoire préc. de 1884 qu’il a défendu, non sans courage, à l’Institut de France. En 1889, il a considérablement augmenté le volume de sa démonstration et de sa production et en offre un opus intitulé : De la suggestion et du somnambulisme dans leurs rapports avec la jurisprudence et la médecine légale[1]. Il s’agit de son œuvre la plus importante hors des Répétitions écrites sur le droit administratif.

De 1884 à 1888, il a affiné ses théories, démontré à nouveau et avec plus de rigueur ce qu’il avait commencé à indiquer et – surtout – il a tenu compte de tous les arguments contraires notamment portés par Charcot et ses disciples pour prévoir quelques contre-attaques et/ou réponses. En effet, comme le rappelle Liégeois en introduction de la publication de 1889, son mémoire du printemps 1884 avait occupé cinq séances complètes à l’Institut : deux (les 05 et 19 avril) pour qu’il expose ses propositions et découvertes et trois (les 26 avril, 03 et 10 mai 1884) pour qu’elles soient discutées et parfois contredites violemment. Il comptait donc beaucoup – pour être davantage entendu et compris – sur l’aide de celui qui l’avait invité au printemps 1884 à présenter son point de vue devant l’Académie des sciences morales et politiques : Émile Boutmy (1835-1906). Fondateur (en 1871) de la future Sciences Po Paris, l’homme est ouvert à toutes les idées susceptibles d’entraîner progrès, discussions mais aussi controverses. Avec Liégeois, il trouve un orateur réunissant toutes ces qualités et l’invitera même à rejoindre l’Académie comme correspondant en 1899.

L’exemplaire sur lequel nous avons eu la chance et le plaisir de travailler cette contribution était précisément dédié à Boutmy, en 1889, avec un hommage des plus sincères. Nul doute qu’il s’est agi d’un précieux soutien permettant à Liégeois, au-delà de Nancy, de présenter et de confronter ses doctrines (A) mais aussi de s’insérer dans le milieu de la médecine légale alors exclusivement dirigé par des docteurs en médecine, surtout parisiens (B).

A.   Jules Liégeois & les doctrines de la suggestion
aux prismes du Droit

Doctrines liégeoises de la suggestion. En 1889, les premiers mots de la démonstration de Liégeois sont pour l’École de Paris et – plus spécialement – non pour Charcot mais pour son élève Gilles de la Tourette. Liégeois et lui forment un duo exceptionnel de savants aux caractères trempés et aux convictions profondes n’hésitant pas à s’invectiver parfois et à s’interpeller souvent à l’instar d’un Duguit (1859-1928) et d’un Hauriou (1856-1929) à la même époque dans les Facultés de Droit. Ainsi écrit Liégeois[2] : « L’auteur, qui est médecin » ce qui est déjà un premier tacle lorsqu’on se rappelle que Gilles de la Tourette lui faisait remarquer qu’il n’avait aucune légitimité à parler de santé en tant que profane… ce qui permettait ici au professeur de Droit de faire remarquer que dans l’expression « médico-légale » il y avait aussi du Droit. « L’auteur, qui est médecin » donc « proclame que « s’il y a quelque chose que l’on puisse redouter dans l’hypnotisme, ce n’est pas la suggestion » ». Or, contredit de façon diamétralement opposée le Lorrain : « s’il y a, au point de vue médico-légal, quelque chose à redouter dans l’hypnotisme, c’est la suggestion ».

L’ouvrage est alors s’abord construit sur l’étude des racines et des progressions de la suggestion au regard du mesmérisme, du magnétisme animal ou encore de l’hypnotisme de Braid. Et ce n’est qu’après avoir rappelé[3] cette évolution qu’il va pouvoir distinguer la suggestion telle qu’elle est envisagée à Nancy de toutes les autres méthodes. L’œuvre pédagogique en est remarquable comme l’est[4] sa façon d’oser affronter toutes les autres théories et thèses existantes de front. Partant[5] va insister Liégeois : il existe différentes formes, degrés et modes d’hypnotismes, de sommeils et de suggestion. Toutefois, au regard du Droit, la première question essentielle est, selon lui, celle du consentement.

En travaillant d’abord et avant tout sur les questions de volonté et de consentement à un acte ou à un fait, la démarche du juriste Liégeois n’étonne pas. Il s’agit de la base même de l’ensemble du droit romain et du droit privé encore positif. Il s’agit aussi de ce que l’on attend d’une étude juridique ou par un juriste sur un sujet donné.

À nos yeux, à cet égard, le premier apport de Liégeois à la réflexion sur l’hypnose réside bien dans ce questionnement : quelle est la liberté des hypnotisés ? ; jusqu’où peut aller la suggestion malgré la volonté ou le consentement ? Et c’est d’ailleurs précisément sur ce sujet qu’on le consultait et qu’on attendait ses propositions et ses expertises juridiques comme en témoigne la visite préc. du professeur belge Delbœuf à Nancy en 1887[6]. De tous les promoteurs de l’École de Nancy, Liégeois était manifestement le « préféré » de Delbœuf qui n’a à son égard, même lorsqu’il est en désaccord, que des termes mélioratifs et positifs (ce qui n’est clairement pas le cas avec Bernheim (où l’on sentirait même des relents d’antisémitisme[7]). On pourrait même dire, avec gourmandise, que de Liégeois, Delbœuf avait fait son chocolat liégeois.

Concrètement, affirmait Liégeois, sous certaines conditions – d’où un danger évident – quiconque pouvait être hypnotisé et – certains – (et non tout un chacun) en fonction de ses appétences, de ses croyances et de son sens moral (soulignera Bernheim) pouvait se voir suggérer, comme malgré sa volonté, de commettre les pires infractions. Juridiquement, cependant, puisque la volonté n’avait pas été exprimée et le consentement matérialisé, la victime hypnotisée ne pouvait[8] « dès lors être considérée comme libre, ni, par suite, comme responsable ».

De même, sur ces rapports entre Droit, hypnotisme, suggestion et médecine, Liégeois proposait même que la Justice n’ait[9] « pas le droit de faire hypnotiser un prévenu pour obtenir de lui, par ce moyen des aveux ou les dénonciations auxquels » il se serait refusé « dans son état normal, c’est-à-dire quand il jouit de son libre arbitre ».

Suggérer une infraction malgré le consentement de l’hypnotisé est-il possible ? « Oui », assurément, répond presque avec gourmandise Liégeois qui en effraye le public craignant que n’importe qui ne se voit suggéré de tuer quiconque ou de voler n’importe quoi. Même s’il va, au fur et à mesure des années, et dès 1889, atténuer cet enthousiasme en montrant l’importance de réunir plusieurs conditions pour qu’un crime soit suggéré malgré la volonté de son commettant, Liégeois, alors tout de même soutenu par Beaunis, va trop inquiéter ses collègues nancéens et réjouir ses détracteurs qui ne retiendront que cette hypothèse (et non les conditions de sa matérialisation). En 1884, ainsi, devant l’Académie des sciences morales et politiques, Liégeois avait conclu que[10] « les personnes qui rêvent à haute voix et qui semblent a priori plus hypnotisables que les autres, agiront prudemment en ne regardant pas trop longtemps et avec trop grande fixité des étrangers, des inconnus, avec lesquelles elles se trouveraient seules, par exemple, dans un compartiment de chemin de fer ». Georges Gilles de la Tourette[11] s’en était ouvertement moqué en résumant le propos comme suit : « la suggestion est l’épée de Damoclès constamment suspendue sur nos têtes » !

Suggérer une infraction malgré le consentement de l’hypnotisé est-il possible ? « Non » va alors rétorquer très rapidement Bernheim rassurant ledit public et ses autorités mais se séparant une fois de plus de son « ami Liégeois » : pour qu’une telle suggestion soit possible, il faut nécessairement que le « sens moral » de l’hypnotisé accepte (sinon encourage) l’infraction suggérée. Il faut, expliquait Bernheim dans son dernier ouvrage[12], une « conscience morale absente » ainsi qu’une « suggestibilité » très forte.

Ainsi, écrit explicitement Bernheim[13] : « Quand M. le professeur Brouardel[14] nous fait dire que toujours le somnambule appartient au magnétiseur (sic) comme le bâton du voyageur appartient au voyageur, il exprime là une idée qui n’appartient pas à l’École de Nancy » (nunc). En effet, pour Bernheim, une idée même amorale n’est que « suggérée » à un hypnotisé qui demeure « capable de volonté ». N’est-ce pas, peu ou prou, le même « diagnostic » ou énoncé que celui préc. mais un siècle et demi plus tard des juges administratifs nancéens dans leur décision du 29 mars 2022[15] : « le procédé de l’hypnose ne peut, pour pouvoir être pratiqué, être réalisé contre le gré du patient ». Les magistrats ont donc suivi Bernheim bien plus que Liégeois.

Insistant sur la force des mots et de la parole suggérés pour démontrer avoir coupé les liens avec le mesmérisme, les fluides et les « passes » magnétiques, Liégeois va même être l’un des pionniers en matière de suggestion à distance. Dès 1885, il s’en fait l’écho à l’Académie de Stanislas[16] (et le reprendra dans l’ouvrage préc. de 1889) par l’usage du téléphone ce que Braid dans sa neurypnologie avait déjà imaginé en proposant des pratiques d’hypnose à distance.

Liégeois est par ailleurs l’initiateur des « crimes de laboratoire » ce pour quoi il sera autant admiré et applaudi (par Delbœuf par exemple) qu’hué et dénigré (par Gilles de la Tourette en particulier). De quoi s’agissait-il ? Pour démontrer son hypothèse selon laquelle on pouvait non seulement suggérer des infractions à certaines personnalités particulièrement sensibles ou prêtes à ces actes, Liégeois – respectueux du Droit et du Code pénal – entendait recréer des infractions virtuelles aux fins d’études. Il suggérait ainsi par exemple à une femme de commettre un parricide mais ce, avec des balles à blanc afin simplement de constater s’il était possible de suggérer de tels actes. Et c’est précisément parce que ces « crimes de laboratoires » étaient concluants qu’il les estimait réalistes et non imaginaires ou impossibles comme le prétendait l’École de Paris.

C’est à ce titre qu’il consacre le plus de pages de son plus important ouvrage (celui préc. sur la Suggestion et le somnambulisme de 1889) : à décrire des expériences qu’il a réalisées ou dont il a été l’observateur. Il analyse alors les conséquences juridiques de suggestions faites à des hypnotisés et imagine leurs implications judiciaires et juridictionnelles. En particulier, on l’a dit, il insiste sur les hypothèses les plus violentes ou les plus dramatiques : le viol, le crime, le parricide, etc. Plus précisément[17] encore, il imagine comment – en Justice – essayer de démontrer qu’une personne a été hypnotisée et comment l’en débarrasser[18] : « puisque le principe de l’automatisme somnambulique aurait pour effet de préserver d’une punition méritée l’auteur delà suggestion ; puisque le prévenu, en vertu de l’ordre reçu, ne le dénoncera jamais directement, il faut le lui faire dénoncer indirectement, par des actes dont il ne comprendra pas la signification, ou même par des démarches auxquelles on donnera une apparence de protection ou de défense pour le criminel lui-même ».

Au titre des « crimes de laboratoire », il traite aussi aux côtés de Bernheim les « hallucinations négatives » (dont l’expression sera jugée inepte par l’École de Paris) et qui consiste en la suggestion faite de faire disparaître du réel une chose ou une personne pourtant matériellement présente[19]. Alors explique-t-il avec des termes d’une très intéressante modernité[20] :

« Examinons maintenant quelles sont les conclusions qui peuvent être tirées des faits qui précèdent. Ils établissent, cerne semble, que, durant l’hallucination négative, les hypnotisés voient ce qu’ils paraissent ne pas voir et entendent ce qu’ils paraissent ne pas entendre. Seulement, ils voient et ils entendent d’une façon inconsciente. Il y a, en eux, deux moi : un moi inconscient, qui voit et entend, et un moi conscient, qui ne voit ni n’entend, mais auquel on peut faire des suggestions, en passant, si je puis m’exprimer ainsi, par l’intermédiaire du premier moi ».

On ressent plus loin, dans sa conclusion, une véritable excitation quand aux perspectives qu’il ouvre ou croit ouvrir et cet enthousiasme est communicatif. On l’entendrait presque s’écrier[21] :

« Jusqu’ici, on a cru que la personne rendue invisible pour le sujet hypnotique n’était pas vue par lui ; qu’elle n’était pas entendue de lui, quand on lui avait suggéré de ne pas l’entendre.
Or, j’ai montré le contraire ; je crois avoir prouvé que celui qui paraît ne pas voir, voit ; que celui qui paraît ne pas entendre, entend ; que celui qui semblait devoir être, pour un temps, insensible aux suggestions de la personne objet de l’hallucination négative, les subit avec une docilité parfaite et les réalise avec une exactitude absolue.
Si donc, — mais, c’est là une si grande espérance que j’ose à peine la formuler ! — s’il en était de même pour le malade, agité par le délire de la fièvre ? pour l’aliéné, jeté hors de la vie réelle par les fantômes que crée son cerveau halluciné ? S’il y avait là des faits de vie inconsciente, analogues, sinon identiques à ceux que nous venons de produire ? Et si l’on pouvait, dès lors, trouver dans ces désordres mêmes de la pensée, un moyen de la rétablir dans son intégrité, de faire des suggestions thérapeutiques produisant tout l’effet qu’on en obtient dans les autres états hypnotiques ? Si le délire lui-même donnait au médecin, à l’homme de l’art, le moyen de faire cesser le délire et de guérir le malade ?
Mais je m’arrête. Sans doute, l’ambition est trop grande » !

Liégeois perçoit, valorise et se réjouit de ces perspectives thérapeutiques qu’un non-médecin comme lui approche pourtant.

Il a souvent été reproché à Liégeois de n’être qu’un juriste théoricien. Or, rappelait-il fréquemment, au fil de ses pages. Comme hypnotiseur, il était un praticien. Certes, il ne détenait pas un doctorat en médecine mais voyait bien « en pratique » toutes les applications possibles et thérapeutiques de la suggestion. Et, quand on lui reprochait de n’être qu’un praticien de salon ou de « laboratoire » à l’instar de ses « suggestions criminelles » préc., il n’hésitait pas à rappeler qu’aux côtés des médecins Liébeault, Beaunis et Bernheim, il avait été conduit aussi à pratiquer des arts curatifs.

On avoue d’ailleurs être très étonné de ce qu’à aucun moment il n’ai été poursuivi en exercice illégal de la médecine alors qu’il décrivait des pratiques suggestives susceptibles de soigner. En particulier, insistait-il déjà et de façon très moderne, la suggestion hypnotique a des effets physiologiques et notamment antalgiques fondamentaux. Il est alors l’un des premiers non-médecins à décrire[22] « l’anesthésie chirurgicale » au moyen de la suggestion. De même affronta-t-il la question de l’amnésie potentielle des hypnotisés.

Dès 1866, Liébeault avait constaté et commencé à théoriser cette l’amnésie des hypnotisés à leur réveil sur ce qu’ils venaient d’accomplir pendant leur « sommeil ». C’est alors que le pionnier nancéen eut l’intelligence de comparer l’état d’hypnose à[23] « certains sommeils profonds » qui donnent l’impression aux réveils des intéressés qu’ils n’ont pas rêvé car ils ne se souviennent de rien. Toutes les études postérieures ont alors montré la véracité de l’intuition : nous rêvons toutes et tous dans notre sommeil « classique » et pourtant nous ne nous souvenons pas toujours desdits songes. Il en serait logiquement de même de l’état de sommeil hypnotique selon Liébeault mais rassureront ses successeurs dont Bernheim, un souvenir réel ou imaginé ressentit par un individu peut toujours être réactivé.

Partant, avait imaginé Liégeois, il existerait un « état second » provoqué par plusieurs types de sommeils qu’il avait cherché à systématiser. Partant de la théorie développée par le Dr bordelais Eugène Azam (1822-1899) sur la « condition seconde », Liégeois[24] développe l’idée selon laquelle non seulement la théorie d’Azam est la sienne mal interprétée et sans le citer mais encore qu’elle doit être améliorée pour montrer la part de « conscience » des hypnotisés. Même son pire détracteur[25] le reconnaîtra : « nous pouvons (…) concéder à [Liégeois] que personne ne lui contestera la priorité de l’idée qu’il se fait de l’état second ». Gilles de la Tourette en fera même un usage dans son ouvrage[26] sur « les états analogues » à l’hypnotisme, montrant bien, de ce fait qu’il partageait – sur ce point au moins – la conception lorraine.

B.   Jules Liégeois & la médecine légale
en théories comme en pratiques

Un triple « non » au pouvoir central. Le professeur Liégeois était courageux et parfois même téméraire pour ne pas dire imprudent. A plusieurs reprises, ainsi, il a osé dire « non » dans des situations où la plupart de ses contemporains auraient surtout contacté la fuite plus encore que le courage.

  • Ainsi, avait-il su dire « non » au pouvoir central parisien en refusant de rester au ministère de l’Intérieur pour y préférer le professorat en province. « Non » avait-il également dit à l’extension de ce même pouvoir exécutif de plus en plus centralisé. Raison pour laquelle dans ses Répétitions écrites de droit administratif, la place des territoires et notamment des départements et des communes était-elle valorisée. Il faut lire à cet égard son important commentaire[27] (de plus de cent cinquante pages) décentralisateur de la Loi du 10 août 1870 sur les conseils généraux.
  • « Non », on l’a déjà compris, avait-il également osé proclamer, en pleine séance de l’Institut de France, à l’académisme et à la Faculté de médecine de Paris. « Non » à l’École de la Salpêtrière et à Charcot, Babinski et Gilles de la Tourette qui ne pensaient pas voir venir la contestation de province et d’un juriste !
  • « Non » avait-il encore osé crier plus jeune lorsque Liégeois avait pris des risques et s’affirmer puisque l’Histoire raconte (et notamment son biographe à la notice préc. des Mémoires de la Société de Bar-Le-Duc) qu’après le coup d’état du futur Napoléon III, le chef de cabinet Liégeois apprenant que les têtes du parti républicain local (les frères Isidore (1812-1860) et Nicolas (1823-1902) Buvignier) allaient être arrêtés puis déportés, les en avertit en cachette par une missive anonyme qui leur permit de s’exiler à temps en Belgique.

Liégeois savait dire non et marquer son refus comme il savait prendre des risques et non se réfugier dans un confort commode.

L’affaire Gouffé-Bompard & le coupable liégeois idéal. Cette affaire[28] sordide est l’une des grands contentieux médiatiques et pénaux de la fin de siècle. En résumé, c’est le jour de la Sainte Radégonde, le 13 août 1889, que l’on a découvert, en deux endroits de la campagne lyonnaise (à Millery et à Saint-Genis-Laval), les restes humains mutilés d’un huissier de Justice parisien disparu depuis quelques jours, Toussaint Auguste Gouffé (1841-1889) (ainsi, en un autre lieu, que la malle les ayant contenus). L’homme n’est d’abord pas identifié formellement au point qu’il faille, trois plus tard, faire intervenir le ponte lyonnais (aux célèbres moustaches) de la médecine légale, Alexandre Lacassagne (1843-1924). Les soupçons vont alors se tourner vers un couple de suspects dont la femme, Gabrielle Bompard (1868-1920), qui va se rendre spontanément[29], va prétendre avoir agi sous hypnose au nom et sous l’influence de son amant manipulateur, Michel Eyraud (1843-1891).

Si sa théorie va être qualifiée d’impossible par les médecins de l’École de Paris, Jules Liégeois, quant à lui, non seulement va y croire mais va se déplacer à la Barre des Assises de la Seine pour expliquer son point de vue sur la possible suggestion criminelle. Il avait, cela dit, été précédé de Bernheim (qui refusera pourtant d’aller témoigner comme expert) qui avait déclaré[30] – ce qui contrariera sinon agacera l’expert médical l’ayant examiné (le pr. Paul Brouardel (1837-1906)) ainsi que l’École de Paris – que « cette jeune fille, qu’il n’avait du reste jamais vue, avait certainement agi sous l’influence de l’hypnotisme. Nous avons su, de plus, que certaines personnes l’avaient hypnotisée ». Reprenant ces propos pour les disqualifier, Brouardel (cité[31] par Gilles de la Tourette) dénia la présence d’un hypnotisme.

Pour Liégeois il ne faisait alors aucun doute (ce qu’il tentera de démontrer en une plaidoirie fleuve de quatre heures !) : Bompard était irresponsable puisque sous l’emprise suggestive de son amant. Selon Cuvelier (qui ne cite que trop rarement ses sources) : « le procureur général » (il s’agissait de Jules Quesnay de Beaurepaire (1834-1923)) « réagit violemment » à la « plaidoirie » de Liégeois à laquelle il niera toute prétention scientifique ce qui permet à Brouardel, tel un matador, d’achever le taureau liégeois et de[32] « faire rire le public aux dépends de ce professeur de droit qui voulait faire de la médecine ».

Cela dit, il n’écrit pas que Bompard a été forcée d’agir de façon criminelle. Bien au contraire, il prétendit presque « à la Bernheim » qu’elle aurait agi en fonction de la « suggestion qui lui était la plus agréable ».

La presse va saisir ce moment pour opposer les deux Écoles et notamment deux de leurs porte-parole : Liégeois et Gilles de la Tourette. Dans son « épilogue d’un procès célèbre », le médecin[33] assassina le professeur de droit et toute l’École de Nancy alors qu’en 1887, il avait soutenu et publié qu’une suggestion criminelle était tout à fait envisageable et avait même pu exister[34]. Il raconte le procès en ces termes manifestement fort justes[35] : « les journaux politiques, enchantés de l’aubaine, exploitent cette nouvelle mine et se préparent à servir à leurs lecteurs un vrai régal, un nouveau spectacle à la Molière : deux Écoles rivales s’apprêtant à s’entre-déchirer, et cela dans le prétoire » !

Le jury, cela dit, ne fut pas convaincu par Liégeois et condamna les deux amants : l’une aux travaux forcés et l’autre à la guillotine. Alors, résume le docteur en médecine Cuvelier[36], « c’est bien Liégeois qui allait par ses imprudences (sic) amorcer le déclin de l’École de Nancy ». Et, plus loin[37], « ce fut Liégeois qui, par sa fougue habituelle, commença à porter le discrédit sur Bernheim et entama la confiance de l’opinion publique vis-à-vis de Nancy ». Avec encore moins de tact mais beaucoup plus d’humour, Gilles de la Tourette[38], avait résumé[39] : « Conclusion : vingt ans de travaux forcés de la part du jury réfractaire aux suggestions de M. Liégeois » ! Edgar Bérillon, pourtant favorable aux doctrines nancéennes, dressera – dans sa Revue – un constat partiellement identique (mais plus diplomatique) en 1891[40] :

« L’intervention de M. Liégeois a-t-elle été utile à l’accusée ?
Sur ce point les avis sont partagés. Mais l’impression générale est que les doctrines de l’École de Nancy ont essuyé, sur le terrain juridique, une défaite, d’autant plus regrettable que rien ne justifiait en cette occurrence la nécessité de livrer la bataille. Elle n’a plus qu’à attendre qu’une occasion favorable, qu’un crime qui soit manifestement le résultat d’une suggestion criminelle, lui permette de prendre une revanche éclatante. Jusqu’à ce moment elle doit se recueillir, compléter ses recherches par de nouvelles expériences, affirmer son existence et sa vitalité par des travaux qui défient toute critique ».

Selon Cuvelier (sans encore citer de sources[41]), Bernheim en aurait été meurtri et aurait écrit à Beaunis : « il nous a compromis ». Manifestement, après le procès Gouffé-Bompard, Liégeois était pour son « École » comme un boulet liégeois. Pourtant, dans la Revue de l’hypnotisme, Bernheim salue le courage avec lequel Liégeois a essayé d’exposer ses doctrines pour conclure sur deux éléments fondamentaux que l’on peut résumer ainsi : sur le fond, l’École de Nancy ne prétend pas (pas même Liégeois) que chacun peut se voir suggérer de commettre un crime qu’il ne voudrait pas commettre mais seulement que sous certaines conditions, tenant en grande partie à la faiblesse et au sens peu moral de l’hypnotisé ainsi qu’à la force de suggestion de l’hypnotiseur, des suggestions d’infractions sont possibles. Sur la forme[42], il renvoie Gilles de la Tourette à l’un de ses sports favoris (après que ce dernier ait ridiculisé Liégeois en en rendant Bernheim responsable) : « il ne convient pas de suivre M. Gilles de la Tourette sur le terrain des insinuations personnelles peu dignes d’une plume scientifique » !

Et voilà le débat rendu totalement stérile, chacun accusant l’autre de ne pas être assez scientifique selon ses propres échelles et méthodes.

« Paroles, Paroles » (sur un air connu). Autour de 1900, Liégeois – malgré l’affaire Gouffé-Bompard – est reconnu pour ses travaux et ses appréhensions juridiques de la suggestion hypnotique. On lui confia en 1892 la vice-présidence du second Congrès international de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique (Londres) puis (à Bruxelles) la présidence d’honneur du congrès international de neurologie et d’hypnologie. Sa consécration s’imposait.

On le fit même venir à l’Université… de Liège[43] où Liégeois – invité par le Liégeois Delbœuf en 1888-1889 – entama une tournée internationale auprès des partisans de l’École de Nancy. Il fut décoré de la Légion d’honneur par décret du 26 juillet 1904 et membre correspondant de l’Institut de France (Académie des Sciences morales et politiques) depuis le 28 décembre 1899 attestant bien de ce que son célèbre Mémoire de 1884 avait aussi fait plus d’émules et comptait beaucoup plus de défenseurs qu’on ne l’avait suggéré.

À nos yeux, son apport principal – en ce que l’on nomme aujourd’hui le droit de la santé – consiste à avoir su affirmer, aux côtés de docteurs en médecine comme Liébeault et Bernheim surtout, que le procédé de suggestion hypnotique pouvait être thérapeutique[44] et ce, pourtant, sans être exercé par un médecin et sans que l’on touchât même au monopole médical puisqu’aucun diagnostic n’aura été posé et que l’hypnotiseur n’aura rien « prescrit » au sens d’ordonné mais aura seulement proposé : suggéré au patient une ou plusieurs solutions qu’il est le seul à pouvoir mettre en œuvre.

La force extraordinaire de ce mouvement consiste à reconnaître qu’une question de santé n’est pas qu’un objet d’études et de médecine réifié mais que le plus important est toujours le sujet : la personne humaine juridique actrice de sa propre santé. Sans aller jusqu’à dire qu’on peut lire dans l’École de Nancy une prédisposition des droits du patient acteur tels que la Loi du 04 mars 2002 les à consacrés, il nous semble évident que les réflexions nancéennes sur l’hypnose ont œuvré en ce sens – entre Droit et Médecine – en faisant du « sujet » et non de « l’objet » une priorité assumée. C’est aussi sur ce rapport au sujet[45] que se construiront les psychothérapies basées sur la parole même du patient.

Parallèlement à Liégeois, c’est en partie ce qu’affirmera Bernheim quand il explique que[46] « faire intervenir l’esprit pour guérir le corps, tel est le rôle de la suggestion appliquée à la thérapeutique, tel est le but de la psychothérapie ». « Ce n’est pas la parole de l’opérateur qui fait la guérison, c’est l’influence produite sur le cerveau de l’opéré ».

Pour mettre en avant l’École de Nancy, ses promoteurs citent souvent la visite, en 1889 à Nancy, du traducteur vers l’allemand de Bernheim, Sigmund Freud (1856-1939). Et s’il évidemment un[47] « titre de gloire pour Bernheim » et son mouvement « d’avoir profondément impressionné l’esprit de Freud » comme il en a explicitement témoigné dans plusieurs écrits, « il faut bien dire que l’œuvre de ces deux penseurs » notamment n’a « en réalité » que peu « de points communs » ! Si le dénominateur commun de la parole (suggérée ou non) est assurément un moteur identique, le terme d’inconscient, en particulier, ne revêt pas les mêmes significations.

Discrédit doctrinal & mandarinal. Cela dit, mais toujours à propos de « paroles », la dernière question que nous voudrions poser au lecteur est la suivante (a priori, ledit lecteur doit avoir une idée de la réponse que nous lui donnerions) : si l’on peut tout à fait entendre et comprendre qu’un médecin est – par formation académique et pratique clinique notamment mais aussi par protection étatique eu égard au monopole médical en France – ; si un médecin – donc – est vraisemblablement plus autorisé que quiconque non-médecin à parler de médecine, en est-il nécessairement de même lorsque l’on parle de soin et de santé ? Autrement dit, pourrait-il enfin être entendu (et plus discuté) que la santé dépasse la seule médecine et que chacun, au regard de son expérience de soin, et plus particulièrement les autres personnels et travailleurs en santé aient des mots à dire et à entendre hors du seul monopole médical ?

Dans l’histoire – y compris la plus récente – de l’hypnose, cette façon de confondre sciemment médecine et soin se répète et évacue parfois d’un revers autoritaire de main toute personne qui oserait en parler alors qu’il n’est pas médecin[48]. Cela dit, si les médecins savent user de ce stratagème rhétorique idiot consistant à discréditer un adversaire en le qualifiant de disqualifier pour ne pas lui répondre au fond, les juristes (et les professeurs de Droit y compris) en abusent également en déniant parfois aux citoyens non diplômés la capacité d’appréhender ledit Droit.

A l’instar de Delbœuf qui l’admirait peut-être aussi pour cette raison (pour en avoir également souffert[49]), Liégeois en souffrit. On raconte même qu’il en fit du boudin Liégeois.Partant, beaucoup d’hypnothérapeutes et de thérapeutes non conventionnels en souffrent encore également aujourd’hui. Or, si l’on peut s’accorder sur le fait que des soins non conventionnels peuvent être thérapeutiques ou, a minima, intégrer la définition internationale de la santé comme état de « complet bien-être », force est de constater qu’il faut inclure de nombreux exclus à la table des échanges.

À titre très personnel, on avouera avoir été très impacté et impressionné par la force de travail et de proposition de Liégeois. Ce que l’on peut entrevoir en ces quelques lignes de son travail en droit administratif comme à propos de l’hypnose et du rapport à la santé ne peut – et ne doit – qu’impressionner.

Plus fondamentalement, assure-t-on, Liégeois nous incite à apercevoir entre hypnose et Droit une relation que nous n’aurions jamais… imaginée auparavant. En effet, si – comme nous le croyons – le Droit est une représentation du réel (qui peut en différer), force est de constater que la suggestion hypnotique l’est (et peut l’être) également.

Voilà que nos deux thématiques qui pouvaient paraître si éloignées dans le même cerveau d’un ancien professeur de droit public pratiquant l’hypnose nous paraissent désormais évidentes et convergentes : c’est aux représentations du réel que Liégeois a consacré sa vie.

Après tout, cela dit, n’est-ce pas là l’essence de tous les chercheurs ayant lu Arthur Schopenhauer (1788-1860) que de considérer, après lui[50], que[51] « la représentation est le seul mode d’être à la conscience du monde » et qu’après tout le réel n’est que ce que nous voulons (et parfois pouvons) représenter : « le monde est ma représentation » ; « malgré toute l’objectivité dont la science est capable, nous ne connaissons finalement du monde que la manière dont il est pour nous, c’est-à-dire dans sa dépendance de la conscience humaine ».

Plus dramatiquement cependant, concluons en rappelant que Liégeois décéda dans un tragique accident de la circulation[52] « écrasé sous les yeux de sa femme » par un camion de transport le 14 août 1908 alors qu’il était venu prendre « les eaux » dans la station thermale vosgienne de Bains-les-Bains. Liébault avait alors déjà conclu à son égard avec un jeu de mots liégeois qu’on aurait aimé faire avant lui[53] :

« les exubérances de Liégeois dans l’affaire Gouffé nous ont valu un recul, mais c’est un recul pour mieux sauter. Les vérités surnagent comme le liège. Elles n’immergent pas ».

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Touzeil-Divina Mathieu, « Jules Liégeois (1833-1908), « professeur hypnotisant » du Droit (II/II) »
in Journal du Droit Administratif (JDA), 2024 ; Art. 417.


[1] Liégeois Jules, De la suggestion et du somnambulisme dans leurs rapports avec la jurisprudence et la médecine légale ; Paris, Doin ; 1889.

[2] Liégeois Jules, De la suggestion et du somnambulisme (…) ; op. cit. ; p. III.

[3] Ibidem ; aux pages 01 à 86.

[4] Ibidem ; chap. V ; p. 143 et s.

[5] Ibidem ; chap. III ; p. 87 et s.

[6] Delbœuf Joseph, Le magnétisme animal ; à propos d’une visite à l’École de Nancy ; Paris, Félix Alcan ; 1889 ; p. 77 et s. Les chapitres XIV et s. de son opus sont totalement consacrés à l’étude de Liégeois et de ses doctrines.

[7] Op. cit. ; p. 50.

[8] Liégeois Jules, De la suggestion et du somnambulisme (…) ; op. cit. ; p. 714 et spécialement aux § 159 et s. ; 259 et s. ; 324 et s. ainsi que 402 et s.

[9] Liégeois Jules, De la suggestion et du somnambulisme (…) ; op. cit. ; p. 717 et cf. §. 560.

[10] Liégeois Jules, Mémoire sur la suggestion hypnotique (…); Paris, Picard ; 1884 ; p. 69.

[11] Gilles de la Tourette Georges, L’épilogue d’un procès célèbre : affaire Eyraud-Bompard ; Paris, Le Progrès médical ; 1891 ; p. 10.

[12] On cite ici la version de 1916 de De la suggestion ; op. cit. ; chapitre X, § 3.

[13] Cité par Cuvelier ; op. cit. ; p. 61.

[14] Il s’agit de l’un des « pontes » parisiens contemporains de la médecine légale. À son sujet, on se permettra de renvoyer à : Touzeil-Divina Mathieu, « De la « chirurgie/médecine légale » au(x) « droit (s) de la santé » (1522-2022) » in Rdss 2022, hors-série ; p. 159 et s.

[15] Décision préc. ; req. 19NC01704.

[16] Liégeois Jules, « Hypnotisme téléphonique ; suggestions à grande distance » in Mémoires de l’Académie de Stanislas ; 1885, t. III, p. 133 et s. 

[17] Voyez en ce sens : « Des expertises médico-légales en matière d’hypnotisme ; recherche de l’auteur d’une suggestion criminelle » in Revue de l’hypnotisme ; juillet 1888, p. 03 et s.

[18] Op. cit. ; p. 07.

[19] Liégeois y consacre de nombreux développements dans son ouvrage de 1889 ainsi que dans « Un nouvel état psychologique » in Revue de l’hypnotisme ; août 1888, p. 33 et s.

[20] Op. cit. ; p. 39 et s.

[21] Ibidem.

[22] Liégeois Jules, De la suggestion et du somnambulisme (…) ; op. cit. ; p. 253 et s.

[23] Liébeault Auguste, Du sommeil et des états analogues (…) ; op. cit. ; chap. XIII.

[24] Liégeois Jules, De la suggestion et du somnambulisme (…) ; op. cit. ; p. 355 et s.

[25] Gilles de la Tourette Georges, L’épilogue d’un procès célèbre ; op. cit. ; in fine ; note 22.

[26] Gilles de la Tourette Georges, L’hypnose et les états analogues au point de vue médico-légal (…) ; Paris, Plon ; 1897 (avec une préface dithyrambique du pr. Brouardel).

[27] Liégeois Jules, De l’organisation départementale, commentaire de la loi du 10 août 1870 sur l’organisation et les attributions des conseils généraux et des commissions départementales ; Paris, Marescq Aîné ; 1873.

[28] Il existe de très nombreux comptes-rendus et articles sur l’affaire (dont : Nicolas Serge, L’hypnose : Charcot face à Bernheim, l’école de la Salpêtrière face à l’école de Nancy, Paris, L’Harmattan, 2004). Tous étant très partisans, on a décidé – pour soutenir Liégeois ! – de proposer au lecteur la lecture (sûrement un peu romancée !) d’une des versions de la vérité (non judiciaire) par l’accusée Bompard et ce, dans des mémoires feuilletonnées qu’à l’époque on pouvait aisément faire paraître et qui se vendirent particulièrement bien à très grands renforts de publicité : Bompard Gabrielle, Drames vécus ; « ma confession » ; 28 numéros parus du 5 décembre 1903 au 02 juillet 1904.

[29] Alors que son complice sera extradé de l’île de Cuba où il s’était enfui après avoir d’abord rejoint Londres.

[30] Revue de l’hypnotisme ; 1889-1890 ; p. 266 et s.

[31] Gilles de la Tourette Georges, L’épilogue d’un procès célèbre ; op. cit. ; p. 05.

[32] Cuvelier ; op. cit. ; p. 70.

[33] Gilles de la Tourette Georges, L’épilogue d’un procès célèbre ; op. cit.

[34] Gilles de la Tourette Georges, L’hypnotisme et les états analogues du point de vue médico-légal ; Paris, Plon-Nourrit ; 1887.

[35] Gilles de la Tourette Georges, L’épilogue d’un procès célèbre ; op. cit. ; p. 06.

[36] Op. cit. ; p. 63.

[37] Ibidem (p. 69).

[38] Rappelons, pour l’anecdote historique, que le malheureux médecin fut victime de sa négation des suggestions criminelles. En effet, en 1893 une ancienne patiente lui tira dessus au revolver en prétendant avoir été hypnotisée ! Sans le tuer pour autant, cela le rend singulièrement dépressif et – dit-on – hypomaniaque au point que sa santé mentale en sera de plus en plus perturbée jusqu’à son décès en 1904.

[39] Gilles de la Tourette Georges, L’épilogue d’un procès célèbre ; op. cit. ; p. 16.

[40] Bérillon Edgar, « L’Hypnotisme à la Cour d’assises » in Revue de l’Hypnotisme ; 1891 ; p. 407.

[41] Op. cit. ; p. 71.

[42] Cité par Cuvelier ; op. cit. ; p. 71.

[43] Ce que rapporte Delbœuf dans son ouvrage préc. ; p. 81 et s.

[44] Avec une autre clairvoyance, Braid avait déjà envisagé la « puissance curative » de l’hypnotisme (mais non de la suggestion) ainsi qu’on peut le lire dans la traduction originelle suivante : Braid James, Neurypnologie ; Traité du sommeil nerveux ou hypnotisme par James Braid traduit de l’anglais par le Dr Jules Simon (…) ; Paris, Delahaye ; 1883 ; p. 63 et s.

[45] Sur ce rapport, on lira : Carroy Jacqueline, Hypnose, suggestion et psychologie ; Paris, Puf ; 1991 ; p. 07 et s.

[46] Cité par Cuvelier ; op. cit. ; p. 71 et s.

[47] Kissel Pierre, « L’œuvre de Bernheim : sommeil hypnotique et suggestion » in Hippolyte Bernheim (1840-1919), (…); Nancy, Pun ; 2023, p. 71.

[48] Est topique à cette égard l’édition – passionnante cela dit – du récent ouvrage sur Bernheim et qui ne met en avant « que » des professeurs de médecine comme s’ils étaient les seuls autorisés à s’exprimer : Legras Bernard (dir.), Hippolyte Bernheim (1840-1919) (…); Nancy, Pun ; 2023.

[49] L’auteur (originellement mathématicien puis philologue avant d’enseigner la psychologie) raconte ainsi qu’après sa première étude publiée sur l’Origine des effets curatifs de l’hypnotisme en 1887, la presse médicale belge « l’accueillit avec sourires et se moqua agréablement » de lui « qui n’était pas médecin cela se voyait » : Delbœuf Joseph, Le magnétisme animal (…) op. cit. ; p. 25.

[50] On fait évidemment référence à : Schopenhauer Arthur, Die Welt als Wille und Vorstellung ; Leipzig, Brockhaus ; 1819. On travaille quant à nous sur l’édition et la traduction suivante : Le Monde comme volonté et comme représentation ; Paris, Puf ; 2014 (traduction originelle de Burdeau revue par Roos).

[51] Ainsi que le rappelle : Ucciani Louis, « La représentation. Entre vérité et mensonge » in Sens-Dessous ; 2014 ; n°14 ; p. 83 et s.

[52] Notice nécrologique préc. au Bulletin de la Société d’économie politique ; op. cit. ; p. 147.

[53] Ibidem.

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ParJDA

Jules Liégeois (1833-1908), « professeur hypnotisant » du Droit (I/II)

Art. 416.

Le présent article rédigé par le pr. Mathieu Touzeil-Divina, Co-directeur du Master Droit de la Santé, Université Toulouse Capitole, s’inscrit dans le cadre de la 8e chronique en Droit(s) de la santé (janvier 2024) du Master Droit de la Santé (Université Toulouse Capitole) avec le soutien du Journal du Droit Administratif. Il est composé de deux parties :

Jules Liégeois (1833-1908)
« professeur hypnotisant » du Droit

La présente contribution est respectueusement dédiée à la plus nancéienne des avocates (Sophie H.) et au plus liégeois des Méditerranéens (Idir C.) ainsi, naturellement, qu’au chevalier Estéban T.
Elle est, enfin, offerte à la plus hypnotisante et chérie des sœurs.


Selon la Cour administrative d’appel de Nancy[2] (qui s’y connaît donc en matière d’hypnotisme puisque ses magistrats semblent avoir lu les travaux de Jules Liégeois (1833-1908) et de l’École de ce même ressort géographique), « le procédé de l’hypnose ne peut, pour pouvoir être pratiqué, être réalisé contre le gré du patient ». Le juge administratif serait donc devenu un sachant médical et/ ou de santé pour affirmer cela ? Tâchons d’en savoir davantage en interrogeant Jules Liégeois.

Une, deux, trois, quatre ou « cinq » (vies de) Jules Liégeois ? Avant de nous consacrer au Jules Liégeois juriste et hypnotiseur, il faut mettre de côté d’« autres » Jules Liégeois que sont ses homonymes et qui n’auront, malgré leurs noms, aucun intérêt ici. On en recense de nombreux en France comme dans le Bénélux et ce, sûrement du fait d’un patronyme à consonnance wallonne faisant référence à la ville de Liège. On connaît ainsi un Jules Liégeois encore en activité à Nancy et dont la société s’appelle « Monsieur Jules Liégeois » ; on en recense plusieurs sur les réseaux sociaux dont ce Jules Liégeois étudiant à l’Icn Business School nancéenne ou encore ce « développeur Web Full Stack Php » installé dans la « Liégeois Inc » à Carnoux-en-Provence. Mentionnons encore un Jules Liégeois (1861-1914) serrurier et mécanicien à Andenne[3] (en Belgique) et, toujours de manière contemporaine à notre auteur, un Jules Liégeois de Wasquehal, ferblantier.

Il n’a en revanche existé qu’un seul Jules Liégeois, professeur de droit[4] et hypnotiseur (celui de notre étude) mais au point qu’on est amené à penser qu’il a eu autant de vies et de facettes prétendument qu’un chat ou qu’un personnage romanesque. À l’image des cinq autres Jules Liégeois, on peut aisément identifier cinq vies ou visages de celui ici honoré :

  • Liégeois, haut administrateur engagé dans le corps préfectoral (ce qu’il accomplira de la fin de la Monarchie de Juillet jusqu’au Second Empire) ;
  • Liégeois, professeur de droit et – en l’occurrence – premier professeur de droit administratif après la recréation de la Faculté de Nancy en 1864 (et ce, jusqu’à son départ en retraite en 1904) ;
  • Liégeois, professeur libéral d’économie politique (de 1868 à 1877 puis de 1895 à 1904 spécialement s’agissant des doctrines économiques[5]) ;
  • Liégeois, hypnotiseur et membre – d’aucuns écriront même « fondateur » – de l’École « dite » de Nancy en matière de suggestion hypnotique ; dès 1884, ainsi, avant même que le docteur Bernheim (1840-1919) ne soit davantage connu (on y reviendra), Le Monde illustré le qualifiait[6] (d’où notre titre) de « professeur hypnotisant » ;
  • et – peut-être – pour résumer les quatre aspects précédents un Liégeois autodidacte passionné par l’étude et curieux ; membre en ce sens de plusieurs sociétés savantes[7] qui déploreront son décès en 1908 même si ledit caractère passionné l’avait parfois entraîné à quelques fâcheries diplomatiquement qualifiées de[8] « malentendus » lors de son décès.

C’est en effet « seul » (on dirait aujourd’hui « à distance ») – en se préparant par des lectures et des recherches personnelles au cœur de son activité première professionnelle au sein de l’administration française – que, de la fin des années 1850 à 1863, il gravit un à un les échelons académiques pour conquérir un baccalauréat ès lettres, une licence puis un doctorat en droit. Il s’était alors inscrit à l’Université de Strasbourg (celle de Nancy n’ayant pas encore été recréée) et les archives académiques relèvent son nom comme lauréat de différents concours même s’il fut dispensé d’assiduité au regard de sa carrière. Étudiant à part et sur le « tard », il ne faut donc pas lui chercher de « maître » en droit public car il fut, comme en hypnose, son propre maître.

Une, deux, trois ou « quatre » buste(s) liégeois ? À quoi ressemblait Jules Liégeois ? Nous le savons et disposons pour ce faire d’au moins quatre éléments iconographiques principaux dont un en quatre exemplaires. Il y a d’abord une photographie dont l’un des tirages originaux (phototypie) est aux archives départementales préc. Il s’agit d’un portrait couleur sépia de l’homme, au tout début de l’année 1891 (alors âgé de 57 ans) à l’instar de ceux que l’on prenait à l’époque l’habitude de faire pour les cartes de visite. À partir de cette prise d’un dénomma « HP », Charles Morel en fixa une gravure identique et notamment reproduite dans Le Monde illustré du 27 décembre 1890 (à l’occasion du procès médiatique de l’affaire dite Gouffé). Il y a également celui que l’on nomme[9] « l’album Liébeault » qui représente, au fil de ses pages et au titre des figures de l’École de la suggestion, le professeur Liégeois. On connaît également au moins trois photographies relativement similaires (circa 1905-1908) du professeur qui servirent dans Le petit parisien, notamment, à sa nécrologie[10] ainsi qu’à l’annonce de l’érection de ses monuments et bustes[11]. Enfin, et surtout, on dispose d’un (et en fait de quatre) bustes au moins du héros lorrain. Cette production est l’œuvre du céramiste et sculpteur, Ernest Bussière (1863-1913), à qui l’on en commanda plusieurs (du bronze au plâtre) : le premier à Damvillers, au cœur de la place de la mairie de sa ville natale ; le deuxième à Bains-les-Bains près du parc des thermes où il décéda et le troisième pour la Faculté de droit de Nancy où il est également encore présent dans les salons d’honneur. En outre, on peut affirmer qu’un quatrième exemplaire au moins dudit buste existe puisqu’on l’a repéré dans la chapelle funéraire familiale où il repose au cimetière nancéen.

Une, deux, trois ou « zéro » Écoles nancéenne(s) ? Bussière, que nous venons de citer a d’ailleurs illustré une autre des célèbres écoles nancéennes : celle de « l’Alliance provinciale des industries d’art » d’Émile Gallé (1846-1904) qui a fait rayonner l’Art nouveau. Une deuxième École (outre les Mines) a marqué Nancy : la première à s’être consacré de façon scientifique et technique à la sylviculture : l’École forestière ou des forêts. Toutefois, c’est encore à une troisième de ces « Écoles de Nancy » que nous allons nous intéresser : celle dite de la naissance de la psychologie que l’on nomme également « École de la suggestion » ou même de « l’hypnotisme ».

Cela dit, comme nous avons eu l’occasion de le développer dans d’autres écrits[12], on doute – très fortement – de ce que l’École nancéenne de la suggestion ait été une véritable « École » au sens classique du terme. S’il est en effet possible d’y identifier des personnalités s’y rattachant géographiquement, thématiquement et chronologiquement (on songe singulièrement à Ambroise-Auguste Liébeault (1823-1904), à Hippolyte Bernheim, à Henri Beaunis (1830-1921) et – tardivement – à son renouveau par Émile Coué (1857-1926)), il n’y eut aucun véritable « maître » incontesté (même si la personnalité de Liébeault est originelle) et surtout à part la thématique de l’hypnose et de la suggestion, il y avait presque autant de différences et de divergences d’approches entre eux que de points d’accord. Toutefois, si l’expression devenue mythique[13] a « pris » dans le ciment académique c’est, croyons-nous et affirmons-nous, parce que, comme souvent en matière de mythologie fédératrice, elle a permis à ses promoteurs de s’affirmer face à un autre mouvement institutionnalisé à Paris, dans « l’École de la Salpêtrière » derrière Jean-Martin Charcot[14] (1825-1893) et son chef de clinique, Joseph Babinski (1857-1932) dont chacun connaît le célèbre « test » ou « signe » réflexologique.

Une, deux, trois, quatre, cinq ou « six » spécialités liégeoises ? Par ailleurs, parce que l’on a été fort déçu de ne pas trouver d’ascendance belge directe chez Liégeois et parce que l’on adore ce Royaume singulièrement dans sa partie wallonne, on a décidé de faussement dissimuler six des nombreuses spécialités liégeoises dans cette contribution afin d’en tenir le lecteur éveillé. Il y sera donc, malgré tout, bien question de café, de chocolat, de boulets (et non de boulettes comme à Bruxelles), de boudin (à la marjolaine), de sirop (évidemment !) ou encore de Lacquemant liégeois afin de leur rendre également hommage. Et l’on aurait même pu y ajouter des bières (dont la Bestiale ou la Curtius), des boukètes, de la salade, des gaufres, des rognons et même du pékèt – tous liégeois – mais il nous a semblé qu’avec six clins d’yeux, le clou serait suffisamment enfoncé. Par ailleurs, si l’on apprécie le pékèt de Liège, cette eau-de-vie de genévrier (du gin donc !), on demeure conquis par la plus lorraine mirabelle ce qui nous ramène immédiatement à Nancy où nous allons pouvoir présenter Jules Liégeois et ses travaux non seulement au cœur des « Écoles » (I) mais encore des disciplines : entre droit, hypnose et médecine (II).

I.Jules Liégeois, parmi les Écoles… ?

Avait-il un « Jules », Liégeois ? Assurément non ! Il s’est marié avec Hélène (Marie Henriette) Pfeifer (1842-1935) le 25 septembre 1867 à Nancy[15]. De cette union, naquirent au moins deux enfants :

  • Anne (Marie Marguerite) (1868-1897[16]) qui épousera[17] le premier professeur titulaire (en Sorbonne) d’une chaire d’histoire de la langue française et qui professera à Lyon puis à Paris, Ferdinand (Eugène Jean-Baptiste) Brunot[18] (1860-1938).
  • Gaston[19] (Jules Albert) (1875-1930) qui embrassera la magistrature judiciaire en étant affecté aux tribunaux de première instance d’Évreux puis d’Épinal, de Reims et enfin de Nancy.

Le couple habita notamment au 4, rue de la source puis au 8, rue de la monnaie à Nancy ainsi qu’en attestent plusieurs des archives d’État civil précédemment citées et utilisées. A Nancy, la sépulture attitrée est celle des familles Liégeois-Brunot et Gybal. Reposent ainsi aux côtés de Jules Liégeois qui avait dénoncé ce qui lui semblaient être des « menaces socialistes », un journaliste et activiste militant du parti communiste, André Gybal (1885-1960) ainsi que des compagnons de Jaurès (1859-1914), au sein de la famille de son gendre, le doyen Brunot.

« Qui trop embrasse mal étreint » ? C’est certainement ce que certains ont pu dire et penser de Jules Liégeois tant il paraît insaisissable et versé dans de nombreux champs disciplinaires et d’intérêts. Le docteur en médecine (et partisan affirmé de Charcot et de l’École de la Salpêtrière) Georges Gilles de la Tourette (1857-1904) écrira d’ailleurs à propos de Liégeois pour ridiculiser son Mémoire présenté à l’Institut de France[20] :

« Nous l’engageons (…) à méditer la vieille formule « qui veut trop prouver, ne prouve rien » et étant donné les bizarres théories médicales qui émaillent à chaque page de l’ouvrage (…), nous avons bien peur que l’École de Nancy ait trouvé en lui le malencontreux ami de la fable ».

On croit, au contraire, que c’est avec une rigueur et une volonté scientifiques identiques sinon communes qu’il a abordé puis conquis tant le droit administratif (A) que la question hypnotique (B).

A.   Jules Liégeois & l’École de Droit (le droit administratif)

Triple rencontre liégeoise. C’est en 2003, lors de nos travaux de doctorat, que nous avons rencontré pour la première fois le patronyme de Jules Liégeois associé au droit administratif ainsi qu’au nom de Louis-Pierre-François Cabantous (1812-1872), professeur titulaire (et renommé) de droit administratif à Aix-en-Provence de 1843 à sa mort. Cabantous était l’un des pères (avec les Foucart (Émile-Victor-Masséna) et les Laferrière (Firmin)) du droit administratif français dont Liégeois et Laferrière (fils) notamment s’avéraient déjà former une deuxième génération. Liégeois fut en effet le « continuateur » de l’ouvrage magistral de Cabantous (qui n’était pas son maître) : les Répétitions écrites de droit administratif au point que les deux dernières éditions de l’ouvrage furent surnommées le Cabantous-Liégeois. Cela dit, le second ayant uniquement écrit en droit administratif après la mort de celui à propos duquel on effectuait nos recherches, nous n’avons que peu contacté sa doctrine.

En 2013, en revanche, nous avons tenu à ce qu’il figurât dans la liste des plus importants juristes français dont on cherchait à établir l’état des sépultures dans le cadre d’un travail sur la mémoire des juristes au sein du Traité des nouveaux droits de la Mort. Dans ce cadre, la tombe de Jules Liégeois nous avait donné du fil à retordre puisque personne, dans ses villes de naissances et de décès et alors qu’il y était encore célébré par des monuments, ne savait où il avait été inhumé. C’est alors presque par hasard que l’on a retrouvé sa trace dans l’un des cimetières de Nancy. Par ailleurs, on avait été frappé des épitaphes ou iconographies entourant l’homme : si elles le représentaient (comme pour son buste) en tenue académique de juriste professeur, les écrits qui le qualifiaient surtout (sur les monuments et la sépulture) retenaient son implication comme « fondateur » (et non simple participant !) de l’École de Nancy et/ou de la « suggestion ». Voilà que notre juriste publiciste devenait comme relégué au second plan d’un autre Liégeois bien plus célèbre : l’hypnotiseur. En 2023, ainsi, c’est pour tenter de percer ce mystérieux personnage, après avoir travaillé sur les racines magnétiques de l’hypnotisme[21], que l’on a décidé d’en savoir davantage.

Le droit administratif par la pratique. Jules (Joseph) Liégeois est né le 30 novembre 1833 à Damvillers[22] dans la Meuse près de Verdun. Sa famille est étrangère au monde juridique. Son père (Joseph Martin Liégeois (1797-1854)), comme l’avait été son propre père, était arpenteur forestier/conducteur des Ponts-et-Chaussées à Étain[23] puis à Damvillers non loin de l’autre École (forestière) de Nancy. Contrairement à ce qu’on lit encore parfois, son père n’était donc pas notaire[24]. Sa mère quant à elle se nommait Anne Rosalie Tabutiaux (1810-1890).

Par ailleurs, à la différence de la quasi-totalité de ses collègues, Jules Liégeois n’a pas « fait » son Droit pour ensuite tenter les concours, l’avocature et/ou le professorat. Il a effectivement directement intégré l’administration après des études générales (primaires) entamées à Damvillers puis à Verdun ainsi qu’à Avesnes (dans le Nord auprès des boulettes et non des boulets liégeois). Son père venait en effet d’y être muté et lui proposa, à l’âge de treize ans, de le suivre afin de[25] « travailler chez l’ingénieur d’Avesnes, comme élève-conducteur des Ponts-et-Chaussées » à l’image paternelle. Remarqué par son employeur, il est placé sous la protection du sous-préfet de la même ville, Albert (Mathieu Fidèle Joseph) Lenglé[26] (1798-1867) qui en fait son secrétaire particulier et lui propose de l’accompagner dans ses différentes fonctions préfectorales lors de ses nominations dans la Meuse (Bar-le-Duc) de 1851 à 1854 puis dans la Meurthe (Nancy) de 1854 à 1861. C’est lors de ces deux dernières affectations que non seulement Liégeois se « notabilise » en fréquentant les sociétés savantes préc. de Bar-le-Duc puis de Nancy mais également qu’il décide de s’inscrire auprès de la Faculté de Droit la plus proche de Nancy à l’époque : Strasbourg. En 1851, il décroche la nomination de « sous-chef de bureau » de la préfecture puis gravit les échelons et devient « chef de bureau » du préfet Lenglé. Fort de ses connaissances administratives pratiques, il fait publier au moins deux premières : une contribution statistique à la connaissance du département qu’il aidait à administrer ainsi, déjà, qu’une première monographie en économie politique et finances[27] en sa qualité de lecteur assidu des travaux de Frédéric Bastiat (1801-1850), présenté comme son auteur favori par la notice que lui consacra l’Académie de Stanislas à son décès. Précisément, Liégeois fut-il membre de plusieurs sociétés savantes qui s’emparaient des nouvelles questions économiques et notamment des doctrines dites libre-échangistes. Manifestement, l’économie politique[28] était son loisir gourmand : son Lacquemant liégeois.

Académiquement, il soutient à la Faculté de Droit de Strasbourg sa première thèse (de licence) le 14 février 1861[29] (à propos des prêts et des intérêts ainsi qu’il a déjà commencé à s’y spécialiser mais aussi – en droit administratif – s’agissant des « attributions des conseils généraux et des conseils d’arrondissement ») et celle de doctorat en 1863. Cette dernière, continuité de la précédente et de ses premiers écrits d’administrateur, s’intitule[30] Du prêt à intérêt. Toutefois, quand il est félicité pour ses qualités doctorales et juridiques et qu’il se propose de rejoindre une Faculté comme enseignant, la matière des sciences économiques ou de l’économie politique n’est pas encore diffusée hors des cénacles parisiens. Il propose donc ses services dans une matière que jusqu’à récemment peu de collègues (à l’époque généralistes du Droit et non publicistes ou privatistes) voulaient enseigner : le droit administratif.

En 1864, un cours étant précisément vacant à Lille qu’il avait connue dans sa jeunesse avec son père, Jules Liégeois accepte d’y être chargé de cours à compter de la rentrée suivante. Toutefois, son inscription n’y sera que virtuelle puisque la même année, un décret impérial du 09 janvier 1864 rétablit la Faculté de Droit de Nancy et que le ministre de l’Instruction publique, ami personnel du préfet Lenglé, Victor Duruy (1811-1894), est tout à fait disposé à y nommer Liégeois. Ce dernier hésite, semble-t-il par modestie, puis accepte et est installé comme titulaire dès le 19 octobre 1865. Entre temps, il a tutoyé les ministres en étant nommé haut fonctionnaire, sous-chef du cabinet du ministre de l’intérieur, le marquis Charles de la Valette (1806-1881), du 10 avril au 18 octobre 1865.

Dès 1868, par ailleurs, il réussit à obtenir la création, originale et spéciale pour la Faculté de Lorraine, d’un cours complémentaire d’économie politique dans lequel il s’investit totalement en livrant plusieurs publications (des articles) reconnues.

Osant lier et relier les matières et les questions sans être aveuglé par des œillères académiques (ce qui est propre à une conception de l’Unité et non de la diversité du Droit), il publie une étude intéressante sur les rapports entre l’économie et le droit public ainsi qu’une contribution (à destination des administrateurs) sur le Code civil et les successions[31]. Outre plusieurs autres articles juridiques et d’économie politique[32], mentionnons un important Essai sur l’histoire et la législation de l’usure daté de 1863.

Surtout, on lui doit la reprise, en 1873 de la 5e édition posthume de l’ouvrage préc. de Cabantous. Comment, pour autant relier deux hommes qui a priori n’avaient jamais travaillé ensemble ni même ne s’étaient rencontrés ?

On avouera avoir longtemps « séché » sur cette question dont nous ne présumions qu’une chose : il n’était pas au café – Liégeois – lorsqu’il rencontra le Provençal Cabantous dont la belle-famille avait des origines en Côte d’Or alors qu’il était, quant à lui, désireux de retrouver les siens à Toulouse. Ni au café ni autour d’un procès ou d’un moment académique, le doyen Cabantous n’a jamais été le « maître » du nancéen et cela se ressent explicitement dans les préfaces des deux éditions (1873 et 1882) que continuera le Lorrain.

Il y avait une évidente admiration intellectuelle du plus jeune pour le plus ancien et celle-ci suffisait à ce que Liégeois acceptât la mission qu’on lui proposa. En effet, Cabantous mourut le 19 octobre 1872 à Noyers-sur-Serein[33] alors qu’il était en vacances familiales près du Dijonnais alors qu’il aurait dû rendre à son éditeur une nouvelle édition enrichie. Ledit éditeur, avant de s’associer à son gendre pour former la librairie éditoriale Chevalier-Marescq (l’ancêtre de l’actuelle Lgdj), n’était autre que Hyacinthe-Auguste Marescq (aîné) (1817-1873). Ce dernier se vit alors suggérer par un autre éditeur nancéen (Berger-Levrault) le nom du titulaire de la chaire de droit administratif à Nancy depuis près de dix années et ancien haut administrateur : Liégeois. Ce dernier accepta la mission de succéder à Cabantous et proposa d’abord, en 1873[34], une édition formellement similaire aux précédentes et très respectueuse du plan originel. Elle contenait toutefois des éléments fondamentaux du nouveau droit public et administratif qui allait devenir pleinement républicain à travers les nouvelles normes d’organisation territoriale et – surtout – le passage acté d’une Justice administrative retenue à une Justice déléguée (ainsi que la recréation du Tribunal des conflits) et ce, par la Loi du 24 mai 1872.

En 1882, en revanche, même si la préface symboliquement datée du jour anniversaire du décès de Cabantous, honorait encore le prédécesseur, le plan, et le volume surtout de l’ouvrage avaient singulièrement été mis aux jours liégeois. Le contentieux trouvait une place bien plus grande et l’économie politique – évidemment – ainsi que la recherche des « principes juridiques » étaient bien plus affirmés. En particulier, sensible notamment aux bases constitutionnelles[35] du droit administratif telles que les avaient enseignées avant lui le doyen Foucart[36], Liégeois se distingua de Cabantous en imposant d’importants développements sur ces questions. Dès l’édition de 1873, par ailleurs, le républicain Liégeois revendiquait son libéralisme économique et sa haine des socialistes ayant[37] « précipité les 150 000 fédérés de la Commune de Paris dans leur entreprise insensée et criminelle contre la patrie, encore foulée par la botte du vainqueur ». Sa préface parle finalement bien plus de l’utilité de l’économie politique et de sa haine des Communards et autres « socialistes[38] » que de droit administratif à proprement parler ! Plutôt que de marquer par exemple les changements fondamentaux entraînés par la Loi préc. du 24 mai 1872, il dénonce les gabegies de financements publics[39]…. « pour bâtir un opéra » !

La dernière édition des Répétitions écrites[40] s’en fait l’écho au fil des pages renouvelées du livre mais non dans la nouvelle préface « adoucie ». Désormais le Cabantous-Liégeois est devenu le Liégeois-Cabantous puisqu’après avoir refusé d’offrir une nouvelle édition, le Lorrain s’est laissé convaincre[41] « en réclamant une liberté d’allures [qu’il n’avait] pas eue en 1873 » de son propre aveu. Ayant doublé le nombre de pages de ce véritable traité pratique, Liégeois concluait qu’il s’agissait moins désormais d’une « révision » que d’une « sorte de collaboration posthume ».

Du droit administratif, il fit son sirop Liégeois. Quels sont les expertises ou apports principaux de Liégeois au droit administratif ? On croit pouvoir, à la lecture de la 6e édition des Répétitions écrites au moins en identifier trois d’essentielles.

  • D’abord, il faut revenir sur la façon dont Liégeois a tenu à intégrer de manière non anecdotique mais – au contraire – très développée les bases constitutionnelles préc. du droit administratif (c’est-à-dire ce que l’on nommait à l’époque le droit public). Il ne s’y est pas contenté de donner quelques éléments mais il a véritablement offert un double traité de droit public et administratif (à la « Foucart » pourrait-on dire) en insistant particulièrement sur la description des pouvoirs d’un acteur qui, jusqu’à alors, ne faisait qu’entériner les demandes de l’exécutif : le Parlement. Sentant bien arriver l’enracinement républicain, Liégeois est un des premiers auteurs postérieurs à 1870 (mais avant que l’enseignement du droit constitutionnel ne soit obligatoire) à offrir plus d’une centaine de pages à cette étude[42].
  • Ensuite, fort de son expérience en administration, Liégeois est un de ceux qui comprennent le mieux (et de l’intérieur) certains comportements et fonctionnements administratifs qu’il a lui-même ordonnés et pratiqués. En particulier, on lira avec intérêts ses passages sur les préfets[43] mais surtout sur les attributions, organisations et compétences des conseils généraux[44].
  • Enfin, en matière de contentieux administratif, écrivant – on l’a dit – après la Loi du 24 mai 1872, il faut lire aussi ses remarques sur ceux qui ne sont pas encore qualifiés de tels mais qu’il ose décrire comme des « tribunaux administratifs[45] » à part entière : les conseils de préfecture qu’ici encore dont il avait appris le fonctionnement en interne.

Enfin, on pourra émettre – à propos du titre de l’ouvrage – une dernière remarque. Si, en 1854, Cabantous[46] avait bien offert un manuel directement issu de ses propres notes de cours (d’où répétitions écrites) sans développements supplémentaires et pouvant ainsi être directement utilisé par et pour les étudiants, les éditions successives de l’opus et – particulièrement – la dernière édition (1882) matérialisait un véritable traité théorique et pratique du droit public et administratif français. Par ailleurs, comme on l’a développé dans nos Éléments de patristique administrative[47], les versions premières de Cabantous étaient très descriptives. Et ce n’est qu’à Liégeois que l’on doit d’avoir augmenté « considérablement le Titre Ier du premier Livre consacré aux « principes placés sous la garantie des pouvoirs publics ». C’est donc plus à lui que l’on doit une véritable recherche de « principes généraux » qu’à Cabantous qui s’était contenté d’une dizaine de pages que son successeur quintupla. Toutefois, ces mêmes pages sont davantage un précis de droit constitutionnel que la recherche des principes généraux du droit administratif. En outre, cédant à la pratique majoritaire, Liégeois introduisit en 1882 (pour la 6e édition) un Livre V intitulé « matières administratives » ce qui dénatura complètement l’œuvre originelle de Cabantous qui s’y était refusé, intégrant, comme Serrigny[48], lesdites matières dans l’étude des compétences juridictionnelles des tribunaux administratifs ».

Une position triplement singulière à la Faculté. Si le professeur Liégeois a, très tôt, été introduit dans toutes les sociétés savantes importantes des lieux où il a séjourna (de Bar-Le-Duc sous le Second Empire à la prestigieuse Académie de Stanislas à compter du 23 janvier 1863[49] où il est considéré comme associé avant sa consécration académique puis comme Président en 1882[50]), s’il a assurément compté parmi les notables lorrains, sa position dans la Faculté de Droit était autre. Arrivé dans le corps en 1865 comme professeur titulaire, il est promu à la deuxième classe à compter du 1er janvier 1885 à l’ancienneté et non – comme presque toujours à l’époque comme aujourd’hui en le sollicitant. Il en sera de même pour son passage en « première classe » au 1er janvier 1890[51]. Il faut alors rappeler que le « personnage » dérangeait plusieurs de ses collègues pour au moins trois raisons :

  • d’abord, on lui reprochait d’être parvenu au professorat certes en ayant gravi ses grades et diplômes comme tous mais non seulement en venant directement de l’administration mais encore en y étant parvenu plus tardivement que d’autres et sans jouer le jeu classique de la relation mandarinale du maître à ses disciples. En outre, du fait d’un carnet d’adresses politiques qu’il avait construit dans sa première carrière, Liégeois n’hésitait pas à interpeller directement des hommes politiques et des élus ce qui, à l’époque, surprenait. Le nombre de ses pétitions signalées à la Chambre des députés ou encore de ses lettres à des ministres impressionne[52]. Républicain et libéral, il est engagé et ne le dissimule jamais.
  • Ensuite, Liégeois se distinguait en ce qu’il n’avait pas été coopté par ses pairs par le biais d’un ou de plusieurs concours de chaires mais qu’il avait été directement nommé par les gouvernants lors de la création d’une chaire de la nouvelle Faculté de Lorraine. Or, dans les Écoles de Droit, la nomination n’a jamais été bien considérée par les pairs.
  • Enfin, la spécialité de Liégeois, avant d’être l’économie politique et l’hypnose, était le droit public et administratif et l’on sait qu’il faudra des années (pour ne pas dire des siècles) avant qu’elle ne devienne aussi respectable que les prétendues véritables matières juridiques du droit privé.

Cela n’empêcha pas Liégeois de s’affirmer (au contraire même semble-t-il, cela le galvanisait) et de revendiquer l’importance du droit public par exemple en faisant soutenir d’intéressants travaux comme cette thèse[53] (certes, de licence) d’un dénommé Fernand Loppinet (1844-1922) qui deviendra, comme le père du professeur, un important acteur[54] de l’administration des eaux et forêts.

B.   Jules Liégeois & l’École de Nancy (la suggestion)

Même si, régulièrement, les travaux sur l’École dite de Nancy[55] en matière de suggestion sont – heureusement – renouvelés, ils commencent à être bien connus et l’on se permettra donc d’être rapides en ce qui concerne leurs exposés ou résumés. On s’accordera effectivement a priori pour y reconnaître les éléments fondateurs, chronologiques et saillants suivants :

  • Auguste (Amboise) Liébeault – on l’oublie parfois – était également docteur en médecine[56] mais comme, au milieu des années 1860, il se revendiqua également « guérisseur » en se basant d’abord sur les théories mélangées et/ou confuses de Mesmer (1734-1815) et de Braid (1795-1860) en matière de magnétisme et d’hypnotisme, son crédit scientifique en a beaucoup été affecté. Qu’on le veuille ou qu’on le déplore, il est pourtant l’initiateur incontestable du mouvement nancéen et sa « clinique » ouverte aux plus pauvres et aux plus déçus de la médecine conventionnelle a été un véritable succès international. Fasciné par les travaux de Mesmer et leur validation partielle par le célèbre (mais non revendiqué par l’Académie de médecine) rapport Husson[57] qui encourage les recherches médicales sur le magnétisme incompris, Liébeault va quitter son cabinet de campagne pour s’installer à Nancy, convaincu par les traductions diffusées (notamment par Alfred Velpeau (1795-1867)) de James Braid sur la neurypnologie et l’hypnotisme. Le premier ouvrage de Liébeault sur le sommeil paraît en 1866[58] mais ne trouve pas son public. Il faudra attendre qu’un universitaire (et non uniquement un autre médecin) les révèle et les diffuse.
  • Ce sera Hippolyte Bernheim, arrivé en 1872 de Strasbourg à Nancy lors de l’installation, toute patriote, de la nouvelle École de médecine rattachée, comme il se doit, à son hôpital. C’est lui qui, autour de 1883, fera naître et connaître « l’École » à laquelle il se joint en accompagnant Liébeault (qu’il reconnaît comme créateur) tout en lui apportant ou revendiquant un crédit scientifique médical ainsi qu’une clinique désormais hospitalière et académique[59]. Toutefois, très tôt les différences entre les deux hommes vont se multiplier : Liébeault croit au fluide et Bernheim non ; le premier se concentre sur le sommeil et le second sur la seule suggestion. Dès 1883 (et c’est ce qui fera connaître le mouvement nancéen), Bernheim[60] affirme « comme Braid, comme le docteur Liébeault (…), j’ai constaté que la grande majorité des sujets peut être influencée par l’hypnose à un degré variable ».
  • Rejoints par HenriBeaunis et par JulesLiégeois, les quatre hommes vont se réunir autour de quatre idées communes :
    • l’affirmation de ce que l’hypnose et le somnambulisme ne sont pas des techniques réservées aux hystériques (doctrine parisienne de Charcot et du mouvement de la Salpêtrière) ;
    • qu’il est a priori possible, mais à plusieurs degrés d’intensité, d’hypnotiser toute personne ;
    • que l’hypnose entraîne une réflexion et des recherches sur les termes de sommeil (provoqué ou non), de conscient et d’inconscient ainsi que de suggestion(s) ;
    • enfin, que la technique hypnotique peut être à visée thérapeutique.
  • Tous, collaborent à plusieurs revues dont celle (1886) du docteur (parisien) en médecine Edgar Bérillon (1859-1948) (Revue de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique).
  • Enfin, ce ne sera qu’avec Émile Coué[61], le pharmacien promoteur de la pensée et de l’autosuggestion positives[62] que l’École de Nancy reprendra du « service » et de l’aura en 1913 par la fondation de son École lorraine de psychologie appliquée.

Rendre « scientifiques » les rapports à l’hypnose. L’un des points communs entre Bernheim et Liégeois est assurément leur rapport à la science et à l’envie de démonstrations inscrites dans une méthodologie positive sinon positiviste déliée de considérations de foi, de morale ou encore de paranormal. Alors que Liébeault assume les liens entre hypnose et magnétisme et emploiera toujours le terme de « fluide » issu du magnétisme, les deux universitaires lorrains, Bernheim et Liégeois, ont l’ambition ferme (et a priori réussie) de ne plus considérer (sinon de renier) l’origine mesmérienne de l’hypnose en l’objectivant au regard de seuls critères dits scientifiques : médicaux pour l’un et juridiques pour l’autre. Le décorum inutilen’a alors plus sa place selon eux dans l’hypnose et outre les paroles suggestives, il faudrait ôter tout ce qui ne serait que parasite à l’instar de l’apposition quasi magnétique des mains sur les tempes ou les globes oculaires. C’est la suggestion seule qui doit primer et apparaître ce qui leur permet, par exemple, de dénigrer les expériences parisiennes de Charcot lorsqu’il s’entoure encore de[63] « tam-tam et de gong chinois » à la manière, précisément, de Mesmer et de son harmonica.

Ce qu’ambitionnent les universitaires Liégeois et Bernheim consiste ainsi à « laïciser » l’hypnose en la débarrassant de toute référence occulte ou magique[64].

En 1916, dans son dernier ouvrage de vulgarisation sur la suggestion, Bernheim revendique en un avertissement les propos suivants[65] : « c’est pour combattre cette conception erronée » qualifiée une ligne auparavant d’« extrascientifique », « pour dégager la question de son apparence mystique et thaumaturgique » que le médecin déclare avoir fondé toute son œuvre au sein de l’École de Nancy. Cela affirmé, Bernheim comme Liégeois ne vont jamais nier les racines mesmériennes de l’hypnose et de la suggestion ce qui implique d’assumer (pour le dépasser ensuite) le fait que[66] « l’hypnotisme est né du magnétisme comme la chimie est née de l’alchimie ». Cependant, les deux auteurs vont se détacher y compris de Braid en revendiquant que la suggestion ne procède en rien d’une « manipulation » ou d’une « passe » magnétique. Et si les deux auteurs reprochent à Liébeault de considérer toujours l’idée d’un « fluide », ils lui reconnaissent la paternité d’une théorie au cœur de l’École de Nancy : l’affirmation de ce que la suggestion hypnotique peut être thérapeutique.

Se séparant même du terme d’hypnose trop associé à Braid, Bernheim lui préférera celui de « suggestibilité » voire de[67] « déterminisme cérébral ». Il explique ainsi que la suggestion ne va pas donner des dons à des hypnotisés ne les possédant pas déjà ou encore les rendre à l’instar d’automates. La suggestion, selon lui, n’est en cela pas dangereuse ou magique : elle n’est que la réalisation cérébrale d’un acquis dissimulé. C’est ce que complétera Joseph Delbœuf[68] (1831-1896) lorsqu’il résumera comme suit les travaux de Liégeois et de Bernheim : « il n’y a pas d’hypnotisme, il n’y a que des degrés – et des modes – divers de suggestibilité ».

Liégeois, « Le » fondateur de l’École de Nancy ? De quand date la naissance de l’École de Nancy si tant est qu’elle ait existé ? Il est impossible de retenir 1866 et les premiers travaux publiés de Liébeault sur le sommeil puisqu’à l’époque personne ne l’accompagnait. C’est vraisemblablement davantage autour de 1882-1883 que l’on peut considérer que le quarteron des « 2B-2L » (Liébault-Liégeois-Bernheim-Beaunis) s’est volontairement associé aux fins d’incarner un mouvement militant en faveur de la « suggestion hypnotique ».

Toutefois, si le nom de Bernheim est généralement le plus retenu et le plus cité (parce qu’il fut médecin), on croit pouvoir affirmer que la revendication scientifique et académique première du mouvement revient à Jules Liégeois. C’est ce qu’affirme son « monument » à Bains-les-Bains comme à Damvillers mais l’argument hagiographique ne suffit évidemment pas. C’est à travers les publications scientifiques que l’on croit pouvoir affirmer cette paternité. Il ne s’agit pas pour autant d’affirmer que Liégeois aurait écrit avant Bernheim sur l’hypnose : les deux, globalement, ont travaillé auprès de Liébeault de 1882 à 1884 pour rendre compte, dès 1883, dans différents supports, médias et académies ou sociétés savantes de leurs travaux et de leur importance[69].

En revanche, c’est – croyons-nous – dès avril 1884 (avec une rédaction connue en 1883) et pour la première fois publiée dans son[70] Mémoire sur la suggestion hypnotique dans ses rapports avec le droit civil et le droit criminel que Liégeois revendique l’existence d’une « École de Nancy » (mouvement constitué originellement des 2B-2L préc.) en ce que ses principes communs s’opposeraient tous à « l’École de Paris » ou « École de la Salpêtrière » de Charcot : non, l’hypnose ne serait pas connexe à l’hystérie ; non, elle ne serait pas une maladie comparable au somnambulisme et – surtout – du sommeil, c’est la suggestion hypnotique qui importerait et pourrait même être curative. Voilà comment, croyons-nous, est née l’expression formelle d’« École de Nancy » proposée par Liégeois ce qui lui permettait – alors qu’il n’était pas médecin mais pratiquait l’hypnose – de s’y inclure.

Avoir par ailleurs osé affirmer cela à l’Institut de France, haut lieu de l’Académisme, lors de la défense de son Mémoire préc. au printemps 1884 était une prouesse ainsi qu’un mécanisme ingénieux de communication. Par suite, Liégeois confirmera son appartenance scholastique non seulement par une pratique fréquente de l’hypnose (dont témoignent ses travaux et ceux de ses visiteurs[71]) mais encore par une théorisation et une défense doctrinale de l’École de la suggestion[72].

En outre, au sein des 2L-2B, Liégeois était le liant. Non pas le meneur mais celui capable de trouver avec chacun des autres des points communs et des amitiés sincères. Alors que les trois autres se drapaient parfois dans des certitudes toutes médicales et s’opposaient entre collègues avec vivacité, Liégeois jouait la carte du dénominateur commun : l’union par la promotion de la suggestion. Une preuve de ce rôle se retrouve dans un document familial et administratif. En 1890[73], en effet, Liégeois se rend à l’hôtel de ville de Nancy pour y déclarer le décès de sa mère. Qui choisit-il pour l’accompagner ? Liébault ; présent dans la souffrance comme ami plus encore que comme médecin.

Une position triplement singulière au cœur de l’École de Nancy. Ce faisant, comme on l’a fait au sein de la Faculté de Droit, on peut aisément conclure qu’au sein de l’École de Nancy, aussi, Liégeois occupait une position singulière.

  • D’abord, il en était même conspué car il n’était pas (à la différence des trois autres) un docteur en médecine, un véritable « scientifique ». Un ouvrage contemporain comme celui préc. du docteur (en médecine évidemment !) Cuvelier en atteste et se plaît à citer les médecins critiquant Liégeois du seul fait de sa tare originelle : n’être qu’un juriste. Bernheim, ainsi, méritait (puisque médecin) les honneurs mais Liégeois… apparaissait presque comme le « coupable idéal » du déclin de l’École. Citons en ce sens Paul Janet (1823-1899) (pourtant non-médecin mais philosophe) qui, à la suite de l’intervention de Liégeois à l’Académie des Sciences morales et politiques, rétorqua, pour défendre Charcot[74], « si un médecin, tel que le docteur Bernheim est si vague et si peu lumineux sur les rapports de l’hystérie et de l’hypnose, ce n’est pas à un professeur de droit comme Liégeois qu’il faut demander des détails précis sur l’état physiologique et pathologique de ses sujets » !
  • Ensuite, Liégeois était aussi mis à l’écart du fait de son caractère parfois trop vif ou trempé, entier comme l’affaire Gouffé le démontrera ci-après.
  • Enfin, Liégeois nous semble aussi avoir été vilipendé en ce qu’il tenait une position socialement très dangereuse : celle selon laquelle l’hypnose pouvait entraîner des infractions et des crimes, malgré la volonté des hypnotisés.

Or, ainsi que l’a particulièrement bien démontré[75] le psychanalyste Léon Chertok (1911-1991), depuis Bossuet on a associé l’idée de suggestion à celle du démon. Ainsi, admettre le fait qu’un individu puisse en influencer un autre (jusqu’à lui faire commettre des infractions pénales) est particulièrement perturbant sinon séditieux.

On préfère souvent le nier pour affirmer sa volonté et son existence, son consentement libre et ses actions propres mais en vivant en société, il ne peut en être autrement.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Touzeil-Divina Mathieu, « Jules Liégeois (1833-1908), « professeur hypnotisant » du Droit (I/II) »
in Journal du Droit Administratif (JDA), 2024 ; Art. 416.


[2] Caa de Nancy, 29 mars 2022, Patients X. c. Hôpitaux universitaires de Strasbourg ; req. 19NC01704.

[3] Son état civil a même été numérisé : https://www.bibliotheca-andana.be/?p=156081.

[4] Il n’existe pas, sauf omission de travaux scientifiques importants sur l’homme et son œuvre. Il existe plusieurs notices nécrologiques (qui seront citées infra) ainsi que plusieurs dossiers aux archives nationales (dont F/17/21954/A son dossier personnel académique), départementales de la Meurthe-et-Moselle (Personnel enseignant, W114775 ; travaux personnels des professeurs, W114778) ainsi qu’à la Faculté de droit nancéenne (comme les registres du personnel ou ceux des délibérations). On dispose en outre des copies de son état civil et de celui de sa famille (cité ci-après) qui permettent aisément d’en établir la généalogie ainsi que son dossier dans la base de la Légion d’Honneur (LH/1639/26).

[5] Cf. sa « notice » in Bulletin de la Société d’économie politique ; 1908 ; p.145 et s.

[6] Le Monde illustré ; 16 août 1884 ; p. 2.

[7] En ce sens : « Le professeur Liégeois » in Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc ; 1912 ; séance du 27 mai 1909 ; p. CIII et s. ; ou encore « Nécrologie » in Mémoires de l’Académie de Stanislas ; 1908-1909 ; p. LXXVIII et s.

[8] C’est ce que retient par exemple la notice préc. publiée par l’Académie de Stanislas dont il avait été membre (et même Président) et avec laquelle il avait pris, après 1892, quelques distances.

[9] Il s’agit de l’album photographique offert le 25 mai 1891 au docteur Liébeault. Conservé aux archives départementales de la Meurthe-et-Moselle, il a fait l’objet d’une édition : Andrieu Bernard, Album Liébeault ; Nancy, Pun ; 2008.

[10] Ainsi in Le Petit parisien daté du 19 août 1908 (p. 1) ou encore dans Le Matin du 16 août 1908 (p. 5).

[11] Dont celui érigé dans sa ville de décès et annoncé dans l’édition du 24 juillet 1909 (p. 2) du Petit parisien.

[12] Notamment résumés in : Touzeil-Divina Mathieu, « École (de droit) » in Dictionnaire de droit public interne ; Paris, LexisNexis ; 2017, p. 156 et s.

[13] A pari mais avec d’autres arguments : Nicolas Serge, « De l’hypnose à la suggestion : Bernheim et le « mythe » de l’École de Nancy » in Hippolyte Bernheim (1840-1919), Professeur de la Faculté de médecine (…); Nancy, Pun ; 2023 ; p. 141 et s. De même : Klein Alexandre, « Nouveau regard sur l’École hypnologique de Nancy à partir d’archives inédites » in Le Pays Lorrain ; 2010, vol. 91 ; p. 337 et s. On relèvera, cela dit, que dès le début du siècle précédent, le docteur Beaunis, pourtant membre prétendu de l’École, affirmait dans ses Mémoires qu’elle n’avait jamais existé « à proprement parler, car le mot École implique un corps de doctrine cohérent et coordonné ». Et de conclure que rien de tel n’avait existé dans le mouvement nancéen : Beaunis Henri, Mémoires dactylographiées ; 1914, p. 418 (cité par Jacqueline Carroy dans son étude citée infra).

[14] Un célèbre tableau d’André Brouillet (1857-1914) les représente notamment tous deux lors d’une « leçon clinique à la Salpêtrière » où figure également Blanche Wittmann (1859-1913), patiente hystérique (sic). On y préfère la caricature de Charcot sortant d’un crâne humain sous le mot hypnotique de suggestion (in Les Hommes d’aujourd’hui ; « une » du n°343 de 1878 par Manuel Luque de Soria (1854-1924)).

[15] Ainsi qu’en atteste le registre municipal (p. 499 sous le numéro d’acte 302) versé aux archives départementales préc. de la Meurthe-et-Moselle.

[16] Comme en atteste le registre municipal (n°815, p. 115) versé aux Archives de Paris.

[17] Le 12 mai 1891 à Nancy (acte n°271 du registre municipal, p. 168 et s.).

[18] Qui deviendra doyen de la Faculté des lettres de 1919 à 1928.

[19] Aux archives nationales, son dossier personnel figure sous la cote BB/6(II)/1025.

[20] Gilles de la Tourette Georges, « Bibliographie (…) De la suggestion et du somnambulisme (…) par M. Liégeois (…) » in Archives de neurologie ; 1889, Tome XVII ; p. 156 et s.

[21] Touzeil-Divina Mathieu, « Magnétisme & Médecine : charlatanisme(s) & pratique(s) entre les Lois » in Rdss ; juin 2023 ; p. 476 et s.

[22] Il est inscrit en ce sens comme l’enfant n°21 de l’année 1833 (registre municipal (p. 124) aux archives départementales préc. de la Meuse).

[23] Il s’agit, selon la notice préc. des Mémoires de la Société de Bar-le-Duc, du village-source de la famille Liégeois dont les ancêtres auraient été meuniers dans la même région (op. cit. ; p. CIII).

[24] Alors que son future beau-père (ce qui explique peut-être la confusion) l’était.

[25] Ibidem.

[26] Et non « Lenglet » comme on le lit dans de nombreuses notices qui laissent évoquer la présence d’Eugène-Émile Lenglet (1811-1878) avocat et homme politique républicain d’Arras, qui occupa aussi des fonctions préfectorales.

[27] Il s’agit respectivement de : Liégeois Jules, Annuaire statistique du département de la Meuse (…) ; Bar-le-Duc ; Robin ; 1852-1854 en trois épais vol. puis de De la liberté de l’intérêt ; Nancy, Grimblot ; 1858.

[28] Il l’avait même enseignée, à titre bénévole, tous les dimanches pendant des dizaines d’années auprès de l’école normale de Commercy nous apprend l’une de ses notices nécrologiques préc. au Bulletin de la Société d’économie politique ; op. cit. ; p. 146.

[29] Liégeois Jules, De mutuo et foencre ; du prêt de consommation ; Nancy, Raybcis ; 1861.

[30] Liégeois Jules, Du prêt à intérêt (en droit romain et en droit français) ; Nancy, Lepage ; 1863.

[31] Respectivement : Liégeois Jules, « Des Rapports de l’économie politique avec le droit public et administratif » in Revue pratique de droit français ; juillet 1865 et « Le Code civil et les droits des époux en matière de succession » in Revue générale d’administration ; juin 1878.

[32] Dont : Liégeois Jules, « La question monétaire, ses origines et son état actuel » in Revue générale d’administration ; 1881, p. 5 et s. ou encore : Le tarif des douanes et le prix du blé ; Nancy, Berger-Levrault ; 1881.

[33] Son acte (p. 156 du registre d’État civil de la commune disponible aux archives départementales de l’Yonne) fut également retranscrit à l’État civil d’Aix-en-Provence (p. 82 du registre communal versé aux archives départementales des Bouches-du-Rhône) même si son corps a bien été inhumé à Noyers-sur-Serein où sa sépulture, à la suite d’un défaut d’entretien, s’est tant dégradée qu’elle en a fait l’objet d’une reprise.

[34] Cabantous Louis & Liégeois Jules, Répétitions écrites sur le droit administratif (…) ; Paris, Marescq ; 1873, 5e éd.

[35] On se permettra à cet égard de renvoyer à nos développements in Touzeil-Divina Mathieu, Un père du droit administratif moderne, le doyen Foucart (1799-1860) ; Paris, Lgdj ; 2020, aux § 66 et s. et 143 et s.

[36] Foucart Émile-Victor-Masséna, Éléments de droit public et administratif ; Paris, Marescq ; 1855, 4ème éd.

[37] Op. cit. ; p. 13.

[38] Il faut lire à cet égard son pamphlet contre les théories socialistes des « travailleurs » (sic) : Liégeois Jules, Origines et théories économiques de l’Association internationale des travailleurs ; Nancy, Ac. de Stanislas ; 1872.

[39] Ibidem.

[40] Cabantous Louis & Liégeois Jules, Répétitions écrites sur le droit administratif (…) ; Paris, Marescq ; 1882, 6e éd.

[41] Op. cit. ; p. IX.

[42] Op. cit. ; p. 21 et s.

[43] Op. cit. ; p. 144 et s.

[44] Op. cit. ; p. 218 et s.

[45] Op. cit. ; p. 422 et s.

[46] Cabantous Louis, Répétitions écrites sur le droit administratif (…) ; Paris, Marescq ; 1854, 1ère éd.

[47] Touzeil-Divina Mathieu, La doctrine publiciste (1800-1880) ; Éléments de patristique administrative ; Paris, La Mémoire du Droit ; 2009 ; p. 128 et s.

[48] Serrigny Denis, Traité de l’organisation de la compétence et de la procédure en matière contentieuse administrative dans leurs rapports avec le droit civil ; Paris, Durand ; 1865.

[49] « Tableau des membres (… » in Mémoires de l’Académie de Stanislas ; 1879 ; p. 412.

[50] Comme se plaît à l’affirmer la 6e éd. préc. des Répétitions écrites (…).

[51] Cf. aux archives départementales préc. W114775 les arrêtés des 22 décembre 1884 et 29 décembre 1890.

[52] Parmi d’autres, signalons : Liégeois Jules, « Projet de création d’une caisse de prévoyance des fonctionnaires civils » in Revue générale d’administration ; 1881, p. 5 et s. ; « Lettre adressée à M. le Président du Conseil, Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, à propos du projet de modification de la loi militaire » in Revue internationale de l’enseignement supérieur ; 1883, T. V ; p. 666 et s. ; ou encore sa pétition portée par le député Albert Desjardins (1838-1897) de l’Oise et déposée à l’Assemblée en janvier 1873 (in Jorf du 11 janvier 1873 ; p. 189). Ledit Desjardins, avant d’être représentant de la Nation, avait également été enseignant à la Faculté de Nancy (comme historien du Droit) avant de rejoindre celle de Paris.

[53] À propos, notamment, de la compétence juridictionnelle résiduelle des ministres : Loppinet Joseph Auguste Fernand, Thèse pour la licence présentée à la Faculté de Droit de Nancy ; Nancy, Collin ; 1868.

[54] Et dont l’immeuble « Art nouveau » au 45 de l’avenue Foch est un des plus remarquables de Nancy.

[55] On lira à son égard : Cuvelier André, Hypnose et suggestion ; de Liébeault à Coué ; Nancy, Pun ; 1987.

[56] Cf. Liébeault Auguste Ambroise, Étude sur la désarticulation fémoro-tibiale ; Strasbourg, Liébeault ; 1850.

[57] Dupotet (de Sennevoy) Jules, Expériences publiques sur le magnétisme animal (…) [incluant le rapport Husson] ; Paris, Dentu ; 2nde éd. ; 1826.

[58] Liébeault Auguste, Du sommeil et des états analogues (…) ; Paris, Masson ; 1866.

[59] Dans le discours qu’il prononce à son jubilé en 1911 (in Revue médicale de l’Est ; 1911, p. 386 et s.) Bernheim raconte qu’en 1882-1883 il est allé trouver Liébault parce qu’on lui avait indiqué un médecin qui « traitait gratuitement les malades par le sommeil provoqué » et qu’il se décida à y aller « avec le plus grand scepticisme ».

[60] Bernheim Hippolyte, « Discours au congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences » (Rouen, 20 août 1883) cité par Cuvelier ; op. cit. ; p. 53.

[61] On ne résiste pas à rappeler ici que le grand-oncle maternel du susdit n’était autre que le grand père de Michel et le père de Victorien (1831-1908) : Antoine Léandre Sardou (1803-1894).

[62] On lui doit outre la méthode éponyme : Coué Émile, La maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente ; Nancy, Coué & Oliven ; 1920.

[63] Cf. Pesic Peter, « Composing the Crisis : From Mesmer’s Harmonica to Charcot’s Tam-tam » in Nineteenth-Century Music Review ; 2022 ; n°19 ; p. 07 et s.

[64] Il faut lire à ce sujet : Stengers Isabelle, L’hypnose entre magie et science ; Paris, Les empêcheurs de penser en rond ; 2002.

[65] Bernheim Hippolyte, De la suggestion ; Paris, Albin Michel ; 1916 (avertissement).

[66] Ibidem ; aux premières lignes du chapitre suivant.

[67] Comme dans la version de 1916 de De la suggestion ; op. cit. ; chapitre X, § 1.

[68] Cité in Duyckaerts François, Joseph Delbœuf, philosophe et hypnotiseur ; Paris, Les empêcheurs de penser en rond ; 1992, p. 128.

[69] Ainsi Bernheim publie-t-il en septembre 1883 au numéro 17 de la Revue médicale de l’Est une contribution intitulée « De la suggestion dans l’état hypnotique et dans l’état de veille » ce qui sera la première pierre de son ouvrage majeur au titre identique : De la suggestion dans l’état hypnotique (…) ; Paris, Doin ; 1884.

[70] Liégeois Jules, Mémoire sur la suggestion hypnotique dans ses rapports avec le droit civil et le droit criminel [lu devant l’Académie des Sciences morales et politiques les 05 et 19 avril 1884]; Paris, Picard ; 1884.

[71] A l’instar du professeur Delbbœuf dont il sera question ci-après.

[72] Outre le Mémoire préc. dont la seconde édition (1889) attendra les 800 pages, on peut citer parmi de nombreuses contributions et sans exhaustivité : Liégeois Jules, « Vésication par suggestion hypnotique » in Mémoires de l’Académie de Stanislas ; 1885, t. III ; p. 126 et s. ; « Hypnotisme téléphonique ; suggestions à grande distance » in Mémoires de l’Académie de Stanislas ; 1885, t. III, p. 133 et s. ; « De l’hypnotisme au point de vue médico-légal » in Journal des débats ; 24 août 1886 ; « Une suggestion à 365 jours » in Journal des débats ; 1er novembre 1886 ; « Des expertises médico-légales en matière d’hypnotisme ; recherche de l’auteur d’une suggestion criminelle » in Revue de l’hypnotisme ; juillet 1888, p. 03 et s. ; « Un nouvel état psychologique » in Revue de l’hypnotisme ; août 1888, p. 33 et s. ; « La question des suggestions criminelles ; ses origines, son état actuel » , octobre 1897, p.

[73] Acte de décès de la ville de Nancy n°452 ; 21 février 1890 (registre déposé aux Archives départementales préc.).

[74] Cité par Cuvelier ; op. cit. ; p. 54.

[75] Par exemple dans cet ouvrage collectif qu’il a dirigé : Résurgence de l’hypnose ; une bataille de deux cents ans ; Bruges et Paris, Desclée de Brouwer ; 1984 ; p. 15 et s.

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