Perspectives financières & fiscales …

ParJDA

Perspectives financières & fiscales …

par M. le pr. Vincent DUSSART,
Professeur de droit public à l’Université Toulouse 1 Capitole,
Institut Maurice Hauriou

Les relations entre l’administration fiscale
et le contribuable dans le cadre
du Code des relations entre le public et l’administration

Art. 85. S’il est une partie de l’Administration qui entretient des rapports singuliers avec le public c’est bien l’Administration fiscale. D’ailleurs, il est rare de parler « du public » dès lors qu’il s’agit du « Fisc » (si ce n’est -peut-être – pour indiquer les horaires d’ouverture des locaux de l’administration fiscale !) . La question peut, d’ailleurs, être posée de savoir si l’Administration fiscale a des usagers. En effet, les relations entre cette dernière et les personnes physiques ou morales sont très particulières. Il est plus communément admis de parler de contribuables ! Cette dernière notion n’étant d’ailleurs pas très facile à déterminer précisément. Le mot usager se trouve être d’utilisation récente en matière fiscale et pour tout dire peu employé. L’emploi de ce terme à surgi dans le cadre d’une volonté de rénovation des relations entre contribuables et administration. Il est apparu dans une politique de communication de l’administration de Bercy. Ainsi donc, en septembre 2005, Jean-François Copé, alors ministre du Budget, a présenté une « charte du contribuable (1) ». Cette dernière avait pour ambition de récapituler, selon les termes du ministre du budget de l’époque « de façon claire et synthétique », les droits et les devoirs du contribuable – devenu usager – vis-vis de l’administration fiscale. Alors que le ministre indiquait dans son avant-propos que le contribuable pourrait se prévaloir de cette Charte, la jurisprudence a adopté une position totalement contraire (CAA Paris, 29 mai 2012, req. 10PA05558, Note RJF 10/12, n° 937 ; CAA Bordeaux 1er juillet 2013, req. 12BX01912, CAA Marseille 25 novembre 2014, req. 11MA02180 ; TA Versailles 17 avril 2015, jugement n° 1101252 ; TA de Versailles, 15 décembre 2015, jugement n°1206291). La lecture de cette Charte n’est cependant pas inutile puisqu’elle reprend finalement un certain nombre de principes inscrits dans le Code des relations entre le Public et l’administration (CRPA). Ainsi, est-il rappelé, par exemple, que les fonctionnaires doivent être identifiés ou que le secret professionnel et donc fiscal doit être respecté.

Il semble, cependant, que le cadre juridique des relations administration et contribuable doive rester principalement contenu dans le Livre des procédures fiscales en raison de la nature particulière du droit fiscal formel appelé plus communément droit des procédures fiscales (2). Cependant, le CPRA n’est pas sans intérêt sur cette procédure en donnant un point d’entrée utile et pratique sur les droits du public au regard de ses obligations fiscales.

Un corpus de règles spécifiques contenu dans le livre des procédures fiscales


En effet, le droit fiscal formel, c’est à dire cette branche du droit fiscal qui régi les relations entre les contribuables et l’administration, est rigoureusement décrite et détaillée dans le Livre des procédures fiscales (LPF). On s’aperçoit, en effet, que le contribuable est un acteur reconnu de cette relation entretenue avec le fisc. Cette dernière a depuis longtemps été codifiée dans le Livre des procédures fiscales. Il faut ici rappeler que ce code issu des décrets n°81-859 et n°81-860 du 15 septembre 1981 (Sur la création de ce code voir J. Lamarque, L. Ayrault et O. Négrin, Droit fiscal général, 2014, 3ème édition, p. 154-156) traite d’abord des procédures non contentieuses relatives à l’établissement, au recouvrement de l’impôt et au contrôle de l’impôt pour ensuite évoquer les procédures contentieuses.

La relation entre le contribuable et l’administration obéit à un processus précis et étalé dans le temps. Tout part de l’imposition primitive du contribuable. Cette première phase consiste à établir le montant de l’imposition initiale du contribuable le plus souvent par une déclaration. Dès cette phase le contribuable peut entretenir des relations avec l’administration. Le contribuable peut ainsi interroger l’administration sur les modalités de son imposition notamment au moyen de rescrit lui permettant de valider un comportement fiscal. La plupart des contribuables se trouvent projetés ensuite vers la phase du recouvrement de l’impôt soit immédiat soit différé. L’ensemble des relations en matière de recouvrement sont décrites avec soin dans le Livre des procédures fiscales alors que les règles initiales d’établissement de l’impôt le sont par le Code général des impôts lui-même.

Pour combattre la présomption d’exactitude dont bénéficient les déclarations régulièrement déposées par les contribuables ou pour pallier le défaut de déclaration, l’administration fiscale dispose d’une action dite en reprise. La nécessaire perception des impôts basée sur un système déclaratif ne serait qu’illusion si l’administration fiscale n’avait pas les moyens de procéder à des contrôles fiscaux. Cependant, les droits et garanties du contribuable vérifié sont très nombreux et établis à la fois par le Livre des procédures fiscales et par une jurisprudence tatillonne. Aucune garantie particulière n’était accordée au contribuable vérifié. L’octroi de garanties spécifiques aux contribuables vérifiés (Lois « Poujade » du 14 août 1954 et du 2 avril 1955) fait coexister deux grandes prérogatives : le droit de communication (Article L. 81 du LPF) qui n’est toujours pas assorti de garanties et les deux procédures de contrôle : la vérification de comptabilité (pour les entreprises – article L 47 du LPF) et l’examen contradictoire de la situation personnelle (pour les particuliers – article L. 12 du LPF) qui sont quant à elles assorties de solides et strictes garanties.


Le système de garanties est très sophistiqué en raison du corpus envisagé. Ces garanties permettent, en réalité, de faire accepter les principes de consentement à l’impôt et de nécessité de ce dernier. La « Charte des droits et obligations du contribuable vérifié » doit être remise avant le début d’un contrôle fiscal. Elle décrit ces garanties (http://www.economie.gouv.fr/dgfip/charte-des-droits-et-obligations-contribuable-verifie). Le CRPA sera certes utile mais on doit, en fait, constater que le droit fiscal formel a su construire les garanties de la relation entre l’administration fiscale et ses « usagers ». Cependant et malgré tout, le nouveau code permet de réaffirmer un certain nombre de règles applicables aux contribuables dans leurs rapports avec le fisc.

L’apport limité et confirmatif du code des relations entre le public et l’administration au droit fiscal formel

Le CRPA n’est pas sans intérêt même si les garanties de la relation offertes par les procédures fiscales non contentieuses sont importantes et originales (Voir Publication d’un code des relations entre le public et l’Administration. Droit fiscal n° 45, 5 Novembre 2015, act. 606). On peut ainsi souligner que le CRPA pose les principes de motivation des actes administratifs qui peuvent concerner le droit fiscal. Toutes les décisions défavorables au contribuable doivent ainsi être motivées.

L’un des apports notables du CRPA en matière fiscale, comme dans d’autres domaines, est la dispense reconnue de signature d’actes de la procédure fiscale par leurs auteurs. Le Code rappelle cependant que cette absence de signature est valable dès lors que les actes concernés comportent les prénom, nom et qualité de l’auteur et la mention du service. Les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance des intéressés est normalement sans influence. On peut rappeler que les procédures fiscales et en particulier le recouvrement sont de plus en plus dématérialisés ce qui est facilité par l’absence de signature concrète. Sont ainsi visés, par exemple, les lettres de relance relatives à l’assiette ou au recouvrement, les mises en demeure de souscrire une déclaration ou d’effectuer un paiement, les avis à tiers détenteur, les saisies à tiers détenteur, adressés tant au tiers saisi qu’au redevable, etc.

Un autre apport majeur du CRPA est de préciser les règles d’accès aux documents administratifs et partant les conditions d’intervention de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Il existe des règles solides de secret fiscal. Malgré tout, le CRPA permet la communication de certains actes fiscaux. Ainsi, sont communicables les extraits de rôle ou les certificats de non-inscription au rôle, les copies d’avis de mise en recouvrement, les extraits des registres de l’enregistrement clos depuis moins de cinquante ans, les informations relatives aux immeubles situés sur le territoire d’une commune déterminée, ou d’un arrondissement pour les communes de Paris, Lyon et Marseille, ou sur un immeuble déterminé, les éléments d’information en possession de l’Administration fiscale relatifs aux valeurs foncières déclarées à l’occasion des mutations intervenues dans les cinq dernières années (Article L. 342-2, 11° et 12° du CRPA). En revanche, l’article L. 311-5 –g du CRPA précise que les documents administratifs relatifs à la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales mais aussi douanières ne sont pas communicables.

On peut donc affirmer que le CRPA ne changera pas fondamentalement les relations entre l’administration fiscale et les contribuables (on en voudra, d’ailleurs, pour preuve le faible intérêt porté par la doctrine fiscaliste pour ce nouveau code). Ces dernières resteront donc solidement fixées par les deux codes fiscaux et en particulier le Livre des procédures fiscales qui appliquait depuis longtemps certaines des garanties formulées par le CRPA.

(1) Cette charte est accessible sur le lien suivant : http://www.lexisnexis.fr/pdf/DO/charte.pdf. Elle a été très maladroitement intitulée ainsi alors qu’il existait une autre Charte dite « du contribuable vérifié » devant être remise à l’occasion de procédures de contrôle fiscal en application de l’article L. 10 du Livre des procédures fiscales. Cette dernière charte accompagne l’avis de vérification envoyé au contribuable faisant l’objet d’une vérification de comptabilité ou d’un examen contradictoire de la situation personnelle. Voir les annotations de J. Lamarque sous l’article L. 10 du livre des procédures fiscales dans le Code de procédures fiscales publié par les Edition Dalloz.

(2) Sur la matière Voir T. Lambert, Droit des procédures fiscales, Domat Montchestien, 2ème édition, 2015, J. Grosclaude et P. Marchessous, Procédures fiscales, Dalloz, 8ème édition 2016, M. Collet et P. Collin, Procédures fiscales, PUF, 2ème édition, 2014.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 02 « Les relations entre le public & l’administration » (dir. Saunier, Crouzatier-Durand & Espagno) ; Art. 85.

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À propos de l’auteur

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Le JDA (Journal du Droit Administratif) en ligne a été (re)fondé en 2015 à Toulouse. Son ancêtre le "premier" JDA avait été créé en 1853 par les professeurs Adolphe Chauveau & Anselme Batbie. Depuis septembre 2019, le JDA "nouveau" possède un comité de rédaction dirigé par le professeur Mathieu Touzeil-Divina et composé à ses côtés du Dr. Mathias Amilhat ainsi que de M. Adrien Pech.

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