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1er avril 2016 : pas de plaisanterie pour le droit de la commande publique (& publication d’actes de colloque)

par Lucie SOURZAT,
ATER en Droit public – Université Toulouse 1 Capitole

Art. 17. La transposition complète en droit français des directives marchés et concessions du 26 février 2014 voit enfin le jour.

En effet après l’adoption l’été dernier de l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics suivie de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux concessions et de son décret d’application n°2016-86 en date du 1er février 2016, le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics vient enfin de paraître au Journal Officiel du 27 mars 2016.

L’objectif de simplification et de rationalisation de la commande publique est cette fois-ci bien en marche.

Le Code des marchés publics et la foule de textes réglementant les différents instruments de la commande publique poussent, quant à eux, leur dernier souffle au profit d’un seul et même Code de la commande publique au sein duquel devraient être unifiées toutes les dispositions allant encadrer la passation et l’exécution non seulement des marchés publics mais encore des contrats de concessions. Avec l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles au 1er avril 2016 pour les contrats pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel public à la concurrence ou un avis de concession est envoyé à la publication à compter de cette date, la commande publique fait ainsi l’objet d’une rénovation complète, voire même d’une véritable « révolution ». Désormais la satisfaction des besoins de la personne publique ne pourra s’effectuer qu’à l’aide deux instruments alternatifs : le marché public ou le contrat de concession.

Alors que la notion de « convention de délégation de service public », dont la concession de service public constituait l’archétype par excellence, occupait une place centrale en droit interne, cette dernière voit ses contours désormais modifiés au profit de la notion plus large de « contrat de concession » pouvant avoir pour objet aussi bien l’exécution de services, que de travaux ou encore qui pourra « consister à déléguer la gestion d’un service public ».

Par ailleurs alors que le critère du « risque », essentiel à la définition de la concession de service public ou de travaux, ne transparaissait ni dans la loi MURCEF du 11 décembre 2001, ni dans l’ordonnance du 15 juillet 2009 relative aux concessions de travaux, l’article 5 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 remédie à cela en prévoyant clairement que « les contrats de concession sont les contrats conclus par écrit, par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes (…) confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix ». Plus précisément, le concessionnaire devra subir une « une réelle exposition aux aléas du marché ». Autrement dit, lors de la conclusion de la convention, le concessionnaire ne devra pas être en mesure d’avoir la certitude de pouvoir amortir « les investissements ou les coûts qu’il a supportés, liés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service ». Reste à savoir comment la réalité de cette exposition aux aléas liés à l’offre, à la demande ou aux deux pourra être sérieusement évaluée. En effet « la subjectivisation » (S. BRACONNIER,  « Nouvelles directives et partenariats public-privé : plaidoyer pour une consolidation », RDI, 2015, pp. 8 s.) du critère portant sur l’aléa lié à l’offre – cette dernière dépendant de la seule volonté des parties à la convention – apparaît comme un facteur d’insécurité juridique source de risques de requalifications des contrats de concession concernés en marchés publics.

En ce qui concerne les marchés publics, l’une des principales nouveautés concerne l’ancien contrat de partenariat devenu, avec la réforme, « marché de partenariat ».

Après avoir fêté ses dix ans en 2014, ce contrat singulier, ayant la particularité de confier une mission globale au partenaire de la personne publique, disparaît en laissant la place à un nouveau type de marché public : le marché de partenariat.

À la suite d’un rapport critique des sénateurs Jean-Pierre SUEUR et Hugues PORTELLI fait au nom de la commission des lois et rendu public le 16 juillet 2014 (J.-P. SUEUR et H. PORTELLI, « Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? », Rapport d’information n° 733, Commission des Lois du Sénat, 16 juill. 2014) un certain nombre de spécialistes praticiens et universitaires, juristes, économistes, financiers et architectes, se sont intéressés à la question de l’avenir de cet outil controversé de la commande publique à l’occasion d’un colloque intitulé « Le contrat de partenariat, dix ans après : quel avenir ? » ayant eu lieu au sein de l’Université Toulouse I Capitole les 25 et 26 septembre 2014. Un an après la publication en février 2015 d’un rapport public annuel de la Cour des comptes dénonçant les risques financiers générés par ce contrat sur les collectivités territoriales (C. comptes, Rapp. public annuel, Les partenariats public-privé des collectivités territoriales : des risques à maîtriser, févr. 2015), les remarques – à charge mais aussi à décharge – des intervenants au colloque précité ont donné lieu à un ouvrage collectif paru en février 2016 aux éditions Bruylant et renommé « Du contrat de partenariat au marché de partenariat » (Colloque IDETCOM, Le contrat de partenariat : dix ans après, quel avenir ? , 25 et 26 sept. 2014, publié aux éditions Bruylant Du contrat de partenariat au marché de partenariat, févr. 2016). Les différentes contributions à cet ouvrage, prenant en considération les modifications issues de la réforme, s’articulent autour de deux grands axes portant non seulement sur la question du financement externalisé des projets menés par le biais de ce type de contrat, mais encore sur le caractère dérogatoire du contrat de partenariat devenu depuis marché de partenariat.

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Reste désormais à analyser attentivement la manière dont cette réforme de la commande publique sera accueillie par les praticiens et si l’objectif de simplification, dont la réalité est déjà remise en cause par une partie de la doctrine, sera effectivement satisfait.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016 ; Art. 17.

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