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Suspension, sans surprise, des arrêtés démagogiques municipaux permettant l’ouverture des commerces a priori fermés en période pandémique

Art. 320.
Nb : le présent article est également publié sur le site de l’auteur.

par Mathieu Touzeil-Divina
Professeur de droit public, Université Toulouse 1 Capitole, Imh,
Président du Collectif L’Unité du Droit

TA de Toulouse, Ordo., 09 novembre 2020, Préfet de Tarn-et-Garonne (req. 2005497)

Suspension, sans surprise, des arrêtés démagogiques municipaux permettant l’ouverture des commerces a priori fermés en période pandémique

Le TA de Toulouse, comme de nombreux autres sur tout le territoire républicain (dont TA de Nice, ordonnance, 05 novembre 2020, Préfet des Alpes-Maritimes (req. 2004420)), vient de prendre en référé une ordonnance que tout étudiant en droit administratif de deuxième année de Licence aurait pu prévoir tant il s’agit d’une application classique et, sans surprise, des normes prétoriennes assises en matière de concours de polices administratives spéciale et générale (cf. CE, Sect., 18 décembre 1959, Sarl Les Films Lutétia & alii ; rec. 693). En l’espèce, parallèlement à un déféré préfectoral demandant l’annulation d’un arrêté du maire de Montauban autorisant, à compter du 31 octobre 2020, le « maintien de l’ouverture des commerces non-alimentaires » de la commune, le préfet du Tarn-et-Garonne a formé un référé suspension fondé sur l’art. L. 2131-6 (alinéa 3) Cgct lui permettant de ne pas avoir à démontrer la condition d’urgence de sa demande, ce qu’a acté – sans difficulté – le juge toulousain. Restait alors à discuter – pour emporter la suspension – l’existence d’un « doute sérieux » quant à la légalité de l’acte déféré. Pour se faire, le juge va opérer un raisonnement en quatre temps dont seul le premier suffisait et l’on pourra donc s’interroger sur la pertinence, plus pédagogique que juridique, des quatre autres qui intéressent davantage le fond de la légalité que la suspension demandée.

Dans un premier temps, en effet, appliquant la jurisprudence préc. des films Lutétia mise à jour par CE, Ord. 17 avril 2020, Commune de Sceaux (req. 440057) (et nos obs. au Journal du Droit administratif ; en ligne ; art. 292), le juge rappelle qu’en application de la Loi du 23 mars 2020, a été instituée une nouvelle police spéciale aux mains, principalement, du premier ministre et que c’est dans ce cadre qu’a été pris un décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020, déjà modifié, ordonnant non seulement un confinement relatif des populations françaises mais encore la fermeture de toutes les activités considérées comme non-essentielles aux fins de freiner la propagation pandémique en cours.

A ce titre, l’art. 37 dudit décret a précisé la liste des commerces autorisés, par exception, à rester ouverts. Toutefois, malgré cet article, la mairie litigieuse a décidé de permettre, dans sa commune, l’ouverture d’autres commerces que ceux strictement listés en se fondant sur un motif principal (outre une question démagogique et politique non discutée sous ce cadre) : l’atteinte à la concurrence qu’implique l’ouverture de grandes surfaces et de commerces en ligne alors que ces derniers vendent également des produits que l’on retrouve dans les plus petits établissements considérés comme non-essentiels. Alors, répond le juge toulousain, « La police spéciale instituée (…) ne permet au maire que de prendre au titre de son pouvoir de police générale des mesures supplémentaires de restriction » mais ce, à la condition « que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable » (ce qui est l’application classique de la jurisprudence dite des films Lutétia). Et d’ajouter, de façon critiquable et surabondante selon nous comme dans l’ordonnance Comm. de Sceaux préc., que le maire en agissant ainsi ne doit par ailleurs pas « compromettre la cohérence et l’efficacité » nationale des mesures étatiques de police spéciale.

Or, en l’espèce, l’arrêté municipal n’ayant pas aggravé les mesures de police spéciale mais cherché à les adoucir en se fondant « sur des considérations économiques tenant à l’existence d’une concurrence déloyale entre les petits commerçants et les grandes plateformes numériques de commande en ligne », il ne pouvait qu’être suspendu (ce qui est acté). La commune a par ailleurs convenu « que la rupture d’égalité entre les petits commerces et les supermarchés et hypermarchés » avait désormais disparu depuis la modification du décret litigieux le 02 novembre suivant (les grandes surfaces n’étant plus autorisées à vendre ce que les commerces non-essentiels proposent à l’instar des jouets ou de la librairie).

Tout aurait certainement pu et du s’arrêter là (puisque le doute sérieux sur la légalité de l’arrêté municipal était entendu) mais le juge toulousain a ajouté trois autres considérations. D’abord, il a relevé qu’il n’existait effectivement pas de définition juridique ou normative des biens et/ou activités « non-essentiels » mais il a néanmoins pris soin de considérer qu’il ne s’agissait pas des commerces « vendant les produits les plus essentiels (sic) concernant tant l’alimentation, que le fonctionnement des secteurs économiques dont l’activité reste autorisée pendant le confinement ». Autrement dit, selon le juge, sont essentiels les biens « essentiels » ce qui n’est objectivement pas discutable mais ne définit pas vraiment davantage.

Par ailleurs, au fond, le juge (s’avançant sur le travail d’analyse de la légalité de l’acte déféré) relève que s’il existe effectivement un traitement différencié et, partant, une rupture d’égalité au regard du droit de la concurrence entre les petits commerces, les grandes surfaces et les plateformes en ligne, elle « est justifiée par la différence de situation objective entre les modes de vente » et conséquemment la présence rassemblée, ou non, de public, diminuant ainsi les chaînes de propagation pandémique.

Enfin, le juge conclut (mais là encore il n’était pas obligé de l’écrire dans le cadre d’une stricte suspension de l’arrêté municipal) qu’à ses yeux la mesure de police spéciale et nationale litigieuse est tout à fait proportionnée à la menace impactant la salubrité publique car « eu égard à la nette aggravation de la crise sanitaire, le prononcé d’une mesure de fermeture de certains commerces, rendue possible uniquement aux fins de lutter contre la propagation du virus est une mesure qui, en l’état de l’instruction, n’est pas manifestement injustifiée par la situation sanitaire spécifique qui prévaut sur le territoire national ».

En conclusion, même si l’on peut imaginer (et presque entendre) que les célèbres tontons flingueurs Montalbanais (du film de Lautner) auraient pu dire qu’on « ne devrait jamais quitter » (le centre-ville de) « Montauban » pour ne faire ses achats qu’en ligne ou en grandes surfaces, la décision ici présentée ne présente – justement – aucune nouveauté. Heureusement, aucun des acteurs au présent procès, ne se prénomme Raoul, a priori. Restera, par suite, à disséminer « façon puzzle » – et enfin – ce maudit coronavirus.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2020 ;
Art. 320.

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ParJDA

Jugement du TA de Toulouse (20 février 2020)

Art. 285.

Première chronique Droit(s) de la Santé – février 2020

Nous commençons cette chronique avec une affaire, classique, de responsabilité hospitalière, dans la lignée des solutions jurisprudentielles  qui y sont traditionnellement appliquées, tant en matière d’identification de la faute que de détermination des préjudices.

Il s’agit du jugement du TA de Toulouse en date du 20 février 2020 (req. n° 1701630) rendu sous les conclusions de M. le rapporteur Jean-Charles Jobart.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE TOULOUSE
N° 1701630
M. E
M. F. Jozek Rapporteur
M. J-C Jobart
Rapporteur public
Audience
du 23 janvier 2020 Lecture
du 20 février 2020
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Toulouse   2ème Chambre

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, respectivement enregistrés le 7 avril 2017, le 17 octobre 2018 et le 12 juin 2019, M. E, représenté par Me B, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Castres Mazamet à lui verser la somme totale de 227 334,39 euros, avec intérêts de droit à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable, et ce, en réparation des préjudices qu’il estime avoir subis à la suite de sa prise en charge et des interventions chirurgicales des 18 novembre 2013 et 29 septembre 2014 ;

2°) de mettre à la charge du CHI de Castres Mazamet les entiers dépens ainsi que la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– en 2013, à la suite d’un diagnostic de fracture de « Hill Sachs » à l’épaule droite, d’une tendinite du biceps avec une irrégularité des tendons sus et sous épineux ainsi que d’un épanchement dans la bourse sous acromiale, il a été reçu en consultation au CHI de Castres Mazamet où a été préconisée la réalisation d’une butée coracoïdienne vissée et d’une capsulorraphie avec réinsertion du muscle sous scapulaire ;

– à la suite de l’intervention qui s’est déroulée le 18 novembre 2013, il a ressenti de vives douleurs dans l’épaule droite ; il a subi, sur diagnostic du docteur F, une seconde intervention au CHI de Castres Mazamet afin de réaliser une acromioplastie, une ténodèse de la longue portion du biceps et l’ablation de la vis du matériel d’ostéosynthèse ; dès le 20 novembre 2014, le Dr F a constaté qu’il souffrait de dysesthésies importantes dans la partie antérieure de son épaule avec des douleurs irradiantes ;

– le CHI a commis une faute dans le choix du traitement qu’il lui a été appliqué, soit que ce choix révèle une erreur de traitement ou la réalisation d’un acte médical qui n’était pas nécessaire au vu du problème à traiter ; en effet, d’après l’expert, le choix d’une première intervention consistant en la réalisation d’une « butée coracoklienne vissée, d’une capsulorraphie et d’une réinsertion du muscle sous-scapulaire » n’était pas médicalement justifiée dès lors qu’il ne présentait pas de luxation récidivante ;

– il n’a pas été informé des risques des interventions chirurgicales, de sorte qu’il n’a pu y consentir de façon éclairée ; 

– le centre hospitalier a commis une faute dans le suivi post-opératoire de l’intervention du 18 novembre 2013 ; l’expert retient en effet que le suivi postopératoire a été négligé puisque ce n’est que le 27 juillet 2014, soit plus de huit mois après l’intervention chirurgicale, que le Dr F envisage un lien entre la vis de la butée et ses douleurs ; une prise en charge précoce aurait permis d’échapper aux séquelles irréversibles, ou à tout le moins, de les réduire considérablement ;

– si l’expert valide l’intervention consistant à retirer la vis de la butée, dès lors qu’elle avait bougé et pouvait être la cause des algies du patient, il conteste en revanche le bien-fondé de l’arthroscopie pour acromioplastie et la ténodèse du biceps ce d’autant qu’aucun examen clinique ne corroborait ces gestes et qu’ils étaient en contradiction avec l’avis émis par le rhumatologue ; le CH a dès lors commis une faute en réalisant des opérations non indiquées médicales et lui a ainsi fait perdre une chance d’éviter la survenue d’une algodystrophie réflexe ;

– contrairement à ce qu’a retenu l’expert, le CHI devra être condamné à indemniser l’ensemble des conséquences dommageables des fautes retenues dès lors qu’il a subi une première intervention inutile voire contre-indiquée qui a été la source de toutes les complications ultérieures ;

-il a engagé des frais divers au titre des frais de déplacement exposés en raison des interventions subies, des soins et des expertises médicales et il devra lui être alloué à ce titre une indemnité forfaitaire de 1 000 euros ;

– auxiliaire de soins 1ère classe pour l’EHPAD Les Moulins à Puylaurens, il a été placé en arrêt de travail pendant un an trois mois et douze jours en raison des interventions subies et a été rémunéré sur la base d’un demi-traitement pour la période allant du 4 octobre 2014 au 8 juillet 2015 ; sa perte de revenus est en conséquence de 6 094,96 euros nets ;

– en raison d’une importante limitation de la mobilité de l’épaule droite, membre dominant, il ne pourra plus exercer son métier d’aide-soignant en EHPAD qui nécessite des contraintes physiques puisqu’il faut porter du poids, soulever et aider des patients ; il a été reconnu inapte de façon totale et définitive à ses fonctions d’auxiliaire de soins et son poste de travail n’a pas pu être aménagé ; il est aujourd’hui reconnu travailleur handicapé et son reclassement est incertain ; il est donc à ce titre fondé à être indemnisé de ses pertes de revenus futurs et de l’incidence professionnelle constituée par la perte de son poste d’aide soignant ; il lui sera alloué en réparation de ces chefs de préjudices la somme totale de 230 641,20 euros ;

– la limitation de ses mouvements au niveau de son membre supérieur droit entraîne l’obligation d’acquérir et d’utiliser désormais une voiture équipée d’une boîte à vitesses automatique dont le coût est estimé, par devis, à 6 834,80 euros ; cet équipement devra être renouvelé tous les cinq ans pour une somme de 2000 euros à chaque renouvellement ; étant âgé de 39 ans, lors d’un renouvellement dans cinq ans, il sera âgé de 44 ans ; à compter de cette date, un renouvellement tous les cinq ans sera indemnisé par une somme capitalisée de 2.000 euros /  5 ans x 28.499 euros de rente viagère pour un homme de 44 ans selon le barème publié par la Gazette du Palais en avril 2016 soit 11 399,60 euros ; il est donc fondé à obtenir une somme totale de 18.234,40 euros en réparation de ce chef de préjudice ;

– du fait des fautes commises par le CHI, il ne peut plus terminer le travail de rénovation qu’il avait engagé sur une maison ancienne à Labruguière ; selon l’estimation des travaux restants à accomplir, il est fondé à obtenir une somme de 42 041,96 euros en réparation de ce préjudice ;

– son déficit fonctionnel temporaire a été évalué à 25 % (classe III) par l’expert pour les périodes allant du 27 mars 2014 au 27 juillet 2014 et du 1er janvier 2015 au 8 juillet 2015 soit 7 mois et une semaine ; il peut prétendre à ce titre à l’allocation d’une indemnité de 9 232,25 euros ;

– ses souffrances, évaluées à 2,5 sur une échelle de 7, seront réparées par l’octroi d’une somme de 7 000 euros ;

– son déficit fonctionnel permanent, estimé à 20 %, sera indemnisé à hauteur de 33 000 euros ;

– il subit un préjudice esthétique de l’ordre de 1/7, indemnisable à hauteur de 1 500 euros ;

– avant la réalisation des fautes du CHI, il pratiquait la musculation régulièrement et ne ressentait aucune gêne pour les activités sportives nécessitant une mobilisation du bras droit ; il subit un préjudice d’agrément et des troubles dans ses conditions d’existence pour lesquels il devra être indemnisé à hauteur de 10 000 euros.

 La requête a été communiquée à la Caisse primaire d’assurance maladie du Tarn qui n’a pas produit de mémoire.

Par un mémoire enregistré le 20 mai 2019, l’établissement d’hébergement pour personnes âgés dépendantes (EHPAD) « Les Moulins », représenté par Me T, demande au tribunal de condamner le CHI de Castres Mazamet à lui verser la somme totale de 39 160,43 euros et de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– la responsabilité du CHI de Castres Mazamet ne fait aucun doute à la lecture du rapport de l’expert judiciaire, lequel retient la survenance de négligences et d’erreurs dans la prise en charge de M. E lors des deux opérations chirurgicales ;

– du fait de ces fautes, l’intéressé n’a pu exercer ses fonctions d’aide-soignant titulaire au sein de l’EHPAD ; l’ensemble des salaires ont été maintenus durant toute sa période d’indisponibilité au travail ;

– pour une première période allant du 27 mars 2014 au 8 juillet 2015, date de la consolidation médico-légale déterminée par l’expert, l’établissement a versé au requérant une somme totale de 21 040,75 euros comprenant le montant de ses entiers traitements du 27 mars au 4 octobre 2014 puis un demi-traitement à compter de cette date ; pour une seconde période du 9 juillet 2015 au 20 avril 2016, l’EHPAD justifie avoir versé un demi-traitement au requérant pour un montant total de 7 700,11 euros ; pour ces deux périodes, les charges patronales s’élèvent respectivement aux montants de 8 189,45 euros et 2 230,12 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 septembre 2017 et le 13 juin 2019, le CHI de Castres Mazamet, représenté par la SCP  D, conclut au rejet de la requête de M. E et des conclusions présentées par l’EHPAD « Les Moulins ».

Il fait valoir que la preuve de sa responsabilité n’est pas rapportée dans les écritures de M. E et de l’EHPAD « Les Moulins ».

Par une ordonnance en date du 17 juin 2019, la clôture de l’instruction a été définitivement fixée au 30 juillet 2019.

Vu :

– l’ordonnance n° 1504319 du 13 octobre 2015 par laquelle le juge des référés du tribunal de céans a ordonné une expertise contradictoire ;

– le rapport d’expertise du docteur d’A du 21 décembre 2015 ;

– les autres pièces du dossier.

Vu :

– l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l’Etat et de certaines autres personnes publiques ;

– le code de la santé publique ;

– le code de la sécurité sociale ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 23 janvier 2020 :

– le rapport de M. Jozek,

– les conclusions de M. Jobart, rapporteur public,

– les observations de Me F, représentant le CHI de Castres Mazamet, qui demande le renvoi de l’affaire.

Le CHI de Castres-Mazamet a produit une note en délibéré le 23 janvier 2020 qui n’a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. E est né le 15 mai 1978. A la suite de douleurs ressenties au niveau de son épaule droite, il a consulté le docteur F au sein du CHI de Castres Mazamet le 11 octobre 2013. Le 18 novembre suivant, il y a subi une opération consistant en la réalisation d’une butée coracoïdienne vissée, une capsulorraphie et une réinsertion du muscle sous scapulaire. Les consultations post-opératoires ont mis en évidence un recul de la vis de synthèse, responsable de l’apparition de nouvelles douleurs chez M. E.  Il a été admis au CHI de Castres Mazamet le 29 septembre 2014 afin que soit réalisée une intervention chirurgicale consistant en une ablation de la vis, une acromioplastie et une ténodèse de la longue portion du biceps. Par la requête susvisée, il demande au tribunal de condamner le CHI de Castres Mazamet à l’indemniser des préjudices qu’il estime avoir subis du fait d’une succession de fautes médicales commises par cet établissement à l’occasion de sa prise en charge.

Sur la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet :

2. Aux termes du I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé (…), ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. (…) ».

 3. Dans l’hypothèse où un accident médical est à l’origine de conséquences dommageables et où la faute commise par une personne mentionnée au I de l’article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d’échapper à l’accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe alors à l’hôpital doit être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue.

4. M. E a ressenti des douleurs à l’épaule droite à l’occasion d’une luxation en 2000 puis à compter de l’année 2012 après avoir effectué un mouvement circulaire en procédant au nettoyage d’une table. Sur la base d’une échographie, d’un examen radiologique et d’une IRM, le chirurgien orthopédique du CHI de Castres Mazamet, a décidé de procéder à une intervention chirurgicale le 18 novembre 2013 consistant en la réalisation d’une butée coracoïdienne vissée, d’une capsulorraphie et d’une réinsertion du muscle sous scapulaire. Des douleurs étant réapparues au niveau de l’épaule, le chirurgien a alors diagnostiqué un déplacement de la vis du matériel d’ostéosynthèse et a procédé, dans cet établissement, à une nouvelle intervention, le 29 septembre 2014, consistant en une ablation de vis, une acromioplastie et une ténodèse de la longue portion du biceps. A la suite de cette intervention, M. E a souffert d’une impotence de l’épaule limitant la mobilisation de son membre ainsi que d’une algodystrophie entraînant des douleurs persistantes. Son état a été considéré comme consolidé au 8 juillet 2015 et l’intéressé présente à ce jour « une raideur de l’épaule droite chez un droitier avec une limitation de l’élévation, de l’abduction et de l’antépulsion à 85 degrés ».

 5. Il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expert désigné par le juge des référés, que l’intervention effectuée le 18 novembre 2013 au CHI de Castres Mazamet a conduit à l’apparition de nouvelles douleurs au niveau du membre supérieur droit de M. E, directement causées par la position de la vis du matériel d’ostéosynthèse mis en place lors de cette opération, qui a dès lors nécessité une seconde chirurgie réalisée au centre hospitalier afin de procéder à l’ablation de la vis. Il résulte de l’instruction qu’au vu des douleurs ressenties par M. E au cours de l’année 2013, l’ayant conduit à prendre un congé de maladie, l’intervention du 18 novembre 2013, qui a été réalisée conformément aux règle de l’art, était indiquée, en dépit des faibles antécédents médicaux du requérant, lequel n’avait présenté que deux épisodes douloureux au niveau de l’épaule droite en 2000 et en 2012. En outre, si le requérant soutient qu’il n’a pu consentir de façon éclairée à cette opération, il résulte des termes mêmes de l’expertise qu’un document l’informant des complications générales de la chirurgie orthopédique lui a été remis le 11 octobre 2013 par le chirurgien orthopédiste du centre hospitalier et qu’il a signé ce document. En revanche, il résulte des conclusions de l’expert que le suivi post opératoire de M. E a été effectué de manière négligente au regard de la découverte tardive de la butée de la vis.  Enfin, il résulte également du rapport de l’expert que si l’ablation de la vis réalisée le 29 septembre 2014, responsable du syndrome douloureux post opératoire, était nécessaire, tel n’était pas le cas de la réalisation d’une arthroscopie, également effectuée lors de cette intervention, dont l’indication paraissait « très discutable » au vu de l’état de l’épaule de M. E.

6. Ainsi, il résulte de l’instruction que si le choix initial du chirurgien de pratiquer l’intervention du 18 novembre 2013 n’était pas fautif, le CHI de Castres Mazamet a commis un manquement dans le suivi post opératoire en ne découvrant que tardivement le recul de la vis du matériel d’ostéosynthèse. Ce retard de diagnostic de la complication opératoire constitue donc une faute médicale de nature à engager entièrement la responsabilité du centre hospitalier à raison des seuls préjudices en résultant. Par ailleurs, il résulte également de l’instruction et en particulier du rapport de l’expert que le praticien hospitalier a commis une faute médicale en pratiquant lors de la seconde opération une acromioplastie et une ténodèse, lesquelles étaient contre-indiquées au vu de l’état de santé du patient, mais que cette faute n’est à l’origine que d’une perte de chance de 75% de se soustraire au risque d’algodystrophie qui s’est réalisé.

Sur les préjudices :                

En ce qui concerne les préjudices résultant du retard fautif de diagnostic :

S’agissant des pertes de gains professionnels :

7. M. E a été placé en congé de longue maladie dès le 4 octobre 2013, soit antérieurement à la première intervention chirurgicale, au CHI de Castres Mazamet le 18 novembre 2013. Toutefois, il résulte de l’instruction que lors de la visite post-opératoire du 12 décembre 2013, le CHI de Castres Mazamet aurait dû prescrire un arthroscanner au vu des douleurs présentées par M. E qui aurait montré le recul de la vis et pratiquer en conséquence une ablation immédiate de la vis ce qui n’aurait engendré qu’un déficit fonctionnel de trois mois. Ainsi, l’état de santé du requérant aurait dû être consolidé au maximum au mois de mai 2014, et non le 8 juillet 2015. Le requérant aurait dû être reconnu apte à reprendre son travail en mai 2014. Il a donc subi, du fait des fautes commises par le CHI de Castres-Mazamet, des pertes de gains professionnels entre le 1er mai 2014 et le 8 juillet 2015. Ainsi, et dès lors que M. E a reçu un plein traitement de 1 412,58 euros nets jusqu’au 4 octobre 2014 puis a été placé en situation de mi-traitement à compter de cette date jusqu’au 8 juillet 2015, ce chef de préjudice devra être fixé à 5 927, 99 euros.

S’agissant du déficit fonctionnel temporaire :

8. Il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise que M. E a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 25 %, en lien avec le retard fautif de diagnostic. Il sera fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 1 600 euros.

En ce qui concerne les préjudices résultant de la faute commise lors de la seconde intervention :

S’agissant de l’incidence professionnelle :

9. Il résulte de l’instruction que M. E, alors âgé de 36 ans et exerçant la profession d’aide-soignant depuis l’année 2007, a dû, en raison de l’algodystrophie résultant de la seconde opération, renoncer à poursuivre ses fonctions et envisager un reclassement sur un poste adapté à son état de santé. Il sera fait une juste appréciation de l’incidence professionnelle en l’évaluant à 60 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance retenu au point 3 du présent jugement, il y a lieu de condamner le CHI de Castres-Mazamet à verser à ce titre à M. E une indemnité de 45 000 euros.

S’agissant des frais divers :

10. M. E ne produit aucune pièce permettant de justifier de l’engagement des frais de déplacement allégués pour se rendre au CHI de Castres Mazamet. S’il fait valoir également que l’importante limitation de son membre supérieur droit induit la nécessaire acquisition d’une voiture équipée d’une boîte à vitesses automatique, il n’établit pas avoir engagé des frais à ce titre en se bornant à produire un devis de véhicule. Il en va de même, en l’absence de justificatifs, quant à sa demande tendant à l’indemnisation du préjudice lié aux frais de travaux dans sa maison d’habitation qu’il ne pourrait plus, du fait du dommage subi, rénover lui-même.

S’agissant des souffrances endurées et du préjudice esthétique :

11. Il résulte de l’instruction que M. E a enduré les souffrances évaluées par l’expert à 2,5 sur une échelle allant de 1 à 7. Par ailleurs l’expert estime le préjudice esthétique, résultant de l’arthroscopie pour acromioplastie, à 1 sur une échelle allant de 1 à 7. Ainsi, en tenant compte du taux de perte de chance de 75%, il sera fait une juste appréciation de l’indemnité due à ce titre par le CHI de Castres-Mazamet en l’évaluant à la somme totale de 2 900 euros.  

S’agissant du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d’agrément :

12. Il résulte également de l’instruction, notamment du rapport de l’expert, que M. E reste atteint d’un déficit fonctionnel permanent de 20 % et a subi un préjudice d’agrément du fait de l’impossibilité pour lui de pratiquer la musculation et d’une gêne pour toute activité physique mobilisant le bras droit. Compte tenu de l’âge du requérant, il en sera fait une juste appréciation en condamnant le CHI de Castres-Mazamet à lui verser une indemnité de de 30 000 euros, après application du taux de perte de chance de 75 %.

13. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier intercommunal de Castres Mazamet doit être condamné à verser la somme de 85 427, 99 euros à M. E, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2016, date de réception de sa demande indemnitaire préalable.

Sur les conclusions de l’EHPAD « Les Moulins » :

14. Aux termes de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, l’Etat dispose de plein droit à l’encontre du tiers responsable du décès, de l’infirmité ou de la maladie de l’un de ses agents, d’une action subrogatoire en remboursement « de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l’infirmité ou de la maladie ». L’article 2 de cette ordonnance ajoute que cette action subrogatoire est en principe exclusive de toute autre action de l’Etat contre le tiers responsable. Toutefois, par dérogation à ces dernières dispositions, l’article 32 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation ouvre à l’Etat, en sa qualité d’employeur, une action directe contre le responsable des dommages ou son assureur afin de poursuivre le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à l’agent pendant la période d’indisponibilité de celui-ci. Enfin, selon les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°59-76 : « Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux recours exercés par : / (…) / 2° Les établissements publics à caractère administratif ».

15. Il résulte des éléments du dossier que l’EHPAD « Les Moulins », établissement public employeur de M. E, a exposé au titre des charges patronales une somme de 6164,10 euros pendant la période d’indisponibilité de M. E en lien avec les fautes commises à compter du mois de mai 2014 jusqu’au 8 juillet 2015, date de consolidation de son état de santé, ainsi qu’une somme de 17 063,21 euros au titre des traitements versés pour cette même période. En outre, à compter du 9 juillet 2015 et jusqu’au 20 avril 2016, l’EHPAD justifie avoir versé un demi-traitement au requérant, lequel n’a pu reprendre ses fonctions d’aide soignant et n’a pu être reclassé par son employeur sur un poste adapté. Ainsi, l’EHPAD a exposé pour cette période une somme de 5 134, 57 euros au titre des charges patronales et une somme de 11 198,04 euros au titre du traitement de son agent. Compte tenu d’une part de ce que M. E n’a pas présenté de demande d’indemnisation d’une perte de revenus pour cette période et d’autre part du taux de perte de chance de 75% retenu au point 6, l’EHPAD a droit pour cette période au versement d’une somme de 12 249,45 euros. Le CHI de Castres-Mazamet doit donc être condamné à rembourser à l’EHPAD Les Moulins la somme totale de 35 476,76 euros.

Sur les frais liés au litige :

En ce qui concerne les frais d’expertise :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre les frais de l’expertise ordonnée par le juge des référés et liquidés et taxés à la somme totale de 1 200 euros à la charge définitive du centre hospitalier intercommunal de Castres Mazamet.  

En ce qui concerne l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

            17. Dans les circonstances de l’espèce, il y lieu de condamner le centre hospitalier intercommunal de Castres Mazamet, partie perdante à la présente instance, à verser à M. E la somme de 1 500 euros et à verser à l’EHPAD Les Moulins la somme de 1 500euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1: Le centre hospitalier intercommunal de Castres Mazamet versera à M. E une somme de 85 427,99 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2016.

Article 2 : Le centre hospitalier intercommunal de Castres Mazamet versera à l’EHPAD Les Moulins une somme totale de 35 476,76 euros.

Article 3 : Les frais d’expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros sont mis à la charge du centre hospitalier intercommunal de Castres Mazamet.

Article 4 : Le centre hospitalier intercommunal de Castres Mazamet versera à M. E une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le centre hospitalier intercommunal de Castres Mazamet versera à l’EHPAD Les Moulins une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. E, au centre hospitalier intercommunal de Castres Mazamet, à l’établissement d’hébergement pour personnes dépendantes Les Moulins et à la caisse primaire d’assurance maladie du Tarn.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
« Jugement du TA de Toulouse (20 février 2020) »
in Journal du Droit Administratif (JDA), 2020 ;
Actions & réactions au Covid-19 ; Art. 285.

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ParJDA

Conclusions de M. Jobart sous TA de Toulouse, 20 février 2020

Art. 286.

Première chronique Droit(s) de la Santé – février 2020

Nous commençons cette chronique avec une affaire, classique, de responsabilité hospitalière, dans la lignée des solutions jurisprudentielles  qui y sont traditionnellement appliquées, tant en matière d’identification de la faute que de détermination des préjudices.

Il s’agit du jugement du TA de Toulouse en date du 20 février 2020 (req. n° 1701630) rendu sous les conclusions de M. le rapporteur Jean-Charles Jobart.


En 2013, M. E. s’est vu diagnostiquer une fracture de Hill Sachs, une tendinite du biceps avec une irrégularité des tendons sus et sous épineux ainsi qu’un épanchement dans la bourse sous acromiale. Il a été reçu le 11 octobre 2013 en consultation par le docteur F., chirurgien orthopédiste au centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet, qui a préconisé une butée coracoïdienne vissée et une capsulorraphie avec réinsertion du muscle sous scapulaire, opérations réalisées le 18 novembre 2013. Les semaines passant, M. E. s’est plaint de douleurs très vives dans l’épaule droite. Le 27 mars 2014, une radiographie a mis en évidence un recul de la rondelle sur la tête de vis d’environ 1 cm. Sur la base des résultats d’un arthroscanner, réalisé le 22 août 2014, le docteur F. a constaté la bonne tenue de la butée malgré un recul de la vis d’ostéosynthèse, mais également des signes de ténosynovites de la longue portion du biceps, ce qui a conduit le docteur F. à réaliser une nouvelle intervention chirurgicale consistant en une acromioplastie, une ténodèse du biceps et une ablation du matériel d’ostéosynthèse, opération réalisée le 29 septembre 2014. En consultation post opératoire le 20 novembre 2014, le docteur F. a constaté d’importantes dysesthésies dans la partie antérieure de l’épaule de son patient avec des douleurs irradiantes.

M. E. estimant que l’opération du 18 novembre 2013 n’était pas indiquée, qu’il n’a pas été informé de ses risques, que son suivi postopératoire a été insuffisant et que la seconde opération était en partie inutile, vous demande de condamner le centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet à lui verser 227 334, 39 euros.

Vous le savez, la responsabilité d’un centre hospitalier peut être engagée sur le fondement des articles L. 1110-5 et L. 1142-1 du code de la santé publique en cas de commission d’une faute simple qui peut consister, notamment, en un retard de diagnostic (CE 16 novembre 1998 Mlle Reynier, n°178585, au Recueil) ou un choix thérapeutique erroné (CE 10 avril 2009 Hospices civils de Lyon, n°301443, aux Tables ; CE 8 août 2008, Assistance publique de Marseille c. Varela de Pina, 272033, aux Tables).

Lors de sa première consultation au centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet, M. Estève ne présentait pas de luxation chronique, contrairement à ce qu’indique le médecin dans son compte-rendu de consultation, et n’avait qu’un discret épanchement dans la bourse sous acromiale. Or, l’expert note qu’il est d’usage d’attendre plusieurs récidives et un syndrome du bourrelet glénoïdien avant d’opérer ou, à défaut, il faut que les épisodes douloureux gênent particulièrement le patient. Toutefois, M. E. a ressenti des douleurs au cours de l’année 2013 qui l’ont conduit à prendre un congé maladie à compter du 4 octobre 2013 car il ne pouvait plus exercer ses fonctions d’aide-soignant. Le choix de recourir à la première intervention chirurgicale du 18 novembre 2013 se justifiait donc et le centre hospitalier n’a pas commis de faute à ce stade.

Vous ne retiendrez pas non plus le défaut d’information sur les risques de cette première intervention en violation de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, l’expert judiciaire relevant qu’un consentement éclairé a été signé par le requérant et était en l’espèce suffisant.

En revanche, l’expert judiciaire relève que le centre hospitalier a négligé le suivi post opératoire de cette intervention en ne découvrant que tardivement le recul de la vis. Lors de la visite post-opératoire du 12 décembre 2013, un arthroscanner aurait dû être prescrit au vu des douleurs présentées par M. E., examen qui aurait montré le recul de la vis et aurait conduit à pratiquer une ablation de la vis, n’engendrant ainsi qu’un déficit fonctionnel de 3 mois. Ainsi, l’état de santé de M. E. aurait dû être consolidé au maximum en mai 2014, et non le 8 juillet 2015.

S’agissant de la seconde intervention consistant en l’ablation de la vis, en la réalisation d’une acromioplastie et une ténodèse du biceps, l’expert note que seule l’ablation du matériel d’ostéosynthèse était nécessaire. Il résulte du même rapport d’expertise qu’en l’absence de l’acromioplastie et de la ténodèse, le requérant aurait eu environ 75 % de se soustraire au risque d’algodystrophie qui s’est réalisé.

Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue (CE Sec., 21 décembre 2007, CH de Vienne, n°289328, au Recueil). Vous pourrez donc indemniser les préjudices de M. E. liés à l’algodystrophie à hauteur de 75 %. A l’inverse, les préjudices résultant du retard de diagnostic devront être intégralement indemnisés.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux, M. E. a subi des pertes de gains professionnels du fait d’arrêts de travail du 27 mars 2014 au 27 juillet 2014, puis du 1er janvier 2015 au 8 juillet 2015. Il n’a été rémunéré qu’à demi-traitement sur la période du 4 octobre 2014 au 8 juillet 2015 soit pendant 9 mois et 4 jours. En l’absence de retard de suivi postopératoire, son état aurait dû être consolidé au 1er mai 2014. Vous indemniserez donc ses pertes de gains professionnels d’un demi-traitement entre le 1er mai 2014 et le 8 juillet 2015, soit 5 927,99 euros.

A la suite de la seconde opération, M. E. reste atteint d’une limitation de la mobilité de l’épaule droite, membre dominant. En conséquence, il ne pourra plus exercer son métier d’aide-soignant. Ainsi, il a été reconnu, à 39 ans, inapte de façon totale et définitive à ses fonctions d’auxiliaire de soins, son poste de travail ne pouvant être aménagé. Compte tenu du taux de perte de chance de 75 %, vous pourrez faire une juste appréciation du préjudice lié à l’incidence professionnelle en l’évaluant à 45 000 euros.

Enfin, M. E. explique qu’il doit désormais acquérir et utiliser une voiture équipée d’une boîte à vitesses automatiques. S’il produit un devis pour l’équipement de sa voiture de 6 834, 80 euros, M. E. ne justifie pas de la réalité de ce chef de préjudice. De même, s’il soutient qu’il ne peut plus terminer le travail de rénovation qu’il avait engagé sur une maison ancienne à Labruguière et sollicite pour cela 42 041, 96 euros, la réalité de ce préjudice n’est pas établie par les photographies produites. Enfin, le requérant sollicite une somme forfaitaire de 1 000 euros pour des frais de déplacement au centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet, pour le coût des soins engendrés par les complications post opératoires ainsi qu’aux opérations d’expertise, mais en l’absence de tout justificatif détaillant ces frais, vous ne pourrez les indemniser.

En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux, M. E. a subi, du fait du retard de diagnostic, un déficit fonctionnel temporaire évalué à 25 % du 1er mai 2014 au 27 juillet 2014 que vous pourrez indemniser à 100 % à la somme de 1 600 euros.

Il a également enduré des souffrances évaluées à 2,5 / 7 par l’expert en raison de l’algodystrophie. Vous pourrez indemniser ce préjudice à 1 400 euros, compte tenu du taux de perte de chance de 75 %.

Le requérant a subi un préjudice esthétique évalué à 1 / 7 du fait de trois cicatrices dues à l’arthroscopie pour acromioplastie, opération réalisée le 30 septembre 2014 et estimée non nécessaire. Vous pourrez évaluer ce préjudice à 1 500 euros et l’indemniserez à 100 %.

Enfin, M. E. subit un préjudice d’agrément du fait de l’impossibilité de pratiquer la musculation et d’une gêne pour toute activité sportive nécessitant une mobilisation du bras droit. Il subit également un déficit fonctionnel permanent est évalué à 20%. Compte tenu du taux de perte de chance de 75 %, vous pourrez indemniser ces préjudices à la somme de 30 000 euros.

Au final, les préjudices de M. E. se montent à 85 427, 99 euros.

Enfin, aux termes de l’article 32 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation ouvre à l’Etat, en sa qualité d’employeur, une action directe contre le responsable des dommages ou son assureur afin de poursuivre le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à l’agent pendant la période d’indisponibilité de celui-ci. Selon les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, les établissements publics à caractère administratif dispose de cette même faculté.

En l’espèce, l’EHPAD « Les Moulins », établissement public employeur de M. E., a exposé au titre des charges patronales une somme de 5 134, 57 euros pendant la période d’indisponibilité de celui-ci en lien avec les fautes commises à compter du mois de mai 2014 jusqu’au 8 juillet 2015, date de sa consolidation, ainsi qu’une somme de 17 063,21 euros au titre des traitements versés pour cette même période. De plus, à compter du 9 juillet 2015 et jusqu’au 20 avril 2016, l’EHPAD justifie avoir versé un demi-traitement au requérant, lequel n’a pu reprendre ses fonctions d’aide soignant et n’a pu être reclassé par son employeur sur un poste adapté. Ainsi, l’EHPAD a exposé pour cette période une somme de 5 134, 57 euros au titre des charges patronales et une somme de 11 198, 04 euros au titre du traitement de son agent.

Dans ces conditions et compte tenu de l’application du taux de perte de chance de 75 % s’agissant de la seconde période allant du 9 juillet 2015 jusqu’au 20 avril 2016, le CHI de Castres Mazamet doit être condamné à rembourser à l’EHPAD Les Moulins la somme totale de 35 476, 76 euros.

PCMNC

A la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet à verser à M. E. la somme de85 427, 99 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2016 et à l’EHPAD Les Moulins la somme de 35 476, 76 euros. A la mise à la charge définitive du centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet des frais de l’expertise judiciaires taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Jobart Jean-Charles « Conclusions sous TA de Toulouse,
20 février 2020 (M. E.) »
in Journal du Droit Administratif (JDA), 2020 ;
Actions & réactions au Covid-19 ; Art. 286.

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ParJDA

L’accessibilité des / aux décisions de Justice

Art. 251.

Le Journal du Droit Administratif est heureux de soutenir un cycle de conférences proposé par l’Association des Doctorants et Docteurs de l’Institut Maurice Hauriou (ADDIMH) avec l’appui du professeur Touzeil-Divina (axe Transformation(s) du service public de l’Institut Maurice Hauriou). Ce cycle est relatif à l’accessibilité des / aux décisions de Justice. Vous en trouverez ci-dessous l’exposé dont il sera rendu compte ici même à chaque manifestation.


Première conférence : l’accessibilité des / aux décisions de la Justice administrative (18 novembre 2019 – 18h – salle Maurice Hauriou)

Participants :

– M. le rapporteur public Jean-Charles JOBART
(Tribunal administratif de Toulouse)

– Maître André THALAMAS
(Avocat au Barreau de Toulouse – T&L avocats)

– M. Dr. Dimitri LOHRER
(Maître de conférences à l’Université de Pau & des Pays de l’Adour)

sous la modération de Mme Anna Zachayus (doctorante IMH, ADDIMH)
& de M. le professeur Mathieu Touzeil-Divina (IMH)

Deuxième conférence : l’accessibilité des / aux décisions de la Justice judiciaire (16 décembre 2019 – 18h – salle Maurice Hauriou)

Participants :

– M. le vice-président du TGI de Toulouse, Jean-Claude BARDOUT
(Tribunal de grande instance de Toulouse)

– Maître Jonathan BOMSTAIN
(Avocat au Barreau de Toulouse – Bomstain avocat)

– M. le professeur Marc NICOD
(Professeur de droit privé à l’Université Toulouse 1 Capitole,
Directeur de l’Institut de droit privé)

sous la modération de Mme Anna Zachayus (doctorante IMH, ADDIMH)
& de M. le professeur Mathieu Touzeil-Divina (IMH)

Troisième conférence : l’accessibilité des / aux décisions de la Justice constitutionnelle (et clôture du cycle) (20 janvier 2020 – 18h – salle Maurice Hauriou)

Participants :

– Monsieur Hugo RUGGIERI
(Responsable juridique & protection des données personnelles – Doctrine.fr)

– M. le professeur Pierre EGEA
(Professeur de droit public à l’Université Toulouse 1 Capitole, IMH)

sous la modération de Mme Anna Zachayus (doctorante IMH, ADDIMH)
& de M. le professeur Mathieu Touzeil-Divina (IMH)

Échanger sur l’accessibilité des décisions de justice implique d’admettre préalablement un accès effectif au juge. En effet, la décision existe uniquement dans l’hypothèse où le justiciable a eu accès à un juge qui a rendu une décision. Les questionnements relatifs aux conditions d’accès au juge ne sont pas l’objet des conférences. Nous nous plaçons chronologiquement après que cet accès ait été effectif : la décision est rendue, est-elle accessible ? Le Conseil constitutionnel a dégagé un objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Concernant les actes infra-législatifs, l’article 2 de la loi relative aux droits des citoyens dans leur relation avec l’administration prévoit que « les autorités administratives sont tenues d’organiser un accès simple aux règles de droit qu’elles édictent. La mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller. » Lors de cette série de conférences, c’est la question de l’accessibilité de la jurisprudence qui est posée. Il semblerait logique – compte tenu de leur objectif premier de règlement des litiges – que les décisions de justice soient a minima accessibles et intelligibles pour les parties. Les articles L. 9 et L. 10 du code de justice administrative prévoient respectivement que « les jugements sont motivés » et que « les jugements sont publics. (…) Sous réserve des dispositions particulières qui régissent l’accès aux décisions de justice et leur publicité, les jugements sont mis à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique. »

Il convient alors d’établir plusieurs distinctions afin de guider et d’éclaircir le débat.

La première distinction est celle entre l’accessibilité et l’intelligibilité. L’accessibilité entendue strictement renvoie uniquement à la possibilité d’accéder matériellement à une décision. En retenant cette définition, une décision pourra être accessible mais inintelligible. Autrement dit, un justiciable peut avoir la possibilité de prendre connaissance d’une décision mais ne pas en comprendre le sens. Cependant, l’inverse n’est pas possible puisque « pour qu’une décision de justice soit intelligible, il faut qu’elle lui soit accessible » . Si l’on retient une définition plus large de l’accessibilité, nous pouvons envisager que sera considérée comme accessible une décision qui sera matériellement disponible mais aussi comprise. Dans ce cas l’intelligibilité devient un élément de l’accessibilité.

La deuxième distinction à établir est celle entre l’accès et la diffusion. L’accès suppose une démarche auprès d’un service et la diffusion conduit à une mise à disposition des décisions au public . « L’accès est qualitatif, là où la diffusion est quantitative. »

La troisième distinction qui nous permettra d’établir les deux axes proposés pour les conférences est la distinction entre l’accessibilité des décisions de justice et l’accessibilité aux décisions de justice.

L’« accessibilité des » paraît renvoyer à un « mouvement » des décisions vers le public. Dans ce mouvement, les décisions s’adressent évidemment en premier lieu aux parties au litige. Dans ce cas, il semblerait que l’accessibilité des décisions rejoigne l’intelligibilité de ces décisions.
Dans l’« accessibilité aux », le mouvement semble inverse : des personnes intéressées (professionnels, étudiants, journalistes, administrations, etc.) ont la possibilité d’accéder matériellement aux décisions. Cela nous permet d’intégrer la question de l’accès mais aussi celle de la diffusion des décisions de justice.

Accessibilité des décisions de justice (accessible car intelligible)

Si la condition d’intelligibilité des décisions semble être primordiale pour des raisons plus étendues que l’on pourrait imaginer (à la fois pour des questions de bonne administration de la justice, de bonne compréhension de la justice par les justiciables mais aussi par les journalistes, de sécurité juridique mais aussi de rayonnement international, en particulier pour le contentieux fiscal ), les initiatives quasi-simultanées des deux cours de cassation pour la modification des rédactions des décisions rappellent que ces décisions ne sont pas toujours aussi lisibles que ce qu’elles devraient. Avant d’arrêter et de publier des lignes directrices pour l’amélioration de la rédaction des décisions de justice, les cours ont mené des expérimentations.

Avez-vous, en tant que professionnel, participé à ces expérimentations ?
Quels sont, pour vous, les enseignements tirés de ces expérimentations ?

Plusieurs aspects peuvent ici être amenés au débat :

Le vocabulaire utilisé

Le CE dans son vade-mecum et la Cour de Cassation dans sa note présentent les expressions à abandonner ainsi que celles à maintenir. Plusieurs questionnements :

En vertu de l’accessibilité du service public de la justice, les décisions de justice ne devraient-elles pas être comprises de tous ?
L’abandon d’un vocabulaire spécifiquement juridique conduit-il à une dénaturation ou une imprécision de la matière ?
Le maintien d’un vocabulaire difficilement audible ne participe-t-il pas à l’élévation de la justice et donc à son autorité ou au contraire n’entretient-il pas une déconnexion entre la Justice et le justiciable ?

La structure des décisions

Le Conseil d’État, dans son vade-mecum, pose une structure de décision applicable à l’ensemble de la juridiction administrative. La Cour de Cassation pour sa part, dans sa note, pose une structure de décision applicables uniquement à elle.

L’uniformité des décisions dans leur structure est-elle une condition d’une meilleure intelligibilité ?
Quid d’une uniformisation
entre les deux ordres de juridictions ?

Le laconisme des décisions

Le Code de justice administrative et le Code de procédure civile exigent une motivation des décisions mais bien souvent, dans la jurisprudence, nous pouvons lire « le moyen est inopérant » sans autre forme de procès. Des évolutions sont proposées autant dans le vade-mecum du Conseil d’État que dans la note de la Cour de Cassation.

Les évolutions en la matière traduisent-elles une influence de la Cour européenne des droits de l’Homme ?
Concernant le juge administratif plus particulièrement, cela s’inscrit-il dans le mouvement plus général de prise en compte du justiciable traditionnellement illustré dans la « subjectivisation du recours pour excès de pouvoir » ?

Les deux documents pour le changement de la rédaction des décisions de justice dans les deux ordres de juridictions ont été publiés il y a bientôt un an :

Que pensez-vous des changements pris en application de ces documents ?
Les décisions sont-elles mieux rédigées ou du moins plus accessibles ?

Accessibilité aux décisions de justice (accessible car disponible)

Stricto sensu, l’accessibilité est la possibilité d’avoir accès. Traiter de l’accessibilité aux décisions de justice renvoie donc à la possibilité matérielle d’accéder aux décisions. Nous pouvons reprendre ici la subdivision entre l’accès et la diffusion qui peuvent être les deux modes d’accès. Une personne pourra demander à connaître une décision (accès) ou accéder directement via les différentes plateformes sur lesquelles sont mises à disposition les décisions (diffusion / Opendata).

Faut-il diffuser
les décisions ou simplement en garantir l’accès ?
Faut-il garantir une accessibilité à toutes les décisions de justice ?

L’accès aux décisions de justice par les tiers à l’instance

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 crée un article L. 10-1 du code de justice administrative qui prévoit que « les tiers peuvent se faire délivrer copie des jugements, sous réserve des demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. Les éléments permettant d’identifier les personnes physiques mentionnées dans le jugement, lorsqu’elles sont parties ou tiers, sont occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage. »

Que pourrait-être une décision « abusive » ?

En procédure civile, l’article 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile prévoit que « les tiers sont en droit de se faire délivrer copie des jugements prononcés publiquement ». Cependant, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a étendu les matières où les jugements ne sont pas publics au-delà des deux matières gracieuse et relatives à la capacité des personnes. Désormais, ne sont pas publics, en plus de ces deux matières, les débats sur les matières relatives au droit des affaires et celles intéressant la vie privée des personnes.
Une des différences également entre les deux ordres est le fait que lors d’une demande d’accès à une décision, le greffe d’un tribunal judiciaire transmettra la décision non anonymisée alors que devant la juridiction administrative est prévue une possibilité d’anonymisation . En tout état de cause, la diffusion se fait après procédure de pseudonymisation.

Cette extension des limites
est-elle un obstacle à l’accessibilité ?
Quid de l’anonymisation alors que lors de l’apprentissage du droit et en particulier du droit administratif, les étudiants doivent apprendre les arrêts avec le nom des requérants.

La diffusion des décisions de justice

La diffusion devrait notamment permettre d’éviter les demandes abusives aux greffes de transmission des décisions comme cela avait été le cas pour le site Doctrine.fr. Que ce soit dans l’ordre administratif ou dans l’ordre judiciaire , il est désormais prévu que « sans préjudice des dispositions particulières qui régissent l’accès aux décisions de justice et leur publicité, les jugements [/les décisions rendues par les juridictions judiciaires] sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées. »

Afin de garantir la vie privée, une procédure d’anonymisation est prévue avant la diffusion.

Quid de l’articulation entre les deux modes d’accès aux décisions dont l’un prévoit la pseudonymisation
et l’autre non ?
Toutes les décisions doivent-elles être diffusées ? Par qui ?

Perspectives d’ouverture

Si la diffusion en « open data » est désormais ouverte, quid des legaltechs et de la justice prédictive ? La loi de 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit une facilitation de l’accès au droit : « la dématérialisation progressive des procédures de justice, la possibilité de saisir en ligne la justice, le développement de l’offre en ligne de résolution amiable des différends, l’open data ». Concrètement, la loi dite « Justice » encadre les modes alternatifs de règlement des conflits en ligne et généralise la dématérialisation des procédures et en particulier la procédure civile (par exemple, dépôt de plaintes en ligne).

Quels impacts les algorithmes pourraient-ils avoir sur la rédaction des décisions de justice ?
L’accès à un service en ligne de justice permet-il un meilleur accès à la justice ? Et au juge ?

Éléments bibliographiques

  • Béry C., « Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : aspects numériques », Recueil Dalloz, 2019, p. 1069.
  • Conseil d’État, « Vade-mecum sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative », 10 décembre 2018.
  • Cour de Cassation, Commission de mise en œuvre de la réforme de la Cour de Cassation, « Note relative à la structure des arrêts et avis et à leur motivation en forme développée », décembre 2018.
  • Cour de Cassation, « Le rôle normatif de la Cour de Cassation », Étude annuelle, 2018.
  • Donier V., Lapérou-Scheneider B., « L’accès au juge », Bruylant, 2013.
  • Garapon A., Lassègue J., « Justice digitale », PUF, 2018.
  • Jourdan-Marques J., « Délivrance des décisions de justice et vie privée : quand « ceinture et bretelles » rime avec danger », Dalloz actualité, 30 mars 2018.
  • Malhière F., « Comment rédiger une décision de justice au XXIème siècle ? », Dalloz, Coll. « Thèmes et Commentaires », mai 2018.
  • Mission d’étude et de préfiguration sur l’ouverture au public des décisions de justice, « L’Open data des décisions de justice », Rapport à Madame la garde des Sceaux, ministre de la justice, novembre 2017.
  • Péano D., « Qualité et accessibilité des décisions des juridictions administratives », AJDA, 2011, p. 612.
  • Thierry J.-B., « Réforme de la justice – La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, loi de réforme pour la justice numérique ? », JCP G, n° 19, 13 mai 2019.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2019, Séminaire accessibilité ; Art. 251.

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Du Ballet !

Art. 61.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016 ; Art. 61.

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TA de Toulouse, conclusions DUBOIS sur la requête n°1203445 (audience du 21 janvier 2016)

Art. 59.

Un commentaire de la présente décision & de ses conclusions se trouve en ligne ici.

N°1203445 – Mme Nanette GLUSHAK

Audience du 21 janvier 2016

Lecture du 18 février 2016

Rapporteur : C. Kanté

Rapporteur public : D. Dubois

fr-tls

CONCLUSIONS

Née aux Etats-Unis en 1951, Mme Nanette Glushak, dont le prénom renvoie inévitablement à l’une des plus belles chansons de la comédie musicale américaine, Tea for two, a appris l’art de la danse à la prestigieuse School of American Ballet, fondée en janvier 1934 à New York par George Balanchine et Lincoln Kirstein. A l’âge de seize ans à peine, elle rejoint la troupe du New York City Ballet sur l’invitation de George Balanchine. En 1970, elle devient membre de l’American Ballet Theatre, autre compagnie new-yorkaise, plus ancienne, et non moins célèbre, où Mme Glushak est promue soliste en 1972. Elle danse les rôles principaux des plus grandes œuvres du répertoire : Le Lac des Cygnes, La Bayadère,[1] La Belle au bois dormant,[2] Don Quichotte[3], La Fille mal gardée,[4] Giselle,[5] Coppélia,[6] La Sylphide.[7]

A partir de 1983, elle co-dirige le Fort Worth Ballet, situé au Texas, et dirige également l’école attachée à cette compagnie, avec son époux, Michel Rahn, danseur issu de l’Opéra de Lyon.

Puis, à partir de 1987, Nanette Glushak remonte le répertoire de Balanchine, qui est décédé quatre ans plus tôt à New York, ainsi que le répertoire classique, et est invitée en tant que professeur dans de nombreuses compagnies étrangères, parmi lesquelles le Royal Ballet d’Angleterre, le Ballet du Deutsche Opera de Berlin, le Ballet de la Scala de Milan mais également des compagnies françaises, telles que le Ballet National de Marseille, le Ballet de l’Opéra de Lyon, et le Ballet du Grand Théâtre de Bordeaux.

En 1989, elle est engagée comme directrice artistique du Scottish Ballet à Glasgow, puis elle est recrutée par la commune de Toulouse comme directrice de la danse et chorégraphe du ballet du Théâtre du Capitole en septembre 1994, par le biais d’un contrat à durée déterminée régi par le décret n°88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non-titulaires de la fonction publique territoriale. Notons au passage que son époux, M. Rahn, est alors également recruté comme maître de ballet.

Vous le savez, le ballet, au même titre que le théâtre et l’orchestre du Capitole sont directement gérés, en régie, par la ville de Toulouse, et leur activité constitue un service public administratif, ainsi que l’a jugé au moins deux fois le Tribunal des Conflits avant qu’il ne simplifie grandement la jurisprudence en la matière par l’arrêt Berkani (cf. à propos de deux danseuses du ballet : TC, 15 janvier 1979, Dames Le Cachey & Guiguère et autres c/ Ville de Toulouse, n°2106, en A sur ce point[8], ccl. Morisot ; TC, 22 novembre 1993, Martinucci c/ Ville de Toulouse, n°2879, en A sur ce point[9]).

Précisons toutefois, en passant, que le contrat par lequel une collectivité publique gérant un service public administratif et agissant en qualité d’entrepreneur de spectacle vivant, engage un artiste du spectacle en vue de sa participation à un tel spectacle, est présumé être un contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail (cf. TC, 6 juin 2011, Mme Bussière-Meyer c/ Communauté de l’agglomération belfortaine, n°3792, en A sur ce point[10] ; TC, 17 juin 2013, Mme Olteanu c/ Ville de Saint-Etienne, n°3910[11]).

Le contrat de Mme Glushak répondait quant à lui à un besoin permanent et a été régulièrement renouvelé, de sorte qu’il a été transformé en contrat à durée indéterminée, le 14 décembre 2005, avec effet rétroactif à la date du 27 juillet 2005, conformément à l’article 15-II de la loi n°2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique. Pour rappel, ces dispositions imposaient aux employeurs publics la transformation d’un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée lorsqu’au 1er juin 2004 ou au plus tard au terme du contrat en cours, soit le 31 août 2005 s’agissant de Mme Glushak, l’agent non-titulaire concerné était âgé d’au moins cinquante ans, était en fonction, justifiait d’une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années, et assuraient, notamment, des fonctions pour lesquelles il n’existe pas de cadres d’emploi de fonctionnaire.

            Toutefois, lors de la séance du conseil municipal du 21 janvier 2011, le maire de Toulouse a annoncé la nomination de M. Kader Belarbi, ancien danseur étoile de l’Opéra de Paris, comme directeur de la danse du Théâtre du Capitole en remplacement de Mme Glushak. Un premier contrat ayant été signé le 12 janvier 2011, M. Belarbi a pris ses fonctions dès le 1er février 2011. Ce n’est qu’un an plus tard que le maire de Toulouse a convoqué Mme Glushak pour un entretien préalable à son licenciement, et l’a ensuite licenciée par décision du 13 février 2012.

Par la présente requête, Mme Glushak vous demande d’annuler cette décision et de condamner la commune de Toulouse à lui verser une indemnité de 180.000 euros en réparation de ses préjudices financiers et moraux.

*****

L’administration peut toujours licencier un agent non-titulaire pour des motifs tirés de l’intérêt du service. C’est là la principale question posée par ce litige, d’autant plus délicate en l’espèce que les activités artistiques telles que celles qui peuvent être confiées à un directeur de la danse, chorégraphe, sont intimement liées, non pas à la personnalité, mais à la personne même, de celui qui occupe ces fonctions. La ville de Toulouse a recruté Mme Glushak, non seulement en raison de ses compétences techniques et pédagogiques dans le domaine de la danse, mais également, du moins peut-on légitimement le penser, en raison de sa notoriété et de son influence dans ce milieu artistique. Pour autant, le contrat de Mme Glushak n’était pas un emploi discrétionnaire, qui aurait permis à son employeur de la révoquer ad nutum, c’est-à-dire, rappelons l’étymologie, sur un signe de tête. La requérante n’était donc pas placée dans une situation comparable à celle des fonctionnaires territoriaux occupant des emplois de cabinet, ou encore des emplois fonctionnels, qui sont strictement et limitativement énumérés par les textes.

C’est pourquoi il nous paraît opportun de rappeler dans quels cas un employeur public peut se séparer d’un agent contractuel de droit commun, conformément à l’intérêt du service.

La première hypothèse qui vient immédiatement à l’esprit, mais qui ne correspond pas au cas qui nous occupe aujourd’hui, est celle de la suppression de l’emploi, notamment pour des raisons budgétaires (cf. par ex. pour la suppression de 15 postes de danseurs de l’opéra de Marseille : CE, 13 octobre 1997, Gardi, n°161957).

Le second motif de licenciement dans l’intérêt du service tient à la réorganisation de celui-ci. A titre d’exemple, le maire de Pantin avait pu licencier un professeur de musique du conservatoire municipal en raison de la réorientation des cours d’esthétique et de théâtre musical assurés par l’intéressé, compte tenu d’une réorganisation qui avait pour objet, d’une part, de permettre l’exécution d’œuvres musicales dans le cours d’esthétique en confiant ce cours à un professeur instrumentiste, et d’autre part, d’assurer la formation de chanteurs comédiens dans le cours de théâtre musical en confiant ce cours à un professionnel du théâtre. Le Conseil d’Etat, qui a noté qu’il ne lui appartenait pas d’apprécier l’opportunité de cette réorganisation, a simplement constaté qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier, que l’agent concerné, qui n’était pas instrumentiste, ait possédé les qualifications désormais demandées par la commune (cf. CE, 17 janvier 1986, Tapie, n°52628).[12]

Troisième possibilité qui a fait l’objet d’un arrêt topique : l’employeur public peut mettre fin à la relation contractuelle en cas d’inadaptation de l’artiste aux besoins du service public culturel, sans que celui-ci n’ait connu de changement particulier d’organisation. Ainsi, à propos d’un danseur soliste à l’opéra de Lyon qui n’était plus choisi par les chorégraphes invités depuis quatre ans (au motif, justement, d’une prétendue incapacité à adopter une forme d’expression contemporaine de la danse)[13], danseur qui n’avait participé depuis trois ans qu’à une seule tournée en qualité de remplaçant au cours de laquelle il n’avait pas dansé et qui n’avait, depuis lors, été sélectionné pour aucune création, le Conseil d’Etat a jugé que ces faits ne caractérisaient pas une insuffisance professionnelle mais une inadaptation aux besoins du théâtre, pouvant le cas échéant justifier le non renouvellement du contrat à durée déterminée qui liait le danseur à l’opéra de Lyon lors de ses échéances (cf. CE, 29 juillet 1994, Ville de Lyon, n°133701, en B sur ce point).

Enfin, les motifs d’éviction peuvent résulter plus classiquement d’une faute disciplinaire ou d’une insuffisance professionnelle imputable à l’agent concerné. Il s’agit là de motifs qui, s’ils ne sont pas directement tirés de l’intérêt du service, ne lui sont pas, bien évidemment, étrangers, selon la formule de la jurisprudence (cf. CE, 13 mars 1968, Commune de Malaussène, n°68999, en A sur cette question[14] ; CE, 12 mars 1975, Ville de Pau, n°91151, en A sur ce point[15]).

*****

            En l’espèce, la décision attaquée du 13 février 2012 est motivée par la circonstance que Mme Glushak n’aurait pas su s’adapter aux nouveaux objectifs fixés par le directeur artistique du théâtre du Capitole dans le cadre du changement de projet culturel de la ville de Toulouse depuis 2008, à savoir l’introduction d’une modernité dans le ballet du Capitole, impliquant une nouvelle direction artistique se traduisant par l’ouverture du répertoire à des chorégraphes contemporains, et par des partenariats avec l’environnement local dans le domaine de la danse, croisements des genres et des styles par le biais de cours publics, de performances, etc.

Puis, le maire de Toulouse a reproché à Mme Glushak de ne pas avoir souhaité engager sa troupe de ballet vers un répertoire autre que néoclassique, de s’être opposée à toutes les ouvertures du ballet sur l’environnement local, d’où une mauvaise implication des danseurs lors des différentes éditions de la manifestation « Osons danser » et de la lecture-démonstration avec l’association de danse hip-hop le CACDU.

Le maire reprochait également à la requérante une perte de notoriété du Ballet du Capitole, qui s’est traduite par une diminution des propositions de tournées nationales et internationales.

Enfin, le maire a estimé que le fait pour Mme Glushak de mener des missions régulières comme maîtresse de ballet auprès d’autres troupes en France et à l’étranger n’était pas compatible avec l’investissement requis par ses fonctions toulousaines.

*****

D’emblée, nous vous proposerons d’écarter ce motif tiré de l’incompatibilité des fonctions de Mme Glushak comme maîtresse de ballet accréditée auprès du Banlanchine Trust avec ses fonctions de directrice de la danse du Théâtre du Capitole. Car s’il est vrai que l’article 25 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires oblige les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public à consacrer l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées et ne peuvent, en principe, exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, les mêmes dispositions prévoient que les agents publics peuvent être autorisés à exercer à titre accessoire, une activité, qu’elle soit ou non lucrative, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n’affecte pas leur exercice.

En particulier, le décret n°2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités, notamment, des agents non-titulaires de droit public, prévoit, parmi les activités accessoires susceptibles d’être autorisées l’enseignement et la formation, ainsi que les activités à caractère sportif ou culturel.

En l’espèce, le contrat conclu avec Mme Glushak prévoyait expressément que l’intéressée pourrait exercer des activités extérieures à celles du Théâtre du Capitole après autorisation du directeur artistique. Par suite, si les absences régulières de Mme Glushak liées à ses fonctions de répétitrice du Balanchine Trust nuisaient à l’intérêt du service, il suffisait au directeur artistique d’y mettre fin conformément aux termes du contrat, sans qu’il fût pour autant besoin de la licencier. D’ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’antérieurement à l’annonce de la nomination de M. Belarbi, la ville de Toulouse ait fait un quelconque reproche à Mme Glushak sur ce sujet et ait entendu remettre en cause ses activités accessoires.

Le deuxième motif qui nous paraît également fragile est tiré de la perte de notoriété du ballet, ainsi qu’en attesterait la diminution des propositions de tournées nationales et internationales de la part de Mme Glushak.

Tout d’abord, il n’est pas contesté que Mme Glushak a satisfait aux exigences de la nouvelle municipalité de doubler le nombre de représentations du ballet en trois saisons, et de proposer pour chaque saison, six programmes au lieu de quatre. Dans le même temps, Mme Glushak explique très logiquement la diminution des tournées en 2009 et en 2010 par cette augmentation concomitante de l’activité du ballet, mais également par une diminution du budget alloué au Ballet. Toutefois, sans entrer dans le détail de ces explications qui sont contestées par le défendeur, il vous suffira de jeter un œil sur le récapitulatif des tournées du Ballet du Capitole produit par la requérante, pour constater que le nombre des tournées entre 1998 et 2010 a été très variable d’une année sur l’autre. Ainsi, en 1998 comme en 2010, le Ballet ne s’est produit qu’une seule fois, en province, et une seule fois en 2011, à Pampelune, contre 5 fois en 2009, et 24 fois en 2008, notamment à Catane en Sicile. En moyenne, sur la période, le nombre de représentations en tournées est de 9 par an, et le nombre de localités visitées par le Ballet est de sept par an. Par suite, compte tenu à la fois du rythme aléatoire des tournées et du nombre très important de tournées en 2008, avec 15 localités visitées, il ne nous semble pas que le seul nombre de tournées en 2009, 2010 et 2011 fasse la démonstration d’une perte de notoriété du Ballet du Capitole.

Surtout, Mme Glushak était chargée, aux termes de son contrat, du fonctionnement et de la programmation du Ballet du Capitole, « sous l’autorité et avec l’accord du directeur artistique ». Ainsi, il n’est pas allégué par le défendeur que la nouvelle municipalité aurait fixé à Mme Glushak un objectif chiffré de tournées à atteindre, ni même que la direction artistique aurait demandé à l’intéressée de prévoir davantage de tournées pour 2009 et 2010, et que Mme Glushak aurait été incapable de réaliser cet objectif faute pour le Ballet du Capitole et, indirectement, de sa chorégraphe et directrice, d’être suffisamment côtés sur le marché, si vous nous permettez l’expression, mais c’est bien de cela qu’il s’agit.

 Restent alors en débat les deux motifs tirés d’une part, d’une divergence esthétique quant aux choix de programmation, d’autre part, d’un refus de Mme Glushak de faire coopérer le Ballet du Capitole avec des acteurs locaux.

Au soutien de cette décision, vous disposez de deux attestations, non datées, du directeur artistique du théâtre du Capitole, qui indiquent, pour la première, que Mme Glushak n’a pas su s’adapter à la volonté d’élargissement du projet artistique du Ballet du Capitole à d’autres esthétiques que le ballet académique et la danse néoclassique, pour la seconde, que l’intéressée n’a pas souhaité établir des passerelles avec d’autres institutions ou associations toulousaines intervenant dans le domaine de la danse.

Toutefois, dans le premier cas, le défendeur ne produit aucun autre document susceptible d’établir que des directives précises auraient été données à Mme Glushak pour encadrer son pouvoir de proposition sur l’esthétique des spectacles à programmer.

Certes, la commune de Toulouse tente bien de vous convaincre que la nouvelle municipalité issue des urnes en 2008 a souhaité imprimer sa marque dans le domaine culturel en bâtissant un nouveau projet fondé sur quatre objectifs : donner l’envie de culture à tous les Toulousains, miser sur l’avenir et l’innovation culturelle, inscrire la culture au centre du développement urbain durable et imaginer la culture ensemble.

Toutefois, il s’agit d’un document aux termes très généraux, dont il n’est aucunement démontré qu’il a fait l’objet d’une déclinaison concrète au sein du Ballet du Capitole. Rappelons, là encore, que s’il incombait à Mme Glushak d’être force de proposition, le choix définitif de la programmation incombait au directeur artistique. Ainsi, la commune de Toulouse reproche à Mme Glushak, en dépit des demandes en ce sens de M. Chambert, directeur artistique, de ne pas avoir souhaité programmer le ballet Les forains, qui a été créé pour la première fois en 1945 par le chorégraphe Roland Petit, sur une musique du compositeur bordelais Henri Sauguet, ou encore de ne pas avoir souhaité collaborer avec tel ou tel chorégraphe contemporain : Angelin Preljocaj, Jean-Claude Gallotta, Inbal Pinto, Pina Bausch, etc, mais également des chorégraphes toulousains, comme Pierre Rigal, Aurélien Bory ou Heddy Maalem.

Mais de deux choses l’une : soit ces demandes ont fait l’objet de directives précises de la part du directeur artistique, et dans ce cas, Mme Glushak a refusé de s’y conformer, ce qui ne révèle pas une inaptitude de sa part à l’évolution du service culturel, mais un refus d’obéissance passible d’une faute disciplinaire, ce qui n’est aucunement allégué. Soit, et c’est plutôt ce que nous déduisons à la lecture des pièces du dossier, il s’agissait plutôt de recommandations informelles de la part du directeur artistique, et Mme Glushak a purement et simplement continué, pour les années 2008 à 2010, de proposer une programmation avec l’autonomie que lui conféraient, non seulement les termes de son contrat, mais également une ancienneté dans le poste de près de quinze ans, avec la circonstance non-contestée que la programmation proposée par Mme Glushak rencontrait l’adhésion d’un public toulousain important, ainsi que le notait M. Chambert lui-même dans l’une des attestations.

Vous noterez en passant que le défendeur ne produit aucune fiche d’évaluation qui formaliserait des objectifs que l’autorité territoriale aurait assignés à Mme Glushak dans le cadre de son activité professionnelle.

En conséquence, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme Glushak aurait été incapable d’aborder d’autres esthétiques que l’esthétique classique ou néo-classique et de modifier la programmation du Ballet du Capitole en vue de l’ouvrir à la danse dite contemporaine, si une demande formelle de la part de son employeur lui avait été faite en ce sens.

S’agissant du dernier motif, de coloration disciplinaire, tiré de ce que Mme Glushak aurait fait preuve d’une forte résistance à l’égard du second axe d’évolution que la nouvelle municipalité aurait décidé, la requérante ne conteste pas qu’il lui avait été demandé d’associer le ballet du Capitole à des acteurs locaux évoluant notamment dans le hip-hop ou la danse moderne en vue de réaliser des projets communs.

La commune fait ainsi état du désintérêt de la requérante pour la mise en place du projet « Place de la Danse » en juin 2011, événement auquel elle n’aurait pas assisté. Vous noterez toutefois qu’à cette date, M. Belarbi était déjà directeur de la danse « désigné » depuis presque six mois, de sorte que l’absence de Mme Glushak est aisément compréhensible, et ne saurait justifier une sanction telle qu’une exclusion définitive du service.

Le défendeur fait également valoir que Mme Glushak n’a jamais pris l’initiative d’associer le Ballet du Capitole à des actions de sensibilisation conduites par le Théâtre du Capitole dans les quartiers défavorisés, ou d’avoir limité une rencontre artistique organisée le 23 mars 2010 entre les danseurs du Ballet et ceux de la compagnie de hip-hop du centre d’art chorégraphique des danses urbaines à deux présentations successives en lieu et place d’un spectacle commun.

Toutefois, là encore, il ne ressort pas des pièces du dossier que des instructions précises avaient été données à Mme Glushak en ce sens.

Enfin, si le maire de Toulouse reprochait également à Mme Glushak la mauvaise implication des danseurs lors des différentes éditions de la manifestation « Osons danser », la requérante soutient sans être contestée en défense que ce projet avait été mis en place par M. Belarbi dès le début, soit en janvier 2010, et que Mme Glushak n’avait pas même été informée de la participation de certains des danseurs du Ballet à ces actions, de sorte que ceux-ci ont été effectivement indisponibles pour l’une des représentations de ce spectacle.

En conséquence, il ne nous semble pas que la commune de Toulouse établisse que l’éviction de Mme Glushak au profit de M. Belarbi aurait été justifiée par des motifs tirés de l’intérêt du service, et vous annulerez la décision attaquée.

*****

Vous le savez, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité. Pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions. Enfin, vous devez déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l’agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d’éviction (cf. CE, 6 décembre 2013, Commune d’Ajaccio, n°365155, en A sur ce point).

Or en l’espèce, si Mme Glushak vous demande de condamner son ancien employeur à lui verser la somme de 80.000 euros au titre de la diminution de ses revenus, elle n’établit ni le montant des allocations de retour à l’emploi qu’elle aurait perçues, le cas échéant, ni surtout, que son licenciement ne lui a pas permis d’exercer ses activités artistiques, notamment au titre du Balanchine Trust, beaucoup plus librement qu’elle ne pouvait le faire lorsqu’elle était liée au Ballet du Capitole, et donc de manière bien plus lucrative. En bref, la requérante n’établit aucunement la réalité de ce préjudice financier.

En revanche, s’agissant du préjudice moral, que Mme Glushak évalue à 100.000 euros, il est difficilement contestable, eu égard à la durée indéterminée du contrat dont Mme Glushak était bénéficiaire, compte tenu également de son ancienneté lors de son licenciement et de son âge, mais aussi et surtout, compte tenu de la nature de ses fonctions. Ainsi, au regard d’une décision du Conseil d’Etat qui a octroyé, en tant que juge du fond, une indemnité de 300.000 francs, soit plus de 45.000 euros, à raison du préjudice moral et professionnel occasionné à un musicien de l’orchestre philarmonique des Pays-de-Loire, irrégulièrement évincé de son contrat à durée indéterminée après vingt ans de bons et loyaux services, nous vous proposons de limiter l’indemnisation de Mme Glushak, qui n’a invoqué qu’un préjudice moral, à la somme de 20.000 euros (cf. CE 8 novembre 2000, Thévenet, n°200835, en A mais pas sur ce point[16] ; cf. également : CE, 26 juin 1989, Ville d’Aix-en-Provence, n°99763[17] : 1.500 euros pour une directrice de crèche en CDI depuis deux ans).

*****

Par ces motifs, nous concluons :

  • A l’annulation de la décision de licenciement de Mme Glushak en date du 13 février 2012 ;
  • A ce que vous condamniez la commune de Toulouse à verser à Mme Glushak la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
  • Au rejet du surplus des conclusions indemnitaires ;
  • Et dans les circonstances de l’espèce, à ce que soit mise à la charge de la commune de Toulouse la somme de 1.200 euros au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens.

 Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016 ; Art. 59.

[1] Ballet chorégraphié par Marius Petipa sur une musique de Léon Minkus, créé en 1877 au Théâtre du Bolchoï de Saint-Pétersbourg.

[2] Ballet chorégraphié par Petipa sur une musique de Tchaïkovski, créé en 1890 au Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg.

[3] Ballet chorégraphié par Petipa sur une musique de Minkus, créé en 1869 au Théâtre du Bolchoï de Saint-Pétersbourg.

[4] Ballet créé en 1789 par Jean Bercher, dit Dauberval, au Grand Théâtre de Bordeaux.

[5] Ballet créé en 1841 à l’Académie royale de musique (actuellement l’Opéra de Paris), chorégraphié par Jean Coralli & Jules Perrot, sur une musique d’Adolphe Adam.

[6] Ballet d’Arthur Saint-Léon, sur une musique de Léo Delibes, créé en 1870 à l’Opéra de Paris.

[7] Ballet créé en 1832 par Filippo Taglioni à l’Opéra de Paris, sur un livret d’Adolphe Nourrit et une musique de Jean Schneitzhoeffer.

[8] « CONSIDERANT QUE MME LE CACHEY ET MME GUIGUERE, QUI AVAIENT ETE ENGAGEES PAR LA VILLE DE TOULOUSE EN QUALITE DE DANSEUSES DU CORPS DE BALLET DU THEATRE MUNICIPAL DU CAPITOLE SUIVANT CONTRATS SUCCESSIVEMENT PASSES POUR CHAQUE SAISON LYRIQUE DE 1972 A 1977, ONT ATTRAIT LADITE VILLE DEVANT LE CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE TOULOUSE EN VUE D’OBTENIR PAIEMENT DE DIVERSES INDEMNITES POUR LICENCIEMENT ET RUPTURE ABUSIVE DE LEURS CONTRATS DE TRAVAIL ; QUE M. FEGELE, ENGAGE PAR LA MEME COLLECTIVITE PUBLIQUE SUIVANT CONTRAT DU 10 JUILLET 1974 EN QUALITE DE MUSICIEN DE L’ORCHESTRE REGIONAL DU CAPITOLE, A SAISI LA MEME JURIDICTION D’UNE DEMANDE EN PAIEMENT D’UN RAPPEL DE SALAIRES ; CONS. QUE LA VILLE DE TOULOUSE QUI, PAR L’ORGANISATION ET LA GESTION DU THEATRE MUNICIPAL ET DE L’ORCHESTRE REGIONAL DU CAPITOLE, ASSUME UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC, LA REMPLIT DANS DES CONDITIONS EXCLUSIVES DE TOUT CARACTERE INDUSTRIEL OU COMMERCIAL ; QUE LE PERSONNEL ARTISTIQUE ENGAGE PAR ELLE POUR ASSURER LES ACTIVITES DE CES THEATRES ET ORCHESTRE PARTICIPE DIRECTEMENT A L’EXECUTION DUDIT SERVICE PUBLIC ; QUE, DES LORS, LES LITIGES CONCERNANT L’EXECUTION OU LA RUPTURE DES CONTRATS PASSES ENTRE LA VILLE DE TOULOUSE, MME LE CACHEY ET MME GUIGUERE ET M. FEGELE SONT DE LA COMPETENCE DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS ; (CONFIRMATION DE L’ARRETE DE CONFLIT). »

[9] « Est administratif le contrat passé entre une ville, qui assure la mission de service public consistant en l’organisation et la gestion du théâtre municipal, et les artistes, quels que soient le nombre de leurs représentations et leur mode de rémunération. »

[10] « 1) Il résulte des dispositions spécifiques des articles L. 620-9 et L. 762-1 du code du travail et 1-1 de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles que le contrat par lequel une collectivité publique gérant un service public administratif et agissant en qualité d’entrepreneur de spectacle vivant engage un artiste du spectacle en vue de sa participation à un tel spectacle, est présumé être un contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail. / 2) Si, par l’organisation et la gestion d’un festival, la communauté d’agglomération a assumé une mission de service public et l’a remplie dans des conditions exclusives de tout caractère industriel ou commercial, les contrats par lesquels elle s’est assurée, comme entrepreneur de spectacles vivants, de la participation d’un musicien à des concerts, sans que cette participation puisse être regardée comme constituant soit une obligation de service hebdomadaire incombant à celui-ci en application du statut particulier de son cadre d’emplois, soit l’accessoire nécessaire d’une telle obligation, dès lors que ces concerts n’avaient pas pour objet de lui permettre, avec ses élèves, de pratiquer la musique en public pour valoriser l’enseignement dispensé, entrent dans le champ des dispositions précitées. Par suite, le litige relatif au montant des salaires réclamés au titre de l’exécution de ces contrats relève de la compétence du juge judiciaire. »

[11] « Considérant que si, par l’intermédiaire de son orchestre symphonique, la commune de Saint-Etienne assume une mission de service public et la remplit dans des conditions exclusives de tout caractère industriel ou commercial, les contrats par lesquels elle s’est assurée en qualité d’entrepreneur de spectacles vivants la participation de Mme Olteanu à des concerts, en tant que violoniste, entrent dans le champ des dispositions ci-dessus rappelées ; que, dès lors, le litige relatif aux obligations de l’employeur découlant de tels contrats relève de la compétence du juge judiciaire ; »

[12] « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. X…, professeur non titulaire au conservatoire municipal de musique de Pantin, a été licencié par décision du 1er juillet 1982 du maire de Pantin en raison de la réorientation des cours d’esthétique et de théâtre musical assurés par l’intéressé ; que cette réorganisation avait pour objet de permettre l’exécution d’oeuvres musicales dans le cours d’esthétique en confiant ce cours à un professeur instrumentiste et d’assurer la formation de chanteurs comédiens dans le cours de théâtre musical en confiant ce cours à un professionnel du théâtre ; qu’il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier l’opportunité de cette réorganisation ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, que M. X…, qui n’est pas instrumentiste, ait possédé les qualifications désormais demandées par la commune, qu’il ait été remplacé pour le cours d’esthétique par un professeur non instrumentiste, ou qu’il ait été licencié en raison de sa participation aux mouvements de grève qui ont précédé la réorganisation du conservatoire pour des motifs étrangers à l’intérêt du service ; que, par suite, M. X… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du maire de Pantin prononçant son licenciement. »

[13] Cf. CAA Lyon, 28 avril 2000, n°96LY01864, en A.

[14] « Secrétaire de mairie stagiaire, licenciée pour insuffisance professionnelle, soutenant qu’elle a été en réalité licenciée pour des motifs politiques. La requérante qui s’est vu interdire l’accès de son bureau depuis le renouvellement de la municipalité, et dont le mari a été également licencié par le nouveau maire, doit être regardée, en l’absence de contestation de ces faits par la commune, comme ayant été en réalité licenciée pour des motifs étrangers à   l’intérêt du service. Confirmation du jugement ayant annulé l’arrêté de licenciement. »

[15] « Appel formé par une commune contre un jugement annulant le licenciement d’un agent municipal. La commune avait invoqué devant le tribunal administratif un ensemble de griefs précis, sur lesquels l’intéressé avait fourni des justifications circonstanciées et convaincantes. Elle n’a opposé à celles-ci aucun argument, se bornant à affirmer que le licenciement serait intervenu, en vertu du pouvoir discrétionnaire du maire, pour insuffisance professionnelle.   La décision ayant été prise en réalité pour des motifs étrangers à l’intérêt du service, rejet de la requête. »

[16] «   Considérant que la délibération du comité du syndicat mixte prévoyant la  suppression progressive des emplois à temps incomplet au sein de  l’orchestre, en application de laquelle a été prise la décision de  licencier M. THEVENET, a été annulée par le juge administratif pour un  motif tiré du vice de la procédure précédant l’adoption de la délibération  annulée, qui résultait du défaut de consultation du comité technique  paritaire ; que, par ailleurs, M. THEVENET a perçu une indemnité de  licenciement équivalant à un an de traitement qui constitue la réparation  normale de la rupture d’un contrat à durée indéterminée ; que toutefois,  il est en droit de prétendre à la réparation du préjudice financier,  professionnel et moral que lui a causé la faute résultant de  l’irrégularité de la délibération dont procède la décision de le  licencier ; que si M. THEVENET est fondé à invoquer l’existence d’un  préjudice financier, il ne peut pas pour autant prétendre, en l’absence de  service fait, au versement de sa rémunération pendant la période qu’il  invoque ; que l’intéressé, compte tenu des liens existant entre l’exercice  des fonctions de professeur de musique et celles de musicien, est  également fondé à invoquer le préjudice professionnel que lui a causé son  éviction de l’orchestre ; que l’intéressé enfin, compte tenu de sa  réputation de musicien, est fondé à invoquer le préjudice moral que lui a  causé cette même éviction ; / Considérant qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par  M. THEVENET à raison de son licenciement en fixant l’indemnité qui lui est  due, en sus de l’indemnitéde licenciement de 160 722,78 F qu’il a perçue,  à 300 000 F, tous intérêts compris ; que, dans cette mesure, le syndicat  mixte est fondé à demander la réformation du jugement attaqué tandis que  la requête de M. THEVENET doit être rejetée ; »

[17] «   Considérant, enfin que le tribunal administratif n’a pas fait une  évaluation exagérée du préjudice moral que la mesure de licenciement a  causé à Mme Biètry, en condamnant, pour ce chef de préjudice, la VILLE  D’AIX-EN-PROVENCE à verser à l’intéressée une indemnité de 10 000 F ; »

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ParJDA

TA de Toulouse, 18 février 2016, Mme GLUSHAK

Art. 58.

Un commentaire de la présente décision & de ses conclusions se trouve en ligne ici.

Publication réalisée avec l’autorisation & le soutien du TA de Toulouse.
Publication non anonymisée avec l’accord de la partie intéressée et de son conseil.

fr-tls

REPUBLIQUE FRANCAISE – AU NOM du PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE TOULOUSE

5ème chambre – présidence de Mme CARTHE MAZERES

1203445

Mme Kanté – Rapporteur

M. Dubois – Rapporteur public

Audience du 21 janvier 2016

Lecture du 18 février 2016

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 juillet 2012, le 7 septembre 2012, le 18 juillet 2014, le 30 juillet 2014 et le 26 novembre 2015, Mme Nanette Glushak, représentée par Me Thalamas demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision en date du 13 février 2012 par laquelle le maire de Toulouse a procédé à son licenciement dans l’intérêt du service ;

2°) de condamner la commune de Toulouse à lui verser la somme de 180 000 euros en indemnisation de ses préjudices financier et moral, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la décision attaquée est entachée d’un vice d’incompétence ;

– elle n’est pas suffisamment motivée ;

– son licenciement dans l’intérêt du service n’est pas justifié ; aucun élément ne vient étayer la référence à une nouvelle politique culturelle, la seule modification tangible relative au Ballet du Capitole étant le doublement en trois saisons du nombre de ses représentations avec invitation lui étant faite de proposer chaque saison six programmes différents au lieu de quatre ;

– la matérialité des faits n’est pas établie ; les arguments selon lesquels elle aurait opposé des réticences à appréhender, d’une part, l’ouverture du répertoire à des chorégraphes contemporains et d’autre part, le développement de partenariats culturels avec l’environnement local ne correspond à aucune réalité ; le Ballet du Capitole a présenté, sous sa direction, en plus du répertoire classique, pas moins de douze chorégraphes contemporains ainsi que de nombreuses reprises de leurs œuvres ; le Ballet du Capitole a participé, sous sa direction, à des projets de partenariat culturels avec les auteurs locaux de la danse, que ce soit les différentes éditions de la manifestation « Osons danser » ou le spectacle commun avec l’association de danse hip-hop CACDU ; toutes ses propositions dans le choix du répertoire, des chorégraphes et des évènements culturels doivent être approuvées et validées par la direction artistique du Théâtre du Capitole, seule autorité décisionnaire ; elle n’a pas été sollicitée au regard de ce qui serait une nouvelle politique culturelle pour ce qui concerne les responsabilités dont elle avait la charge, les attestations produites par le défendeur étant mensongères ; aucun élément objectif ne vient apporter la preuve de sa responsabilité dans la perte de notoriété du Ballet du Capitole qui se traduirait depuis quelques saisons par une diminution des tournées nationales ; cette diminution coïncide avec l’augmentation de l’activité du Ballet qui, sous l’impulsion de la direction artistique, a multiplié par deux le nombre de représentations faites à Toulouse en trois saisons, obligeant le ballet du Capitole à refuser des tournées ; ses activités extérieures en sa qualité de maîtresse de ballet accréditée du George Balanchine Trust qui l’ont conduite à effectuer des missions auprès d’autres troupes, autorisées par son contrat et qui ne sont pas nouvelles, n’ont jamais porté préjudice à l’activité du Ballet demeurée sa priorité ; elle a, à l’instar de M. Belarbi, une culture fondamentale de la danse très proche de celle de ce dernier, faite d’exigences envers le répertoire classique et d’ouvertures à d’autres univers esthétiques ;

– elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

– l’obligation de reclassement a été méconnue.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 décembre 2013 et le 24 avril 2015, la commune de Toulouse conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme Glushak de la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

– la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ;

– le code général des collectivités territoriales ;

– le décret n°88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 21 janvier 2016 :

– le rapport de Mme Kanté,

– les conclusions de M. Dubois, rapporteur public,

– et les observations de Me Thalamas, représentant Mme Glushak, et de Me Kaczmarczyk, représentant la commune de Toulouse.

  1. Considérant que Mme Glushak a été recrutée par la ville de Toulouse, en qualité d’agent non titulaire, en contrat à durée déterminée à compter du 1erseptembre 1994, pour occuper l’emploi de directrice de la danse au Théâtre du Capitole et assumer ainsi la charge de la direction de la programmation du ballet au théâtre ; que son contrat, après avoir été renouvelé, à plusieurs reprises, a été reconduit sous la forme d’un contrat à durée indéterminée, par l’effet de la loi n°2005-843 du 26 juillet 2005 à compter du 27 juillet 2005 ; que Mme Glushak occupe parallèlement à ses fonctions celles de maîtresse de ballet certifiée par le Balanchine Trust ; qu’estimant que Mme Glushak n’adhérait pas au projet de modernisation du ballet, que la ville dit avoir initié depuis 2008, et plus largement à la volonté de rendre ladite institution accessible à un public plus varié, la commune de Toulouse a, par courriers des 16 et 27 janvier 2012, convoqué Mme Glushak à un entretien préalable en vue de son licenciement dans l’intérêt du service au motif qu’elle n’avait pas su s’adapter aux nouvelles orientations fixées par la direction artistique du Théâtre du Capitole ; que par décision du 13 février 2012, la commune de Toulouse lui a officiellement notifié son licenciement ; que le 26 mars 2012, Mme Glushak a formé un recours gracieux à l’encontre de cette décision et a sollicité l’indemnisation des préjudices subis du fait de son licenciement ; que par courriers des 4 avril et 11 mai 2012, la commune de Toulouse a demandé à Mme Glushak de préciser ses demandes quant aux préjudices invoqués ; que Mme Glushak a précisé sa demande dans son courrier du 20 juin 2012 ; qu’en l’absence de réponse à sa demande, Mme Glushak demande, par la présente requête, l’annulation de la décision prononçant son licenciement ainsi que l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de son licenciement illégal ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

  1. Considérant qu’aux termes de l’article 3 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 susvisée : « Les collectivités et établissements mentionnés à l’article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d’un congé de maladie, d’un congé de maternité, d’un congé parental ou d’un congé de présence parentale, ou de l’accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, de leur participation à des activités dans le cadre de l’une des réserves mentionnées à l’article 74, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d’un an à la vacance d’un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi. (…) Par dérogation au principe énoncé à l’article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu’il n’existe pas de cadre d’emplois de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. » ; qu’aux termes de l’article 40 du décret n°88-145 du 15 février 1988 susvisé : « L’agent non titulaire engagé pour une durée déterminée ne peut être licencié par l’autorité territoriale avant le terme de son engagement qu’après un préavis qui lui est notifié dans les délais prévus à l’article 39. Toutefois, aucun préavis n’est nécessaire en cas de licenciement prononcé soit en matière disciplinaire, soit pour inaptitude physique, soit à la suite d’un congé sans traitement d’une durée égale ou supérieure à un mois, soit au cours ou à l’expiration d’une période d’essai. Les mêmes règles sont applicables à tout licenciement d’agent non titulaire engagé pour une durée indéterminée. »; qu’aux termes de l’article 42 de ce même décret : « Le licenciement ne peut intervenir qu’à l’issue d’un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l’intéressé par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis. » ;
  1. Considérant que pour prononcer le licenciement de Mme Glushak, la commune de Toulouse s’est fondée sur les circonstances que l’intéressée n’avait pas su s’adapter aux nouveaux objectifs fixés par le directeur artistique du Théâtre du Capitole dans le cadre du changement de projet culturel de la ville de Toulouse depuis 2008, à savoir l’introduction d’une modernité dans le Ballet du Capitole, impliquant une nouvelle direction artistique se traduisant par l’ouverture du répertoire à des chorégraphes contemporains, pour des créations basées sur une nouvelle esthétique, mais aussi par des partenariats avec l’environnement local dans le domaine de la danse, croisements des genres et des styles par le biais de cours publics, de performances, qu’elle n’avait pas été à même de prendre en compte ces orientations nouvelles et s’y était montrée réticente, que malgré les nombreux échanges avec le directeur artistique du Théâtre du Capitole, elle n’avait pas souhaité engager sa troupe de ballet vers un répertoire autre que néo-classique et s’est ainsi opposée à toutes les ouvertures du Ballet sur l’environnement local, provoquant dès lors une mauvaise implication des danseurs lors des différentes éditions de la manifestation « Osons danser » et de la lecture-démonstration avec l’association de danse hip‑hop le CACDU et que ces réticences ont été de nature à entraver la mise en œuvre du nouveau projet culturel, à compromettre l’insertion du Ballet du Capitole dans son environnement et à nuire à son rayonnement dans les réseaux de diffusion de la danse, aux plans national et international ; qu’elle s’est également fondée sur la perte de notoriété du Ballet du Capitole se traduisant depuis quelques saisons, par une diminution des propositions de tournées nationales et internationales jusqu’à arriver depuis deux saisons, exception faite d’une représentation à Pampelune en mai 2011, à une absence de spectacles hors de Toulouse et sur la circonstance que sa qualité de maîtresse de ballet accréditée par Balanchine Trust qui la conduit à des missions régulières auprès d’autres troupes de ballet en France et à l’étranger n’est pas compatible avec l’investissement requis à Toulouse pour conduire le projet artistique du Ballet, lequel nécessite une présence effective et constante du directeur de la danse à Toulouse afin d’en incarner le projet et d’en assurer la traduction artistique, notamment par les liens avec les acteurs locaux ;
  1. Considérant que la ville de Toulouse fait valoir qu’elle s’est orientée dans un nouveau projet culturel, à compter de 2008 ; que toutefois, la brochure qu’elle produit intitulée « Projet culturel pour Toulouse 2009/2014 », ainsi que les attestations de M. Chambert, directeur artistique du théâtre du Capitole, lesquelles ne sont pas datées, sont insuffisantes à démontrer la réorientation des projets artistiques du Ballet du Capitole, selon les deux grands axes d’évolution décrits par ces seuls courriers ; qu’il n’est pas davantage établi que Mme Glushak ait été informée de ces nouvelles orientations ; que s’il est fait grief à Mme Glushak de s’être montrée réticente à appréhender des nouveaux univers esthétiques et à nouer des partenariats culturels avec d’autres acteurs locaux de la danse et notamment de ne pas avoir souhaité engager sa troupe de ballet dans un répertoire autre que néoclassique, cette circonstance n’est établie par aucune des pièces du dossier ; que s’il est constant que Mme Glushak a ainsi refusé de programmer le ballet « Les forains » de Roland Petit, elle en justifie par des motifs économiques en période de crise, en 2008, dont la réalité n’est pas contestable ; que, de surcroît, il ressort des pièces du dossier qu’au cours des 18 années à la tête du ballet Capitole, 13 ballets contemporains ont été mises en œuvre sous son autorité, notamment Angelin Prejlocag, inscrit au répertoire dès 1994, nonobstant la circonstance que les chorégraphes auxquels Mme Glushak a fait appel, MM. Nacho Duato et Mauricio Wainrot, chorégraphes contemporains mondialement connus, appartiendraient à la seule et même esthétique néo-classique et auraient déjà eu l’occasion de présenter chacun un de leur ballet au Théâtre du Capitole ; que s’agissant du projet « Hip-Hop », Mme Glushak convient que les danseurs du théâtre n’étant pas entraînés à cette technique de danse en sorte qu’il convenait d’être attentif à la manière de les solliciter ; qu’il est constant cependant que cette action a été mise en œuvre, en collaboration avec M. Djouri, au centre du projet, et menée avec succès ainsi que le soutient la requérante, même s’il n’y a pas eu de spectacle commun, ce qui n’est pas contesté ; que si le cours de danse sur la place du Capitole, n’a pas eu lieu, ce projet n’a fait l’objet d’aucune opposition de principe de la part de l’intéressée, laquelle, en tout état de cause, n’en avait pas été informée ; que la ville de Toulouse reconnaît, par ailleurs, que la diffusion des ballets du Capitole, nationale et internationale, a été satisfaisante jusqu’en 2008 ; qu’il n’est pas établi que la perte de notoriété se traduisant depuis plusieurs saisons, par une diminution des propositions de tournées nationales et internationales jusqu’à arriver depuis deux saison à une absence de spectacles hors de Toulouse, à l’exception d’une représentation de la Symphonie Ecossaise et du Sacre du printemps soit imputable à l’intéressée ; qu’il ressort, en outre, des pièces du dossier et notamment de la liste des représentations extérieures de 1998 à 2000 produite par l’intéressée que plusieurs spectacles ont été organisés pendant cette période en France et à l’étranger, à son initiative ; que la ville de Toulouse n’a pu enfin considérer que la qualité de maîtresse de Ballet accréditée par le Balanchine Trust, de Mme Glushak, laquelle a permis, au demeurant, à la ville d’avoir un accès privilégié au répertoire balanchinien, n’était pas compatible avec sa présence effective et constante en tant que directrice de danse de Toulouse, alors qu’elle était prévue par son contrat de recrutement dès l’origine ; qu’ainsi, les motifs avancés par la commune pour justifier la cessation des fonctions de l’intéressée et tirés notamment de la réorganisation du service et de l’inaptitude de Mme Glushak à s’adapter aux évolutions en cours ne sont pas fondés ; que de tels motifs dont il n’est ainsi pas établi qu’ils aient été pris dans l’intérêt du service et dans un souci de bonne administration n’étaient pas de nature à justifier qu’il soit mis fin aux fonctions de Mme Glushak ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner ses autre moyens, Mme Glushak est fondée à demander, l’annulation de la décision en date du 13 février 2012 par laquelle le maire de Toulouse a procédé à son licenciement dans l’intérêt du service ;

Sur les conclusions aux fins d’indemnisation :

  1. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, en procédant au licenciement de Mme Glushak dans l’intérêt du service, la ville de Toulouse a commis une illégalité constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la requérante ; qu’ainsi la requérante est fondée à demander la réparation des préjudices subis ; que, toutefois, en l’absence de précisions au dossier sur les revenus perçus par Mme Glushak depuis la date de son licenciement irrégulier, son préjudice financier ne peut être regardé comme établi ; qu’en tout état de cause, Mme Glushak ne démontre pas que l’impossibilité de retrouver un poste équivalent à celui qu’elle occupait avant son licenciement, dont elle se prévaut, ait un lien de causalité direct avec la rupture anticipée de son contrat alors que la ville de Toulouse fait valoir, à bon droit, que la difficulté de retrouver un emploi similaire ne résulte pas du licenciement mais de la spécificité de l’emploi en cause ; qu’il suit de là que le préjudice allégué ne revêt pas un caractère certain et que la demande de Mme Glushak ne peut sur ce point qu’être écartée ; qu’il résulte en revanche de l’instruction que celle-ci a subi, du fait de ce licenciement, un préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l’espèce, et compte tenu des particularités de la fonction de directeur de la danse, en en fixant la réparation à 20 000 euros ;

Sur les intérêts :

  1. Considérant que Mme Glushak a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l’indemnité de 20 000 euros à compter du 30 mars 2012, date de réception de sa demande préalable par la commune de Toulouse ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative :

  1. Considérant que les dispositions de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme Glushak, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Toulouse demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme Glushak et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La décision en date du 13 février 2012 par laquelle le maire de Toulouse a procédé au licenciement de Mme Glushak dans l’intérêt du service est annulée.

Article 2 : La commune de Toulouse est condamnée à verser à Mme Glushak la somme de 20 000 euros en indemnisation du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2012.

Article 3 : La commune de Toulouse est condamnée à verser la somme de 1 200 euros à Mme Glushak en application de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme Nanette Glushak et à la commune de Toulouse.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016 ; Art. 58.

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