par Eloïse Beauvironnet
Docteur en droit public, Université Paris 5 Descartes,
ATER en droit public, Université de Cergy Pontoise, UFR Droit UCP,
Membre associé, CERSA-CNRS-Paris II, UMR 7106
Art. 250.
« Limitation des droits de liberté
individuelle et de propriété (…) qu’impose l’intérêt général[1] »,
la réquisition présente plusieurs visages. « Prononcée pour surmonter l’épreuve du désastre, elle suscite
généralement l’adhésion. Le sentiment du devoir s’y mêle à l’ordre de
l’autorité légitime[2] ». Elle s’apparente
alors à « une intervention
exceptionnelle de l’Etat pour faire face à un besoin exceptionnel[3] ».
Par cette opération, l’autorité administrative contraint en la forme
unilatérale des personnes physiques ou morales à fournir, soit à elle-même soit
à des tiers, des prestations de service, l’usage de biens où, plus rarement, la
propriété de biens mobiliers en vue de satisfaire un besoin d’intérêt général[4].
Elle constitue donc, par nature, une manifestation type de la prérogative de
puissance publique[5].
Pour autant, il a parallèlement pu être observé que son exercice correspond
moins à une limitation qu’à une « privation
des droits de libertés individuelles et de propriété privée détenus par le
requis[6] ».
Lorsqu’elle vient, en particulier, prendre place au cœur d’un conflit que l’on
nomme social, où qu’elle interfère avec le droit de propriété des personnes
requises, la réquisition se fait plus « menaçante, moins aimable[7] »
et, partant, « ambigu[8] »
dans l’esprit des citoyens. Elle se révèle alors comme un procédé exorbitant du
droit commun, attentatoire aux droits et libertés individuels.
A titre liminaire toutefois,
une clarification conceptuelle s’impose, tant il a pu être observé que « notre droit ne connaît pas une procédure
unique de réquisition ». Il « juxtapose »
au contraire « diverses procédures
reposant sur des fondements différents et comportant des règles de mise en
œuvre différentes[9] ». Héritée
des temps anciens, cette technique contraignante s’est en effet construite à
travers les âges. D’abord, procédé « sporadique
et supplétif au bénéfice des armées en temps de guerre[10] »,
elle trouve historiquement son origine dans la loi du 3 juillet 1877 relative aux réquisitions militaires[11].
Son emploi est alors réservé à l’acquisition de biens meubles pour les besoins
de l’armée et limité, en principe, au temps de guerre[12].
Par le jeu combiné de la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la Nation en temps de guerre et de
l’ordonnance du 6 janvier 1959 relative
aux réquisitions de biens et de services, elle acquit, ensuite, un
caractère civil. Outre qu’avec ces deux textes, la « vieille idée de la réquisition, mode d’acquisition des meubles »
disparut littéralement au profit d’une « procédure à objets multiples[13] »,
son domaine d’application dans le temps s’en trouva également pérennisé aux
temps de paix. Ces deux procédures – civile et militaire – sont désormais regroupées
au sein du code de la défense où elles forment le régime général du droit de
réquisition[14].
Néanmoins, ce nouveau corpus ignore bon nombre de textes venus postérieurement parfaire
le droit des réquisitions civiles[15].
Depuis la Seconde guerre mondiale, cette procédure tend, enfin, à s’apparenter à
une prérogative ordinaire des autorités de police administrative. Elle est en
définitive devenue un moyen à part entière pour la puissance publique de
garantir l’ordre public[16].
Il en résulte ainsi un « maquis peu
déchiffrable[17] » de textes
dont la summa divisio principale est constituée
par la distinction entre réquisitions militaires et réquisitions civiles. Toutefois
au sein de ces secondes doivent encore être distinguées, par souci de clarté, les
réquisitions civiles pour les « besoins
généraux de la Nation[18] »,
de police[19],
ainsi que les divers régimes particuliers[20].
En dépit de son
ancienneté, le droit de réquisition n’en est donc aucunement désuet et affiche,
au contraire, « une vigueur
remarquable justifiée par l’exigence d’efficacité de l’action publique[21] ».
Reste que cette modernité « assez
inattendue[22] » s’est
accompagnée d’une dispersion de ses sources juridiques, d’un élargissement continu
de son objet et d’une apparente banalisation de son recours, qui interpellent
le juriste à l’aune de sa confrontation croissante aux droits et libertés des
particuliers. Cette situation du droit soulève, plus spécifiquement, la
problématique du régime désormais applicable à cette prérogative « sui generis » de puissance publique[23]
et de l’encadrement dont elle fait l’objet afin de prévenir tout abus. Les
conditions d’exercice du droit de réquisition permettent-elles de concilier la
sauvegarde de l’intérêt général et la protection des droits et libertés individuels ?
Répondre à cette
prémisse suppose d’interroger la situation du droit (I.), qui signale l’existence d’un régime peu propice à
l’encadrement de cette opération (II.).
I. La juxtaposition des procédures :
les conditions d’exercice du droit de réquisition
Prérogative de puissance publique, la réquisition n’en constitue pas pour autant un procédé habituel d’action. L’Administration n’est fondée à y recourir que de manière exceptionnelle (A.), lorsque la satisfaction de l’intérêt général l’exige (B.)
A. L’intangibilité : un dispositif exceptionnel et temporaire
Créé pour « répondre à des besoins urgents et exceptionnels et parer à l’insuffisance des moyens juridiques habituels[1] », l’ouverture du droit de réquisition est conditionnée à l’occurrence de circonstances particulières. Celles-ci se rapportent au constat d’une situation d’urgence (2.) et de l’incapacité corrélative de l’Administration d’y remédier par ses propres moyens (1.).
1.L’impuissance publique
La réquisition est un procédé subsidiaire (b.) qui ne peut être employé que lorsque l’Administration ne peut assurer le même résultat par l’emploi des moyens dont elle dispose de manière ordinaire (a.).
a. Un droit de la nécessité
Conçue comme une
mesure exceptionnelle[2]
destinée à faire face à une situation d’exception, la réquisition figure par
nature au titre des prérogatives de puissance publique, « parfois qualifiées de dérogations, voire de
privilèges alors même qu’elles semblent en déclin[3] »,
exorbitantes du droit commun. Son recours n’est par conséquent autorisé « que dans les cas exceptionnellement graves,
quand les pouvoirs publics ne possèdent plus ni les moyens matériels ni les
moyens légaux de faire autrement[4] ».
Elle est, en d’autres termes, un « droit
de la nécessité[5] », qui ne
peut être actionné que lorsque l’Administration est frappée d’impuissance quant
aux moyens dont elle dispose pour assurer l’ordre public[6].
En 2007, la Cour
administrative d’appel de Lyon a, par exemple, validé sur ce fondement la
réquisition préfectorale d’une société d’équarrissage, en vue de procéder à la
collecte et l’élimination de viandes et cadavres d’animaux impropres à la
consommation saisis à l’abattoir[7].
L’ordre avait, en effet, été prononcé après l’échec de plusieurs procédures
d’appels d’offres destinées à choisir l’entreprise qui serait chargée de ce
service dans le département concerné. A défaut de disposer de moyens légaux
propres à garantir l’exécution du service public de l’équarrissage, les
autorités préfectorales avaient dès lors choisit de requérir une société afin
de prévenir les graves problèmes d’hygiène qui menaçaient d’intervenir.
L’« impuissance publique », qui est au fondement de l’ouverture du droit de réquisition dont elle justifie la mise en œuvre, en cantonne ainsi parallèlement l’exercice. Un recours trop aisé à cette opération, qui fait participer les citoyens aux missions de l’Administration témoignerait en effet de l’incapacité de celle-ci à agir avec ses propres moyens[8]. C’est la raison pour laquelle cette procédure possède par nature un caractère subsidiaire.
b. Un caractère subsidiaire
Le droit de
réquisition s’apparente à une « arme
d’ultime recours[9] », qui ne
peut être utilisée que lorsque « toutes
les autres solutions juridiquement possibles ont échoué[10] ».
Ce caractère subsidiaire ressort clairement de la lecture du 4° de l’article L.
2215-1 du CGCT qui ouvre un droit de réquisition au profit du préfet lorsque
« les moyens dont [il] dispose (…)
ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des
pouvoirs de police ». Il conditionne similairement la réquisition de
biens et de services « nécessaires
pour assurer les besoins du pays » dont la fourniture doit, d’abord,
être obtenue « par accord amiable[11] »
et, à défaut, par réquisition. Il en résulte, en pratique, l’obligation pour
l’autorité requérante de rechercher des solutions alternatives propres à
assurer le maintien ou le rétablissement de l’ordre public, prioritairement à
la mise en œuvre du droit de requérir.
Le principe de
subsidiarité est par conséquent l’objet d’un contrôle du juge administratif qui
peut, le cas échéant, être amené à invalider l’ordre de réquisition concerné. Le
Conseil d’Etat a, par exemple, annulé sur ce fondement la réquisition d’un
logement destiné au relogement d’une famille dont l’appartement avait été sinistré
par un incendie, alors que le maire n’avait pas « fait la moindre tentative pour rechercher par voie amiable si cette
famille pouvait être relogée, notamment par les soins de l’office public
communal d’habitation à loyer modéré[12] »,
propriétaire du logement détruit. Pour un motif analogue, le juge des référés
a, également, invalidé un arrêté préfectoral portant réquisition nominative de
l’ensemble des sages-femmes d’une clinique privée dans le contexte d’un
mouvement de grève, sans que des solutions alternatives n’aient été
préalablement recherchées, telle qu’un redéploiement d’activités vers d’autres
établissements de santé, ou encore le fonctionnement réduit du service[13].
Plus récemment, la Haute juridiction a, en revanche, validé la décision des
dirigeants de la société EDF réquisitionnant certains employés des centrales
nucléaires à l’occasion d’une grève du personnel intervenue au printemps 2009.
Selon les magistrats, la limitation apportée en l’espèce au droit de grève se
justifiait, en effet, du fait de l’absence de « solutions alternatives à l’exercice d’un tel pouvoir[14] ».
En raison du conflit social, d’importants retards dans la production
d’électricité faisaient en particulier craindre à une menace dans
l’approvisionnement en électricité compte tenu, notamment, des « prévisions météorologiques », des
caractéristiques inhérentes à l’énergie électrique[15],
des « capacités de production
électrique françaises mobilisables », des « importations possibles » et de « la mise en œuvre des procédures de diminution volontaire ou
contractuelle de la demande d’électricité[16] ».
La réquisition des salariés grévistes, décidée après que des sommations
interpellatives aient été adressées aux représentants syndicaux, se justifiait,
par conséquent, à défaut de solutions plus respectueuses de leurs libertés
individuelles mobilisables.
Néanmoins, l’appréciation du caractère subsidiaire de la mesure de réquisition par les magistrats peut parfois faire débat. L’arrêt du 27 octobre 2010, par lequel le juge des référés du Conseil d’Etat a validé la réquisition préfectorale de certains personnels de l’établissement pétrolier de Gargenville, exploité par la société Total, dans le contexte du conflit social de 2010 contre la réforme des retraites abonde, en particulier, en ce sens[17]. Selon les magistrats, la réquisition de l’établissement se justifiait en effet par « l’absence d’autres solutions disponibles » qui, pourtant, existaient[18] et « plus efficaces ». Bien qu’isolée, cette jurisprudence laisse ainsi supposer que la réquisition ne constitue pas nécessairement une solution de dernier recours, mais « un outil susceptible d’être légalement mobilisé lorsque le bilan coûts-avantages est (suffisamment) positif[19] ». Or compte tenu de son caractère exorbitant et, notamment, de la philosophie qui doit présider à son usage, la subsidiarité est de l’essence même de cette opération qui ne peut être activée qu’en cas d’épuisement des autres moyens disponibles, face à une situation d’urgence.
2. L’urgence à agir
Outre le manque de
moyens de l’Administration, l’ouverture du droit de réquisition doit être
légitimée par l’existence d’une situation d’urgence. Ainsi que le résumait le commissaire
du Gouvernement Romieu en 1902, « il
est de l’essence même de l’Administration d’agir immédiatement et d’employer la
force publique sans délai ni procédure, lorsque l’intérêt immédiat de la conservation
de l’ordre public l’exige ; quand la maison brûle, on ne va pas demander
au juge l’autorisation d’y envoyer les pompiers[20] ».
Pour les réquisitions de police, cette condition est expressément requise par
l’article L. 2215-1, 4° du CGCT en application duquel le préfet peut requérir
tout bien, service, ou personne « en
cas d’urgence ». La difficulté consiste alors à définir en droit cette
notion, qui « se rebelle à toute
tentative de conceptualisation ou de réglementation rigoureuse[21] »,
mais « se laisse domestiquer par le
juge[22] ».
Pour le juge des référés du Conseil d’Etat, l’urgence doit, en particulier,
« être considérée comme remplie
lorsque la décision administrative litigieuse préjudicie de manière
suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du
requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre[23] ».
L’urgence contentieuse se compose, dès lors, de deux éléments[24]. Le premier, d’ordre matériel, suppose la nécessité d’une action rapide liée à l’écoulement du temps, c’est-à-dire l’existence d’une atteinte grave à l’ordre public (a.). Le second, d’ordre temporaire, implique quant à lui un préjudice dans le retard à agir, c’est-à-dire une certaine immédiateté ou, à tout le moins, prévisibilité de l’atteinte d’ordre public (b.).
a. La matérialité : une atteinte d’une intensité particulière à l’ordre public.
L’urgence est
avant tout « un contexte, un climat,
une ambiance qui suscitent par eux même un comportement approprié à la
préservation d’un intérêt (général ou/et particulier) menacé[25] ».
Elle s’entend plus précisément d’une situation où « le respect du droit normal fait courir à l’ordre public (…) des risques
graves[26] ».
Dans le cadre de la procédure de réquisition, elle suppose donc que l’intervention
de l’Administration soit justifiée par la nécessité de prévenir un trouble grave
à l’ordre public. Celui-ci doit, en d’autres termes, se révéler être d’une
intensité particulière.
La jurisprudence
n’admet, ainsi, la légalité du recours à la réquisition de personnels grévistes
qu’à la condition que la grève soit de nature à porter une « atteinte suffisamment grave[27] »
à la continuité d’un service public « essentiel[28]»,
ou à l’ordre public. A, en conséquence, été annulé l’arrêté d’un maire portant
réquisition de certains agents d’un service de restauration scolaire, alors que
la grève n’avait été engagée que pour une seule journée[29].
En matière de droit au logement, la réquisition ne peut, de même, être
prononcée que sur le territoire de communes affectées par une « crise grave du logement[30] ».
Tel est notamment le cas des villes où existent d’importants déséquilibres
entre l’offre et la demande de logements, au détriment de certaines catégories
sociales[31].
Il a, similairement, été jugé que se trouvait dans une situation d’urgence, l’autorisant
à user du droit de requérir un terrain afin d’y permettre le déroulement d’une
rave-partie, un préfet ayant tenté d’obtenir vainement la mise à disposition de
celui-ci par voie contractuelle. Pour le tribunal administratif de Poitiers, « compte tenu de ce que l’expérience acquise
au plan national a montré que ce type de manifestation n’était pas de nature à
assurer qu’elle ne se tiendrait pas[32]»,
l’urgence habilitait en effet l’autorité préfectorale à prévenir, au cas
d’espèce, les troubles à l’ordre public inhérents au rassemblement de plusieurs
dizaines de milliers de personnes par la réquisition d’un aérodrome.
Dans cette
perspective, il peut, en définitive, être conclu que l’urgence repose, en son
aspect matériel, sur une triple fonction[33].
Elle remplit, d’abord, une fonction de justification qui fonde l’intervention
de l’Administration. Elle possède, ensuite, une fonction d’adaptation, dès lors
qu’elle permet de distinguer une situation juridique, dite « normale », relative à une autre,
dérogatoire, qui légitime le recours à la procédure de réquisition. Elle
dispose, enfin, d’une fonction de dérogation, en ce qu’elle permet de contourner
les exigences du droit en vigueur – notamment en ce qui concerne les règles de
compétence et de forme – au profit d’un procédé exorbitant du droit commun.
Pour autant, la gravité du trouble à l’ordre public est à elle seule insuffisante pour caractériser une situation d’urgence. Encore faut-il que les intérêts publics affectés le soient rapidement ou à brève échéance.
b. La temporalité : une atteinte immédiate à l’ordre public
Outre la gravité,
l’urgence contentieuse renferme un second élément de nature temporaire, défini
comme le préjudice dans le retard à agir. Pour justifier le recours à la
procédure de réquisition, l’atteinte à l’ordre public doit, en d’autres termes,
se révéler immédiate, ou à tout le moins prévisible[34].
Il a, par exemple,
été jugé que des difficultés structurelles d’organisation de la filière
pétrolière aux Antilles ne permettaient pas au préfet d’utiliser sur une
période de quatre années successives son pouvoir de réquisition. L’accumulation
de tels arrêtés, sur une durée aussi longue, ne pouvait en effet se justifier
par une situation d’urgence[35].
Dans le même sens,
le juge des référés a considéré que ne pouvait être regardée comme justifiée
par l’urgence la réquisition d’un aérodrome ordonnée en juin 2006 pour la tenue
d’un Teknival dans le département du
Morbihan, alors qu’il était établi que l’organisation de cette manifestation
avait était envisagée dès le mois de septembre 2005 par les autorités
préfectorales[36].
Il existe en effet
une étroite corrélation entre la consécration législative en 2003 d’un pouvoir
de réquisition au profit des préfets qui, de
jure, appartenait « d’ores et
déjà à l’autorité préfectorale en cas d’urgence[37] »
lorsque le rétablissement à l’ordre public l’exige et le « phénomène des rave-parties[38] ».
Le 4° de l’article L. 2215-1 du CGCT est à cet égard le fruit d’un amendement
gouvernemental déposé lors de la première lecture de la loi n°2003-239 du 18
mars 2003 par l’Assemblée nationale[39], « grandement motivée par le souci[40] »
de tirer les enseignements de l’intervention de l’Etat lors d’une rave-partie
organisée en décembre 2002 près de Rennes. A défaut d’emplacement disponible,
le préfet avait alors dû procéder à la réquisition d’un terrain, puis à celle
d’entreprises de nettoyage afin d’« éviter
une catastrophe », alors que plus de 10 000 personnes s’étaient
réunies en marge du festival « les
Transmusicales » pour écouter de la musique techno[41].
L’amendement gouvernemental visait, dans cette perspective, à attribuer un
fondement juridique solide à ce type de réquisition.
Cependant, au cas d’espèce, le préfet ne s’était pas
« borné à encadrer l’organisation du
Teknival » par la mise en œuvre de son pouvoir de réquisition, mais
avait « pris l’initiative de cet événement »
dont il avait assuré seul la préparation[42].
Dès le mois d’octobre 2005, il avait ainsi fait procéder à la recherche, par
les services de l’Etat, de terrains susceptibles d’accueillir un tel
rassemblement dans le département. D’avril à juin 2006, il avait, ensuite, reçu
les représentants du collectif organisateur afin d’en préparer le déroulement
et procédé, enfin, à la réquisition d’un aérodrome pour y accueillir le Teknival. Pour la juridiction
administrative, il n’existait donc « aucun
trouble avéré à l’ordre public » à la date de l’édiction de l’arrêté
contesté puisque, notamment, « les
participants au Teknival n’étaient pas présents sur le site de l’aérodrome »
et que « le risque que des
rassemblements « sauvages » aient lieu en cas d’annulation du
Teknival n’était pas réalisé à cette date[43] ».
Faire usage du pouvoir de requérir dans ces conditions était, par conséquent,
constitutif « au mieux d’une erreur
de droit, car il n’existait pas de trouble à l’ordre public à la date à
laquelle l’arrêté a été pris, au pire d’un détournement de pouvoir, car le
préfet a sciemment détourné le pouvoir de réquisition de son seul but, à savoir
l’impérieuse nécessité de faire cesser immédiatement un trouble à l’ordre
public, pour l’utiliser aux fins de satisfaire des intérêts privés, en
l’occurrence ceux des teknivaliers[44]
».
Sur ce dernier
point, il convient en effet d’observer que prioritairement à l’adoption de la
loi n°2007-297 du 5 mars 2007[45],
l’article L. 2215-1, 4° du CGCT prévoyait uniquement le recours à la
réquisition en cas de trouble avéré
ou constitué à l’ordre public. Cette
formulation restrictive invalidait ainsi la possibilité de mobiliser un tel
pouvoir à titre préventif, ce qui n’a pas été sans soulever plusieurs
critiques. En janvier 2007, le commissaire du Gouvernement T. Olson proposait
ainsi que le préfet puisse également prendre des mesures de réquisition « en cas de risques graves et immédiats même
non réalisés (…) justifiées par les menaces et risques identifiés[46] ».
Le législateur est donc à nouveau intervenu en 2007 afin d’élargir la
possibilité pour l’autorité préfectorale de recourir à cette procédure en cas
d’atteinte « constatée ou prévisible »
à l’ordre public[47].
Désormais, ce procédé peut, par conséquent, être mobilisé afin de « prévenir[48] »
une « menace[49] »,
ou des « risques[50] »
de troubles à l’ordre public. Il suffit que le trouble à l’origine de la réquisition soit
manifeste, ou même probable[51]
sans pour autant être hypothétique. Un tel risque doit être réel.
Au travers de cette évolution transparaît ainsi, en filigrane, l’une des caractéristiques les plus marquantes du droit de réquisition, l’élargissement continu des circonstances habilitant son recours.
B. L’évolution : un dispositif toujours plus étendu
Le droit de réquisition compose parmi les institutions du droit administratif français qui s’est le plus transformée depuis l’origine[52]. Son évolution a, plus précisément, été marquée par une extension continue de son champ d’application, en raison d’une assimilation fictive du temps de paix au temps de guerre (1.) et d’une interprétation extensive de l’intérêt général (2.).
1.L’assimilation fictive du temps de paix au temps de guerre
La réquisition constitue historiquement une « institution du temps de guerre[53] ». Son application aux périodes de paix est le fruit d’une fiction, dont rappeler les contours (a.) permet de saisir les applications actuelles de ce procédé (b.).
a. La fiction
Le droit de
réquisition civile trouve son assise juridique dans la loi du 11 juillet 1938[54],
élaborée pour le temps de guerre et à des fins économiques. Il s’agissait
d’ « assurer la mobilisation
civile de toutes les ressources humaines et matérielles de la Nation[55] »
pour les périodes de préparation du pays à un conflit, puis de guerre. Il était
donc bien établi que ce texte ne saurait avoir d’effet en temps de paix[56].
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, il apparut cependant que les
réquisitions « étaient encore
nécessaires pour solder les reliquats du conflit[57] »,
notamment pour assurer le ravitaillement de la population et le logement des
réfugiés[58].
Le Gouvernement obtint ainsi d’en prolonger l’application au grès d’ « artifices techniques[59] »,
« dans le but avoué de faire redémarrer
une économie minée par des années de guerre, mais dans le secret espoir de
trouver là un instrument permettant d’agir en cas de désordre[60] ».
Ainsi entre 1945
et 1951, il fut, en premier lieu, procédé à une prorogation provisoire de ces
dispositions, par l’adoption annuelle d’un texte par le Parlement assimilant
une période de douze mois au temps de guerre[61].
Il était bien précisé, au demeurant, que cette prorogation aurait vocation à
s’arrêter une fois que l’économie de pénurie aurait pris fin. Cette fiction servit
à assurer la relance économique et garantir la satisfaction des besoins
sociaux, d’administration, ou encore de police, mais dû cesser aux environs de
l’année 1949 à mesure que la situation économique revenait à la normale et que
les réquisitions de biens devenaient, par conséquent, « inutiles et intolérables[62] ».
Tel ne fut pas, en
revanche, le cas des réquisitions personnelles. Dès 1948, le Gouvernement découvrit
en effet dans les dispositions de la loi du 11 juillet 1938 un « havre salvateur[63] »
lui permettant de contraindre les personnels grévistes à une reprise accélérée
du travail[64].
Pour faire face à la multiplication des mouvements sociaux qui ponctuèrent la
période, il s’employa en conséquence à convaincre le Parlement de la nécessité
de faire de cette législation un instrument permanent destiné à remédier aux
« conflits internes[65] »
soulevés par les grèves[66].
La demande fut exaucée par le législateur qui, par l’intermédiaire de la loi du
28 février 1950[67]
procéda, en second lieu, à une prorogation indéfinie et sans limitation de
durée des dispositions précitées. Leur application s’en trouva de la sorte pérennisée
« sine die, mais provisoirement[68] »
en dehors de tout conflit armé.
Le « caractère d’éphémérité, sciemment conservé
dans l’application de ce texte[69] »
fut, enfin, atténué par l’ordonnance n°59-147 du 7 janvier 1959[70]
qui vint parachever ce processus. En son article 47, désormais codifié à
l’article L. 2211-2 du code de la défense, celle-ci prévoit « qu’indépendamment des cas » de mobilisation
générale, de mise en garde ou de menace particulière prévus en son article 5, ouvrant
au profit du Gouvernement le droit de réquisitionner des biens, des services et
des personnes, celui-ci « continue à
disposer des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi du 11 juillet 1938 ».
Par l’insertion dans un texte permanent d’un article qui confirme la valeur
pour le temps de paix d’un texte conçu pour le temps de guerre, les
parlementaires ont, ainsi, entendu faire participer celui-ci à la valeur de celui-là[71].
Ces deux hypothèses fondées sur la loi du 11 juillet 1938, telle que complétée par l’ordonnance n°59-147 du 7 janvier 1959, continuent aujourd’hui de coexister sous l’empire du code de la défense. Aux côtés des réquisitions militaires « pour les besoins propres des forces armées et formations rapprochées[72] », celui-ci organise en effet deux hypothèses de réquisitions pour les « besoins généraux de la Nation », les premières centrées sur des « préoccupations de défense nationale » et, les secondes, dotées d’une « connotation plus civile[73] », « pour les besoins du pays ». Pour autant, cette utilisation du droit de requérir aux fins de résoudre les problèmes posés par la grève en a parallèlement durablement infléchi les contours. D’une part, en ce que la réquisition « pour les besoins généraux de la Nation » s’en est ainsi trouvée « détournée de son but[74] ». D’autre part, et corrélativement, en ce que ce dévoiement en a précipité la désuétude au profit d’autres types de réquisition.
b. Le détournement
Dès les années
1960, une doctrine avisée a pu observer qu’ « il n’était que trop évident que la réquisition entre les mains des
pouvoirs publics n’était pas faite pour se substituer à une réglementation de
la grève[75] ». Il y
avait là un « détournement de pouvoir »
équivalent, pour les travailleurs, à « la
négation de leur droit de recourir à la grève[76] ».
De facto, cet artifice démontra
rapidement ses limites lorsque, aux fins de briser le mouvement social initié
en 1963 par les mineurs, le Gouvernement tenta vainement de réquisitionner, au
nom de l’intérêt national, le personnel des mines et des cokeries[77].En dépit des sanctions pénales
encourues, les ouvriers refusèrent alors à deux reprises d’obtempérer, laissant
l’Administration impuissante et l’exécutif en position de discrédit.
Une réquisition
gouvernementale de grévistes pour les « besoins généraux de la Nation » ne peut en effet être suivie
d’effet immédiat « que si les
personnes visées obéissent spontanément à l’ordre de réquisition[78] ».
A contrario, « la désobéissance n’est sanctionnée
qu’indirectement au terme d’une procédure pénale[79]
», de sorte qu’il existe un risque pour que l’autorité de l’Etat s’en
trouve compromise[80].
Au demeurant, il convient encore d’observer que ce type de réquisition impose
un formalisme « assez pesant[81] ».
Son ouverture est, d’abord, subordonnée à l’adoption d’un décret en Conseil des
ministres[82].
La faculté offerte à l’Administration doit, ensuite, se concrétiser sous la
forme d’un arrêté adopté par le ministre concerné. Les ordres de réquisition doivent,
enfin, être pris individuellement par le préfet, qui les notifiera aux
intéressés ou, en cas de réquisition collective, au maire de la commune, au
chef de service, ou à celui de l’entreprise concernée. Depuis la mise en œuvre
infructueuse de cette procédure en 1963, elle n’a par conséquent plus jamais
été employée, ni envisagée à l’encontre de grévistes. Elle est, en définitive, appréhendée depuis lors comme une
réponse « peu adaptée et désuète à
l’égard d’une liberté fondamentale[83] ».
Pour autant, le sort réservé à cette procédure a durablement marqué le droit des réquisitions. En premier lieu, le motif ayant conduit à la pérennisation, au temps de paix, d’un procédé initialement conçu pour le temps de guerre éclaire l’usage désormais réservé à celui-ci. Si la procédure de réquisition demeure peu usitée, force est, en effet, de constater que dans la plupart des cas de mise en œuvre, ce pouvoir est principalement utilisé à l’endroit d’entreprises privées en cas de grève du personnel. En second lieu et en conséquence, l’échec marquant du recours à la réquisition fondée sur les « besoins généraux de la Nation » lors de la grève de 1963 en a parallèlement précipité la désuétude au profit de deux autres catégories de réquisition, celles de police administrative et de service. En dépit de conditions de mise en œuvre analogue, il convient de distinguer celles-ci en fonction du critère de leur finalité.
2. L’interprétation extensive de l’intérêt général
Quel que soit le type de réquisition mobilisé, la légalité de leur recours est toujours subordonnée à la satisfaction de l’intérêt général. Cependant, cette satisfaction repose sur des considérations distinctes selon le régime de réquisition concerné. Outre les réquisitions militaires conditionnées à la réalisation d’un intérêt proprement militaire[84] doivent, à cet égard, être distinguées celles dont la finalité est l’ordre public général (a.), ou la continuité du service public (b.).
a. La préservation de l’ordre public
Deux formes de
réquisition ont pour finalité de satisfaire à des considérations d’ordre public
général, celles pour les « besoins
généraux de la Nation » et de police.
S’agissant des
premières, fondées sur les dispositions de la loi du 11 juillet 1938 et de
l’ordonnance n°59-147 du 7 janvier 1959, la mesure de réquisition doit, plus
précisément, être légitimée par la satisfaction des « besoins du pays ». Cette expression nouvelle, introduite à
dessein par le législateur en 1938 marquait ainsi sa volonté d’élargir, au-delà
du service public, les bénéficiaires des réquisitions[85].
Il n’en a, dès lors, pas précisé la portée, laissant le soin à la jurisprudence
de s’y substituer. Or en pratique, les juridictions ont conféré une
interprétation extensive à celle-ci[86],
de sorte qu’il en a pu être conclut que « les réquisitions pour les besoins généraux de la Nation poursuivent un
but d’ordre public général[87] ».
La mise en œuvre
des secondes relève, en revanche, d’un pouvoir implicite[88]
reconnu de longue date par les juridictions administratives et judiciaires au
Premier ministre[89],
au préfet[90],
ainsi qu’au maire[91],
consacré législativement en 2003 au profit des seconds[92],
qui se présente comme le « corollaire
logique à toute compétence de police administrative[93] ».
Les réquisitions de police ont, dès lors, pour seul but légitime l’ordre public[94].
Ces deux formes de
réquisition partagent donc une finalité commune, l’ordre public général, mais
restent cependant distinctes de par leur régime. La difficulté résulte alors de
l’enchevêtrement de ces deux procédures[95],
d’autant que la terminologie employée par le juge, qui recourt indistinctement
aux notions de besoins essentiels de la « population[96] »,
du « pays[97] »,
ou de la « Nation[98] »
pour justifier de l’emploi de l’une ou l’autre, est propre à accentuer la
confusion entre celles-ci. Or si toutes deux peuvent être exercées
virtuellement à l’endroit de toute personne physique ou morale – qu’elle
appartienne où non à l’Administration – et de tout bien, meuble ou immeuble,
dans une mesure nécessaire à la satisfaction de l’ordre public, il convient
d’observer que le formalisme inhérent aux réquisitions de police est moindre par
rapport à celui des réquisitions pour les « besoins généraux de la Nation ». En particulier, l’ouverture des
premières n’est pas, contrairement aux secondes, subordonnée à l’adoption d’un
décret en Conseil des ministres, ce qui impose de clarifier leur domaine
respectif d’application.
A cette fin, il
peut être avancé que le critère émergeant de la distinction semble être
constitué par la notion « d’intérêt
national[99] ». Une
« certaine gradation[100] »
de l’intérêt général doit, en d’autres termes, être envisagée afin de
déterminer le régime de réquisition applicable. Lorsque la mise en péril
s’identifie à l’intérêt national stricto
sensu, compris comme celui de la Nation entière, soit qu’il s’étend à
l’ensemble du territoire national, soit qu’il engage la France à l’étranger, la
forme de réquisition qu’il convient de mobiliser est celle pour les « besoins généraux de la Nation ».
Lorsqu’a contrario l’urgence
s’identifie à un intérêt « local[101] », soit qu’elle ne concerne qu’une
fraction du territoire national, il doit en revanche être procédé à une
réquisition de police. Un tel critère présente, ainsi, l’intérêt d’apporter un
éclairage aux mises en œuvre récentes de ce procédé.
Depuis la
consécration législative en 2003 du pouvoir de réquisition des préfets, celui
fondé sur les besoins généraux de la Nation n’a, en effet, été activé qu’à une
seule reprise en 2004. Il s’agissait de requérir des compagnies aériennes
françaises lors du conflit en Côte d’Ivoire, afin de procéder au rapatriement des
ressortissants français en métropole[102].
L’urgence s’identifiait donc à la mise en péril des intérêts nationaux du fait
de l’engagement de la France dans une crise politique et militaire à
l’étranger. A contrario, depuis cette
date, les réquisitions de police ont, principalement, été mobilisées à
l’encontre de salariés grévistes, dans le cadre de mouvements sociaux affectant
le secteur de la santé[103]
ou de l’énergie[104].
Elles ont, en outre, été utilisées aux fins de réquisitionner des terrains et des
immeubles, pour y permettre le déroulement de rave-parties[105],
l’hébergement d’urgence de personnes mal-logées[106],
ou l’accueil de gens du voyage[107].
Dans chacune de ces affaires, le péril justifiant le recours à cette procédure
était, par conséquent, localisé sur une fraction du territoire.
Le critère fondé sur la notion d’intérêt national se révèle ainsi pertinent, en ce qu’il apporte une importante clarification aux droits des réquisitions. Pour autant, il doit être complété en raison de son caractère lacunaire. Bien qu’opérante, une telle distinction ignore, en effet, certaines formes de réquisitions qui ne sont pas légitimées par des considérations d’ordre public général, mais par la continuité du service public.
b. La continuité du service public
Il résulte de la
combinaison des arrêts Jamart[108]
et Dahaene[109]
du Conseil d’Etat la possibilité, pour un chef de service, de recourir en
cette qualité à la réquisition dans le cadre d’un service public. Ce pouvoir de
réquisition relève, plus précisément, du rapport hiérarchique qui s’établit
entre les autorités qui organisent le service et les personnes qui le mettent
en œuvre[110].
A l’image des réquisitions de police, il s’agit donc d’un pouvoir implicite mais
qui est, cette fois, le corollaire du « pouvoir d’organisation du service, prérogative de puissance publique
qui présente une certaine analogie avec celle, de puissance privée, qu’exerce
l’employeur de droit privé sur la communauté de travail[111] ».
Au contraire des autres formes de réquisition[112],
il peut, par conséquent, être exercé par l’organe dirigeant d’un organisme de
droit privé, sous réserve qu’il soit responsable d’un service public[113].
Il est, dès lors, impératif de distinguer juridiquement cette forme de
réquisition des autres procédures, en particulier de police[114].
D’une part, en ce
que son champ d’application est plus restreint. La réquisition de service ne
peut, en effet, être exercée que sur les seuls personnels, de droit public ou
de droit privé, affectés à l’exécution du service concerné. Un chef de service
ne saurait, en revanche, requérir un bien, ou un service de sorte qu’en droit, cette
forme de réquisition s’assimile à une assignation[115].
D’autre part, en
ce que sa finalité est distincte de celles des autres formes de réquisitions.
Bien que l’ordre public figure au titre des motifs légitimes susceptibles de
justifier l’assignation, celle-ci a, en effet, pour principal but de garantir
la continuité d’un service public[116],
qui doit de surcroît être « essentiel[117] »
à la préservation de l’ordre public. Cette dernière notion ne joue donc pas le
même rôle selon la procédure mobilisée. Alors que l’ordre public constitue le
seul but légitime des réquisitions de police ou pour les « besoins généraux de la Nation », il
n’est que subsidiaire dans le cadre de l’assignation, dont la finalité
essentielle est la continuité du service public[118].
Cette dernière
distinction revêt, par conséquent, une utilité particulière en ce qu’elle
constitue un critère pertinent susceptible de réguler les conflits de
réquisitions. Ces derniers peuvent, plus précisément, apparaître lorsqu’une
autorité de police administrative, tel un maire ou un préfet, possède également
la qualité de chef de service et procède à la réquisition d’agents essentiels à
l’exercice d’un service public, par exemple lors d’une grève. Dans un jugement
du 2 mars 2000, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a, ainsi, considéré,
s’agissant d’une réquisition de sapeurs-pompiers grévistes par le maire de
Nouméa pour le 14 juillet, qu’il appartenait à ce dernier, « responsable tant du bon fonctionnement des
services placés sous son autorité, que, en matière de police municipale, de la
sûreté et de la sécurité publique et du bon ordre (…) de prévoir lui-même, sous
le contrôle du juge (…) la nature et l’étendue » des limites à
apporter au droit de grève[119].
La difficulté consiste alors à déterminer le fondement juridique applicable à
une telle mesure, qui peut résulter de la mise en œuvre d’un pouvoir de police
ou d’organisation du service. Or si la solution de l’arrêt précité pourrait
laisser à entendre que le maire aurait le choix entre invoquer l’une ou l’autre
de ces qualités, il y a, au contraire, lieu de considérer en pareilles circonstances
« comme un détournement de procédure le
fait de procéder à une réquisition de police et que seule la réquisition de service doit être possible[120] ».
La mesure devra, en conséquence, être analysée comme visant à rétablir le
fonctionnement d’un service public essentiel dont l’objet est la préservation
de l’ordre public, et non comme ayant pour objet immédiat l’ordre public
lui-même[121].
Tout l’enjeu de cet arbitrage et de l’obligation de recourir, en cette hypothèse, à l’assignation se rapporte aux droits des personnes requises. Ceux-ci sont davantage préservés dans le cadre de cette dernière procédure, dont le champ d’application est plus restreint que celui des réquisitions de police. Cependant, la protection dont bénéficient les destinataires de l’acte de requérir reste faible, quel que soit le régime mobilisé.
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Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016-2019 ; chronique administrative ; Art. 250.
[1]
R. Ducos-Ader, Le droit de réquisition,
op. cit., p. 31.
[2]
V. par exemple CE, 11 décembre 1991, Société
d’HLM Le logement familial du bassin parisien, n°192673, Rec., Leb., p. 427.
[3]
J-P. Chevènement, « Difficultés et légitimité de la contrainte, discours
d’ouverture », AJDA, 1999, p. 6.
[4]
J-P. Dorly, Les réquisitions personnelles,
op. cit., p. 20.
[5]
Ibidem.
[6]
Sur la notion d’impuissance publique, V. notamment E. Picard,
« L’impuissance publique en droit », AJDA, 1999, p. 11. L’auteur identifie, en particulier, quatre
formes d’impuissance publique quant aux moyens ; D’abord, lorsque des
procédés normatifs ou coercitifs qui existent en droit ne peuvent être mis en
œuvre, (1) soit pour des raisons extra-juridiques, par exemple dans l’hypothèse
d’une grève, (2) soit en ce que leur utilisation comporte trop de risques ou
d’incertitudes pour l’autorité publique qui en fait usage ; Ensuite, (3)
lorsque l’utilisation des pouvoirs juridiques se heurte à des contraintes
formelles ou substantielles si rigoureuses que le recours à ces procédés par
l’autorité publique s’en trouve entravé ; Enfin, (4) lorsque les moyens
juridiques mis à la disposition de la puissance publique se révèlent réellement
insuffisants au regards des fins qui lui sont assignées ou des obligations qui
lui sont imposées.
[7]
CAA Lyon, 10 mai 2007, Société
Etablissements Verdannet, n°02LYO1154 et 02LYO1650, AJDA, 2007, p. 1986, concl. D. Besle.
[8]
R. Weclawiak, « Sécurité civile et réquisition », loc. cit., p. 1033.
[9]
A. Sayede Hussein, « Réquisition d’immeubles et hébergement
d’urgence », DA, no 8‑9, Aout 2014, comm. 52.
[10]
N. Tronel, « L’affaire
du « Teknival » », concl.
sous TA de Rennes, 10 mai 2007, Ville de
Vannes c/ Préfet du Morbihan, RFDA, 2007, p. 1086.
[11]
Art. L. 2213-1 du C. défense.
[12]
CE, 11 décembre 1991, Société d’HLM Le
logement familial du bassin parisien, loc.
cit..
[13]
CE, ord., 9 décembre 2003, Mme Aiguillon
et autres, n°262186, Rec., Leb.,
p. 497 ; AJDA 2004, p. 148, obs. C.
Moniolle et p. 1138, note O. Le Bot ; D.
2004, IR p. 538 ; RFDA, 2004, p. 306,
concl. J.-H. Stahl et p. 311, note P. Cassia ; JCP A, 2004, 1054 note J. MOREAU ; DA, n°2/2004, n°33 ; RFAP,
n°109, 2004/1, p. 167.
[14]
CE, Ass., 12 avril 2013, Fédération Force
Ouvrière Energie et mines et autre, n°329570, 329683, 330539 et 330847, Rec., Leb., p. 94 ; AJDA, 2013, p. 766 et 1052, chron. X.
Domino et A. Bretonneau ; Dr. soc.,
2013, p. 608, note P-Y. Gadhoun ; RFDA,
2013, p. 637, concl. F. Aladjidi et p. 663, chron. A. Roblot-Troizier et G.
Tusseau.
[15]
En particulier son caractère non directement substituable et l’impossibilité de
la stocker en quantité importante.
[16]
Ibid., pt. 15. V. également en ce
sens CE, 23 mai 2011, Ministre de
l’intérieur, de l’Outre-mer, des collectivités territoriales et de
l’immigration n°349215, inédit au Rec.,
Leb.
[17]
CE, 27 octobre 2010, Fédération nationale
des industries chimiques CGT et autres, n°343966, Rec., Leb. p. 422 ; AJDA
2010, p. 2026 ; AJDA, 2011, p.
388, note P. S. Hansen et N. Ferré ; JCP
A, n°45-46, novembre 2010, act. 817, comm. G. Bricker ; Dr. ouv., n°752, mars 2011, p. 153,
obs. G. Koubi et G. L. Guglielmi ; RJEP,
n°685, avril 2011, comm. 21, obs. A. Lallet ; RDT, 2011, p.9, comm. A. Martinon, F. Leconte et I. Taraud.
[18]
G. Koubi et G. Guglielmi, « Réquisitions « stratégiques » et
effectivité du droit de grève », Dr.
ouv., n°752, mars 2011, p. 155 relèvent à cet égard que « l’entrée du gouvernement dans une
négociation pour amender sensiblement le projet de loi », ou encore
« la réouverture de l’oléoduc du
Havre à Roissy » auraient pu constituer d’autres solutions
alternatives.
[19]
A. Lallet, « « There has been blood » : le juge, la réquisition
et le pétrole », RJEP, n°685,
avril 2011, comm. 21.
[20]
Concl. sous T.C., 2 décembre 1902, Société
immobilière de Saint Just, S. 1904.3.17, concl. Romieu, n. Hauriou ;
[21]G.Pambou Tchivounda, « Recherche sur l’urgence en droit
administratif français », RDP,
1983, p. 132.
[22]
Ibidem. Pour l’auteur, « l’urgence, c’est l’affaire du juge ».
[23]
CE, sect., 19 janvier 2001, Confédération
nationale des radios libres, n°228815, Rec. CE, 2001, p. 29 ; Gaz. Pal., n°23, janvier 2005, p. 31,
obs. D. Véret, A. Vève ; RDP,
n°3, 2002, p. 711, chron. C. Guettier ; D., n°18, 2001, p. 1414, note B. Seiller ; Procédures, n°5, 2001, p. 17, note S.
Deygas ; CMP, n°5, 2001, p. 26,
obs. J-P. Pietri.
[24]
Nous reprenons ici les deux éléments constitutifs de la condition d’urgence identifiés
par A. Sayede Hussein, « Réquisition d’immeubles et hébergement
d’urgence », loc. cit.
[25]
G.Pambou Tchivounda, « Recherche sur l’urgence en droit
administratif français », loc. cit.,
p. 83.
[26]
P-L. Frier, L’Urgence, Paris :
LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public, Tome 150, 1987, p. 76.
[27]
CE, 26 février 1961, Isnardon, Rec., Leb., p. 150 ; AJDA 1961, p. 204, chron. Galabert et
Gentot ; Dr. soc., 1961, p. 357, note
Savatier. V. dans le même sens, Cass., soc., 24 janvier 1960, Dr. soc., 1960, p. 491.
[28]
CAA Marseille, 12 décembre 2005, Commune
de Béziers, n°01MA00258 ; AFJP,
2006, p. 82 ; Coll. terr., 2006,
n°21, note P. Bentolila.
[29]
Ibidem.
[30]
Art. L. 612-1 du CCH. Sur ce point, V. notamment S. Theron, « La
réquisition administrative de logement », AJDA, 2005, p. 247.
[31]
CE, Ass., 11 juillet 1980, Lucas, Rec.,
Leb., p. 317 ; AJDA, 1981,
p. 216, concl. M. Rougevin-Baville ; DA,
n°315.
[32]
TA Poitiers, 11 octobre 2007, Aéroclub de
France, n°0602114, AJDA, 2007, p.
1957 ; Dalloz Actualité, 23 octobre
2007, note M-C. de Montecler.
[33]
G.Pambou Tchivounda, « Recherche sur l’urgence en droit
administratif français », loc. cit.,
p. 108 à 132. V. également sur ce point R. Weclawiak, « Sécurité
civile et réquisition », loc. cit., p.
1037.
[34]
A. Sayede Hussein, « Réquisition d’immeubles et hébergement
d’urgence », loc. cit.
[35]
CE, 28 décembre 2016, Ministre des Outres
mer, n°397422, Rec., Leb., 2016 ;
JCP A, 2016, act. 51, comm. H.
Pauliat. Dans cette affaire, le préfet avait en effet retenu une conception
extensive de la condition d’urgence, en contraignant sur une période de 4 ans
par plusieurs ordres successifs de réquisition
la société EDF à s’approvisionner en fioul lourd auprès de la société
anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), au prix maximum fixé par un arrêté
préfectoral. Cette obligation se justifiait, en particulier, par le fait que la
SARA disposait de capacités de stockage limitées à 20 000m3, ce
qui impliquait qu’en cas d’incapacité de celle-ci à trouver des débouchés
satisfaisants pour ce produit, la raffinerie aurait dû s’arrêter, entrainant de
lourdes conséquences sociales pour les salariés de celle-ci. Le préfet a, dès
lors, utilisé son pouvoir de réquisition afin de mettre un terme au problème de
débouchés de la société, c’est-à-dire non pas pour faire face à une situation
d’urgence mais régler un problème récurrent et structurel propre à la filière
pétrolière en Martinique.
[36]
TA Rennes, 28 juin 2006, Commune de
Vannes, n°0602705 et TA de Rennes, 10 mai 2007, Ville de Vannes c/ Préfet du Morbihan, n° 06-02702, n° 06-2729, n° 06-2738, n°
06-2742, n° 06-2745 ; RFDA,
2007, p. 1086, concl. N. Tronel. Sur cette affaire, V. également M-C De
Montecler, « L’Etat de droit, de Washington à Vannes », AJDA, 2006, p. 1409 et M-C. De
Montecler, « Après Vannes, Hélas, Saint-Brieuc », AJDA, 2007, p. 1377. Sur le droit
applicable aux raves-parties, V. en particulier D. Bordier,
« Rave-parties, free-parties, teknivals, le cauchemar du maire », AJDA, 2010, p. 185 et J-C. Videlin,
« Le régime juridique des rave parties », AJDA, 2004, p. 1070.
[37]
Décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003, loi
pour la sécurité intérieure, JORF du 19 mars 2003, p. 4789, Rec., p. 211,
pt. 4.
[38]
N. Tronel, concl. sous TA de Rennes, 10 mai 2007, Ville de Vannes c/ Préfet du Morbihan, loc. cit.
[39]
Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la
sécurité intérieure, JORF n°66 du 19 mars 2003, p. 4761, texte n°1, art. 3.
[40]
N. Tronel, loc. cit.
[41]
Intervention du Ministre de l’intérieur au cours de la séance du 16 janvier
2003 devant l’Assemblée nationale, citée par N. Tronel, loc. cit.
[42]
N. Tronel, loc. cit.
[43]
TA de Rennes, 10 mai 2007, Ville de
Vannes c/ Préfet du Morbihan, loc. cit.
[44]
N. Tronel, loc. cit.
[45]
Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à
la prévention de la délinquance, JORF n°56 du 7 mars 2007, p. 4297, texte
n°1, art. 29.
[46]
T. Olson, concl. sous CE, 17 janvier 2007, Ministre
de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, n°294789, AJDA, 2007, p. 484.
[47]
Sur ce point, V. notamment G. Bligh, « De
la grève comme d’un conflit civil : l’évolution du pouvoir de réquisition des grévistes
en droit administratif », RFDA,
2017, p. 958, note 80 et J. Travard, « Le pouvoir de réquisition des
préfets… », loc. cit., pt. 9.
[48]
TA Poitiers, 11 octobre 2007, Aéroclub de
France, loc. cit.
[49]
CE, 27 octobre 2010, Fédération nationale
des industries chimiques CGT et autres, loc.
cit.
[50]
CAA de Douai, 13 novembre 2013, Préfet de
la Seine-Maritime, n°12DA00904, inédit au Rec., Leb.
[51]
A. Sayede Hussein, « Réquisition d’immeubles et hébergement
d’urgence », loc. cit.
[52]
Y. Gaudemet, Droit administratif des
biens, tome 2, Paris : LGDJ, 15ème ed., 2014, p. 503.
[53]
Ibid., p. 504.
[54]
Loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation
générale de la nation en temps de guerre, loc. cit.
[55]
J. Salomon, Les
réquisitions de police, op. cit., p. 178.
[56]
Ibid., p. 13. V. également en ce sens
P. Duez, G. Debeyre, Traité de droit
administratif, Paris : Dalloz, 1952, p. 862.
[57]
Ibidem. Sur ce point, V. également J.
Salomon, « Grèves et
réquisitions (Etude d’une évolution) », JCP G, 1963, n°1749, pt. 13
et s.
[58]
Cette dernière considération a d’ailleurs été au fondement de l’adoption de
l’Ordonnance n°45-2394 du 11 octobre 1945, Crise
du logement, loc. cit., instituant un régime spécifique de réquisition afin
de faire face à la crise du logement résultant des destructions de la guerre.
[59]
G. Lyon-Caen, « La réquisition des salariés en grève selon le Droit
positif français », Dr. soc.,
n°4, avril 1963, p. 216.
[60]
J. Salomon, Les
réquisitions de police, op. cit., p. 178.
[61]
V. en ce sens la loi n°49-991 du 10 mai 1946 portant fixation de la date légale de cessation des hostilités au 1er
juin 1946 pour l’exécution des lois, décrets et contrats, JORF du 12 mai
1946, p. 4090 ; la loi n°47-344 du 28 février 1947 maintenant au delà du 1er mars 1947 certaines dispositions
prorogées par la loi du 10 mai 1946 portant fixation de la date légale de
cessation des hostilités pour l’exécution des lois, décrets et contrats,
JORF du 1er mars 1947, p. 1903 ; la loi n°48-341 du 28 février 1948 maintenant provisoirement en vigueur au-delà
du 1er mars 1948 certaines dispositions législatives et
règlementaires prorogées par la loi du 28 février 1947 et la loi du 30 mars
1947 et relative à la fixation de la date légale de cessation des hostilités
pour l’exécution des lois, décrets et contrats, JORF du 29 février 1948, p.
2125 ; et la loi n°49-266 du 26 février 1949 locaux occupés par les administrations, JORF du 27 février 1949, p.
2100.
[62]
J. Salomon, « Grèves et
réquisitions (Etude d’une évolution) », loc. cit., pt. 14 ; Du fait de la multiplication des abus par
l’administration, le législateur dû en effet intervenir. Ainsi que l’expose
l’auteur, « un décret du 28 février
1947 (…) interdit [les réquisitions de biens] au profit des services publics.
De son côté, une loi du 26 février 1948 [décida] que les réquisitions
d’appartement [devraient] désormais se fonder uniquement sur l’ordonnance du 19
octobre 1945, c’est-à-dire sur un texte spécialement consacré aux questions de
l’habitat ».
[63]
J. Salomon, Les
réquisitions de police, op. cit., p. 14. Le premier cas de réquisition de
personnels grévistes est, cependant, bien antérieur. Dans son arrêt du 18
juillet 1913, Syndicat national des
chemins de fer de France et des colonies, Rec., Leb., p. 875, concl. Helbronneur, le Conseil d’Etat a, ainsi,
validé l’appel sous les drapeaux par le Gouvernement Briand pour une période
militaire de 21 jours de la totalité du personnel de la compagnie des chemins
de fer du Nord, concessionnaire de service public, dans le but avoué de briser
une grève. La Haute juridiction suivit en l’espèce les recommandations du
commissaire du Gouvernement, qui l’invitait à juger que l’exécutif avait le
droit et le devoir d’assurer « par
tous les moyens légaux dont il pouvait disposer », la continuité du
service public des transports (cité dans RDP,
1913, p. 506, note G. Jèze). Bien que la juridiction n’évoque pas alors
l’existence d’un pouvoir de réquisition des personnes, qui ne sera introduit
qu’avec la loi du 11 juillet 1938 en droit français, cette affaire est
considérée par certains auteurs comme un authentique cas de réquisition de
personnes, V. en ce sens R. Ducos-Ader, Le droit de réquisition, op.
cit., p. 98, n°5 et J. Salomon, « Grèves et réquisitions (Etude d’une
évolution », loc. cit., pt.
1.
[64]
En 1948, l’administration eu ainsi recours avec succès à la réquisition du
personnel des cokeries. Par suite, la loi du 11 juillet 1938 fut également
utilisée pour réquisitionner ; en 1950 des employés du gaz et de
l’électricité ; en 1953 des cheminots ; en 1957 des fonctionnaires de
l’administration pénitentiaire ; en 1959 des employés de la SNCF ; en 1960 des
conducteurs de la RATP et des employés d’Air France ; en 1961 des
fonctionnaires et agents des services de la météorologie nationale, du
personnel de la SNCF, des internes des hôpitaux publics et de certains
personnels de la Société nationale des transports d’Aquitaine ; en 1962 des
personnels nécessaires à l’exploitation de navires de commerce, des personnels
assurant la sécurité aérienne, des conducteurs de la RATP et des personnels
d’Air France ; et en 1963 des mineurs des Houillères de bassin et des
charbonnages de France et des personnels assurant la sécurité aérienne. Sur ce
point, V. notamment P. Terneyre, La grève
dans les services publics, Paris : Sirey, 1991, coll. Droit public, p.
98 et G. Bligh, « De la grève comme d’un conflit civil… », loc. cit., p. 958. V. également en ce sens J. Rivero, « Le droit positif de la grève dans les
services publics d’après la jurisprudence du Conseil d’Etat », Dr. soc., 1951, p. 501 et Y.
Struillou, « Conflits sociaux et réquisition: Finalité et modalités du contrôle exercé
par le juge administratif »,
Dr. ouv., n°757, Aout 2011,
p. 485.
[65]
Pour une approche éclairante de la grève comme d’un « conflit »
civil, V. M. Houriou, Commentaire de la décision Winkell du Conseil d’Etat du 7 aout 1909, Rec. p. 826, concl.
Tardieu, Sirey, IIIème partie, 1909, p. 145, « Si la coalition et la grève des fonctionnaires sont des faits
révolutionnaires, des faits de guerre, on ne s’étonnera pas que le Gouvernement
leur ait appliqué le droit de la guerre et ait usé vis-à-vis d’eux des
représailles. De même que, dans les relations internationales, il y a un droit
de la paix et un droit de la guerre, de même, dans les relations de la vie
nationale, en cas de troubles intérieurs, une ville ou un département peuvent
être mis en état de siège, avec suspension des garanties constitutionnelles.
Pour comprendre la grandeur révolutionnaire de la coalition et de la grève, il
faut se référer aux doctrines syndicalistes modernes (…) La coalition et la
grève signifient la lutte des classes ; elles signifient qu’une partie de la Nation
se dresse contre l’autre et ne reconnait plus ni ses lois, ni sa justice ; la
classe prolétaire répudie la justice de l’Etat bourgeois ; elle entend se
rendre justice à elle même par l’action directe et, par là, se pose en
souveraine. Le droit de grève c’est le droit de guerre privé qui réparait. Et
ce n’est pas une guerre privée accidentelle, c’est une guerre privée
systématique, menée par une classe qui aspire à la souveraineté ».
[66]
J. Salomon, « Grèves et
réquisitions (Etude d’une évolution) », loc. cit., pt. 14.
[67]
Loi n°50-244 du 28 février 1950 maintenant
provisoirement en vigueur au-delà du 1er mars 1950 certaines
dispositions législatives et règlementaires prorogées par la loi du 26 février
1949, JORF du 1er mars 1950, p. 2359. Il convient, par ailleurs,
d’observer qu’aucune disposition de l’ordonnance n°59-63 du 6 janvier 1959 relative aux réquisitions de biens et de
services, loc. cit., ni de l’ordonnance n°59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense,
loc. cit., n’ont abrogé cette loi qui ne le sera, qu’en 2004, par l’ Ordonnance
n°2004-1374 du 20 décembre 2004 relative
à la partie législative du code de la défense, loc. cit.
[68]
J. Salomon, « Grèves et
réquisitions (Etude d’une évolution) », loc. cit., pt. 14.
[69]
Ibidem.
[70]
Ordonnance n°59-147 du 7 janvier 1959 portant
organisation générale de la défense, loc. cit.
[71]
J. Salomon, loc. cit.
[72]
Art. L. 2221-1 à L. 2223-19 du C. défense.
[73]
J-H. Stahl, « Juridiction compétente pour indemniser un médecin
réquisitionner par un préfet », loc.
cit., p. 1891. Les réquisitions civiles nécessaires pour assurer les
« besoins de la défense »
sont codifiées aux arts. L. 2211-1 et s. du C. défense, alors que celles
destinées à assurer les « besoins du
pays » sont régies par les dispositions des arts. L. 2211-2 et s. du
même code.
[74]
G. Lyon-Caen, « La réquisition des salariés en grève selon le Droit
positif français », loc. cit., p.
216.
[75]
Ibidem.
[76]
Ibid., p. 217.
[77]
Décret n°63-208 du 27 février 1963 autorisant
la réquisition des personnels des houillères de bassin nécessaires à la
production et à l’émission de gaz, JORF du 28 février 1963, p. 2043 et
décret n°63-220 du 2 mars 1963 autorisant
la réquisition du personnel des houillères du bassin et des charbonnages de
France, JORF du 3 mars 1963, p. 2148. Sur ce point, V. en particulier G.
Bligh, « De la grève comme d’un conflit civil… », loc. cit., p. 958.
[78]
G. Bligh, « De la grève comme d’un conflit civil… », loc. cit., p. 958.
[79]
Ibidem.
[80]
P. Terneyre, « Réquisition de personnes », Rep. trav., mars 2012, pt. 34.
[81]
P. Terneyre, La grève dans les services
publics, op. cit., p. 99.
[82] Art. 2 du Décret du 28 novembre 1938 portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la nation pour le temps de guerre, abrogé par l’art. 3 du décret n°2009-254 du 4 mars 2009 relatif à certaines dispositions réglementaires de la deuxième partie du code de la défense, JORF n°55 du 6 mars 2009, p. 4233, texte n°23, désormais codifié à l’art. L. 2211-4 du C. défense.
[83]
P. Ortscheidt, « Droits collectifs des travailleurs dans le secteur
public », RIDC, n°46‑2, 1994,
p. 539. Depuis 1963, le droit en vigueur cherche ainsi à éviter les
situations qui contraindraient l’administration à recourir à la réquisition, en
imposant par exemple un préavis de grève, en interdisant les grèves tournantes
dans les services publics grève (V. par exemple la loi n°63-777 du 31 juillet
1963 relative à certaines modalités de la
grève dans les services publics, JORF du 2 aout 1963, p. 7156, adoptée
suite à la victoire des mineurs), ou encore en instituant ponctuellement un
service minimum dans certains services publics (Loi n°2007-1224 du 21 aout 2007
sur le dialogue social et la continuité
du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, JORF
n°193 du 22 aout 2007, p. 13956, texte n°2, Loi n°2008-790 du 20 aout 2008 instituant un droit d’accueil pour les
élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaires, JORF
n°194 du 21 aout 2008, p. 13076, texte n°2, loi n°2012-375 du 19 mars 2012 relative à l’organisation du service et à
l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de
passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports,
JORF n°68 du 20
mars 2012, p. 5026, texte n°2). Sur ce point, V. notamment G.
Bligh, « De la grève comme d’un
conflit civil… », loc. cit., p.
958.
[84]
CE, 25 juillet 1947, Société publication
Elysées, Rec. 1947, p. 348. La seule référence à l’intérêt national ne
saurait, en conséquence, suffire ; V. en ce sens CE, 31 mai 1946, Perquel, Rec. 1946, p. 155.
[85]
R. Ducos-Ader, Le droit de réquisition…,
op. cit., p. 188.
[86]
CE, avis du 31 mai 1945, RDP, 1947, p. 22 ; « Il résulte de l’ensemble des dispositions de la loi du 11 juillet 1938
relative à l’organisation de la Nation pour le temps de guerre que si le
législateur s’y est proposé comme but premier la mobilisation de toutes les ressources
nécessaires à la conduite de la guerre, il a également en vue le maintien,
pendant toute la période durant laquelle la loi demeure applicable, des
activités essentielles à la vie du pays mais dans la mesure seulement ou leur
maintien est reconnu indispensable pour faire face aux exigences de la défense
nationale, en raison soit des prestations qu’elles sont appelées à fournir,
soit du trouble grave que leur disparition apporterait à l’ordre public ».
[87]
R. Capart, « Réquisitions : police générale versus besoins généraux
de la Nation », loc. cit., p.
134.
[88]
V. en ce sens F. Mauger, Les pouvoirs
implicites en droit administratif, Paris 2, 2013, p. 261, selon lequel « le pouvoir implicite est l’habilitation à
prendre une mesure nécessaire à l’accomplissement d’une mission ou à l’exercice
d’un pouvoir exprès ».
[89]
CE, 8 aout 1919, Labonne, GAJA, 19ème
ed., n°35, confirmé par CE, Ass., 13 mai 1960, SARL Restaurant Nicolas, Rec. 1960, p. 324, CE, Sect., 22 décembre
1978, Union des chambres syndicales
d’affichage et de publicité extérieure, Rec. 1978, p. 530 et par le Conseil
constitutionnel, décision n°2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi sur la chasse, JORF du 20 juillet
2000, p. 11550, Rec. p. 107, pt. 19
[90]
Conseil constitutionnel, Décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003, loi pour la sécurité intérieure, loc. cit., pt. 4. Pour une application
antérieure, V. par exemple CAA Bordeaux, 27 juin 2002, Commune de Manses, n°00BX02614.
[91]
CE, 5 juillet 1919, Bourlier, Rec.
1919, p. 599, CE, 2 décembre 1949, Société
des transports automobiles de Villeneuve-sur-Lot, Rec. 1949, p. 526 et
Cass., 1ère civ., 2 juin 1874, Ville
de sens. Cette reconnaissance est fondée sur l’art. L. 2212-2 du CGCT.
[92]
Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la
sécurité intérieure, loc. cit.,
art. 3.
[93]
B. Schmaltz, « La distinction entre la réquisition de grévistes par une
autorité de police et par un chef de service », JCP A, n°18, 5 mai 2015, étude 2130, pt. 5.
[94]
Ibid., pt. 17.
[95]
V., par exemple CAA Lyon, 10 mai 2007, Société
Etablissements Verdannet, loc. cit., dans
laquelle l’arrêté de réquisition contesté avait été adopté sur le double
fondement, d’une part, de la loi du 11 juillet 1938 et de l’ordonnance n°59-147
du 7 janvier 1959, c’est-à-dire pour les « besoins généraux de la nation » et, d’autre part, de l’art. L.
2215-1, 3° du CGCT, soit du pouvoir de réquisition de police.
[96]
V. par exemple CE, 26 février 1961, Isnardon,
loc. cit., à l’occasion duquel le
Conseil d’Etat annula le décret de réquisition du Gouvernement au motif qu’il
n’était pas établi que les perturbations produites par un mouvement de grève
sur le trafic « aient eu pour effet
de porter, soit à la continuité du service des transports, soit à la
satisfaction des besoins de la population, une atteinte suffisamment grave pour
justifier la réquisition du personnel ». Plus récemment, la formule
des « besoins essentiels de la
population » a, également, été employée pour annuler la réquisition
préfectorale de l’ensemble des sages-femmes d’une clinique privée lors d’un
mouvement de grève (CE, ord., 9 décembre 2003, Mme Aiguillon et autres, loc. cit.) et de certains personnels
grévistes de l’établissement pétrolier de Gargenville exploité par la société
Total (CE, 27 octobre 2010, Fédération
nationale des industries chimiques CGT et autres, loc. cit.). Elle a, en revanche, permis de justifier la réquisition
préfectorale de certains agents en grève d’une centrale thermique située sur
l’île de la Réunion afin « d’assurer
le maintien d’un effectif suffisant pour garantir les besoins essentiels de la
population » (CE, 23 mai 2011, Ministre
de l’intérieur, de l’Outre-mer, des collectivités territoriales et de
l’immigration, loc. cit.), de certains personnels grévistes d’une
polyclinique (CAA Nantes, 21 octobre 2016, Syndicat
CFDT Santé-Sociaux Cholet 49, n°15NT00372, 21 octobre 2016), ou encore de
trois médecins libéraux, afin qu’ils assurent la permanence départementale de
soins ambulatoires, dans le contexte du mouvement social de la profession
médicale d’octobre 2014 (CAA Bordeaux, 29 mars 2018, M. CB, associations SOS Médecin La Rochelle et SOS Médecin France,
n°16BX00013).
[97]
V., par exemple, CE, 26 octobre 1962, Sieur
le Moult et Syndicat Union des navigants de ligne, AJDA, 1962, p. 673 ; Dr. soc.,
1963, p. 225, dans lequel la Haute juridiction a admis la légalité d’un décret
du Ministre réquisitionnant la totalité du personnel naviguant d’Air France,
jugeant que l’atteinte par la grève à la « satisfaction des besoins du pays » était suffisamment grave, alors
même qu’étaient uniquement affectées certaines liaisons assurées par des
appareils Boeing et que le personnel
naviguant en grève se limitait à 200 personnes sur un effectif total de 2000.
Dans le même sens, V. également TA Lille, 2 mai 2002, Société France Manche The Channel Tunnel Group, n°01-3573, AJDA, 2002, p. 933, concl. C. Bauzerand,
par lequel le Tribunal administratif a considéré que la réquisition d’un bien
par le préfet – en l’occurrence l’usine désaffectée de Voussoirs – afin de
garantir l’hébergement provisoires d’étrangers désirant se rendre en Grande
Bretagne par Calais « répondait aux
besoins du pays » au sens de la loi du 11 juillet 1938 et de
l’ordonnance du 6 janvier 1959. V. de
même CE, Ass., 12 avril 2013, Fédération
Force Ouvrière Energie et mines et autre, loc. cit., dans le cas d’une réquisition de service décidée par les
dirigeants de la société EDF et justifiée par les « besoins essentiels du pays ».
[98]
CAA Marseille, 12 décembre 2005, Commune
de Béziers, loc. cit. Il
convient, par ailleurs, d’observer qu’avant sa codification, l’art. 14 de la
loi du 11 juillet 1938 ne faisait pas référence aux besoins généraux de la
« Nation » mais aux besoins
du « pays ». Le Conseil
d’Etat se référait donc de manière indistincte aux besoins du pays ou de la
population. V. en ce sens G. Bligh, « De
la grève comme d’un conflit civil… », loc.
cit., p. 958.
[99]
R. Capart, « Réquisitions : police générale versus besoins généraux
de la Nation », loc. cit., p.
134. Dans le même sens, V. également J-H. Stahl, « Juridiction compétente
pour indemniser un médecin réquisitionné par un préfet », loc. cit., p. 1891, P. Cassia, « Le
pouvoir de réquisition du préfet à l’épreuve du référé-liberté », RFDA, 2004, p. 311 et P. Planchet, « Réquisitions de biens. Exercice du droit de
réquisition », loc. cit., pt.
50, selon lequel « à défaut de base
légale mieux adaptée, la jurisprudence a
admis les réquisitions fondées sur la loi de 1938 et l’ordonnance de 1959 de
façon plutôt extensive. La multiplication ces dernières décennies de textes
accordant aux autorités de police administrative générale et spéciale de
nouvelles prérogatives en matière de réquisition devrait avoir pour conséquence
de redonner aux dispositions issues de l’ordonnance du 6 janvier 1959 leur
vocation initiale : garantir les besoins essentiels de la population en
cas de dangers ou de troubles particulièrement graves mettant en péril
l’intérêt national ».
[100]
R. Capart, « Réquisitions : police générale versus besoins généraux
de la Nation », loc. cit., p.
134.
[101]
P. Cassia, « Le pouvoir de réquisition du préfet à l’épreuve du
référé-liberté », loc. cit., p.
311.
[102]
Décret n°2004-1190 du 10 novembre 2004 portant
ouverture du droit de réquisition des compagnies aériennes françaises, JORF
n°263 du 11 novembre 2004, p. 19105, texte n°28.
[103]
V. en ce sens CE, ord., 9 décembre 2003, Mme
Aiguillon et autres, loc. cit., CAA
Nantes, 21 octobre 2016, Syndicat CFDT
Santé-Sociaux Cholet 49, loc. cit., et
CAA Bordeaux, 29 mars 2018, M. CB,
associations SOS Médecin La Rochelle et SOS Médecin France, loc. cit.
[104]
V. en ce sens CE, 27 octobre 2010, Fédération
nationale des industries chimiques CGT et autres, loc. cit., et CE, 23 mai 2011, Ministre de l’intérieur, de l’Outre-mer, des collectivités
territoriales et de l’immigration, loc. cit.
[105]
V. en ce sens, TA Rennes, 28 juin 2006, Commune
de Vannes, loc. cit., TA
Poitiers, 11 octobre 2007, Aéroclub de
France, loc. cit., TA de Rennes,
10 mai 2007, Ville de Vannes c/ Préfet du
Morbihan, loc. cit., et CE, 17
janvier 2007, Ministre de l’intérieur et
de l’aménagement du territoire, loc.
cit.
[106]
TA Montreuil, 5 juin 2014, Commune de
Saint Denis, DA, n°8-9, Aout
2014, comm. 52, obs. A. Sayede Hussein.
[107]
CE, 4 décembre 2017, Commune de
Sainte-Croix-en-Plaine, n°405598, AJDA,
2018, p. 542.
[108]
CE, 7 février 1936, Jamart, n°43321, Rec., Leb., p. 172.
[109]
CE, Ass., 7 juillet 1950, Dehaene,
n°01645, Rec., Leb., p. 426.
[110]
B. Schmaltz, « La distinction entre la réquisition de grévistes par une
autorité de police et par un chef de service », loc. cit., pt. 6.
[111]
Ibidem. Sur ce point, V. également R.
Schwartz, « Le pouvoir d’organisation du service », AJDA, 1997, n° spécial, p. 47.
[112]
La Cour de cassation refuse en effet la possibilité à l’employeur de procéder à
la réquisition de salariés de droit privé pour des motifs d’ordre public ;
Cass. Soc., 7 juin 1995, Transports
Seroul, Bull. civ. 1995, V,
n°180 ; JCP G, 1995, IV, n°1863,
p. 236 ; RJS, 1995, p. 564, note
J. Deprez ; Dr. soc., 1995, p.
835, obs. J-E. Ray, 1996, p. 37, note C. Radé ; RDSS, 1996, p. 115, obs. J-M. Lhuillier ; RTD civ., 1996, p. 153, obs. J. Mestre ; RJS, 1995, n°933 ; Cass. Soc., 12 mars 1996, Laiterie de l’Abbaye, n°93-41.670, Bull. civ. 1996, V, n°88 ; JCP G, IV, n°1040, p. 139 ; RJS, 1996, n°439 ; Cass. Soc., 17
juillet 1996, n°94-42.964 et 94-44.439 à 94-44.442 ; RJS, 10/96, n°1079 ; Cass. Soc., 15 décembre 2009, Lebahy / Société AGC France,
n°08-43.603, Bull. civ. 2009, V, n°283 ;
D, 2010, p. 154, obs. B. Ines ;
[113]
CE, Ass., 12 avril 2013, Fédération Force
Ouvrière Energie et mines et autre, loc.
cit. Le Conseil d’Etat a, dans cette affaire, reconnu la compétence des
dirigeants d’EDF de requérir certains des agents en grève des centrales
nucléaires en leur qualité de responsable du service public de production
d’électricité par l’exploitation des réacteurs nucléaires. Il doit, a contrario, être précisé qu’il en
aurait été autrement dans le cas de dirigeants d’une entreprise privée
uniquement gestionnaire d’une mission de service public. V. en ce sens CE,
ord., 9 décembre 2003, Mme Aiguillon et
autres, loc. cit.
[114]
Sur cette distinction, V. en particulier B. Schmaltz, « La distinction
entre la réquisition de grévistes par une autorité de police et par un chef de
service », loc. cit.
[115]
Ibid., pt. 3. V. dans le même sens,
D. Jean-Pierre, « Le droit de grève dans la fonction publique
hospitalière », JCP A, n°7, 25
novembre 2002, p. 1207, spéc. pt. 13, pour lequel « la terminologie employée dans ce domaine
n’est pas des plus claire. Là où l’on parle habituellement et pratiquement de
réquisition, il faut juridiquement comprendre assignation ».
[116]
Reconnu principe à valeur constitutionnelle par la Décision n°79-105 DC du
25 juillet 1979 du Conseil constitutionnel, Loi
modifiant les dispositions de la loi n°74-696 du 7 aout 1974 relatives à la
continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de
cessation concertée du travail, JORF du 27 juillet 1979, Rec., p. 33, JCP G, 1981, 19457, note L. Favoreu ; D., 1980, p. 101, note C. Leymarie, p.
336, obs. J-C. Béguin ; AJDA, 1980,
p. 191, note L. Hamon ; Dr. soc.,
1980, p. 7, comm. A. Legrand, p. 441, com. M. Paillet ; Pouvoirs, n°11, 1979, p. 196, note D. Turpin ; RDP, 1979, p. 1705, note P. Avril et J. Gicquel.
[117]
CAA Marseille, 12 décembre 2005, Commune
de Béziers, loc. cit.
[118]
B. Schmaltz, « La distinction entre la réquisition de grévistes par une
autorité de police et par un chef de service », loc. cit., pt. 19.
[119]
TA de Nouvelle-Calédonie, 2 mars 2000, n°9900345 et 9900346, AFJP, 2000, p. 92, note J. Mekhantar.
[120]
B. Schmaltz, « La distinction entre la réquisition de grévistes par une
autorité de police et par un chef de service », loc. cit., pt. 21.
[121]
Ibidem. V. également en ce sens R.
Weclawiak, « Sécurité civile et réquisition », loc. cit., p. 1066 ; Citant l’arrêt CE, 9 juillet 1965, Pouzenc, D. 1966.J.720, note Gilli, dans
lequel les magistrats ont reconnu au maire le pouvoir de réquisitionner un
agent gréviste en tant que « responsable,
en ce qui concerne l’administration communale, du bon fonctionnement des
services publics placés sous son autorité », l’auteur relève ainsi
qu’en l’espèce, « le Conseil d’Etat
(…) n’a pas visé le texte du Code des communes mais a préféré invoquer sa
qualité de chef de service ».
[1]
R. Ducos-Ader, Le droit de réquisition.
Théorie générale et régime juridique, Paris : LGDJ, coll. Bibliothèque
de droit public, tome 4, 1957, p. 83.
[2]
A. Martinon, F. Leconte et I. Taraud, « Réquisitionner ? », RDT, 2011, p. 9.
[3]
R. Ducos-Ader, Le droit de réquisition,
op. cit., p. 83.
[4]
Ibidem. Sur ce point, V. également P.
Levaye, « Les pouvoirs de réquisition », AJDA, 1999,
p. 22, et J. Quastana, « Réquisition: état du droit et
perspectives », AJDA, 1999, p. 25.
[5]
P. Levaye, « Les pouvoirs de réquisition », loc. cit., p. 22. La nature « toute spéciale » du droit de réquisition a également été
reconnue par la Cour de cassation, Cass., civ., 6 mars 1917, Ministre de la guerre / Société Erichsen, D.P.
1917-I-33, « les réquisitions
militaires sont des actes de puissance publique consistant dans la mainmise de
l’Etat, indépendamment de tout consentement ou accord sur le prix et sans
indemnité préalable, sur les choses nécessaires aux besoins de l’armée pour
suppléer à l’insuffisance des moyens ordinaires d’approvisionnement ; dépendant
de la volonté seule de l’Etat agissant pour cause de nécessité publique, elles
n’ont le caractère ni d’un achat commercial ou d’u marché de fourniture, ni
d’aucun contrat de droit commun ».
[6]
R. Weclawiak, « Sécurité civile et réquisition », RDP, no 4,
2003, p. 1026.
[7]
A. Martinon, F. Leconte et I. Taraud, « Réquisitionner ? », loc. cit., p. 9.
[8]
P. Levaye, « Les pouvoirs de réquisition »,
loc. cit., p. 22.
[9]
J-H. Stahl, « Juridiction compétente pour indemniser un médecin
réquisitionné par un préfet », concl. sous T.C., 26 juin 2006, n°3524, AJDA, 2006, p. 1891.
[10]
J. Quastana, « Réquisition : état du droit et perspectives », loc. cit., p. 25.
[11]
Loi du 3 juillet 1877 relative aux
réquisitions militaires, JORF du 6 juillet 1877, p. 5053 et règlement
d’administration publique du 2 aout 1877, telle que complétés, plus tard, par
l’ordonnance n°59-147 du 7 janvier 1959 portant
organisation générale de la défense, JORF du 10 janvier 1959, p. 691.
[12]
A. Laubadère, Traité de droit
administratif, Tome 2, 7ème ed., Paris : LGDJ, 1983, p.
274.
[13]
Ibid., p. 275.
[14]
Ordonnance n°2004-1374 du 20 décembre 2004 relative
à la partie législative du code de la défense, JORF n°296 du 21 décembre 2004,
p. 21675, texte n°30. Les dispositions applicables aux réquisitions militaires
sont désormais codifiées aux articles L. 2221-1 à L. 2223-19 du C. défense.
Celles applicables aux réquisitions civiles pour les besoins généraux de la
nation sont fixées aux articles L. 2211-1 à L. 2213-9 du C. défense. Enfin, les articles L. 2231-1 à L.
2236-7 du C. défense prévoient les dispositions communes à ces deux types de
réquisition.
[15]
Par soucis d’exhaustivité peuvent être mentionnées :
D’une part, au titre des
réquisitions de biens ; les réquisitions de logements (Ordonnance
n°45-2394 du 11 octobre 1945, Crise du
logement, JORF du 19 octobre 1945, codifiée aux arts. L. 641-1 à L. 641-14
du C. urb.) et de logements avec attributaire (Loi n°98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les
exclusions, JORF n°175 du 31 juillet 1998, p. 11679, codifiée aux arts. L.
642-1 à L. 642-28 du CCH) ; d’immeubles au profit de la police (Ordonnance
n°61-108 du 1er février 1961 autorisant
l’exercice du droit de réquisition immobilière au profit des forces de police
en déplacement pour le maintien de l’ordre, JORF du 2 février 1961, p.
1271, dont l’application est précisée par le décret n°63-529 du 28 mai 1963 pris pour l’application de l’ordonnance
n°61-108 du 1er février 1961, JORF du 1er juin 1963,
p. 4980) et de logements au profit des douanes (art. 52 du C. douanes) ;
de terrains pour le relogement temporaire de personnes occupant un logement
insalubre (Ordonnance n°61-106 du 1er février 1961 autorisant la réquisition temporaire des
terrains nécessaires à l’installation provisoire de logements destinés aux
personnes évacuées de locaux impropres à l’habitation situés dans des
agglomérations de français musulmans, JORF du 2 février 1961, p. 1267 et
décret n°62-11 du 8 janvier 1962 portant
application de l’ordonnance n°62-106 du 1er février 1961, JORF
du 12 janvier 1962, p. 364, visées à l’art. L. 614-1 du CCH) ; de locaux
utilisés pour l’hébergement collectif (Loi n°76-632 du 13 juillet 1976 complétant
la loi n°73-548 du 27 juin 1973 relative à l’hébergement collectif, JORF du
14 juillet 1976, p. 4219, telle que précisée par le décret n°77-868 du 27
juillet 1977 déterminant les mesures d’application des articles 7-1 à 7-6 de
la loi n°73-548 du 27 juin 1973 relative à l’hébergement collectif, complétée
par la loi n°76-632 du 113 juillet 1976, JORF du 30 juillet 1977) ; et
de parcelles ou de terrains pour les besoins des JO d’Albertville (Loi
n°87-1132 du 31 décembre 1987 autorisant,
en ce qui concerne la prise de possession des immeubles nécessaires à
l’organisation ou au déroulement des XVIème jeux Olympiques d’hiver
d’Albertville et de la Savoie, l’application de la procédure d’extrême urgence
et la réquisition temporaire, JORF du 1er janvier 1988, p. 12,
spéc. art. 3 et s.) et de Grenoble (Loi n°67-592 du 4 juillet 1967 autorisant la réquisition temporaire de
terrains nécessaires aux aménagements et installations provisoires destinés au
déroulement des Xème Jeux olympiques d’hiver de Grenoble, JORF
du 6 juillet 1967, p. 6755) ;
D’autre part, au titre des
réquisitions de personnes et de services ; les réquisitions applicables
aux évènements de sécurité civile (Loi n°87-565 du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité
civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des
risques majeurs, JORF du 23 juillet 1987, p. 8199, abrogée par la loi
n°2004-811 du 13 aout 2004 de
modernisation de la sécurité civile, JORF n°190 du 17 aout 2004, p. 14626,
texte n°3, codifiées aux art. L. 742-12 à L. 742-15 du C. défense) ; les
réquisitions des comptables publics (art. L. 1617-3 du CGCT) ; de médecins
(art. L. 3131-8 et L. 4163-7 du CSP) ; de vétérinaires (art. L. 241-15 du
C. rur.) ; d’habitants avec armes et chiens (art. L. 2122-21, 9° du
CGCT) ; de professionnels de la mer en cas de pollution du milieu marin (Instruction
du 11 janvier 2006 portant adaptation de
la règlementation relative à la lutte contre la pollution du milieu marin
(POLMAR), JORF n°11 du 13 janvier 2006, texte n°3) ; ainsi que celles
de l’autorité judiciaire (art. R. 642-1 du C. pén.) ;
[16]
P. Planchet, « Réquisitions de biens.
Exercice du droit de réquisition », Jcl.
Adm., Fasc. 480, 13 mai 2008, pt. 9. Ce pouvoir de réquisition de police
administrative trouve son assise juridique aux arts. L. 2212-1 (pour le maire)
et L. 2215-1, 4° (pour le préfet) du CGCT ; V. sur ce point, J. Salomon, Les réquisitions de police, Paris :
Librairies techniques, 1960, 207 p. Sur le pouvoir de réquisition du préfet, V.
notamment R. Capart, « Réquisition : police générale versus besoins généraux de la Nation », AJDA, 2016, p. 134, F. Chauvin,
« Les nouveaux pouvoirs du préfet dans la loi pour la sécurité
intérieure », AJDA, 2003,
p. 667, D. Maillard Desgrées Du loû, « L’encadrement législatif du
pouvoir de réquisition des préfets et la police administrative générale »,
JCP A, n°21, 19 mai 2003,
p. 649, J. Travard, « Le pouvoir de réquisition des préfets. Premier
bilan de la loi du 18 mars 2003 », JCP
A, n°37, 17 septembre 2012, n°2306, ainsi que nos développements infra.
[17]
J-H. Stahl, « Juridiction compétente pour indemniser un médecin
réquisitionné par un préfet », loc.
cit., p. 1891.
[18]
C’est-à-dire celles fondées sur la Loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation en temps de guerre, loc. cit., et l’Ordonnance n°59-63 du 6
janvier 1959 relative aux réquisitions de
biens et de services, loc. cit., désormais
codifiées aux arts. L. 2211-1 à L. 2213-9.
[19]
C’est-à-dire celles fondées sur les arts. L. 2212-1 et L. 2214-1, 4° du CGCT.
[20]
Sur ce point, V. Supra, note 16.
[21]
P. Planchet, « Réquisitions de biens.
Exercice du droit de réquisition », loc.
cit., pt. 9.
[22]
Ibidem. Le caractère « inattendu » de cette modernité est
d’ailleurs perceptible en doctrine, où les études consacrées au droit de
réquisition demeurent anciennes. V. en particulier R. Ducos-Ader, Le droit de réquisition, op. cit., J-P. Dorly,
Les réquisitions personnelles,
Paris : LGDJ, 1965, 362 p. et J. Salomon, Les réquisitions de police, op. cit.
[23]
J-P. Dorly, Les réquisitions personnelles,
op. cit., p. 31. V. également en ce
sens P. Planchet, « Réquisitions de biens.
Exercice du droit de réquisition », loc.
cit., pt. 2.