L’abattage rituel & l’animal

ParJDA

L’abattage rituel & l’animal

Art. 371.

Cet article fait partie intégrante du dossier n°08 du JDA :
L’animal & le droit administratif
… mis à la portée de tout le monde

par M. Clément Benelbaz,
Maître de conférences en droit public,
Université Savoie Mont Blanc
Membre du Centre de recherche en droit Antoine Favre
Membre associé du Centre d’Etudes et de Recherches Comparatives sur les Constitutions, les Libertés et l’Etat (C.E.R.C.C.L.E.), Université de Bordeaux

Un certain nombre de religions imposent de respecter des prescriptions alimentaires, afin que le croyant pense sans cesse à son Dieu, notamment à des périodes particulières. Chez les Juifs, seule la nourriture casher est acceptée, et la Bible énonce alors la liste des animaux purs et impurs : les animaux à corne[1] fendue, au pied fourchu et qui ruminent peuvent être mangés ; de même seuls les animaux à nageoires et écailles, et certains oiseaux sont énumérés[2]. De même, la bête ne doit pas être mélangée au lait, en vertu de la prescription : « Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère »[3].

Dans le catholicisme la consommation de viande est interdite le vendredi et pendant le Carême, période qui dure quarante jours avant Pâques.

Les musulmans interdisent le porc considéré comme impur, ainsi que l’alcool ; la nourriture doit donc être halâl.

Les bouddhistes, les hindouistes, les sikhs, sont quant à eux souvent végétariens, car croyant en la réincarnation de toute vie.

De plus, dans le judaïsme et l’islam[4], l’abattage des animaux doit suivre un rituel particulier, par une personne agréée, à l’aide d’un couteau extrêmement aiguisé, et exécuté le plus rapidement possible afin de ne pas faire souffrir la bête.

Dans cette première religion, on parle de Shehita, en vertu de la règle selon laquelle: « Garde- toi de manger le sang, car le sang, c’est la vie ; et tu ne mangeras pas la vie avec la chair. Tu ne le mangeras pas : tu le répandras sur la terre comme de l’eau »[5]. Dans la seconde, on parle de Dhabiha, et les animaux peuvent être abattus par « les gens du Livre »[6].

La religion chrétienne en revanche a abandonné les interdits alimentaires avec le Concile de Jérusalem en 49[7].

L’abattage rituel est assurément une pratique extrêmement ancienne, et on la retrouve également sous l’Antiquité. Cependant, abattage rituel et sacrifice doivent être distingués : l’abattage consiste à tuer un animal pour la consommation ; le sacrifice en revanche consiste en une offrande à Dieu ou à un dieu.

Dans tous les cas, tuer l’animal fait partie intégrante d’un rite, il s’accompagne de prières, et seuls des sacrificateurs habilités peuvent le pratiquer, puisqu’il s’agit d’honorer les dieux, mais aussi de « faire acte de commensalité » avec eux[8], ce qui permet d’obtenir leur pardon en cas d’offense[9], ou d’avoir leurs grâces[10]. Ainsi, les haruspices voient dans les entrailles « des informations qui peuvent intéresser l’action humaine »[11].

Si les cultes grec et romain ont disparu, l’abattage rituel demeure une prescription religieuse importante dans le judaïsme et dans l’islam, ce qui a pu conduire à un certain nombre de stigmatisations.

Par exemple, à la fin du XIXème siècle, apparaissent en France des fantasmes antisémites au sujet de viandes fournies par des bouchers juifs. Ainsi, le marquis de Morès, aventurier peu scrupuleux, à l’occasion éleveur un certain temps en Amérique du Nord, proche de Drumont et des boulangistes, se lie avec les bouchers des abattoirs de la Villette, qui entrent en conflit avec les bouchers juifs. Leurs pratiques sont en effet condamnées comme étant « une preuve supplémentaire de l’ »exotisme » et du caractère inassimilable du peuple juif »[12]. Le 9 mars 1892, le quotidien Gil Blas publie une « circulaire » adressée au directeur de la rédaction par le marquis de Morès, dans laquelle il révèle une « enquête personnelle sur la façon dont nos troupes sont fournies de viande »[13], et accuse les juifs d’acheter des bêtes malades et impropres pour ensuite en approvisionner l’armée. L’enquête judiciaire qui s’ensuit démontre que toutes les viandes étaient consommables, mais l’œuvre du marquis a marqué les esprits, et comme le note G. Kauffmann, « elle va préparer le terrain au déploiement de la propagande antisémite pendant l’affaire Dreyfus ».

Les abattages rituels ont toujours permis de nourrir un certain nombre de délires paranoïaques, comme par exemple celui de moutons égorgés « dans des arrière-boutiques ou dans des escaliers d’immeuble »[14]

Pour autant, cette pratique soulève un certain nombre d’interrogations sur le plan juridique : comment et au nom de quoi peut-elle être protégée, mais aussi encadrée ? En réalité, l’abattage rituel confronte bon nombre de règles et de droits fondamentaux : s’il s’agit d’une composante de la liberté de religion, alors elle peut, et doit même par moments, être garantie par les pouvoirs publics (I). Mais comme toute liberté lorsqu’elle s’extériorise, elle ne saurait être absolue, et elle peut nécessairement faire l’objet d’un certain nombre de restrictions. Certaines seront justifiées, classiquement, par l’ordre public, d’autres le seront au nom du bien-être animal, et il s’agira alors d’étudier comment la liberté de religion peut se trouver limitée par ces considérations (II).

I. L’abattage rituel, composante de la liberté de religion.

La pratique de l’abattage rituel constitue une dimension de la liberté de religion, un rite, même une prescription que doivent respecter certains croyants. L’enjeu consiste alors à déterminer comment elle peut se concilier avec d’autres règles. La première est celle de l’étourdissement préalable des animaux avant de les tuer. Si cette dernière devient de plus en plus importante, il importe alors de se demander les raisons pour lesquelles l’abattage rituel pourrait y contrevenir (A).

Ensuite, si la pratique est une manifestation de la liberté de religion, alors elle se trouve nécessairement confrontée aux principes de laïcité et de Séparation des Eglises et de l’Etat. En effet, dans quelle mesure revient-il aux autorités publiques d’encadrer, voire de prendre en charge cette pratique, les rites, ou encore les sacrificateurs (B) ?

A. La confrontation à l’étourdissement préalable

La règle de l’étourdissement préalable commence à s’implanter en Europe dès la fin du XIXème – début du XXème siècle, et les raisons sont diverses. Parfois, la motivation peut être celle de meilleures conditions sanitaires et de consommation, parfois, il peut être question d’empêcher un culte d’exercer un rite.

Ainsi, suite à une initiative populaire du 20 août 1893, la Suisse adopte un texte qui dispose qu’il est « expressément interdit de saigner les animaux de boucherie sans les avoir étourdis préalablement »[15]. Si l’idée est de prendre en compte la condition animale à travers l’étourdissement préalable, le vote se fait également dans un contexte d’antisémitisme marqué[16]. Par la suite, la loi bavaroise du 16 janvier 1930 pose la règle de l’étourdissement préalable, et ne prévoit pas de dérogation, ce qui interdit la Shehita. Puis la loi allemande du 21 avril 1933 la prohibe sur tout le territoire[17].

Parallèlement, sous la France de Vichy, l’abattage rituel juif n’est pas directement visé dans un premier temps[18]. Il est interdit fin 1942 par circulaire du préfet de police, M. Bussière[19], puisqu’est exigé que tout animal soit rendu insensible et inerte avant d’être égorgé. Le journal Le Matin estime ainsi que le texte « confirme implicitement l’interdiction qui fut faite par une précédente ordonnance de procéder à tout abattage selon le rite juif ».

On le voit, à travers ces premiers textes, interdire l’abattage rituel vise purement et simplement, à travers l’étourdissement préalable, à entraver l’exercice d’un culte, donc un rite, ce qui constitue une atteinte à la liberté de religion.

Par la suite, plusieurs textes en France imposeront la règle de l’étourdissement après immobilisation des animaux, afin d’assurer de meilleures conditions d’abattage. Le premier est le décret du 16 avril 1964[20], pour les animaux de boucherie et de charcuterie, avant leur saignée. Mais une exception est immédiatement prévue, notamment en cas d’égorgement rituel[21]. Par la suite, un décret de 1970[22] étend la règle pour les volailles et rongeurs domestiques, tout en maintenant la dérogation en cas d’égorgement rituel. Il est en effet précisé que ce dernier « ne peut être effectué que par des sacrificateurs habilités par des organismes religieux agréés par le ministère de l’agriculture, sur proposition du ministre de l’intérieur ».

Le décret du 1er octobre 1980[23] reconnaît toujours l’abattage rituel comme exception à la règle de l’étourdissement préalable, mais il est indiqué qu’il ne peut se faire en dehors d’un abattoir.

Enfin, le décret du 1er octobre 1997[24] relatif à la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort définit l’abattage comme « le fait de mettre à mort un animal par saignée », mais ne précise pas ce qu’il faut entendre par abattage rituel. Quoi qu’il en soit, l’étourdissement demeure bien la règle, et les exceptions sont l’extrême urgence ou l’abattage rituel[25].

Le droit de l’Union européenne et le droit du Conseil de l’Europe vont également se saisir de la question de l’étourdissement préalable, à travers notamment une directive de 1974[26], la convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages de 1978[27], une autre directive en 1993[28] ou encore un règlement de 2009[29].

Dès lors, le cœur du problème est le suivant : l’abattage rituel constitue-t-il un élément de la liberté de religion, justifiant une exception à l’étourdissement préalable ? La première difficulté réside dans la détermination des contours de cette liberté. La Cour européenne des droits de l’Homme, notamment dans l’arrêt Kokkinakis de 1993[30], avait précisé qu’elle comporte plusieurs facettes : il s’agit tout d’abord d’un droit général, qui ne connaît pas de limites : celui d’avoir ou non une conviction religieuse, ou même d’en changer. Mais la liberté de religion est aussi un droit spécifique, reposant sur la possibilité de manifester sa religion, qui est soumis éventuellement à des limites. Plus précisément, la liberté religieuse relève d’abord du for intérieur, absolu, mais elle implique nécessairement une dimension collective, et donc, entre autres, le droit de manifester sa religion de façon collective ou plus personnelle. Il en résulte notamment le droit de la pratiquer par un culte, à travers des rites, des pratiques, sans quoi elle risquerait de demeurer lettre morte.

Pour ce qui est de l’abattage rituel, celui-ci relève bien de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme, et de l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux : il s’agit d’une composante de la liberté de religion.

Dès lors, les deux Cours européennes adoptent la même position : la Cour européenne des droits de l’Homme, dans l’arrêt Cha’are Shalom Ve-Tsedek[31] s’était penchée sur la question d’une réglementation des abattages rituels en France. Les juges de Strasbourg estimèrent qu’en instituant une exception au principe de l’étourdissement préalable des animaux destiné à l’abattage (régime dérogatoire réservé aux seuls sacrificateurs habilités par les organismes religieux agréés – dont ne faisait pas partie la plaignante -), le droit interne avait concrétisé un engagement positif de l’Etat, visant à assurer le respect effectif de la liberté de religion. Dès lors, bien que l’abattage rituel doive être considéré comme relevant du droit de manifester sa religion, par l’accomplissement de rites, la méthode d’abattage n’en fait, quant à elle, pas partie, et la liberté religieuse ne saurait englober le droit à procéder personnellement à l’abattage rituel et à la certification qui en résulte.

La Cour de justice de l’Union européenne consacrera dans les mêmes termes que l’abattage rituel est protégé et justifié par « l’engagement positif du législateur de l’Union de permettre la pratique de l’abattage d’animaux sans étourdissement préalable, afin d’assurer le respect effectif de la liberté de religion »[32].

On le voit, tant en droit interne qu’européen, l’abattage rituel peut faire échec à la règle d’étourdissement préalable, dans la mesure où il garantit une dimension de la liberté de religion.

Cependant, cette dernière n’est pas absolue, et les juges européens ont également admis que ni l’article 9 de la CEDH ni l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux ne protègent n’importe quel acte, pour l’unique raison qu’il est motivé ou inspiré par une religion ou une conviction. Dès lors, en tant que composante de la liberté de religion, l’abattage rituel soulève nécessairement des questions lorsqu’il est confronté cette fois aux principes de Séparation des Eglises et de l’Etat.

B. La confrontation à la Séparation

Le principe de laïcité garantit les libertés de conscience et de religion, et implique également la Séparation des Eglises et de l’Etat, telle qu’elle est définie par la loi du 9 décembre 1905[33]. La Séparation consiste, conformément à l’article 2 de cette loi, à ce que la République ne reconnaisse, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Dès lors l’Etat, pas plus qu’un juge d’ailleurs[34], ne sauraient en aucun cas porter une appréciation sur le contenu d’une croyance, sa véracité, ou juger si le rite est bien respecté[35].

Or la question de l’abattage rituel soulève nécessairement des interrogations à ce sujet, et celle d’une éventuelle immixtion de l’Etat dans les affaires religieuses.

Tout d’abord, l’abattage implique que seuls certains sacrificateurs soient habilités à cette pratique. Ainsi, le décret de 1980 précisait déjà que l’abattage ne peut être effectué qu’en abattoir, par des sacrificateurs habilités par les organismes religieux, et agréés par l’Etat ; si aucun organisme n’a été agréé, le préfet du département dans lequel est situé l’abattoir, peut accorder des autorisations individuelles. C’est d’ailleurs ce que confirmera un décret de 1997[36] transposant une directive européenne de 1993[37].

En vérité, le problème est ancien, et la question s’était déjà posée dans une affaire en 1914. En l’espèce, le maire d’Alger avait informé un requérant que seuls les sacrificateurs désignés par l’association cultuelle israélite dévolutaire des biens de l’ancien Consistoire étaient autorisés à abattre les bêtes dans l’abattoir de la commune, et habilités à certifier la viande casher. Le Conseil d’Etat estima que s’il revenait au maire de prendre les mesures pour permettre aux schoets[38] d’accomplir leurs missions selon les règles religieuses dans l’enceinte de l’abattoir, en revanche, il ne pouvait, sans méconnaître le caractère public de l’équipement, et sans porter atteinte aux principes de la liberté de culte garantie par la loi de 1905, et de la liberté du commerce et de l’industrie, interdire l’accès à toute personne autre que schoet[39].      

Dès lors, l’Etat peut encadrer les sacrificateurs : tel est bien d’ailleurs le sens de l’article R. 214‑75 du Code rural qui dispose que « l’abattage rituel ne peut être effectué que par des sacrificateurs habilités par les organismes religieux agréés, sur proposition du ministre de l’intérieur, par le ministre chargé de l’agriculture ». Seuls des représentants des cultes peuvent effectuer les exécutions rituelles, mais aussi les certifications et les contrôles.

En France, pour les juifs, l’organisme reconnu est l’Association consistoriale israélite de Paris, émanation du Consistoire et du Grand Rabbinat ; le Beth Din (tribunal) délivre le label KBPD (Kasher Beth Din de Paris)[40]. En effet, seule l’Association a reçu l’agrément : le Conseil d’Etat avait d’ailleurs jugé que l’association cultuelle Cha’are Shalom Ve‑Tsedek ne présentait pas le caractère d’organisme religieux au sens de l’article 10 du décret de 1980, et donc ne pouvait y prétendre[41]. Afin de justifier le refus, le ministre de l’Intérieur se fondait sur l’article 19 de la loi de 1905, qui impose aux associations cultuelles d’avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. La Cour européenne, on l’a vu, avait alors jugé que la règlementation française sur l’abattage rituel ne violait pas la Convention.

Pour les musulmans, il s’agit de la Grande mosquée de Paris[42], de la mosquée de Lyon et de la mosquée d’Evry[43].

Or, il est bien question d’agréer, donc de reconnaître certains organismes religieux comme étant seuls compétents pour procéder à l’abattage rituel, et s’assurer que celui-ci se fait conformément aux prescriptions religieuses. Dès lors, on peut se demander si cela n’irait pas à l’encontre de l’article 2 de la loi de 1905.

Mais en réalité, la notion de reconnaissance n’est pas celle qu’entendait le Concordat conclu entre Napoléon et Pie VII admettant des cultes reconnus. Depuis 1905, les établissements du culte sont supprimés, les cultes ne sont plus un service public, ils n’ont plus de statut officiel, et il ne s’agit plus pour l’Etat de s’immiscer dans la croyance ou dans le rite. Seuls les organismes habilités le feront.

Le fait est, d’ailleurs qu’a pu se poser la question de savoir si était légale la décision de renouveler ou non une habilitation à procéder à l’abattage rituel. Ainsi, dans une affaire de 2018, le Président de la cacherout de l’Association consistoriale israélite de Paris avait révoqué l’autorisation de sacrificateur rituel du requérant.

Le Conseil d’Etat a rappelé que celle-ci ne repose que sur des critères religieux : dès lors il ne s’agit pas d’un acte administratif, les organismes religieux n’étant pas chargés d’une mission de service public[44]. Ici, le Conseil d’Etat estime que rien n’indiquait que les pouvoirs publics, notamment à travers l’article du Code rural, aient entendu reconnaître que l’habilitation relève d’une telle mission.  Les décisions d’habilitation des organismes religieux ne relèvent donc pas du contrôle du juge temporel.

Par conséquent, le principe de Séparation se trouve sauvegardé. Pourtant, il n’y est fait aucune référence dans la décision, pas même à la loi de 1905, depuis laquelle les cultes ne sont plus un service public…

Mais au-delà de l’habilitation des sacrificateurs, une autre difficulté se présente, puisque les abattages rituels ne peuvent se faire que dans des abattoirs agréés. Revient-il alors à l’autorité publique de les mettre en place ?

Telle était notamment la question soulevée en 2011 dans l’affaire Communauté urbaine du Mans – Le Mans Métropole[45]. Etait en jeu la délibération prise par la communauté urbaine arrêtant à 380 000 € l’enveloppe budgétaire destinée à l’aménagement de locaux désaffectés en vue d’y aménager un abattoir temporaire agréé d’ovins, essentiellement dans le but de le faire fonctionner au moment de l’Aïd-el-Kébir. Les deux juridictions du fond saisies de l’affaire, le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel, censurèrent cette délibération au motif qu’elle était constitutive d’une aide à un culte.

Devant le Conseil d’Etat, le rapporteur public estima qu’il s’agissait d’un objet mixte, c’est-à-dire partiellement cultuel. Le raisonnement était le même que dans l’affaire de la basilique de Fourvière au sujet de la construction d’un ascenseur pour y accéder[46] : ce n’est pas parce qu’un équipement est partiellement utilisé pour des activités cultuelles qu’il devient affecté au culte, et donc que le financement devient une aide au culte[47]. Mais ici l’abattoir était finalement indispensable pour l’exercice du culte : sans lui pas d’abattage rituel pour la fête religieuse. La question portait en réalité une fois de plus sur l’existence ou non d’un intérêt public local, mais dissimulé sous de l’ordre public et plus précisément de la salubrité et de la santé publiques. Il ne convenait pas de se demander s’il y avait un intérêt public local à ce que soit installé un abattoir permettant d’effectuer les abattages rituels (comment évaluer alors les besoins de la population locale musulmane ? On imagine mal l’autorité publique sonder les citoyens ou leur demander s’ils ont ce besoin-là), mais plutôt de se placer sur le terrain de l’ordre public.

Le Conseil d’Etat cassa l’arrêt de la cour administrative d’appel pour erreur de droit. Selon le schéma classique retenu dans l’ensemble des décisions de juillet 2011, il jugea que la loi du 9 décembre 1905 ne faisait pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale construise, acquière un équipement ou autorise l’utilisation d’un équipement existant, afin de permettre l’exercice de pratiques à caractère rituel relevant du libre exercice des cultes. Mais cette faculté ne peut être légalement mise en œuvre que si sont respectées trois conditions : il faut qu’existe un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public, en particulier de la salubrité et de la santé publiques, et il faut que le droit d’utiliser l’équipement soit concédé dans des conditions, notamment tarifaires, qui respectent – troisième condition – les principes de neutralité à l’égard des cultes et d’égalité entre eux qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte.

Deux de ces conditions sont habituelles : il s’agit de celles tenant au respect de la neutralité à l’égard des cultes et d’égalité entre eux, principes qui sont deux manifestations concrètes de la laïcité, ainsi qu’à l’exigence d’un tarif excluant toute libéralité, ce qui est un écho direct à la loi du 9 décembre 1905. Celle tenant à l’intérêt public local mérite, en revanche, quelques précisions. Il est clair que le Conseil d’Etat n’a pas entendu juger que la participation d’une collectivité publique à l’aménagement d’un abattoir pour des pratiques rituelles était toujours légale : cela dépend de l’état de l’offre (à quelle distance trouve-t-on des abattoirs utilisables et avec quelles capacités ?) et de la demande (quel est le nombre d’abattages rituels dans le territoire concerné ?). En fonction de ces éléments, l’intérêt local consistant à garantir l’ordre public sera avéré ou non.

Mais pèse-t-il alors sur les collectivités une obligation de procéder aux aménagements nécessaires ? Dans cette décision, il fut décidé que le financement de l’équipement n’était pas une aide au culte dès lors qu’il répondait à un intérêt public local. Mais ce dernier étant celui des fidèles se teinte manifestement de connotation religieuse.

Assurément, l’abattage rituel est une composante du libre exercice des cultes, il est une des manifestations des croyances. Par ailleurs, il est clair aussi que l’ordre public peut être invoqué pour limiter cette extériorisation des croyances, comme le fait de procéder à des abattoirs en dehors de ceux prévus. Mais cela doit-il conduire la personne publique à le prendre en charge et à le financer ?

A ce titre, M. Touzeil-Divina se demandait : « Doit-on ouvrir les portes de l’abattoir à des usagers qui se déclareraient hindous et souhaiteraient, au nom de la déesse Karly sacrifier quelques boucs ou encore, à la romaine, à des adeptes vintage de Jupiter désirant égorger une chèvre en offrande ? De plus, en été, un athée pourra-t-il disposer à son gré du lieu pour préparer un méchoui ? »[48].

En tout état de cause, le principe de non financement se trouve écarté et surtout cède face à l’intérêt public local, notion pourtant totalement étrangère à la loi de 1905 et aux exceptions audit principe, pourtant clairement énoncées aux articles 13 et 19. Il n’existe sans doute en revanche pas d’obligation positive des pouvoirs publics de mettre en place des abattoirs ou de quelconques aménagements afin de permettre l’exercice du culte.

Toujours est-il que cette position du Conseil d’Etat fut confirmée par la Cour administrative de Nantes suite au renvoi de la juridiction suprême[49], et ce dispositif est conforme au droit de l’Union. Les dérogations sont encadrées, puisqu’il ne suffit pas d’être un abattoir agréé pour pouvoir effectuer des abattages rituels : en effet ces derniers nécessitent un régime d’autorisation, délivrée par le préfet, et selon des conditions matérielles, techniques, de formation du personnel, et de respect de procédures administratives.

Cependant, la question se pose enfin de savoir si ces abattoirs agréés sont en nombre suffisant, notamment pour absorber la demande en période de fêtes religieuses. C’est pourquoi une circulaire de 2018 préconisait de « saturer » les capacités d’abattages des abattoirs pérennes avant d’envisager la mise à disposition d’abattoirs temporaires[50]. De plus, ces derniers sont soumis à un agrément, obtenu après une période d’essai de trois mois minimum, ce qui permet de vérifier que toutes les conditions relatives aux abattoirs pérennes soient remplies.

En somme, cette circulaire répond partiellement à l’interrogation suscitée par l’arrêt Le-Mans-Métropole de 2011, qui consistait à déterminer quand l’autorité publique devait mettre en place de tels abattoirs, et comment évaluer l’intérêt public local.

On le voit, l’abatage rituel laisse certaines interrogations en suspens ; s’il s’agit d’une garantie de la liberté de religion, qui justifie l’exception à la règle d’étourdissement préalable, il apparaît cependant que sa mise en œuvre peut conduire également à des entorses à la Séparation. Concrètement, il est possible de se demander si à travers la jurisprudence du Conseil d’Etat, il ne revient pas à l’autorité publique de construire ou de mettre à disposition des équipements cultuels, dès lors que les fidèles n’en disposeraient pas. Corrélativement, cela impliquerait alors que l’exercice d’un culte soit financé par des fonds publics, ce qui mettrait radicalement à mal les principes de la Séparation.

Au-delà des garanties, il convient de s’interroger sur les encadrements et limitations possibles à l’abattage rituel, lesquels semblent de plus en plus nombreux, quitte à porter atteinte à la liberté de religion.

II. L’abattage rituel, objet de limitations.

Comme toute liberté, celle de religion peut faire l’objet de restrictions lors de son extériorisation, et tel est bien le cas de l’abattage rituel. Si les considérations humaines, et notamment l’ordre public sont des restrictions classiques (A), d’autres émergent de plus en plus, cette fois au nom du bien-être animal (B).

A. Des restrictions au nom de considérations humaines

Afin de s’assurer que l’abattage rituel serait conforme aux règles d’ordre public, et notamment d’hygiène et de santé publiques, il a été nécessaire que les pouvoirs publics s’en saisissent, et l’encadrent. Ainsi, dès le début du XXème siècle, le législateur est intervenu, par exemple avec la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et les falsifications des denrées alimentaires et des produit agricoles[51], qui permit notamment de condamner des bouchers ayant vendu de la fausse viande casher[52].

Mais c’est également le juge qui une fois encore veille à la conciliation des règles d’ordre public avec le libre exercice des cultes.

Si peu de décisions sont relatives à l’abattage rituel, il est toutefois possible de souligner une affaire tranchée par le Conseil d’Etat en 1936. En l’occurrence, le maire de Valenciennes avait refusé d’autoriser l’abattage des animaux selon les rites juifs, et imposé que tout abattage se ferait au moyen d’un pistolet automatique[53]. Les juges estimèrent que s’il revenait au maire de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des abattoirs, dans l’intérêt de l’ordre public, il lui appartenait toutefois de concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect des libertés publiques. Or il ne pouvait y porter atteinte que dans la mesure « nécessaire au maintien de l’ordre », ce qui n’était pas le cas.

Cette jurisprudence nous semble aujourd’hui très classique, et elle trouve encore des applications de nos jours.

Ainsi, dans une affaire de 2004, le préfet de l’Essonne avait interdit le déchargement et la mise en vente des ovins et caprins vivants dans tout le département, sauf ceux à destination des abattoirs et élevages déclarés, pendant la période de la fête de l’Aïd-el-Kébir afin d’éviter les abattages clandestins. Une entreprise qui avait élevé une centaine de bêtes pour les livrer à des particuliers demanda l’annulation de l’arrêté. Le problème était que si elles étaient livrées afin d’être sacrifiées rituellement par des particuliers, cette procédure était illégale ; si les particuliers sollicitaient ensuite une autorisation de la Direction des services vétérinaires pour acheminer les animaux hors du département et les faire abattre en abattoirs agrées, cela était tout à fait possible. L’arrêté fut jugé légal, dans un but de salubrité publique, car l’Administration ne disposait « d’aucun autre moyen » de s’assurer que les animaux seraient mis à mort dans des conditions réglementaires. En revanche, cela ne devait pas excéder la durée nécessaire à la poursuite de cet objectif[54].

Le principe de l’abattage rituel doit donc être mis en balance avec les autres libertés et l’ordre public. Ainsi, en 2013, le Conseil d’Etat confirma la position selon laquelle la dérogation à l’obligation d’étourdissement des animaux, donc l’abattage rituel, concilie les objectifs de police sanitaire et la garantie du libre exercice des cultes[55]. En l’occurrence, fut rejeté le recours contre la décision implicite du Premier ministre d’abroger l’exception à l’étourdissement des animaux, préalablement à leur abattage ou mise à mort, prévue à l’article R. 214-70 §1 alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime, et qui permet de déroger à la règle si l’étourdissement n’est pas compatible avec la pratique de l’abatage rituel. Dans cette décision, les juges estimèrent qu’il revient bien au Premier ministre, au titre de ses pouvoirs de police générale, de s’assurer que l’abattage des animaux soit effectué dans des « conditions conformes à l’ordre public, à la salubrité et au respect des libertés publiques ». Pour précisions d’ailleurs, le juge rappelle que si le principe de laïcité impose l’égalité des citoyens et le respect des croyances, mais aussi la garantie du libre exercice des cultes[56], ici, la dérogation permettait précisément de concilier les objectifs de police sanitaire, l’égalité des croyances ainsi que leur respect. Pour le Conseil d’Etat d’ailleurs, le terme de « pratique de l’abattage rituel » est suffisamment précis, la dérogation reposant sur « un système d’habilitation préalable sous le contrôle du juge administratif ». Dès lors, ni le principe de laïcité, ni le principe d’égalité ne sont violés par cette pratique.

Enfin, en aval également, l’abatage rituel soulève la question de la labellisation des produits, et notamment celle de savoir s’ils peuvent comporter la mention « agriculture biologique ». Ainsi, l’association française OABA avait demandé à la France de cesser la publicité et la commercialisation de steaks hachés hallal étiquetés « bio ». Suite au refus des autorités, l’affaire fut portée devant la CJUE[57] : il s’agissait alors de déterminer si l’abattage rituel répondait ou non aux objectifs de bien-être animal et de réduction de leur souffrance qu’impose le label « bio ». La CJUE estima que les différentes réglementations européennes font état d’une certaine volonté d’assurer un certain niveau du bien-être animal, devant être assuré même lors de l’abattage. Si l’abattage rituel est donc permis à titre dérogatoire par l’UE, celui-ci ne permet pas de garantir l’absence de douleur, de détresse ou de souffrance chez l’animal, comme le permet l’abattage avec étourdissement préalable. Seule cette dernière méthode assure une perte de conscience et de sensibilité entraînant une moindre souffrance. Cependant, si la pratique consistant à inciser la gorge avec un couteau extrêmement aiguisé peut être de nature à limiter, autant que possible, les souffrances, elle ne les réduit pas pour autant au minimum. Dès lors, pour la Cour, il n’existe pas d’équivalence entre abattage rituel et abattage avec étourdissement préalable. Or l’objectif de l’Union en matière d’étiquetage biologique consiste à « préserver et justifier la confiance des consommateurs dans les produits étiquetés en tant que produits biologiques » ; celle-ci passe par la garantie que le label ait été obtenu en respectant les règles en la matière, notamment l’objectif du bien-être animal. Tel n’est pas le cas de l’abattage rituel, on ne peut donc être labelisé halal et bio[58], ici encore dans un souci de protection du consommateur.

Il convient donc aux autorités de s’assurer que l’abattage rituel respecte un certain nombre de règles sanitaires, qu’il n’existe pas d’abattoirs sauvages, comme cela a été vu avec la jurisprudence du Conseil d’Etat de 2011. Plus précisément, l’intérêt public local consistait à ce que tous les cultes puissent être exercés dans le respect des règles d’ordre public, mais aussi de la neutralité. E. Forey se demandait donc s’il ne s’agissait pas ici « de sauver les apparences ? »[59].

Quoi qu’il en soit, on conçoit totalement que des considérations humaines soient prises en compte afin de porter des limitations à la liberté fondamentale qu’est la liberté de religion, et à travers elle l’abattage rituel. L’ordre public le permet, dès lors qu’il est justifié, et que la mesure restrictive est nécessaire et proportionnée. En revanche, des interrogations demeurent lorsque des considérations animales entrent en jeu.

B. Au nom de considérations animales

Une liberté fondamentale peut assurément être mise en balance avec une autre, ou avec un intérêt général, comme l’ordre public. Mais le bien-être animal peut-il faire partie de ces considérations, et être élevé sinon au rang de liberté fondamentale, au moins à celui de préoccupation d’intérêt général[60] ?

A l’origine de la construction européenne, ni la liberté de religion, ni la question du bien-être animal du reste, ne sont envisagées. L’animal n’est considéré que comme une « marchandise vouée à circuler librement dans le marché commun et une composante de la politique agricole commune »[61]. Pourtant le droit interne mais aussi celui de l’UE semblent se saisir de plus en plus de ces questions épineuses et a priori difficilement conciliables.

La contradiction semble d’ailleurs renforcée par la loi du 16 février 2015 qui qualifie les animaux d’« êtres vivants doués de sensibilité »[62]. Transposant le droit de l’Union européenne, la législation interne réglemente les conditions d’abattage afin d’éviter toute souffrance inutile aux animaux. Ainsi, « l’immobilisation des animaux est obligatoire préalablement à leur étourdissement et à leur mise à mort. La suspension des animaux est interdite avant leur étourdissement ou leur mise à mort »[63].

De même que la religion est de plus en plus prise en compte par le droit de l’Union européenne[64], de même l’animal fait l’objet d’une attention croissante.

Ce dernier fut d’abord pris en considération dans sa dimension économique, puis le règlement de 2009 disposa que « le bien-être des animaux est une valeur communautaire ». Cependant, l’article 13 du TFUE précise que sont respectées « les dispositions législatives ou administratives et les usages des Etats membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux ». Le bien-être animal ne fait donc pas partie des principes ou valeurs de l’Union, au sens de l’article 2 du TUE. Tout au plus le règlement de 2009 en fait un objectif. Cependant cela ne signifie pas que l’Union ne se saisisse pas de la question, notamment sous l’angle de la protection des animaux. Dès lors, l’abattage rituel peut soulever des difficultés à cet égard, dans la mesure où les Etats membres peuvent maintenir une dérogation à l’étourdissement préalable. Faut-il alors concilier liberté de religion, droit fondamental, et objectif de protection de l’animal ?

Pour le droit de l’UE, la réponse fut d’abord négative, tel était d’ailleurs le sens des conclusions de l’avocat général Wahl du 30 novembre 2017 dans l’affaire, Liga van Moskeen : en l’occurrence, était contestée une disposition de la législation flamande imposant de procéder à l’abattage rituel des animaux dans des abattoirs agréés. Les requérants y voyaient une ingérence dans leur liberté religieuse. L’avocat général au contraire conclut au rejet de la requête car selon lui l’ingérence n’était même pas constituée : si tel avait été le cas, elle n’aurait pas répondu aux conditions de légitimité et de nécessité.

Pour autant, la Cour de justice semble avoir fait évoluer sa position à ce sujet, dans l’affaire Centraal Israëlitisch Consistorie van België du 17 décembre 2020[65], toujours au sujet des mesures relatives à l’exception d’étourdissement préalable. Cette fois, un décret mettait un terme, toujours pour la région flamande, à la dérogation, en imposant que « si les animaux sont abattus selon des méthodes spéciales requises pour des rites religieux, l’étourdissement est réversible et la mort de l’animal n’est pas provoquée par l’étourdissement ». En somme, ainsi que le précisait A. Rigaux, la technique employée était celle de l’électronarcose, réversible : si l’animal n’est pas égorgé, il reprend connaissance et ne ressentira aucun effet négatif. S’il l’est, après avoir donc été étourdi, il mourra de l’hémorragie, ce qui semblait se conformer aux exigences rituelles juives et musulmanes. Il s’agissait donc à première vue de concilier protection du bien-être et liberté de religion.

Les requérants soutenaient au contraire que le décret violait le règlement européen et portait atteinte à leur liberté de religion, l’animal étant tout de même étourdi.

Pour la Cour, la limitation alléguée était bien prévue par la loi, et limitée à seulement un des aspects de la liberté de religion, c’est-à-dire uniquement la dimension rituelle de l’abattage, qui ne se trouvait pas interdit en lui-même. Dès lors, elle poursuivait bien un objectif d’intérêt général, la protection du bien-être animal. L’atteinte était par conséquent justifiée et proportionnée au but poursuivi. Le décret ne dépassait donc pas le cadre de la marge d’appréciation dont bénéficient les Etats membres, et surtout, l’équilibre entre le bien-être animal et la liberté de religion se trouvait assuré.

Pourtant, cette décision semble bien mettre à mal la dérogation à l’étourdissement préalable. Certes ce dernier était déjà le principe, mais la dérogation s’efface. Telle était d’ailleurs la position de l’avocat général Hogan dans cette affaire. Ici, il n’était pas question de porter une appréciation sur le contenu d’une croyance, ce que ne saurait faire une juridiction, cependant c’est un pan entier de la liberté de religion qui se trouve amputé. Cette dernière ne concerne en effet pas que le for intérieur, qui ne saurait souffrir aucune limite, elle comporte également une dimension collective, et implique nécessairement une extériorisation (qui peut évidemment faire l’objet de restrictions). Or ici la restriction apportée ne reviendrait-elle pas à empêcher tout abattage rituel ? On pourra certes objecter qu’en soi il reste possible, après un étourdissement. Mais ce dernier procédé annihile finalement la dimension rituelle : s’il y a étourdissement, même réversible, alors il n’y a pas abattage rituel. Il ne suffit pas que celui-ci soit effectué par un sacrificateur. Or la Cour semble mettre de côté cet élément. Surtout, on peine à comprendre comment une liberté fondamentale puisse être conciliée avec le bien-être animal, qui, bien qu’objectif de l’Union, n’est pas un tel droit fondamental.

On peut d’ailleurs souligner, des propres termes de P. Devienne, docteur vétérinaire, que même l’étourdissement réversible peut connaître des ratés, et notamment des « reprises de conscience avant que la saignée ne soit terminée »[66].

Quoi qu’il en soit, si l’étourdissement préalable garantit sans doute une souffrance moindre pour l’animal, il ne s’agit pas ici de prétendre être ni scientifique, ni vétérinaire, ni nutritionniste. D’un point de vue uniquement juridique, il est possible de s’interroger sur la prise en compte du bien-être animal pour justifier une restriction à une liberté fondamentale, déjà amplement encadrée.

On l’a vu, l’abattage rituel doit être a priori garanti par les Etats, en tant qu’il constitue un rite. S’il est possible d’y apporter de justes restrictions, l’interdire revient à priver les croyants d’une part de leur liberté de religion. Or de longue date, toutes sortes de justifications ont pu être avancées à ce sujet, et l’histoire montre que l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), Dir. Pech / Poirot-Mazères
/ Touzeil-Divina & Amilhat ;
L’animal & le droit administratif ; 2021 ; Art. 371.


[1] Entendue ici comme corne du sabot.

[2]Lévitique, 11 et Deutéronome, 14, trad. Bible Louis Segond.

[3] Exode, 23 :19.

[4] Avec minuscule, l’islam désigne la religion fondée sur le Coran ; avec majuscule ul s’agit de l’ensemble des peuplent qui professent cette religion.

[5] Deutéronome, 12 : 23-24.

[6] Ce qui inclut les chrétiens et les juifs, monothéistes dont la religion se fonde sur un livre révélé : La Bible, tous testaments confondus. Coran, Sourate 5, Al-Maidah. Voir D. Boubakeur, « Rapport de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris à propos du sacrifice islamique des animaux destinés à la consommation halal et sur les méthodes internationales récemment admises par les pays musulmans », R.S.D.A., dossier thématique « L’abattage rituel », 2/2010, pp. 169-173.

[7] N. Maillard, « Manger ou ne pas manger le cheval (sacrifié) ? Telle est la question pour le chrétien. Mode d’abattage et consommation de viande chevaline dans l’occident chrétien », R.S.D.A., dossier thématique « L’abattage rituel », 2/2010, pp. 291-301.

[8] X. Perrot, « Le geste, la parole et le partage. Abattage rituel et droit à Rome », R.S.D.A., dossier thématique « L’abattage rituel », 2/2010, pp. 275-289.

[9] On pense notamment au sacrifice d’Iphigénie en raison de l’offense de son père Agamemnon, à Artémis.

[10] On en voit l’exemple chez les juifs avec Jephté (Juges, 11), qui fit vœu de sacrifier la première personne qui viendra à sa rencontre, s’il vainquait les Ammonites : ce fut sa fille unique et il l’immola.

[11] J. Leclant (dir.), Dictionnaire de l’Antiquité, P.U.F., coll. Quadrige, 2005, entrée « Divination (Rome) ». Les augures quant à eux observaient et interprétaient les auspices, c’est-à-dire les oiseaux, les coups de tonnerre, l’appétit des poulets…

[12] G. Kauffmann, « L’affaire de la « viande à soldats ». Une campagne antisémite en 1892 », Archives juives, 2014/1, pp. 28-36.

[13] Gil Blas, mercredi 9 mars 1892, p. 3.

[14] J.-B. D’Onorio, « Les sectes en droit public français », J.C.P.G., 1988, 3336. B. Bardot avait également adressé une lettre le 19 mars 2019 au préfet de la Réunion dans laquelle elle dénonçait des « décapitations de chèvres et de boucs lors de fêtes indiennes tamoules » ; elle poursuivait ainsi : « Les autochtones ont gardé leurs gènes de sauvages (…) tout ça a des réminiscences de cannibalisme des siècles passés. (…) J’ai honte de cette île, de la sauvagerie qui y règne encore. ». Elle qualifiait enfin les Réunionnais de « population dégénérée encore imprégnée des coutumes ancestrales, des traditions barbares qui sont leurs souches », Le Monde, 8 octobre 2021. Une amende de 25 000 euros sera requise contre elle pour injures publiques à caractère racial et religieux.

[15] Voir E. Hardouin-Fugier, « L’abattage en Europe, du XIXème au XXIème siècle », R.S.D.A., dossier thématique « L’abattage rituel », 2/2010, pp. 253-274.

[16] Voir F. Külling : « Abattage rituel », in : Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 11 janvier 2012, [en ligne] : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/011380/2012-01-11/

[17] Voir A. Arluke et C. R. Sanders, « Le travail sur la frontière entre les humains et les animaux dans l’Allemagne nazie », Politix, dossier spécial « La question animale », 2003, pp. 17-49.

[18] Plusieurs commerces juifs sont toutefois contraints de fermer, comme la fabrique de pains azymes Rosinski, ou des boucheries rituelles. Les restaurants doivent afficher dans les établissements et sur les façades « restaurant juif, entrée interdite aux non juifs ». Voir notamment J. Laloum, « Une aryanisation paradoxale : les commerces d’alimentation dans le Marais », in A. Aglan, M. Margairaz et P. Verheyde (dir.), La caisse des dépôts et consignations, la Seconde Guerre mondiale et le XXème siècle », Albin Michel, 2003, pp. 369-394.

[19] Le Matin, 8 décembre 1942, p. 1.

[20] Décret n°64-334 du 16 avril 1964, relatif à la protection de certains animaux domestiques et aux conditions d’abattage, J.O., 18 avril 1964, p. 3485 ; suivi de l’arrêté relatif aux procédés pour l’étourdissement des animaux au moment de l’abattage et à l’agrément des types d’appareils utilisés à cette fin, J.O., 18 avril 1964, p. 3486.

[21] Les autres raisons peuvent être pour motifs de police, ou d’extrême urgence.

[22] Décret n°70-886 du 23 septembre 1970, complétant les dispositions du décret n°64-334 du 16 avril 1964 relatif à la protection de certains animaux domestiques et aux conditions d’abattage, J.O., 2 octobre 1970, p. 9178.

[23] Décret n°80-791 du 1er octobre 1980, pris pour l’application de l’article 287 du Code rural, J.O., 5 octobre 1980, p. 2326.

[24] Décret n°97-903 du 1er octobre 1997, relatif à la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort, J.O., 4 octobre 1997. Il est d’ailleurs rappelé que conformément à ce décret, le sacrifice d’un mouton le jour de l’Aïd-el-Kébir constitue un « abattage rituel » soumis au principe de l’interdiction d’abattage en dehors d’un abattoir, et qui ne peut être assimilé à une « mise à mort d’animaux lors de manifestations culturelles traditionnelles », exclue du champ d’application du décret. Dès lors, un maire ne pouvait mettre à disposition un site dérogatoire d’abattages quand bien même cette décision serait motivée par le risque de voir se développer des abattages clandestins : C.A.A., Paris, 9 mai 2001, Commune de Corbeil-Essonnes, R.F.D.A., 2001, p. 1359.

[25] D’autres textes suivront : décret n°2011-2006 du 28 décembre 2011, fixant les conditions d’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux ; Arrêté du 28 décembre 2011, relatif aux conditions d’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux.

[26] Directive 74/577/CEE du Conseil du 18 novembre 1974, relative à l’étourdissement des animaux avant leur abattage, J.O.C.E., L 316 du 26 novembre 1974 (abrogée).

[27] Ces deux textes seront d’ailleurs visés expressément par le décret de 1980.

[28] Directive 93/119/CE du Conseil du 22 décembre 1993, sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort, J.O., L. 340, 31 décembre 1993, p. 21–34.

[29] Règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009, sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort. 

[30] Cour E.D.H., 25 mai 1993, Kokkinakis c./ Grèce, Req. n°14307/88 ; Série A, n°260-A ; R.U.D.H., 1993, p. 223, chron. M. Levinet ; A.J.D.A., 1994, p. 31, chron. J.-F. Flauss ; R.T.D.H., 1994, p. 144, note F. Rigaux ; R.F.D.A., 1995, p. 573, note H. Surrel.

[31] Cour E.D.H., 27 juin 2000, Cha’are Shalom Ve-Tsedek c./ France, Req. n°27417/95, R.T.D.H., 2001, p. 185, note. J.-F. Flauss.

[32] C.J.U.E., Gr. Ch., 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisatie Pronvincie Antwerpen VZW, C-426/16, R.T.D.E., 2019, p. 395, chron. F. Benoît-Rohmer ; A.J.D.A., 2018, p. 1603, chron. P. Bonneville, e. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; Europe, n°7, juillet 2018, comm. 255, note D. Simon.

[33] Voir notamment C. Benelbaz, Le principe de laïcité en droit public français, Thèse, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2011, 591 p. ; ou encore « La liberté de religion, la laïcité et les collectivités territoriales françaises », in C. Le Bris (dir.), Les droits de l’homme à l’épreuve du local,Tome 2, Mare Martin, coll. de l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, 2020, pp. 53-86

[34] Et c’est bien ce que considèrent également les juges européens.

[35] Voir le dossier n°3 « Laï-Cités : Discrimination(s), Laïcité(s) & Religion(s) dans la Cité », Journal du Droit administratif, 2017 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/dossier-n03-lai-cites-en-partenariat-avec-les-cahiers-de-la-lcd/

[36] Décret n°97-903 du 1er octobre 1997 relatif à la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort, J.O, n°231, 4 octobre 1997, p. 14422. Il est d’ailleurs rappelé que conformément à ce décret, le sacrifice d’un mouton le jour de l’Aïd-el-Kébir constitue un « abattage rituel » soumis au principe de l’interdiction d’abattage en dehors d’un abattoir, et qui ne peut être assimilé à une « mise à mort d’animaux lors de manifestations culturelles traditionnelles », exclue du champ d’application du décret. Dès lors, un maire ne pouvait mettre à disposition un site dérogatoire d’abattages quand bien même cette décision serait motivée par le risque de voir se développer des abattages clandestins : C.A.A., Paris, 9 mai 2001, Commune de Corbeil-Essonnes, R.F.D.A., 2001, p. 1359.

[37] Directive 93/119/CE du Conseil du 22 décembre 1993, sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort, J.O., L. 340, 31 décembre 1993, p. 21–34.

[38] Ou shohet, sacrificateur.

[39] C.E., 6 février 1914, Mimoun Amar ; Rec., p. 151.

[40] Arrêté du 1er juillet 1982, portant agrément d’un organisme religieux habilitant des sacrificateurs rituels, J.O., 25 juillet 1982, p. 7039, pour la Commission rabbinique intercommunautaire, rattachée au Consistoire.

[41] C.E., 25 novembre 1994, Cha’are Shalom Ve-Tsedek, Rec., p. 509, A.J.D.A., 1995, p. 476, note P.‑J. Quillien.

[42] Arrêté du 15 décembre 1994, relatif à l’agrément d’un organisme religieux habilitant des sacrificateurs rituels, J.O., 24 décembre 1994.

[43] Arrêtés du 27 juin 1996, relatifs à l’agrément d’organismes religieux habilitant des sacrificateurs rituels, J.O., 29 juin 1996.

[44] C.E., 19 décembre 2018, M.A., n°419773, A.J.D.A., 2019, p. 9. En effet, le juge reprend les critères du service public, tels qu’ils sont notamment issus de l’arrêt APREI de 2007 : une personne privée qui assure une mission d’intérêt général, sous le contrôle de l’Administration, et dotée de prérogatives de puissance publique, est chargée de l’exécution d’un service public. Cependant, on sait que même en l’absence de telles prérogatives, cette même personne peut être considérée comme gérant un service public, si son activité poursuit un but d’intérêt général.

[45] CE., Ass., 19 juillet 2011, n°309161, Communauté urbaine du Mans – Le Mans Métropole, R.F.D.A., 2011, p. 967, concl. E. Geffray.

[46] C.E., Ass., 19 juillet 2011, Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône et M. P., R.F.D.A., 2011, p. 967, concl. E. Geffray.

[47] Sur ces points, voir C. Benelbaz, « La distinction entre cultuel et culturel », in H. Mouannès (dir.), La territorialité de la laïcité, Actes du colloque organisé le 28 mars 2018 à l’Université Toulouse 1 Capitole, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, coll. Actes de colloque de l’IFR, 2018, pp. 83-126.

[48] M. Touzeil-Divina, « Laïcité latitudinaire », D., 2011, pp. 2375-2378.

[49] C.A.A., Nantes, 20 décembre 2012, Communauté urbaine du Mans, J.C.P.A., 2013, Act. 55.

[50] Circulaire n°INTK1812775J du 14 juin 2018, concernant la célébration de la fête religieuse musulmane de l’Aïd-el-Kébir.

[51] Loi du 1er août 1905, sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et les falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles, J.O., 5 août 1905, p. 4813.

[52] J. Laloum, « Le consistoire de Paris et les commerces de bouche : l’enjeu de l’abattage rituel (années 1930-1950), Archives juives, 2014/1, pp. 57-78.

[53] C.E., 27 mars 1936, Association cultuelle israélite de Valenciennes, Rec., p. 383.

[54] T.A., Versailles, 30 décembre 2004, Société de la Brosse, A.J.D.A., 2005, p. 679, concl. P. Léglise. Dans le même sens : T.A., Cergy-Pontoise, 27 janvier 2005, J.C.P.A., 2005, 1134, concl. R. Fournalès.

[55] C.E., 5 juillet 2013, Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’abattoirs (OABA), n°361441, AJ.D.A., 2013, p. 1415.

[56] Voir la Décision n°2012-297 QPC du 21 février 2013, APPEL, selon laquelle le principe de laïcité « impose notamment le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ». Mais il « implique » que la République ne salarie aucun culte.

[57] Suite à un renvoi de la C.A.A. de Versailles.

[58] C.J.U.E., Gr. Ch., 26 février 2019, Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs, C-497/17, J.C.P.G., 4 mars 2019, 249, zoom D. Berlin ; D., 2019, p. 805, note F. Marchadier ; R.A.E.-L.E.A., 2019/1, p. 173, note O. Clerc ; Cahiers de droit européen, 2020, p. 107, note A. Peters ; Europe, avril 2019, comm. 158, note A. Rigaux.

[59] E. Forey, « L’interdiction de financer les cultes dans la jurisprudence administrative », Société, droit et religion, 2013/1, pp. 87-111.

[60] M. Afroukh, « Abattage rituel et liberté religieuse », in L. Boisseau-Sowinski (dir.), L’abattage sans étourdissement. Actes du colloque organisé par l’OM.I.J., Université de Limoges, 10 mai 2019, R.S.D.A., 2/2018, pp. 423-436.

[61] F. Marchadier, « La protection du bien-être de l’animal par l’Union européenne », R.T.D.E., 2018, pp. 251-271 ; O. Dubos et J.-P. Marguénaud, « La protection internationale et européenne des animaux », Pouvoirs, 2009/4, pp. 113-126 ; C. Vial, « La protection du bien-être animal par la Cour de justice de l’Union européenne », Revue de l’Union européenne, 2021, p. 461.

[62] Article 515-14 du Code civil.

[63] Article R. 214-69 du code rural.

[64] Voir J. Dutheil de la Rochère, « L’Union européenne et le phénomène religieux », in Mélanges en l’honneur de Camille Jauffret-Spinosi, Dalloz, 2013, pp. 293-303 ; G. Gonzalez, « La liberté de religion à l’épreuve de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne », R.T.D.E., 122/20 pp. 103-120 ; C. Benelbaz, « Le fait religieux dans l’Union européenne », in Mélanges en l’honneur de Bernard Pacteau, Cinquante ans de contentieux publics, Mare et Martin, coll. Liber Amicorum, 2018, pp. 107-120 ; voir également le Dossier n°10 « Heurts et malheurs de l’identité religieuse », Revue du droit des religions, 2020.

[65] C.J.U.E., Gr. Ch., 17 décembre 2020, Centraal Israëlitisch Consistorie van België, C-336/19, Europe, février 2021, comm. 43, note A. Rigaux ; Droit rural, mars 2021, comm. 66, note M. Cintrat ; J.C.P.G., 15 février 2021, 199, note G. Gonzalez ; R.D.L.F., 2021, chron. 8, note M. Oguey.

[66] P. Devienne, « Tribune contradictoire, la souffrance animale dans l’abattage rituel : entre science et droit », R.S.D.A., dossier thématique « L’abattage rituel », 2/2010, pp. 189-198.

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