Archive mensuelle 2 mai 2021

ParJDA

Une sainte laïque selon le TA de Nîmes : Geneviève & les gendarmes du Gard

art. 330.

Le Journal du Droit Administratif, fondé en 1853 à Toulouse puis refondé en ligne en 2015, propose, en partenariat avec le Laboratoire d’Analyse(s) Indépendant sur les Cultes (LAIC) – Laïcité(s), une nouvelle chronique régulière (à vocation mensuelle) placée sous la direction commune des drs. et enseignants-chercheurs Clément Benelbaz & Mathieu Touzeil-Divina.

Cet article est issu de la 1ère chronique Laïcité(s) du mois de mai 2021.

Observations communes sous
TA de Nîmes, [req. 1900022]
19 février 2021,
Association La libre pensée du Gard ;
[J2021-TA-NIMES-1900022] ;

Sainte Geneviève K., merci(s) !

Si Dieu existe (et on prendra l’hypothèse positive ou négative comme ici non discutée), il aura été singulièrement malicieux en permettant – en hommage à « la » spécialiste des circulaires devenues lignes directrices ainsi qu’aux principes d’Egalité, de neutralité et de laïcité – l’existence du présent contentieux qui mêle non seulement circulaires et principes laïques mais encore le prénom de l’intéressé sanctifié. C’est donc tout naturellement et respectueusement que les présentes observations sont dédiées au professeur Geneviève Koubi qui a su ouvrir tant de portes[1] – parfois fermées ou seulement entrouvertes – sur ces questionnements tant juridiques que républicains.

Sainte laïque Geneviève K., priez donc pour nous en acceptant cette offrande quasi-doctrinale.

Passée la dédicace, venons-en aux faits : comme dans de nombreux corps d’armes et/ou de soldats dits du feu, l’usage (sans que l’on sache toujours à quand il remonte vraiment, ce que l’on ne manquera pas, du reste, de discuter ci-après) a été pris non seulement de choisir un « saint patron » ou en l’occurrence une « sainte patronne » comme l’on choisirait, symboliquement et presque innocemment, une mascotte mais encore de vénérer et de prier ledit personnage sanctifié en y mettant une intention clairement religieuse. Qu’on songe ainsi à la sainte Barbe des sapeurs-pompiers ou, comme en l’espèce, à la sainte Geneviève de plusieurs femmes et hommes d’armes.

Une sainte Geneviève célébrée par des fonctionnaires militaires.

En l’occurrence, c’est la laïque gendarmerie du Gard (dont le siège est à Nîmes, en Occitanie, rue… sainte Geneviève !) qui a décidé d’organiser le 30 novembre 2018 une manifestation placée sous le patronage de « sa » sainte précitée[2] en offrant non seulement un traditionnel moment de convivialité (ce dont on ne saurait la blâmer) mais surtout en le faisant précéder d’un office religieux matérialisé non dans l’enceinte militaire par un aumônier institué mais dans une église, ouverte au public, de Nîmes[3] où un prêtre était chargé du culte et où l’ensemble des agents militaires était convié à participer, sur leur temps de travail et en uniformes.

Y décelant une atteinte aux principes de neutralité et de laïcité mais encore un manquement aux obligations de réserve des fonctionnaires militaires, une association (celle de la Libre pensée du Gard) a cherché – pour l’avenir plus encore que pour le passé[4] – à contester la légalité d’un tel événement dont elle s’était émue (par un recours gracieux daté du 14 novembre 2018). La requérante espérait alors obtenir trois condamnations :

  • qu’il soit rappelé aux agents leur « devoir de réserve » et conséquemment que le rejet qui lui avait été implicitement matérialisé par le chef du groupement départemental de gendarmerie soit annulé ;
  • que l’autorisation, délivrée par ce même chef de service à ces agents, d’assister à l’office religieux soit prohibée ;
  • et que la partie condamnée en supporte les frais (art. L. 761-1 Cja).

Le rejet attendu de la première prétention.

Toutefois, ce fut en vain puisque l’association ne sera suivie sur aucun point par le juge nîmois. Par ailleurs, ainsi que le relèvent très justement les juges du fond dans leurs premiers considérants :

« Par un courrier du 14 novembre 2018 adressé au chef du groupement de gendarmerie du Gard, le président de l’association La Libre Pensée du Gard a contesté la participation des gendarmes à une cérémonie religieuse célébrée en l’honneur de sainte Geneviève et a demandé que soit rappelé aux militaires des compagnies et escadrons du ressort leur devoir de réserve, notamment en matière religieuse ».

Et, même si, « par une lettre du 23 novembre 2018, le chef du groupement de gendarmerie du Gard a » effectivement « rappelé les principes et conditions de la pratique religieuse » selon lui « au sein des forces armées », il n’a pas répondu à l’association requérante mais même si celle-ci a requis « l’annulation du rejet implicite de sa demande ainsi que de l’autorisation donnée par le chef du groupement départemental de gendarmerie du Gard aux gendarmes du Gard d’assister, pendant les heures de service et en uniforme, à la cérémonie religieuse dite de la sainte Geneviève », sur le premier point (seulement), il y avait une difficulté en matière de recevabilité contentieuse.

En effet, « eu égard à son imprécision et à son caractère purement déclaratif », la demande originelle de la requérante en date du 14 novembre 2018 et « tendant à ce que soit rappelé aux militaires des compagnies et escadrons du Gard leur devoir de réserve », n’a pas fait naître de décision implicite de rejet faisant grief. Et d’ajouter par suite qu’à « supposer que l’association requérante ait entendu demander l’annulation du courrier de réponse du 23 novembre 2018 du chef du groupement de gendarmerie du Gard, cette lettre à caractère informatif est pareillement insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».

Sur ce point, il est vrai, on attendait peu du juge qu’il ouvrît grandes les portes de son prétoire pour accueillir une demande aussi peu précise. En revanche, restait à examiner la légalité même de l’autorisation de participation des gendarmes à la cérémonie du 30 novembre 2018 spécialement dans son versant religieux. Discutons-en donc.

Signet à Sainte Geneviève (circa 1940)

De l’obligation de réserve & de la liberté de d’opinion (et de croyance) des agents publics.

Avant même de se jeter sous les fourches caudines des débats entre pro et ultras laïques, il convient de faire état d’une première obligation applicable à tout fonctionnaire civil ou militaire : celle d’être mesuré, réservé dans ses expressions et ce, plus particulièrement encore en service (même si cela peut aussi avoir des répercussions sur la vie personnelle, hors service, de certains agents). Cette obligation de mesure trouve sa source dans de nombreuses normes (et l’on citera ci-après celles spécialement applicables aux gendarmes) et se décline en plusieurs sous catégories d’obligations qui vont s’appliquer (ou non) selon les fonctions.

Ainsi, d’aucuns devront respecter un strict devoir de secret quand d’autre devront « seulement » faire état de discrétion professionnelle. Surtout, quand on envisage le devoir de réserve des agents publics, on met d’abord en avant leur mode d’expression plus encore que le contenu potentiellement exprimé. En effet[5], et tout énoncé normatif ou doctrinal en matière de Laïcité commence invariablement par ce rappel : les agents, même publics, ont des droits parmi lesquels non seulement celui de croire ou de ne pas croire (en ce qu’ils veulent) mais encore d’exprimer et de pratiquer tout culte de leur choix, à titre personnel, hors du service. Exceptionnellement, cela dit, quelques exceptions sont reconnues à la pratique – en service – de certains cultes et ce, en particulier lorsque les agents ou les usagers ne sont pas ou plus libres de leurs mouvements (comme en prison, dans un établissement scolaire, hospitalier ou encore militaire). Cette dérogation est explicite dès l’art. 02 de la Loi dite Briand de séparation des Eglises et de l’Etat :

« Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ».

Toutefois, il s’agit bien (et par exception) d’une pratique cultuelle en service et dans l’établissement public. Hors cette hypothèse et en conséquence, est prohibée toute discrimination en faveur ou au détriment d’un agent du seul fait de sa croyance religieuse réelle ou présumée et ce, tant lors du recrutement[6] que lors du déroulement de sa carrière[7].

Même militaire, il est heureux que tout agent ait le droit au respect de ses opinions.

En revanche, en service, le prosélytisme religieux est prohibé aux noms des principes de Laïcité et de neutralité du service et des agents publics.

Si l’agent public est donc libre de croire et qu’il ne peut le lui être reproché ou qu’il en subisse des discriminations, en service en revanche – et à plus forte raison encore – en présence d’usagers, l’agent incarnant le service public doit traduire la stricte séparation des Eglises et de l’Etat et conséquemment ne témoigner d’aucune croyance religieuse que ce soit par ses vêtements, ses attitudes ou encore ses écrits et ses mots. Le principe dit constitutionnel[8] de Laïcité implique donc, par ricochet, une absolue neutralité religieuse des services publics ce qui comprend les lieux qui les abritent[9] ainsi que les agents qui les font vivre. Dès lors, les agents publics ne peuvent-ils faire état de leur foi.

Puisqu’ils incarnent la fonction et le service publics, ils doivent faire disparaître, en service, leur identité et leurs croyances religieuses au seul profit de l’action publique et de l’intérêt général neutres et laïques. Tout comportement prosélyte d’agent public en est conséquemment sanctionné ce qui est l’application même de l’art. 25 de la Loi statutaire du 13 juillet 1983 pour les fonctionnaires civils ou encore de l’avis CE, 03 mai 2000, Julie Marteaux [req. 217017] l’ayant inspiré. Est ainsi prohibé le fonctionnaire qui fait publiquement usage de son adresse électronique professionnelle (engageant ainsi et a minima l’image de son employeur public laïque) dans un cadre associatif religieux[10]. Il en est de même de ceux distribuant en service des écrits religieux sur supports matériels[11] ou numériques[12]. S’applique également en la matière le contentieux fourni du port – interdit – des habits sacerdotaux ou religieux par des agents publics en service ce qui est, par exemple, le cas du hidjab et ce, non seulement dans des services publics gérés par des personnes publiques[13] mais encore – même – par des personnes privées[14]. Il n’en est en revanche, heureusement, pas de même s’agissant du seul port de la barbe contrairement à ce que d’aucuns – y compris en jurisprudence – avaient estimé[15].

De l’obligation renforcée de réserve des agents militaires.

Contrairement à ce qu’une actualité récente a cru démontrer (on fait ici référence à la tribune dite des Généraux[16] émise, à l’initiative de M. Fabre-Bernadac aux côtés de nombreux militaires depuis le média Valeurs actuelles), les militaires sont spécialement soumis à une obligation renforcée de réserve. Ce n’est effectivement pas pour rien que l’armée a longtemps été surnommée de « Grande muette » : plus encore que pour les fonctionnaires civils, il est demandé aux militaires, dont les gendarmes selon l’art. L 4145-1 du Code de la Défense, de n’exprimer leurs opinions politiques comme religieuses strictement en dehors du service.

Certes, le militaire jouit au titre de l’art. L 4121-1 du Code préc. « de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens » mais « l’exercice de certains d’entre eux est soit interdit, soit restreint ». En l’occurrence, précise l’art. L 4121-2 suivant :

« Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire. Cette règle s’applique à tous les moyens d’expression. Elle ne fait pas obstacle au libre exercice des cultes dans les enceintes militaires et à bord des bâtiments de la flotte ».

Ainsi, est-il clairement spécifié :

  • que les militaires dont les gendarmes se voient certes reconnaître « le droit pour tout individu de croire ce qu’il veut et de se rattacher à la religion qu’il préfère ». Et « le » spécialiste de la fonction publique militaire d’en conclure qu’effectivement[17] :

« tout militaire (…) quel que soit son grade, a droit au respect de ses opinions religieuses ou politiques et nul ne peut être puni (…) en raison de ses idées ».

  • « Cependant la manifestation de ces opinions ne peut avoir lieu qu’en dehors du service, sous la condition de ne pas manquer à la réserve imposée par les fonctions » et l’auteur de citer en ce sens la célèbre décision CE, 03 mai 1950, Institutrice Jamet (req. 98284 ; Rec. 247) qu’il applique également à l’état militaire.
  • Il est donc possible aux militaires de croire et même de pratiquer un culte mais ce, hors du service ou – en service – dans les espaces dédiés des « enceintes militaires » et des « bâtiments de la flotte ».

Hors ces lieux et ces moments, le gendarme – singulièrement en uniforme et en public – n’exprime pas son opinion y compris religieuse. Et si l’art. L 4121-2 que cite portant explicitement le juge nîmois précise que le culte peut être exercé « dans les enceintes militaires » cela signifie bien qu’il ne peut pas l’être collectivement et en uniforme à l’extérieur du cadre militaire : dans une église civile et religieusement consacrée.

Plus spécialement, à propos des seuls gendarmes, énonce explicitement le Code de la défense en son art. R 434-32 : « Les militaires de la gendarmerie ne peuvent exprimer des opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire ». Le gendarme est même qualifié à l’art. suivant de « soldat de la loi » et non de soldat de la Religion.

Aussi, en organisant elle-même un office suivi d’un moment convivialité, la gendarmerie matérialise-t-elle une atteinte à l’état militaire même mais encore à l’obligation de réserve ainsi qu’à d’autres principes qu’il s’agit maintenant d’évoquer.

Des obligations de Laïcité & de neutralité.

L’affaire en cause soulève un certain nombre d’interrogations relatives au principe constitutionnel de laïcité et de ce qu’il implique, notamment à l’égard des services publics, à travers les deux premiers articles de la loi de 1905.

Le Tribunal administratif rappelle alors que cette dernière « crée, pour les personnes publiques, des obligations », dont celle de « veiller à la neutralité des agents publics et des services publics à l’égard des cultes, en particulier en n’en reconnaissant ni n’en subventionnant aucun ». Dès lors, les juges admettent que ce sont les personnes publiques elles-mêmes qui sont les gardiennes du respect de la laïcité, et notamment de la neutralité de leurs services, mais aussi de leurs agents. De plus, il est rappelé que la Séparation implique outre le non-financement des cultes, leur non-reconnaissance[18]. Ce dernier principe vise précisément à supprimer le régime concordataire des cultes reconnus, consistant à accorder une place privilégiée et officielle à certains cultes ou à un culte en particulier. En somme, depuis 1905, toutes les convictions quelles qu’elle soient (religieuses, politiques, philosophiques) sont mises sur le même pied. Tous les cultes, passés, présents, futurs, sont considérés également, sans faveur ni défaveur. Un service public, et a fortiori ses agents, ne sauraient par conséquent montrer un attachement particulier à une conviction en particulier : la neutralité en tant qu’équidistance – on dirait même de distanciation – religieuse, serait alors nécessairement violée.

Il a été rappelé que la laïcité n’interdit aucunement à ses agents d’avoir de quelconques convictions. Ce qui leur est prohibé est l’extériorisation de ces convictions, ce qui est totalement différent. Si la croyance est libre et entière, sa manifestation peut nécessairement faire l’objet de restrictions. Ici, pour les agents, c’est l’extériorisation de toute conviction pendant le service, c’est-à-dire pendant le temps de travail, sur le lieu de travail, ou avec la tenue de travail, qui est interdite.

L’obligation de stricte neutralité impose alors que, dans l’exercice de leurs fonctions, les agents ne se livrent à aucune forme de propagande, ainsi qu’il ressort de l’arrêt Dlle Pasteau[19], le but étant évidemment de préserver le service et l’Etat, que les agents représentent et dont ils sont finalement les démembrements. Cette obligation concerne tous les services publics, et aucune dérogation ne saurait être admise, puisque le principe même de laïcité serait affecté et perdrait de sa substance.

C’est donc bien à tout agent public que s’impose ce respect de la neutralité, ainsi qu’il en fut précisé dans l’avis Julie Marteaux[20].

Désormais, les principes de laïcité et de neutralité sont non seulement associés, mais aussi assimilés[21] ; l’accent est alors mis sur une conception de la laïcité entendue comme égalité.

Est ainsi énoncée une règle stricte et claire, il n’y aurait donc aucunement besoin de tenir compte de la nature, du degré du caractère ostentatoire – ou ostensible du reste – du signe arboré, des fonctions occupées, ou des intentions de l’agent : quels que soient le statut de l’agent – titulaire ou non –, son poste, qu’il soit en contact ou non avec les usagers, le signe religieux qu’il porte, sa forme ou sa couleur, il lui est interdit de manifester ses convictions, religieuses, politiques, ou philosophiques.

Carte postale (non voyagée – circa 1900) n° 861 coll. FTN ; Ste Geneviève, patronne de Paris et protectrice de l’enfance (coll. perso. MTD)

Ce ne sont pas les convictions qui sont condamnées, mais bien les actes qui sont censurés :

c’est-à-dire l’extériorisation des convictions, comme le seul fait de porter un signe religieux, d’avoir des comportements prosélytes[22], voire troublant le fonctionnement normal du service (qui compromettraient par exemple la sécurité, la santé des autres agents ou des usagers, ou encore qui consisteraient à jeter le discrédit sur le service) ou, comme en l’espèce, de participer à une cérémonie religieuse[23]. C’est d’ailleurs dans ce sens que semble aller le Tribunal administratif en relevant que

« le principe de laïcité fait obstacle à ce que [les militaires de la gendarmerie] manifestent leurs croyances religieuses dans le service public ».

Pourtant, les mêmes principes, indiquent les juges, ne s’opposent pas à ce que ces mêmes agents

« soient invités et autorisés, durant le service, à assister à un office religieux dans une église, lorsque cette invitation présente un caractère facultatif et s’inscrit dans le cadre d’une manifestation annuelle, traditionnelle et festive participant à la cohésion et à la représentation de l’institution ».

De l’exception prétorienne de la manifestation « traditionnelle et festive participant à la cohésion et à la représentation de l’institution »

En l’occurrence, pour justifier ce caractère traditionnel et festif, la décision relève que la cérémonie de la Sainte Geneviève est organisée par la gendarmerie nationale « depuis de nombreuses années ». Dès lors, le fait pour les agents d’y participer ne peut « à lui seul » être regardé comme la « manifestation de convictions religieuses dans le cadre du service public ni comme relevant de l’exercice d’un culte ».

Plusieurs commentaires s’imposent : tout d’abord, on peut se demander ce qui relève alors de l’exercice d’un culte, si ce n’est de participer notamment à des cérémonies religieuses, dans un lieu de culte. La liberté de religion implique entre autres l’exercice du culte, qui consiste en la participation collective à des rites ; il s’agit pour les croyants d’entrer en communion et d’extérioriser leurs croyances. Ici d’ailleurs, la cérémonie ayant lieu dans une église, il ne faisait aucun doute sur le caractère religieux de la manifestation. Rappelons d’ailleurs que les édifices du culte catholique qui sont la propriété d’une personne publique bénéficient de l’exclusivité de l’affectation cultuelle[24] : tout usage de l’édifice pour un but autre que cultuel est conditionné par l’accord préalable du desservant[25]. En l’occurrence, tel n’était pas le cas, on était bien en présence d’une manifestation religieuse, se tenant dans un édifice religieux. Le Tribunal va cependant dans le sens totalement opposé.

Facultatif ?

Ensuite, quant au caractère facultatif de l’évènement, on ne peut que louer le fait que tel fût le cas. En effet, l’article 31 de la loi de 1905 crée le délit d’atteinte à la liberté de conscience dans l’ordre religieux en punissant ceux qui,« soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte ».

Par cette disposition, les libertés de cultes et de conscience sont garanties : toute personne pourra exercer le culte qu’elle aura librement choisi, sans subir aucune pression. Si nul ne peut contraindre autrui à croire ou à pratiquer un culte, il est évident qu’un service public ne peut davantage le faire.

Traditionnel & festif ?

Enfin, au sujet du caractère traditionnel et festif reconnu à la célébration, on constate que les juges se sont a priori inspirés de la jurisprudence du Conseil d’Etat relative aux crèches[26]. Assurément, il peut être délicat de dissocier totalement le cultuel du culturel : une certaine répétition de rites, de traditions religieuses, font partie d’une culture, et les renier définitivement pourrait conduire à un certain appauvrissement, voire à une dénaturation de la réalité.

Carte postale (voyagée ; 1906) série La Voie douloureuse (photographie non colorisée) ; n° 09 : « Le Gendarme » (coll. perso. MTD)

Mais toute la difficulté consiste alors à déterminer ce qui fait partie de la tradition : quels en sont les critères, et à partir de quand un évènement le devient[27] ?

La question s’est par exemple posée au sujet de la légalité de délibérations de collectivités territoriales accordant des subventions afin d’organiser des « Ostensions limousines ». Il avait ici été jugé que bien que les manifestations de ces traditions locales, consistant en diverses cérémonies dont la reconnaissance de reliques, associent autorités civiles, militaires, et religieuses, elles n’avaient pas pour autant perdu « leur caractère de cérémonies du culte de la religion catholique ». Dès lors, les subventions étaient contraires à l’article 2 de la loi de 1905[28].

En l’occurrence, le caractère cultuel de la manifestation avait été reconnu, et peu importe alors qu’elle ait acquis, avec le temps, une dimension traditionnelle ou populaire, et qu’elle ait également une portée économique, culturelle et touristique[29]. Le problème s’était posé en des termes identiques au sujet des sonneries de cloches : ainsi dans une affaire en 2004, un maire avait refusé de réduire les sonneries civiles ponctuant les heures ; le Tribunal administratif lui donna tort estimant qu’il n’existait aucun usage dans la commune justifiant leur emploi, même si cette pratique avait été « rétablie voici quelques années ». Il écarta en revanche toute contestation des sonneries à 12 heures et 19 heures, parce qu’elles correspondent à l’Angélus[30]. En revanche, en appel la Cour administrative annula le jugement, en estimant que ces nuisances sonores de cloches ne pouvaient être considérées comme portant atteinte à la tranquillité publique, et donc ne justifiaient aucune intervention du maire[31]. Les juges d’appel finalement furent ici en contradiction avec la jurisprudence du Conseil d’Etat[32], selon laquelle le maire peut décider des sonneries de cloches, justifiées par la tradition, ou les usages locaux (c’est-à-dire antérieurs à 1905). En l’espèce, nul usage local n’était avancé, ou alors un usage effectif, mais pas ancien.

Pour qu’un évènement devienne traditionnel, il ne suffit donc pas, comme le relèvent les juges au sujet de Sainte Geneviève, qu’il soit organisé « depuis de nombreuses années » (et on peut d’ailleurs souligner l’absence totale de précisions à ce sujet). Encore faut-il une continuité temporelle, et même que la pratique existât avant 1905 : ainsi elle deviendra culturelle.

Tel est en effet le sens et l’esprit de la loi de 1905. Ainsi, A. Briand, au sujet de l’article 28, précisait que « les emblèmes religieux déjà élevés ou apposés demeurent et sont régis par la législation actuelle. L’article ne dispose que pour l’avenir[33]».  La loi souhaitait respecter le passé, et l’interdiction ne pouvait valoir que pour la postérité. Aussi le législateur entendait clairement préserver ce qui relevait du culturel, donc ce qui était antérieur à la loi. Incidemment, il l’intégrait dans le patrimoine national, ce qui revient à inclure le cultuel dans le culturel. Mais pour Briand, le cultuel, s’il est bien « une catégorie du culturel » n’en est plus désormais, à compter de la loi de Séparation, qu’un des composants parmi d’autres, car la culture laïque peut s’ouvrir à d’autres catégories.

Dans l’affaire de Sainte Geneviève, non seulement aucune précision n’est donnée sur le nombre d’années depuis lesquelles la cérémonie est organisée par le service public, mais il est, de plus, fort probable que celle-ci n’existe pas de façon continue et interrompue antérieurement à 1905. En effet, c’est par un décret du 18 mai 1962 que le Pape Jean XXIII établit Sainte Geneviève comme patronne « des gendarmes français, gardiens de l’ordre public… ».

Du port réglementé de l’uniforme.

Par ailleurs, qu’il nous soit permis ici de rappeler qu’en insistant sur l’usage et le port de l’uniforme de cérémonie à l’office religieux, la gendarmerie du Gard a clairement manifesté (ce qui n’était plus douteux) que les agents devraient ici être considérés en service et non comme des citoyens privés se rendant à un office tout aussi privé.

En effet, comme le rappelle en son préambule l’instruction[34] n°5000/GEND/DSF du 10 février 2016 relative à l’habillement des personnels militaires servant dans la gendarmerie, le port de l’uniforme est une « prérogative de l’état militaire (…) obligatoire pour l’exécution du service ». Selon l’art. 06-1 de la même norme, 6.1., il est précisé qu’en « règle générale, le personnel revêt :- l’une des tenues de soirée ou de cérémonie lors des manifestations publiques ou privées, les prises d’armes, les cérémonies civiles ou militaires ». Rien n’est évidemment en revanche mentionné à propos des cérémonies religieuses puisqu’elles doivent être privées. Il est même spécifié et rappelé dans de nombreuses notes de service et même actes réglementaires[35] que le port de l’uniforme militaires est proscrit dans toute activité ou manifestation syndicale ou politique.

En conséquence, en invitant non seulement les agents à revêtir leur uniforme mais encore celui dit de cérémonie, la gendarmerie a souligné l’importance de l’événement à ses yeux et l’a considéré non comme une activité privée mais bien comme un temps de service. Cela signifie – très simplement – qu’une administration laïque a invité ses agents à participer, en service et en uniforme, à prier Dieu et sainte Geneviève (mais qu’elle ne voit pas pour autant l’atteinte aux principes préc. de neutralité et de laïcité).

Du caractère collectif des autorisations individuelles non sollicitées d’absence.

Il a récemment été donné à l’un des co-auteurs du présent article[36] de revenir sur les autorisations d’absences de service pour motif religieux et sur leur régime juridique. Il en ressort plusieurs éléments ici importants :

  • d’abord, l’autorisation est une demande nécessairement individuelle et préalable actionnée par l’agent ;
  • ensuite, il s’agit d’une « bienveillance » du chef de service selon les termes employés par plusieurs lignes directrices en la matière.

En conséquence, il est impossible ici d’imaginer un seul instant que l’autorisation et l’invitation collectives de la gendarmerie adressée à ses agents est similaire aux telles autorisations. En effet, une autorisation d’absence pour motif religieux est le fruit d’une démarche individuelle. Or, dans cette affaire, c’est la gendarmerie qui a incité, même si cela est facultatif, ses agents à pratiquer un culte.

De la rupture d’égalité envers les autres cultes.

Ne pourrait-on pas alors arguer par suite de ce que les agents non catholiques (les protestants, juifs, arméniens, musulmans ou encore bouddhistes pour ne citer que les principaux cultes quantitativement pratiqués en France) se trouveraient ici placés dans une situation d’inégalité en ce que personne ne les invite à célébrer leur religion ?

De nouvelles « missions » & significations pour le service public de la Gendarmerie ?

En guise de conclusion, qu’il nous soit permis d’énoncer l’art. L. 4111-1 du Code de la défense. Il rappelle que :

« L’armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation ».

Telle est la seule et unique mission de service public que sert la fonction publique militaire. Elle n’est pas là comme le reconnaît pourtant expressément le juge nîmois en ses considérants 07 et 08 une organisatrice d’événement religieux placé sous son commandement. C’est la Nation que l’armée sert et non la religion quelle qu’elle soit et quelles que soient les traditions historiques des corps d’armes et des fonctions publiques. Sinon, cela impliquerait que demain on puisse demander à l’armée d’organiser la bar-mitsva du petit dernier ou après-demain l’Aïd El Kébir de fin de ramadan. Si ces deux événements paraissent impensables à l’avenir, alors le premier aurait dû être interdit.

En outre, qu’il nous soit aussi autorisé d’énoncer l’étonnement qui est le nôtre à constater la multiplication des doctrines (dites autorisées ou non) qui affirment que les normes laïques ou leurs interprétations juridictionnelles ont admis l’existence d’une pluralité de significations des éléments et des symboles religieux. Ainsi, sous prétexte qu’un élément religieux donné aurait acquis, au fil des années, une autre signification supplémentaire (et non substituée), d’aucuns en tirent la conséquence que la nouvelle signification effacerait l’originelle.

Ainsi, l’argument selon lequel un individu pourrait arborer un foulard ou un turban, sans être de confession musulmane ou sikhe, avait déjà pu être avancé[37]. Or il ne saurait satisfaire, puisque la valeur des signes est connue, et un non musulman n’arborera pas un signe d’appartenance à cette religion[38]. Il serait incongru alors que l’Administration – ou le juge – se permette de demander à l’individu s’il est bien de la confession dont il porte le signe. Cela constituerait évidemment une immixtion dans l’intimité de l’individu ; l’Administration, comme les autres élèves du reste, n’ont pas à connaître la religion ni à demander des précisions, si l’appartenance est réelle ou supposée.

En ce sens également se sont exprimés celles et ceux justifiant les crèches de la nativité dans les espaces publics car les fêtes de noël seraient devenues des fêtes de fin d’année dissimulant la célébration de la naissance du Christ. Non ! Même si Noël a pris un autre sens, cette seconde signification n’a pas effacé la première. Noël est toujours, à titre premier, la célébration du Christ rédempteur et confié aux soins des hommes et des femmes de foi[39]. Oser prétendre que le sens religieux en a disparu est singulièrement et précisément faire acte de mauvaise foi. Sur cette lancée, semble pourtant se diriger un auteur estimé des co-auteurs de cette contribution[40] lorsqu’il sous-entend à mi-mots que pour certains des militaires ici concernés « assister à cet office ne constitue sans doute pas (…) la manifestation d’une conviction religieuse et ne marque pas forcément une préférence religieuse ». Très respectueusement, nous ne pouvons y souscrire car cela pourrait ensuite donner lieu à l’interprétation suivante : la messe ou encore la prière ne sont pas des matérialisations de la religion. Cette justification de la non-sanction d’une atteinte manifeste aux principes de neutralité et de laïcité au prétexte qu’une ou deux personnes seraient là par hasard, pour faire plaisir aux copains ou encore pour boire un verre à l’issue de l’office est d’une mauvaise foi particulière. Que l’on soutienne qu’un agent à titre privé puisse visiter et admirer un lieu saint sans être pratiquant s’entend mais qu’il participe activement à un office, même s’il n’y prie pas, n’ôtera pas à cet office sont éminent et originel caractère religieux.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2021 ;
Chronique Laïcité(s) ; Art. 330.


[1] De l’auteur, on lira avec grand profit sa « somme » sur les circulaires ainsi que ces deux articles déterminants, selon nous, pour la compréhension du phénomène laïque en Droit : Koubi Geneviève, Les circulaires administratives ; Paris, Economica ; 2003 ; « Autorisation d’absence et liberté de conscience des fonctionnaires » in Rev. Adm. ; 1987 ; n° 236 ; p. 133 et s. ; « Le juge administratif et la liberté de religion » in Revue Française de Droit Administratif (Rfda) ; 2003 ; p. 1055 et s.

[2] Il ne s’agit plus ici du pr. Koubi mais de Genovefa dite Geneviève (de Paris) (circa 420 ; circa 500).

[3] Peut-être, comme en 2016, dans l’église de Bethléem située au bout de la rue sainte-Geneviève…

[4] L’événement eu lieu à Nîmes le 30 novembre 2018 et la requête, au fond, fut déposée le 04 janvier 2019.

[5] Qu’il soit ici permis au pr. Touzeil-Divina de reprendre un court paragraphe en cours de parution dans un article consacré aux autorisations d’absence pour motif religieux (in AJCT ; juin 2021).

[6] Est ainsi annulé le concours d’officiers de police au terme duquel le jury avait interrogé un candidat sur ses pratiques confessionnelles familiales : CE, 10 avril 2009 ; M. El Haddioui, n° 311888, Rec. 158.

[7] De jurisprudence constante, est ainsi prohibé tout refus d’évolution de carrière (comme en l’espèce la titularisation d’une institutrice suppléante) du seul fait des croyances religieuses de l’agent : CE, 03 mai 1950, Demoiselle Jamet ; req. 98284 ; Rec. 247. Plus récemment, le juge de cassation a même très étonnamment validé le fait qu’un prêtre devienne même Président d’une Université laïque ce qui n’est pourtant pas une évolution de carrière mais une élection comme administrateur (CE, 27 juin 2018, Syndicat national de l’enseignement supérieur Snesup-Fsu (req. 419595) avec obs. Touzeil-Divina in Jcp G ; 09 juillet 2018 ; n° 27, p. 07 et s.).

[8] Sur sa remise en question(s), on se permettra de renvoyer au chapitre premier de nos Dix mythes du droit public ; Paris, Lgdj ; 2019 ; p. 53 et s.

[9] Il en est ainsi de la neutralité des bâtiments et des espaces publics dans lesquels, malgré une étonnante jurisprudence permissive et créatrice du juge administratif, l’apposition d’emblèmes et de symboles religieux devrait toujours être strictement prohibée. A contrario, CE, Ass., 09 nov. 2016, Commune de Melun ; Fédération de libre pensée de Vendée ; req. 395122 & 395223 ; obs. Touzeil-Divina Mathieu, « Ceci n’est pas une crèche ! » in Jcp A n°45 ; 14 novembre 2016 ; p. 02 et s.

[10] CE, 15 oct. 2003, Odent ; req. 244428 ; Rec. 402.

[11] CE, 19 février 2009, Bouvier ; n° 311633 ; Rec. T. 813.

[12] CAA de Versailles, 30 juin 2016, C. c. Commune de Sceaux ; req. 15VE00140.

[13] En ce sens : CAA de Lyon, 27 nov. 2003, Najet Ben Abdallah ; req. 03LY0192 ou TA de Toulouse, ord., 17 avril 2009, Sabrina T. c. Université Toulouse III Paul Sabatier ; req. 091424. C’est aussi ce qu’a confirmé le juge européen des droits de l’Homme : Cedh, 26 nov. 2015, Christiane Ebrahimian c. France ; req. n°64846/11 et qu’a rappelé le Conseil d’Etat dans sa formation consultative (à la demande et sur saisine du Défenseur des droits) dans son étude datée du 19 déc. 2013 ; spéc. p. 28.

[14] Cass., Soc., 19 mars 2013, Cpam de Seine-Saint-Denis ; req. 12-11.690. La jurisprudence de la même chambre et dite Baby-Loup (du même jour ; req. 11-28.845) a même étendu cette obligation de neutralité à des organes non expressément qualifiés de services publics mais dont le règlement intérieur le permet (ce qu’a repris explicitement l’art. L 1321-2-1 du Code du travail modifié à la suite de la Loi dite El Khomri du 08 août 2016).

[15] En ce sens : CE, 12 févr. 2020, M. B. c. Centre hospitalier de Saint-Denis ; req. 418299 ; avec obs. Touzeil-Divina : « Au nez et à la barbe des juges du fond, le Conseil d’Etat rappelle (enfin) qu’en soi porter la barbe n’est ni illégal ni contraire au principe de Laïcité » in Jcp A ; 24 février 2020 ; n° 08 ; p. 03 et s.

[16] « Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants » in Valeurs actuelles ; 21 avril 2021.

[17] Coutant Pierre, La fonction publique militaire ; Paris, Lavauzelle ; 1960 ; p. 92.

[18] Ce principe de non-reconnaissance, issu de l’article 02 de la loi de 1905, ne doit pas s’entendre comme une méconnaissance ou une négation des cultes par l’Etat. Il s’agit plutôt, selon les termes du doyen Hauriou, d’une « fiction d’ignorance légale » (Hauriou Maurice, Précis de droit administratif et de droit public, Sirey, Paris, 6e édition, 1907, p. 846). En somme, il est question de supprimer le régime des cultes reconnus, c’est-à-dire de leur donner un statut officiel.

[19] CE, 8 décembre 1948, Demoiselle Pasteau, Rec. 464 ; S., 1949, 3, p. 41, 2ème espèce, note J. Rivero ; Rdp, 1949, p. 73, note M. Waline.

[20] CE, Avis, 3 mai 2000, préc.

[21] D’ailleurs, le Conseil d’Etat fit référence au « principe de laïcité et à l’obligation de neutralité qui s’impose à tout agent public », CE, 15 octobre 2003, Odent, préc.(nous soulignons).

[22] CE, 19 février 2009, Bouvier ; Ajfp, 2009, p. 253, concl. B. Bourgeois-Machureau : le fait pour un agent public d’utiliser ses fonctions pour remettre aux usagers du service public de La Poste des imprimés à caractère religieux dans le cadre de son activité de guichetier constitue une faute.

[23] Relevons d’ailleurs que cette obligation de neutralité a été consacrée par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires. Le nouvel article 25 de la loi du 13 juillet 1983 dispose désormais : « Dans l’exercice de ses fonctions, [le fonctionnaire] est tenu à l’obligation de neutralité (…), exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité (…) « s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses ». Il doit par ailleurs traiter de « façon égale toutes les personnes et respecte[r] leur liberté de conscience et leur dignité ». Par conséquent, l’ancrage de la neutralité n’est plus seulement jurisprudentiel, il est également textuel, et a reçu l’onction de la Cour européenne des droits de l’homme.

[24] Loi du 02 janvier 1907 concernant l’exercice public du culte : « A défaut d’associations cultuelles, les édifices affectés à l’exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion » ; et Loi du 13 avril 1908 modifiant les titres II et III (articles 6, 7, 9, 10, 13 et 14) de la loi du 09 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

[25] CE, ord., 25 août 2005, Commune de Massat, Rec. 386.

[26] En effet, depuis 2016, est à la fois reconnue à ces dernières une dimension religieuse et une dimension non religieuse, donc culturelle. Dès lors, la Haute juridiction considère que si la crèche est culturelle, en raison notamment du contexte, elle sera autorisée ; si en revanche elle est accompagnée « d’élément de prosélytisme », ou s’il n’y a pas d’usages locaux, elle sera interdite. De même, le Conseil d’Etat distingue selon les lieux : dans l’enceinte des bâtiments publics, sauf circonstances particulières, le caractère culturel sera difficilement admis. En revanche, dans d’autres emplacements publics, « eu égard au caractère festif », la crèche peut être autorisée.

[27] Voir Benelbaz Clément, « La distinction entre cultuel et culturel » in Mouannès Hiam (dir.), La territorialité de la laïcité, Actes du colloque organisé le 28 mars 2018 à l’Université Toulouse 1 Capitole, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, coll. Actes de colloque de l’IFR, 2018, p. 83-126.

[28] TA de Limoges, 24 décembre 2009, M. Geirnaert, Ajda 2010, p. 738, concl. J. Charret, et CE, 15 février 2013, Association Grande confrérie de Saint Martial et autres, Ajda 2013, p. 375 ; Rfda, 2013, p. 375, concl. E. Cortot-Boucher, note M. Comte-Perrier ; Ajda  2013, p. 1529, note M. Le Roux ; DA, n°7, juillet 2013, comm. 53, note G. Eveillard.

[29] Voir CE, 03 décembre 1954, Sieur Rastouil, évêque de Limoges, Rec.639 ; D., 1955, J., p. 31, note, dans lequel le Conseil d’Etat admettait que des cérémonies, « consacrées par les habitudes et les traditions locales », ne perdaient pas pour autant leur caractère cultuel.

[30] TA de Lille, 15 janvier 2004, M. et Mme Duavrant, BJCL, n°7/05, p. 452, concl. J. Lepers, obs. B.P. ; Ajda, 2004, p. 778, note N. Wolff.

[31] CAA de Douai, 26 mai 2005, Commune de Férin, Jcp G 2005, II, 10127, note M.‑F. Delhoste ; DA, août-septembre 2005, p. 32, note P. Türk.

[32] CE, 9 mars 1929, abbé Dumas, Rec. 286.

[33] Briand Aristide, La séparation des Eglises et de l’Etat, rapport fait le 4 mars 1905 au nom de la commission relative à la séparation des Eglises et de l’Etat et de la dénonciation du Concordat chargée d’examiner le projet de loi et les diverses propositions de loi concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, n°2302, Chambre des députés, annexe au procès-verbal de la deuxième séance du 4 mars 1905, Paris, E. Cornély éd., p. 334.

[34] NOR : INTJ1600160J.

[35] Dont l’arrêté MinDef/Daj du 14 décembre 2007 in Jorf n° 229 du 26 décembre 2007 (texte n° 70).

[36] Voyez supra en note 05.

[37] En ce sens, Dieu Fréderic, « Le Conseil d’Etat et la laïcité négative », Jcp A., 2008, 2070 ; ou encore Garay Alain et Tawil Emmanuel, « Tumulte autour de la laïcité », D., 2004, pp. 225-229.

[38] Sauf s’il a perdu le sens commun qui associe tout signifiant à un signifié.

[39] Selon Charles Sanders Peirce (Ecrits sur le signe, Editions du Seuil, 1978), il est possible de distinguer l’indice, l’icône et le symbole. L’indice tout d’abord est un signe immédiat, il ne représente pas une chose ou un phénomène mais les manifeste (une fumée désigne par exemple un feu). L’icône ensuite est un objet dynamique dont la qualité est reliée à son signe descriptif par une similarité qualitative ou une ressemblance. L’icône est donc pour Peirce le signe dont le signifiant a une relation de similarité avec ce qu’il représente, son référent. Par exemple, un tableau, une statue ou une photographie (pour Le Petit Robert, l’icône est un « signe qui ressemble à ce qu’il désigne, à son référent ». Il confond donc l’objet et sa représentation). Enfin, le symbole distingue l’objet et sa représentation. La relation du symbole avec l’objet qu’il représente est donc arbitraire, c’est-à-dire non causale (comme dans l’indice : par exemple la fumée est l’indice d’un feu, parce que celui-ci en est la cause), elle est aussi arbitraire parce que non analogique (comme dans l’icône) : en fait cette relation est d’ordre culturel.

Ainsi, chez les chrétiens, le symbole du Christ était l’agneau. Ils nomment le Christ comme « l’agneau de Dieu » (parole de saint Jean-Baptiste) et en plus de cela les douze apôtres se symbolisaient par douze agneaux. Mais en 692, un concile s’est réuni à Istanbul et a décidé d’utiliser la croix comme symbole chrétien à la place de l’agneau. Ainsi on voit que les symboles peuvent varier dans la même culture, au gré des choix arbitraires qui s’opèrent.

Dès lors, le crucifix est l’icône de la croix sur laquelle Jésus a été crucifié, une représentation en bois, en métal ou en ivoire etc. de la croix de la crucifixion sur laquelle est de surcroît représentée la victime crucifiée (« croix sur laquelle est figuré Jésus crucifié », selon Le Petit Robert). Quant à la crèche, elle est également un icone quand on considère qu’il s’agit de figurines placées dans un décor servant de « représentation de l’étable de Bethléem et de la Nativité » (Le Petit Robert). Il y a là une relation d’analogie, créée du reste par une intention de ressemblance de la part de leurs auteurs ou de leurs utilisateurs. Mais dans les deux cas, il est possible de parler de symboles, parce qu’arbitrairement, par une intention culturelle, on fait d’un élément particulier de la vie de Jésus le symbole de sa vie entière et de son enseignement. La relation entre le signe devenu symbolique et l’objet représenté qu’est le christianisme est ici un rapport d’inclusion : un fragment de la vie sert à désigner la vie entière (et plus encore, ce qu’elle implique religieusement). C’est ce qu’en rhétorique on appelle une synecdoque. En somme, que l’on considère le crucifix et la crèche comme des icones, ou comme des symboles, il paraît impossible de disjoindre ces deux signes de leur signifié religieux, ou pour le dire autrement de leur référent religieux. La sémiotique de Pierce est ici moins opérante que la définition de Saussure qui fait essentiellement du signe un rapport entre un signifiant et un signifié.

[40] Deliancourt Samuel, « Les gendarmes peuvent assister durant leur service à la messe de sainte Geneviève dans une église » in Jcp A ; 29 mars 2021 ; n° 13 ; p. 29 et s.

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ParJDA

D’une laïcité à l’autre : réflexion sur le principe de laïcité et son évolution

art. 329.

Le Journal du Droit Administratif, fondé en 1853 à Toulouse puis refondé en ligne en 2015, propose, en partenariat avec le Laboratoire d’Analyse(s) Indépendant sur les Cultes (LAIC) – Laïcité(s), une nouvelle chronique régulière (à vocation mensuelle) placée sous la direction commune des drs. et enseignants-chercheurs Clément Benelbaz & Mathieu Touzeil-Divina.

Cet article est issu de la 1ère chronique Laïcité(s) du mois de mai 2021.

par Vincent CRESSIN,
Juriste, attaché principal d’administration

Laïc, du latin laicus qui signifie « commun, ordinaire, qui est du peuple »,
et qui par définition transcende sa condition particulière pour accéder à l’universel.

nb : Les propos tenus dans cet article relèvent de la responsabilité de son auteur et ne sauraient engager l’institution à laquelle il appartient.

Chronique rédigée
avec le concours du JDA & du LAIC

La laïcité, qui n’est pas une idée neuve dans notre République, ne cesse de soulever des débats passionnés, et passionnants, comme en témoigne de manière récurrente l’actualité en la matière. Les controverses parfois bavardes dont elle fait l’objet semblent occulter aussi bien les questions juridiques et politiques qu’elle suscite que les enjeux de société qu’elle renferme. Les positions différentes adoptées tant par la Cour européenne des droits de l’homme que par le Comité des droits de l’homme des Nations Unis sur la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public et qui, loin s’en faut, n’en favorisent pas une certaine unité doctrinale, peuvent à tout le moins être l’occasion d’éclairer à nouveau ses fondement, de rappeler ses caractéristiques et ses limites ainsi que, modestement, les questions qu’elle suscite ou les perspectives d’évolution qu’elle dessine.

1-Par un arrêt en date du 11 décembre 2020, la plus haute juridiction administrative a jugé qu’il n’est ni obligatoire ni interdit pour les collectivités territoriales de proposer aux élèves des repas différenciés leur permettant de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses[1]. Si la solution possède le mérite de clore le sujet, les développements contentieux qui ont animé la question n’ont cessé de mettre en relief des conceptions divergentes de la laïcité, qui demeure ainsi investie de significations politiques très différentes[2]. Du reste, si la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État est restée inchangée dans ses grands principes, il convient de rappeler que cette dernière a connu des réactualisations historique et politiques variées : de la laïcité de fer ou de combat des origines dirigée contre le catholicisme à l’âge de la « neutralité polie » ou de « l’indifférence cordiale », la laïcité se doit aujourd’hui d’accueillir l’expression du pluralisme démocratique et, sous certaines limites, le fait religieux dans l’organisation des services publics, preuve s’il en fallait une de la plasticité de ses dispositions à la racine parfois de la mésinterprétation, voire de l’instrumentalisation dont elle fait preuve[3]. L’évolution pour ne pas dire la mutation de la liberté de conscience en France, interrogée voire nourrie par l’émergence de pratiques religieuses manifestant sinon revendiquant une certaine inscription dans l’espace public, est en réalité puissamment alimentée par la dynamique des droits de l’homme, lesquels font de la subjectivité individuelle le sol et l’horizon indépassables des libertés contemporaines. À la vérité, c’est ce nouveau paradigme culturel, pour paraphraser Alain Touraine, qui contribue à redéfinir les contours de la laïcité, cette dernière se cherchant finalement à n’être qu’un principe à la fois organisateur et régulateur de notre vie démocratique et sociale destiné à concilier l’épanouissement des libertés fondamentales reconnues par la République et les enjeux qu’elles engagent : libertés, citoyenneté, dignité, égalité entre les sexes. Mais en a-t-elle les moyens[4], et ces interrogations légitimes ne débordent-elles pas le champ d’application strict de la laïcité, ou alors peut-on ou doit-on parler de laïcité ou des laïcités[5] ?. C’est d’ailleurs pourquoi elle fait l’objet de tant de controverses à la fois politiques et juridiques. Par ailleurs, que nous dit encore la laïcité qui ne figure pas déjà aux grandes proclamations nationales et internationales, telles qu’interprétées et éclairées par la jurisprudence constructive des juridictions chargées d’en assurer l’effectivité, en particulier de la Cour européenne des droits de l’homme, et à laquelle les juridictions nationales suprêmes se réfèrent de sorte qu’il faut également compter avec l’influence croissante de ce contexte juridique supra-étatique à partir duquel la laïcité se laisse en partie tout du moins saisir et redéfinir. 

Aussi, si le droit de la liberté de religion trouve son fondement dans notre tradition juridique nationale, ses prolongements s’inscrivent dans un cadre juridique autonome bien plus large qui tend à en dessiner les multiples expressions (I), lesquelles peuvent néanmoins connaître des restrictions tirées de la protection d’un ordre public principalement matériel dont la consistance ne laisse pas d’interroger (II).   

Le droit des libertés  

2-Un cadre juridique national et supranational convergent  ….

Promulguée le 9 décembre 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État est le fruit d’un long processus de laïcisation et de sécularisation engagé bien avant la Révolution française, mais dont les ferments sont sans doute présents dans la théologie chrétienne[6], même si d’aucuns semblent relativiser cette dette intellectuelle et considérer qu’au lieu que la laïcité plonge ses racines dans la religion, elle procède de part en part d’une démarche d’affranchissement par rapport aux prétentions des Églises à fonder l’ordre social et politique[7], et aux dissensions qu’elles suscitent et exacerbent dans son sillage. En cela, et au soutien incontestable d’une telle justification, les guerres de religion ont indubitablement constitué un fait séminal dans la genèse d’un pouvoir politique transcendant, indépendant et arbitral.

Cette loi de séparation proclame deux principes fondamentaux : celui de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes d’une part, et de la neutralité de l’État d’autre part. Sur ce dernier versant, la laïcité rompt avec le régime concordataire qui faisait de la religion catholique « la religion de la majorité des français ». Il n’y a plus de religion légalement consacrée et tous les cultes doivent être traités de manière égale. Comme l’a magistralement expliqué le professeur RIVERO[8], la laïcité renferme un versant négatif car en affirmant que la République ne reconnaît aucun culte, la loi n’a pas entendu dire que la République se refusait à en reconnaître l’existence, mais a fait simplement disparaître la catégorie juridique des cultes reconnus, et un aspect positif dans la mesure où l’État assure la liberté de conscience et son corollaire indissociable qu’est l’exercice des cultes.

La portée de cette dernière proposition n’est pas simplement déclarative mais, et tout au contraire, créatrice d’une véritable obligation à l’encontre des personnes publiques lorsque l’on songe notamment à la présence des services d’aumônerie dans certains services publics.

La laïcité impose de la sorte à l’État une certaine réserve d’intervention et proscrit toute ingérence, tant dans la promotion que dans la restriction des pratiques religieuses dans la sphère publique, aux fins notamment d’assurer dans les meilleurs conditions la conciliation des différentes croyances (religieuses ou non). Si la neutralité de l’État désigne ainsi cette attitude d’abstention absolue et permanente des pouvoirs publics en matière de religion, elle ne signifie nullement comme nous aurons l’occasion d’y revenir que l’espace public soit tenu ou mis à distance des faits religieux.

Composante à part entière de l’identité républicaine figurant au préambule de la Constitution de 1958[9], elle est aujourd’hui constitutionnalisée à son article 1er qui affirme que « la France est une République laïque« . Pour le Conseil d’État, elle entre au rang des droits et libertés que la Constitution garantit et implique notamment le respect de toutes les croyances[10]. La construction européenne n’ignore bien évidemment pas ces principes qui, figurant à l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux désormais incorporée suite à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TUE), constituent une obligation juridiquement contraignante[11] pour ses États membres. La liberté de conscience est par ailleurs assurée au moyen d’engagements internationaux, en particulier par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et auquel le Conseil d’État donne une portée certaine qui déduit l’observation de prescriptions alimentaires de la manifestation directe de croyances et de pratiques religieuses[12].

Pour aller plus loin en la matière, et notamment dans ses constatations du 23 octobre 2018 sur la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public sur lesquelles il n’est pas inintéressant de revenir rapidement, le Comité des droits de l’homme des Nations Unis, qui veille à la mise en œuvre des dispositions incluses au Pacte, a très sévèrement critiqué la loi française qui prévoit en son article premier que “nul ne peut porter, dans l’espace public, des vêtements destinés à dissimuler le visage”. En cause, la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 qui a notamment pour effet d’interdire le port du voile islamique intégrale en public couvrant tout le corps, y compris le visage, et ne laissant qu’une petite ouverture pour les yeux. Le Comité considère en effet que les dispositions de l’article 18 du Pacte[13] qui sanctuarisent, ou plutôt devrait-on sanctifient le droit à la liberté de religion, impliquent la liberté de porter la burqa qui relève comme telle de l’accomplissement d’un rite et de la pratique d’une religion dont la liberté de manifestation est garantie. Ces mêmes principes sont enfin, et surtout, affirmés et mis en œuvre par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, entrée en vigueur en 1953, applicable en France depuis le 4 mai 1974, et qui se donne également pour objectif de garantir un certain nombre de droits et libertés individuels dans les États l’ayant ratifiée. Elle se réfère notamment à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et pose en son article 9 « le droit pour toute personne à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ».

3-Par conséquent, ce sont de ces dispositions textuelles convergentes que l’expression contemporaine des religions tire sa forme et sa force, et ce d’autant plus aisément que le protocole n°16 à la Convention, applicable depuis août 2018, prévoit dorénavant la possibilité pour les plus hautes juridictions des États parties d’adresser des demandes d’avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’homme sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles. Nul doute, si ce n’est déjà le cas, qu’un tel mécanisme de coopération juridictionnelle contribuera tout à la fois à harmoniser les législations nationales et unifier les mœurs et styles de vie dans les États. C’est dire aussi l’arsenal juridique protégeant et garantissant la liberté de religion et qui à bon droit s’inscrit à rebours d’une vision offensive ou laïciste selon laquelle la laïcité serait totalement confondue à la neutralité au point d’oblitérer toute aspérité religieuse dans l’espace public[14]. Si l’État est neutre la société ne saurait l’être et ce en vertu de l’existence et la prééminence même de la liberté de conscience posée à l’article 1 de la loi de 1905. L’État laïque n’engage ni n’implique la laïcisation de la société civile aussi bien que le lieu de sa représentation et de son déploiement : l’espace public.

4-… et propice à l’affirmation de la liberté de conscience.

À l’aune de ces dispositions et de la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme, la liberté de conscience qui est au fondement même des idées et des convictions logées au plus intime de l’individu apparaît, dans son contenu, comme absolue. En effet, sauf à renouer avec des périodes anciennes qui restent très vivaces dans notre mémoire collective et héritées en partie du gallicanisme d’État que nous avons connu où le pouvoir temporel revendiquait un magistère spirituel sur les esprits, les opinions religieuses sont tout autant inassignables qu’indéfinissables. Éclairé ou non, l’individu contemporain est ainsi libre de donner l’adhésion intellectuelle à la religion qu’il souhaite, comme il peut tout autrement demeurer agnostique ou athée. Ne pouvant donner lieu par nature à des atteintes à l’ordre public, la liberté de religion échappe donc à toute restriction qui la rend ainsi absolue[15]. C’est notamment parce que les libertés fondamentales en général, nouvelle religion civile des États laïcs, et la liberté de conscience en particulier demeurent aussi sacralisées que les pouvoirs publics ne sauraient porter quelque jugement de valeur que ce soit sur les doctrines ou les croyances en tant que telles, ni définir ce qu’est une secte, et encore moins en dresser une liste sans méconnaître ce principe. Une telle attitude, dont on ne peut que s’enorgueillir, n’apparaît pas possible dans une société authentiquement libérale et démocratique, même si les morales privées qui en découlent ne peuvent être totalement séparées de la morale publique. Et il n’est pas exagéré d’affirmer que ce refus principiel signe en quelque sorte la fondation des États modernes. Conséquemment, les autorités constituées ne peuvent s’intéresser qu’aux manifestations qui en résultent (manipulation ou déstabilisation mentale, troubles à l’ordre public, atteintes à l’intégrité physique…) et qui, quant à elles, peuvent être saisies par le droit commun, en particulier pénal, pour caractériser notamment une éventuelle dérive sectaire. Plus récemment, le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), dans son plan d’action national et son ambition de développer un contre discours républicain, s’est également trouvé confronté à l’exercice périlleux de devoir toujours préserver cet équilibre nécessaire entre d’un côté la neutralité axiologique de l’État au sens large et de l’autre la liberté de religion. Partant, le radicalisme religieux ne peut qu’être rigoureusement défini et circonscrit, qui comprend indissociablement deux éléments à la fois distinctifs et cumulatifs que sont d’une part une idéologie extrémiste et d’autre part la volonté implacable de la mettre en œuvre par la violence. Aussi, une conception même native et fondamentalisme d’un texte religieux tendant à un retour aux sources de ses fidèles, sans doute anachronique dans la société actuelle, n’est pas punissable en droit pénal. Autrement dit, c’est parce que le radicalisme ajoute la violence à un système de croyance qu’il devient répréhensible.

5-La liberté religieuse qui implique d’adhérer ou non à une religion implique, par extension, celle de la pratiquer et donc de la possibilité d’extérioriser sa foi. Aussi, la libre manifestation des convictions religieuses donnant forme sensible aux croyances s’infère-t-elle tout naturellement de la liberté de religion, sans laquelle cette dernière demeurerait inachevée. Il s’ensuit notamment que le port d’un vêtement, d’un couvre-chef ou d’un insigne exprimant un consentement public à une religion se rattache indissolublement à la liberté de religion. La liberté de religion entretient ainsi des liens étroits avec la liberté vestimentaire qui, bien qu’elle ne constitue pas une liberté fondamentale, affleure en réalité derrière celle-ci et sous laquelle elle doit être en réalité subsumée ou déduite. Une telle ostentation ne saurait au surplus s’apparenter, encore moins se réduire, à un acte de prosélytisme qui réside dans la volonté d’imposer à autrui ses convictions par la violence, la pression ou le harcèlement. Il est donc entendu de manière extrêmement stricte, bien qu’il s’agisse réciproquement de protéger la liberté de conscience d’autrui qui ne saurait également et, tout aussi légitimement, être violée. Dit autrement, et sous ces limites, la liberté religieuse comporte le droit d’essayer de convaincre son prochain, sans lequel la possibilité pour chacun de changer de religion qui en participe resterait lettre morte[16]. Au-delà des codes vestimentaires, la publicisation du religieux peut emprunter des formes autrement plus variées. C’est le cas des prières, individuelles ou collectives, sur la voie publique. Si les premières ne souffrent d’aucune contestation juridique, les secondes en revanche relèvent du régime de la déclaration préalable à l’autorité de police compétence qui peut en interdire la tenue en cas de troubles à l’ordre public[17]

Absolue dans son contenu, la liberté de religion, parce qu’elle engage l’être mais aussi l’agir d’un individu en particulier, s’accompagne inévitablement de l’adoption de pratiques rituelles qui s’accomplissent en public. Ces démonstrations de foi peuvent toutefois connaître des limitations justifiées par les nécessités de l’ordre public qui rendent ses expressions plus relatives. 

Des restrictions limitées à une conception essentiellement matérielle de l’ordre public qui interroge au regard de l’évolution actuelle du fait religieux dans l’espace public

6-Un ordre public principalement matériel.

L’expression plurielle des libertés se situe au confluent de multiples situations juridiques. Par conséquent, elle est susceptible d’être encadrée tant par l’exercice du pouvoir de police administrative, générale ou spéciale[18], que par l’adoption de règles portant organisation des services publics dans ses relations avec les usagers, voire encore par l’édiction de règlements intérieurs régissant l’admission de ces derniers dans les équipements publics, de sorte qu’elle reste toujours sujette à des tempéraments pouvant en limiter ses manifestations[19].

L’ordre public, cher à Maurice HAURIOU, « est l’ordre matériel et extérieur (…) la police n’essaie point d’atteindre les causes profondes du mal social, elle se contente de rétablir l’ordre matériel ».

Le triptyque constitutif de l’ordre public trouve sa formulation canonique, pour rester dans le lexique religieux, à l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales qui charge le Maire d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Plus précisément, il s’agit de prévenir les risques de santé publique ainsi que les atteintes aux biens et aux personnes. L’expression des convictions religieuses peut en conséquence connaître des limitations tirées de ces justifications, qui autorisent de la sorte des mesures de police toujours nécessaires et proportionnées au but poursuivi, c’est-à-dire circonscrites dans le temps et l’espace.

Des interdictions générales et absolues sont dès lors proscrites sur lesquelles pèse ce faisant un contrôle maximal de proportionnalité[20]. Suivant l’adage « une mesure de police n’est légale que si elle est nécessaire », l’office du juge est extrêmement poussé qui veille à l’adéquation de la mesure de police à la réalité et la gravité des risques qui la motivent. Toutefois, en pratique, pour valables qu’elles puissent être, les atteintes à la liberté de religion qui en découlent sont rarement reçues par la juridiction administrative, comme en témoignent les arrêtés « anti-burkini » annulés par le Conseil d’État[21], qui considère que faute de risques avérés à l’ordre public ces interdictions ont porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales qu’est notamment la liberté de conscience. La prévention des risques à l’hygiène publique dans les piscines municipales pourrait en revanche constituer un moyen susceptible d’être valablement accueilli pour servir de fondement à une réduction des manifestations religieuses. En effet, ces lieux de baignade fermés et traités au chlore sont soumis en application du code de la santé publique[22] à des normes drastiques qui obligent plusieurs fois par jour à un contrôle régulier du taux de chloramine provoqué par le contact de tout étoffe ou fragment de tissu avec l’eau, lequel s’avérant au-delà d’un certain seuil nocif tant pour la santé des baigneurs que des agents en charge de la surveillance du bassin peut conduire à la fermeture de la piscine.

7-Par où l’on aperçoit que la préservation de l’espace public reste dominée par des impératifs essentiellement matériels et très peu encore pénétrée de considérations morales. Pourtant, la morale publique a très tôt fait irruption dans notre bloc de légalité et tout étudiant en droit a déjà au moins une fois ânonné les principes dégagés dans la décision du Conseil d’État dans l’espèce des films Lutétia[23]. Elle connaîtra un retentissement certain et une vigueur nouvelle avec l’interdiction du tristement célèbre « lancer de nains » qui, au nom de la dignité de la personne humaine, en renouvellera les propositions[24]. La dignité de la personne humaine qui connaîtra aussi en matière de religion un prolongement intéressant et s’enrichira d’une épaisseur nouvelle lors de la tristement célèbre affaire de « la soupe au cochon » au cours de laquelle une association entendait proposer aux sans-abris une soupe populaire cuisinée avec des morceaux de porc. Le juge des référés du Conseil d’État[25], prenant acte du caractère provocateur et surtout discriminatoire du rassemblement qui faisait de la consommation de porc un préalable obligatoire à l’accès aux œuvres dispensées par l’association aux nécessiteux et contrevenant à certaines prescriptions religieuses, interdira la manifestation en censurant l’ordonnance du juge des référés de première instance qui avait annulé l’arrêté préfectoral d’interdiction. Le respect de l’identité religieuse, dont la méconnaissance est ainsi constitutive d’une discrimination, fait désormais partie intégrante de la dignité de la personne humaine. Composante de l’ordre public dont tout trouble doit pouvoir être réprimé, elle peut par suite valablement justifier une restriction à la liberté fondamentale de réunion. Dans le même registre, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise[26] pouvait légalement annuler l’interdiction municipale d’organiser un défilé de prêt-à-porter pour femmes musulmanes voilées et interdit aux hommes. En effet, et selon la commune, la prévention de la discrimination entre les femmes et les hommes, en tant que le rassemblement d’une part visait à banaliser le port du voile islamique et d’autre part était réservé aux femmes, n’est pas une finalité nouvelle de l’ordre public. Mais plus fondamentalement, un tel principe allégué par le Maire de la commune en raison notamment des significations qui pourraient entourer le port du voile et en découler dans la perception de la femme en général n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité entre les sexes. Sauf à ce que le port du voile soit imposé par la contrainte, peut-on finalement protéger quelqu’un contre lui-même et limiter ainsi sa liberté individuelle au nom de la défense d’une certaine représentation de ce que devrait être la femme dans une société démocratique ? C’est l’interrogation sous-jacente qu’un État libéral pluraliste se refuse légitimement à envisager, renvoyant tout à chacun au tribunal intérieur de sa conscience. L’idée en quelque sorte selon laquelle « chacun est le meilleur juge de ce qui ne regarde que lui-même », au fondement de notre humanisme juridique qui fait du primat de la volonté individuelle le ressort même de notre libéralisme politique. C’est à cette tradition juridique et libérale que fait écho l’avis du Conseil d’État portant sur l’interdiction du voile intégral[27]. Ce dernier souligne en effet que la laïcité ne saurait difficilement fonder une limitation générale à l’expression des convictions religieuses dans l’espace public. Plus spécifiquement, il estime qu’invoquer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine comme fondement à une interdiction du port du voile intégral présente certaines fragilités juridiques dans la mesure où la conception de la dignité que l’on se fait recouvre la protection même du libre arbitre en tant qu’élément consubstantiel de la personne humaine et de sa dignité dont tant Pic de la Mirandole, Rousseau ou Kant en fourniront la justification philosophique. Par conséquent, la liberté et la dignité de la personne humaine apparaissent comme étant coextensives.

Pourtant, à y regarder d’un peu plus près, l’interdiction de protéger l’individu contre sa propre volonté connaît certaines dérogations tirées de la reconnaissance d’exigences supérieures au point que le principe perd l’unité doctrinale qu’on voudrait bien lui prêter. L’évolution des lois de bioéthique ou du droit des malades montre par exemple à quel point les consensus d’hier ne sont plus ceux d’aujourd’hui. En réalité, comme l’admet au demeurant le Conseil d’État, le principe de dignité fait l’objet d’acceptions diverses susceptibles sinon de s’opposer du moins de se limiter mutuellement : celle de l’exigence morale collective de la sauvegarde de la dignité, le cas échéant, aux dépens du libre-arbitre de la personne, nous y reviendrons et qui pourrait fonder des tempéraments nécessairement limités et proportionnés à l’extériorisation du fait religieux, et celle de la protection du libre arbitre comme élément consubstantiel de la personne humaine, qui a la faveur dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, y compris en se mettant physiquement ou moralement en danger, dès lors que cette attitude ne porte pas atteinte à autrui. Cette distinction se double en France d’une question métajuridique[28] pour ne pas dire politique particulièrement aigüe qui a au demeurant motivé le projet de loi confortant le respect par tous des principes de la République et de lutte contre les séparatismes et en cours d’examen par la Représentation Nationale. En effet, si les communautés d’appartenance sont naturelles en ce qu’elles répondent à la nature irrépressiblement tout autant qu’irréductiblement sociale de l’homme, si les affinités électives ou les affiliations choisies, à l’inverse des assignations subies ou héritées, sont tout aussi légitimes, le communautarisme qu’une différence de nature et non pas de simples degrés sépare de l’inscription dans une communauté quelle qu’elle soit, et notamment religieuse, s’inscrit en rupture contre les principes d’unité et d’indivisibilité de la République. Cette dernière n’ignore effectivement pas les communautés qui peuvent valablement se poser en instance de médiation des particularismes individuels mais rejette tout autrement le communautarisme par lequel l’individu ne cesse plus de se représenter et de se déterminer à l’aune de ses enracinements religieux qui le conduisent à adopter les normes et pratiques de sa communauté en lieu et place de celles scellant notre pacte laïque et républicain[29]. À vrai dire, c’est autant à un conflit de légitimité ou de loyauté auquel nous sommes potentiellement confrontés et qui se donne manifestement à voir dans l’espace public : la révérence à la Nation ou l’allégeance à sa communauté, l’obéissance scrupuleuse aux lois de la cité ou la soumission résolue aux normes de la communauté, l’idéal d’émancipation républicain ou la chaleur utérine de sa communauté ?

8-L‘élargissement de l’ordre public immatériel, dont les prémices ont été esquissées, supposerait d’en dégager les ressources intellectuelles et juridiques qui le sous-tendent.

Il s’ensuit que si l’on peut comprendre les incompréhensions parfois bruyantes voire les crispations confuses dont la laïcité fait l’objet dans l’espace public à mesure que certains souhaitent étendre peut-être dangereusement les nécessités d’un nouvel ordre public immatériel à l’édification d’un vivre ensemble renouvelé, inséparable selon d’aucuns d’une certaine conception de la citoyenneté républicaine, un tel changement de paradigme mériterait sans aucun doute d’être questionné à nouveaux frais. En d’autres termes, c’est sa justification nomologique qu’il conviendrait aujourd’hui d’élucider en dépit de la difficulté à circonscrire cette notion polysémique « d’espace public[30] », désignant plusieurs réalités tant juridique que sociologique ou tout simplement physique dont la signification prend une acuité particulière pour au moins deux raisons. Comme l’observe à très juste titre Anne-Violaine HARDEL[31], les termes et enjeux du débat de la loi de séparation s’agissant de l’articulation entre l’espace public et l’espace privé étaient d’une autre nature et engageaient davantage la régulation des démonstrations collectives du croire, comme les processions ou les sonneries de cloches[32], que les signes individuels d’appartenance, si l’on excepte le port des soutanes proscrits par arrêtés communaux. Il y a eu en la matière un contentieux abondant qui acheva d’apaiser les tensions. D’ailleurs, le succès de la loi n’aurait-il pas en quelque sorte éclipsé son ambition générale lors même que la laïcité ne se donne pas à voir comme un hapax juridique ou du moins comme une idée ou un concept qui se laisserait enfermer dans une forme achevée et donnée une fois pour toute. La question affleure aujourd’hui de nouveau en même temps que ses conséquences tardives qui se renouvellent pleinement sous l’effet convergent de l’internationalisation du phénomène religieux et de son corollaire, l’importation de certaines pratiques issues d’un terreau culturel différent de notre héritage intellectuel, le tout sur fond d’un régime post-national surplombé par les impératifs conjoints du droit et du marché qui semblent n’offrir que peu d’alternative entre l’uniformisation des modes de vie et sa réaction agonistique prenant les trais et le visage d’une affirmation religieuse radicale quand cette dernière n’est pas instrumentalisée à des fins politiques. À ce titre, on ne peut qu’opiner à l’embarras, croyons-nous, formulé par certains membres du Conseil d’État manifestant les limites d’une publicisation absolue de la liberté de conscience[33] revêtant notamment un témoignage vestimentaire susceptible de questionner nos principes communs. Depuis, l’espace public est devenu une catégorie juridique de notre droit avec la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, lequel est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public et affectés à un service public[34]. Au sein de cet espace public, l’expression des convictions religieuses a tout naturellement et pleinement vocation à s’épanouir et leurs manifestations ne sauraient être refoulées dans une sphère minimaliste qui se réduirait au domicile ou à la stricte vie intime ou familiale[35]. En définitive, comme Catherine KINTZLER l’a magistralement théorisé[36], il est le lieu de cette topographie tant mentale que juridique vers lequel fait signe la laïcité laquelle ne cesse de s’efforcer de construire un espace a priori qui soit la condition de possibilité d’une coexistence du pluralisme des croyances ou du polythéisme des valeurs.

9-Sauf qu’une telle coexistence ne semble pas ou plus aller de soi et des dissonances sinon des dissidences semblent se cristalliser avec vigueur dans l’espace public où leur harmonie réciproque et présupposée est loin, tant s’en faut, d’être préétablie. Ses conditions théoriques de possibilités ne coïncident pas toujours nécessairement avec ses conditions effectives de réalisation. L’espace public est-il cet espace commun où l’on impose sans réserve à autrui son espace privé ? S’y confond-t-il sans reste ?

L’extension de l’ordre public immatériel pourrait-il mutatis mutandis s’inspirer et s’ordonner notamment au principe de l’égalité entre les sexes, que le Conseil d’État a pu exemplairement convoquer pour s’opposer à l’acquisition de la nationalité française d’une ressortissante étrangère en raison de la pratique radicale d’une religion jugée insoluble dans notre modèle politique et incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française[37]. La solution, rendue au visa de l’article 9 de Convention européenne des droits de l’homme, renferme des prolongements susceptibles de donner lieu à de nouvelles réflexions, et a priori neutres de toute inflexion ou induration en la matière. Dans l’étude précitée du Conseil d’État[38], ce dernier avait au contraire estimé que le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas opposable à la personne elle-même, c’est-à-dire à l’accomplissement de sa liberté personnelle, laquelle peut la conduire à adopter volontairement un comportement contraire à ce principe.

Pourtant, il serait tout d’abord et pour le moins contradictoire d’attendre des candidats à la naturalisation française des dispositions certaines d’assimilation que l’on cesserait ensuite d’exiger une fois la nationalité obtenue, de sorte que de telles valeurs ne peuvent pas simplement apparaître comme conditionnelles et temporaires. Bien au contraire, de tels engagements ne peuvent qu’être par suite réitérés pour ne pas dire « plébiscités », selon le mot de Renan[39], qui nous invitait ainsi inlassablement à cultiver un héritage indivis, un patrimoine culturel et spirituel qui forme le ciment d’une Nation. La Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt de Grande Chambre[40], a d’ailleurs jugé à rebours de la position adoptée par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies que l’interdiction de porter une tenue destinée à dissimuler son visage dans l’espace public n’est pas constitutive d’une atteinte à la liberté de religion. Elle admet que la préservation des conditions du vivre ensemble est un objectif légitime à la restriction de manifester ses convictions religieuses et, surtout, au regard de la marge d’appréciation dont les États disposent sur une question de politique générale, que l’interdiction ainsi posée par la loi n’est pas contraire à la Convention. Cette solution s’inscrit dans le droit fil des limitations prévues par la Cour qui considère que la liberté de manifester sa religion peut toujours faire l’objet de restrictions qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires à la protection notamment de la morale  publique ou des droits et libertés d’autrui. Certes, la Cour prend soin au passage et non sans contradiction d’évider le mot de la chose puisqu’elle écarte les interdictions qui seraient fondées sur le double respect de l’égalité entre les hommes et les femmes et de la dignité de la personne humaine, et sans lesquels on peine effectivement à imaginer un vivre ensemble tant ce dernier semble priver des principes qui lui sont en réalité consubstantiels. Ou alors faut-il n’y voir qu’une réserve rhétorique ou purement théorique quand on connaît la marge de manœuvre dont disposent les États membres qui peuvent fixer des restrictions à la liberté de religion tirées des motifs ci-avant énumérés au 2ème alinéa de l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et sous le contrôle conciliant de la Cour européenne des droits de l’homme. Et il n’est pas inutile de rappeler que la loi du 15 mars 2004[41] qui interdit aux élèves de manifester ostensiblement une religion se donnait également pour ambition, suite aux constatations de la commission Stasi[42], de lutter incidemment pour la protection des droits et libertés des mineurs scolarisés en particulier des jeunes femmes musulmanes souvent contraintes de porter le voile. Dit autrement, la visibilité sans frein du religieux dans l’espace public ne risque-t-elle pas de s’accompagner d’une forme de conformisme plus ou moins diffus mais bien réel visant à normer et codifier les relations sociales, une espèce larvée d’enrégimentement du corps social qui ne dit pas son nom et remodèle les rapports hommes-femmes sinon, pour tout dire, un prosélytisme de fait visant à instruire l’imaginaire mental collectif en vue de préparer l’avènement d’une recomposition de la société sur des bases religieuses. C’est en conséquence nous le pensons essentiellement autour de la proportionnalité de l’ingérence d’État dans le champ de la liberté de religion que le contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme s’exerce avec toute sa rigueur, l’interventionnisme publique en la matière et pour autant qu’il ne soit pas discriminatoire devant être strictement motivé par des motifs légitimes et limité aux principes qu’il entend promouvoir et faire respecter.

10-En tout état de cause, et quelles que soient les formes qu’elle pourrait revêtir, la limitation de la liberté religieuse assise sur le respect d’un socle minimum de valeurs nécessaire à une société démocratique ne laisse pas d’interroger. L’espace public est effectivement le lieu par excellence de la vie sociale où la personne est amenée à entrer en relation avec d’autres. Or, dans cette interaction, le visage joue un rôle éminent dans la mesure où il constitue la partie du corps où se reconnaît l’humanité de l’individu partagée avec son interlocuteur. On retrouve ici notamment l’éthique lévinassienne, au cœur de la phénoménologie moderne, qui a renouvelé en profondeur la métaphysique du sujet. Le visage, plus largement la corporéité sont la souche identitaire de l’individu et manifestent la présence au monde de l’Autre que moi.  Je n’ai pas un corps mais je suis mon corps disait Merleau-Ponty, ce corps qui, relevant tout autant du registre de l’être que de l’avoir, ne laisse pas d’engager des représentations symboliques et normatives capables de transformer sourdement et en profondeur nos mentalités collectives et contre lesquelles il convient de lutter toutes les fois qu’elles heurtent notre morale commune où l’égalité ontologique entre les hommes et les femmes doit rester un principe fermement acquis. L’orthopraxie rituelle peut ainsi s’avérer grosse d’une sémiologie susceptible de questionner nos principes communs. Si la dignité de la personne humaine possède une valeur, et le vivre ensemble un fondement juridique, sur quoi se fondent-ils sinon sur l’existence d’un ensemble de règles objectives qui, par définition, doivent transcender les aspirations individuelles. Il pourrait ainsi s’agir de retrouver en quelque sorte l’inspiration initiale du Conseil d’État qui l’a conduit à interdire le lancer de « personnes de petite taille ». La laïcité se veut-elle un principe qui nous arrache à nos particularismes identitaires de toute sorte, fussent-ils choisis et non plus subis, creuse-t-elle un lieu vide de toute croyance où l’on éduque encore à l’universel ou se veut-elle comme le cadre axiologiquement neutre d’une manifestation des libertés fondamentales où l’individualisme contemporain ne laisse pas parfois de forger un espace public où les individus n’ont plus finalement que peu de choses en commun. Notre tradition de pensées s’était efforcée de construire un équilibre en la matière et notre filiation intellectuelle en porte la trace qui, de Saint Augustin et de Montaigne pour prendre un croyant et un sceptique, ne cessèrent jamais de parler des autres en parlant d’eux-mêmes. Un tel idéal nous habite encore aujourd’hui et semble étrangement faire écho aux débats qui entourent les évolutions du principe de laïcité. Aussi, toute vérité personnelle ne doit-elle pas revêtir une part d’universalité qui, permettant ma liberté, fonde aussi celle d’autrui[43]. Dans l’espace public, l’hétéronomie qu’entraîne l’adhésion inconditionnelle à une vérité révélée pourrait ainsi céder la place à l’autonomie, comme l’affirmait déjà Rousseau qui considérait que la liberté ne consiste jamais qu’à obéir à la loi commune que l’on s’est prescrite ». C’est le legs de notre héritage légicentriste garant d’un intérêt général qui, dans sa formulation républicaine, ne se réduit pas additionner les volontés individuelles mais, et tout au contraire, à les transfigurer dans un but d’utilité publique. Plus largement, la tolérance, condition du vivre ensemble, est une vertu qui, bien comprise, part aussi de soi. Si elle est cette exigence que l’on assigne à autrui, elle demeure également une obligation que l’on impose à soi-même. Dans l’espace public, j’accepte de m’autolimiter pour que l’autre puisse advenir. « L’enfer ce n’est pas les autres », contrairement à ce que pensait Sartre, mais peut-être bien plutôt l’absence de l’autre qui, se soustrayant à mon regard, abolit également jusqu’à ma présence même. Historiquement, la tolérance est d’ailleurs née d’une pratique multiséculaire de la sociabilité qui a contribué à forger nos mentalités collectives et dessiner un espace commun habitable par tous. Sans radicaliser la séparation entre la sphère publique et la sphère privée, la liberté des anciens et celle des modernes chères à Benjamin Constant suivant l’aphorisme de Rousseau qui, prophétisant qu’il convient d’opter entre l’homme et le citoyen car on ne peut faire les deux, déclamait contre les droits subjectifs de l’individu, il faut au contraire se garder d’oublier que les droits de l’homme sont consacrés en même temps que ceux du citoyen. Les libertés publiques ne cessent ainsi jamais de refléter les équilibres qu’une société démocratique doit assurer entre les aspirations des individus et les exigences minimales de la vie collective. Cette question prend une sensibilité accrue en regard de l’évidente croissance morale qui meut et agite les sociétés contemporaines autour du renforcement ou de l’affirmation de nouveaux droits à mesure, et c’est heureux, que les inégalités en question, notamment de sexe, s’avèrent de moins en moins tolérées. Dans l’espace public, l’individu adopte un comportement commun qui ne sera pas reçu négativement par autrui, seule condition d’une coexistence apaisée[44]. En définitive, une conception de la laïcité que nous ferons nôtre qui s’avère être tout sauf une essence figée et absolue indifférente aux nouveaux enjeux politiques et sociétaux croissants réclamant tout autrement des remaniements sinon des accommodements de son régime[45]. C’est assurément dans ce cadre que s’inscrivent certains amendements parlementaires tendant à proscrire le port de tenue pour les mineurs[46] car il ne faut jamais se déprendre de l’idée sinon de l’exigence que la liberté de conscience suppose la conscience d’être libre.

D’ouverture ou de fermeture, d’intégration ou d’exclusion, de raison ou de conviction, de quoi la laïcité, qui demeure bien une passion française, est-elle aujourd’hui le nom. Poser la question est y répondre, et un chemin de crête reste envisageable pour réaffirmer possiblement un destin collectif autour des principes d’unité et d’indivisibilité de la République dont la laïcité est la condition.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2021 ;
Chronique Laïcité(s) ; Art. 329.


[1] CE, 11 décembre 2020, Ligue de défense judiciaire des musulmans, n°426483

[2] Pour le professeur de droit public  Xavier Bioy, la doctrine peine à dégager une définition univoque du principe de laïcité, Montchrestien, éd. 2013, p. 499

[3] Pour 67% des français la laïcité est dévoyée et mise au service d’intérêts partisans, rapport annuel 2018-2019 du rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité, p3

[4] Dans ce même rapport annuel 2018-2019, l’Observatoire de la laïcité souligne qu’il convient de distinguer la laïcité, employée parfois à tort et à travers, du nécessaire respect des exigences minimales de la vie en société

[5] Pour reprendre le titre d’un ouvrage de Jean-Michel DUCOMTE, laïcité, laïcité(s) ?, Privat, 2012

[6] Le message évangélique, pour ne prendre que deux de ses préceptes « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ; mon royaume n’est pas de ce monde » qui tendent à déconstruire toute prétention politique de la religion, la fin par avance du théologico-politique par lequel cette dernière cesse de déterminer l’organisation religieuse des sociétés.

[7] Collectif, sous la direction de Jacques Myard, La Laïcité au cœur de la République, Paris/Budapest/Torino, L’harmattan, 2003, p29

[8] Jean RIVERO Les libertés publiques t II PUF 2003 p 156

[9] Article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi »

[10] CE, 27 juin 2018, SNESUP-FSU, n°419595

[11] L’article 6 du TUE par lequel « L’Union   reconnaît   les   droits,   les   libertés   et   les   principes   énoncés   dans   la   Charte   des   droits   fondamentaux  de  l’Union  européenne  du  7  décembre  2000,  telle qu’adoptée  le  12  décembre  2007  à  Strasbourg,  laquelle  a  la  même  valeur  juridique  que  les  traités », et  son alinéa 3 qui prévoit que « les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne        de  sauvegarde des  droits  de  l’Homme  et  des  libertés  fondamentales et tels qu’ils résultent des traditions  constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux »

[12] CE, 10 février 2016, M. A.B, n° 385929 

[13] Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement

[14] Cité  P. Delvolvé, « Entreprise privée, laïcité, liberté religieuse – l’affaire Baby Loup», RFDA 2014, p. 954

[15] CEDH, 15 février 2001, Dahlab/Suisse, n°42393/98

[16] CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c. Grèce, n° 14307/88

[17] Article L.211-1 du code de la sécurité intérieure

[18] La police des baignades figurant aux articles L.2213-23 et suivants du CGCT

[19] Nous laissons volontairement de côté les autres questions soulevées par l’application du principe de laïcité, notamment la neutralité des agents du service publics ou des bâtiments publics, qui appellent un traitement à part entière

[20] CE, 1933, Benjamin, 19 mai 1933, n° 17413 et 17520

[21] CE, 26 août 2016, association de défense des droits de l’homme – collectif contre l’islamophobie en France (ADDH-CCIF), n°402742

[22] Article D-1332-3 et suivants du code de la santé publique

[23] CE, 18 décembre 1959, société « Les films Lutétia », n°36385 et 36428

[24] CE, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge et Ville d’Aix-en-Provence, n°136727 et 143578

[25] Conseil d’État, 5 janvier 2007, association « Solidarité des français » (SDF), n°300311

[26] TA Cergy-Pontoise, 21 juillet 2005, Société Jasmeen, n° 0409171

[27] Étude du Conseil d’État relative aux possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral, 30 mars 2010, p19

[28] Hans Kelsen, théoricien de la hiérarchie des normes, a toujours reconnu que le droit posé obéisse en dernier ressort à des principes qui étaient quant à eux supposés a priori

[29] La laïcité en question, Gérard Bouchet, l’Harmattan 2018, p 55

[30] Frédéric DIEU, laïcité et espace public, RDP, 1er mai 2013, n°3, p566, qui relève que l’espace public a longtemps été juridiquement inexistant ou inconsistant 

[31] Anne-Violaine HARDEL, signes religieux et ordre public, édition du Cerf Patrimoines, 2018, p119

[32] L’article 27 de la loi de 1905 réglait alors l’intrusion du religieux dans l’espace public

[33] Auditions de la mission d’information de l’Assemblée nationale, 4 décembre 2003, rapport n°1275, tome II, 1ère partie, p 62-63

[34] Sa circulaire interprétative du 2 mars 2011, JO du 3 mars 2011 qui en explicite le contenu : plages, jardins publics, théâtres, cinémas, gares, établissements … et qui rejoint peu ou prou la définition qu’en donnent les juridictions judiciaires comme étant les lieux accessibles à tous, sans autorisation spéciale de quiconque, que l’accès en soit permanent et inconditionnel ou subordonné à certaines conditions.

[35] Catherine KINTZLER ? penser la laïcité, éditions Minerve, 2014, p 90

[36] Catherine KINTZLER, professeur à l’université Lille III, la laïcité, Archive de philosophie du droit, Dalloz, tome 48, 2005, p43

[37] CE, 27 juin 2008, n°286798. Pour une autre espèce sur la difficile conciliation entre le droit français de la nationalité fondé sur l’article 21-4 du Code civil d’une part et la liberté religieuse d’autre part – CE, 11 avril 2018, n° 412462 à propos du refus de serrer la main à un représentant de l’État lors de la cérémonie d’accueil

[38] Étude du Conseil d’État relative aux possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral, 30 mars 2010, p20

[39] Qu’est-ce qu’une Nation ?, conférence donnée par Ernest Renan à la Sorbonne en 1882, et la réponse souvent lapidairement énoncée « un plébiscite de tous les jours »

[40] S.A.S c. France, requête n°43835/11

[41] LOI n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics

[42] Rapport Stasi de la commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République, 11 décembre 2003, p 102

[43]La liberté de chacun s’arrête là où commence celle d’autrui, comme le recueille l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

[44] La laïcité en questions (s), Gérard BOUCHET, l’Harmattan, 2018, p 102

[45] Laïcités sans frontières, Jean BAUBEROT, Micheline MILOT, seuil 2011, p 80

[46] On pense à l’amendement qui complète l’article 1er de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public par deux phrases ainsi rédigées : « le port de signes ou tenues par lesquels des mineurs manifestent ostensiblement une appartenance religieuse y est interdit. Il y est également interdit le port par les mineurs de tout habit ou vêtement qui signifierait l’infériorisation de la femme sur l’homme. »

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ParJDA

Laïcité(s) : 1ère chronique (mai 2021)

art. 328.

par MM. Clément Benelbaz, maître de conférences de droit public, Université de Savoie
& Mathieu Touzeil-Divina, professeur de droit public, Université Toulouse 1 Capitole

Le Journal du Droit Administratif, fondé en 1853 à Toulouse puis refondé en ligne en 2015, propose, en partenariat avec le Laboratoire d’Analyse(s) Indépendant sur les Cultes (LAIC) – Laïcité(s), une nouvelle chronique régulière (à vocation mensuelle) placée sous la direction commune des drs. et enseignants-chercheurs Clément Benelbaz & Mathieu Touzeil-Divina.

Cette chronique proposera a minima et ce, tous les mois ou deux mois :

  • la mise en avant d’une jurisprudence (administrative, constitutionnelle, judiciaire ou internationale ou étrangère) en matière de laïcité ;
    • soit parce qu’elle témoigne d’une actualité récente ;
    • soit parce que l’on en célèbre l’anniversaire.
  • L’objectif est alors de nourrir le catalogue (dit bréviaire prétorien) laïque des décisions réunies sur le sujet tout en offrant quelques éléments de contextualisation / commentaire.
  • En outre, la chronique pourra y ajouter & intégrer :
    • des commentaires et/ou des propositions doctrinaux :
    • des éléments d’actualité(s) ;
    • des iconographies détaillées (toujours avec pour thème la laïcité) ;
    • des comptes-rendus, etc.

Pour la 1ère chronique du 03 mai 2021, le JDA & le LAIC-Laïicté(s) vous proposent, en ouverture du site Internet du LAIC :

On y a ajouté pour l’ouverture du LAIC-Laïcité(s) :

Les éléments doctrinaux de la chronique (commentaires, observations, propositions, compte-rendus, etc. ) sont publiés parallèlement sur les deux sites partenaires.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2021 ;
Chronique Laïcité(s) ; Art. 328.

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