Elle est née la Divine Cour !

ParJournal du Droit Adminisitratif

Elle est née la Divine Cour !

Art. 414.

nb : photo d’illustration (capture écran) issue du site de la Cour (c) :

http://toulouse.cour-administrative-appel.fr/

par M. Adrien Pech
ATER à l’Université Toulouse 1 Capitole
IRDEIC

La dernière-née du droit administratif est la Cour administrative d’appel de Toulouse. Elle est la neuvième Cour administrative d’appel française et succède aux premières Cours instituées en 1989[1], 1997[2], 1999[3] et 2004[4]. Depuis plus de 18 ans, l’organisation juridictionnelle de l’ordre administratif français n’avait pas connu si grand chambardement. Le projet de création de cette juridiction remonte à la prise de fonction du vice-président Bruno Lasserre où il a trouvé un soutien en la personne de la garde des sceaux de l’époque, Nicole Belloubet[5], qui a donné un accord de principe à la création de cette nouvelle juridiction le 29 octobre 2018[6]. Au seuil de sa mise à la retraite[7], Bruno Lasserre s’est rendu à Toulouse, accompagné du premier ministre, Jean Castex et du garde des sceaux, Éric Dupont-Moretti, afin d’inaugurer, le 16 décembre 2021 cette nouvelle juridiction. Malgré la crise sanitaire et les contestations de la ville de Montpellier[8], le 1er janvier 2022[9] marque la naissance de cette juridiction attendue par les magistrats[10], les avocats et les justiciables[11]. Elle permettra d’une part de mieux répartir la justice administrative sur le territoire et d’autre part de décharger les cours administratives de Marseille et de Bordeaux[12]. La création de cette nouvelle juridiction passe par l’adoption de mesures transitoires (I) et par une organisation interne progressive (II).

  1. Les mesures transitoires

Juridiquement, la cour administrative d’appel de Toulouse est compétente ratione temporis pour connaître des requêtes qui, relevant de sa compétence territoriale[13], sont enregistrées à compter du 1er mars 2022. Néanmoins, trois séries de mesures transitoires sont prévues afin d’articuler la compétence des Cours administratives d’appel de Bordeaux et Marseille et celle de Toulouse.

  • Les requêtes

Le décret prévoit un mécanisme transitoire pour les requêtes relevant de la compétence ratione loci de la Cour administrative d’appel de Toulouse enregistrées au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux ou de Marseille à compter du 1er mai 2021 et qui n’ont pas été inscrites au rôle de l’une de ces cours avant le 1er mars 2022. Elles feront l’objet d’une transmission à la cour administrative d’appel de Toulouse par le président de la cour auprès de laquelle elles ont été enregistrées, sans que la décision n’ait à être motivée.  La décision de transmission est notifiée aux parties et au président de la cour administrative de Toulouse. Il en va de même pour les requêtes relevant de la compétence territoriale de la cour administrative d’appel de Toulouse qui, enregistrées au greffe de la cour de Bordeaux de Marseille jusqu’au 30 avril 2021, sont connexes à des requêtes transmises à la cour administrative d’appel de Toulouse, dès lors qu’elles n’ont pas été inscrites à un rôle de l’une des deux cours avant l’inscription de l’affaire connexe à un rôle de la cour administrative d’appel de Toulouse. Il est précisé que les Cours de Bordeaux et Marseille demeurent saisies des requêtes qui n’ont pas été transmises à la cour administrative d’appel de Toulouse, ne relevant plus de leur compétence territoriale. Procéduralement, les actes de procédure accomplis régulièrement devant les cours administratives d’appel de Bordeaux et de Marseille sont valables devant la cour administrative d’appel de Toulouse. La cour administrative d’appel de Toulouse peut accomplir tout acte de procédure avant le 1er mars 2022 pour les affaires qui lui sont transférées avant cette date en application des dispositions de l’article R. 351-8 du code de justice administrative[14].

  • Le tableau des experts pour l’année 2022

Le décret prévoit que le tableau des experts auprès de la Cour administrative d’appel de Toulouse prévu par l’article R. 221-9 du Code de justice administrative pour l’année 2022 est constitué par les experts inscrits sur les tableaux des Cours administratives d’appel dde Bordeaux et de Marseille à la condition qu’ils aient un établissement professionnel ou une résidence dans le ressort de la cour administrative d’appel de Toulouse pour la durée de leur inscription probatoire ou définitive qui reste à courir[15].

  • Les demandes d’aide juridictionnelle

Le décret prévoit que les demandes d’aide juridictionnelle présentées avant le 1er mars 2022 auprès des bureaux d’aide juridictionnelle des Cours administratives d’appel de Bordeaux et de Marseille pour former appel contre un jugement de l’un des tribunaux du ressort de la cour administrative d’appel de Toulouse sont transmises à celle-ci à moins qu’elles n’aient donné lieu à une décision à cette date.

Il est précisé que les recours formés avant le 1er mars 2022 contre les décisions des bureaux d’aide juridictionnelle ou les sections placées auprès des tribunaux du ressort de la cour administrative d’appel de Toulouse sont transmis au président de la Cour cour, à moins qu’ils n’aient donné lieu à une décision avant cette date[16].

  • Les demandes d’exécution d’un jugement 

Les demandes d’exécution portant sur un jugement d’un tribunal du ressort de la Cour administrative d’appel de Toulouse présentées avant le 1er mars 2022 auprès des cours administratives d’appel de Bordeaux ou de Marseille sur le fondement de l’article L. 911-4 du code de justice administrative, sont transmises à la cour de Toulouse lorsque le jugement a fait l’objet d’un appel lui-même transmis à cette dernière[17].

  1. L’organisation interne progressive

La création de la Cour administrative d’appel de Toulouse implique une organisation progressive concernant à la fois son personnel et sa structure.

  • Le personnel

Du 1er mars au 1er septembre 2022, la cour sera composée de 21 magistrats et de 25 agents. Jean-François Moutte[18] a déjà été nommé président de la Cour et Anabel Lesourd, greffière en chef[19].

  • La structure

Du 1er mars au 1er septembre 2022, la Cour sera provisoirement composée de deux chambres. A compter du 1er septembre 2022, quatre chambres seront chargées d’examiner les litiges. La première chambre sera consacrée au contentieux de l’environnement et de l’urbanisme. La deuxième chambre, au contentieux des affaires de responsabilité hospitalière et de fonction publique. La troisième chambre au contentieux des marchés. La quatrième chambre, aux dossier fiscaux. Par ailleurs, chaque chambre traitera du contentieux des étrangers.

Le Journal du Droit Administratif souhaite une belle et longue vie à cette nouvelle Cour, avec laquelle, espérons-le, un lien étroit sera tissé.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), Adrien Pech ;
2022 ; Art. 414.


[1] Paris, Lyon, Nancy, Nantes et Bordeaux.

[2] Marseille.

[3] Douai.

[4] Versailles.

[5] LASSERRE B., « Le vrai trésor du Conseil d’Etat, c’est sa verte jeunesse », AJDA, 2021, p. 2548.

[6] Journal du Droit Administratif (JDA), 2019, art. 269.

[7] Le 4 janvier.

[8] Mentionnons ici une plainte déposée par le maire de Montpellier, Philippe Saurel à l’encontre de la garde des sceaux Nicole Belloubet le 25 janvier 2020 pour prise illégale d’intérêt.

[9] Décret n° 2021-1583 du 7 décembre 2021 portant création de la cour administrative d’appel de Toulouse, JORF n°0285 du 8 décembre 2021, article premier. 

[10] Qui constatent, à l’instar de leurs homologues de l’ordre juridiaire, la dégradation de leurs conditions de travail. V. LAFORET E., « Les magistrats administratifs tirent le signal d’alarme », AJDA, 2021, p. 2481.

[11] PASTOR J-M., « Une neuvième cour administrative d’appel nécessaire et attendue », AJDA, 2021, p. 2484.

[12] LASSERRE B., « Le vrai trésor du Conseil d’Etat, c’est sa verte jeunesse », AJDA, 2021, p. 2548.

[13] A savoir des appels relevés devant les tribunaux administratifs de Montpellier, Nîmes et Toulouse, V. Décret n° 2021-1583 du 7 décembre 2021 portant création de la cour administrative d’appel de Toulouse, op. cit., article 2.

[14] Ibid., article 3.

[15] Ibid., article 4.

[16] Ibid., article 5.

[17] Ibid., article 6.

[18] Décret du 22 décembre 2021 portant nomination d’un président de cour administrative d’appel (Conseil d’Etat) – M. MOUTTE (Jean-François), JORF n°0298 du 23 décembre 2021.

[19] Inauguration de la cour administrative d’appel de Toulouse – Discours de Bruno Lasserre, Vice-président du Conseil d’État, 16 décembre 2021.

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