Du Jda oublié à l’affaire des affiches lacérées

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Du Jda oublié à l’affaire des affiches lacérées

Art. 353.

Par M. le professeur Mathieu Touzeil-Divina,
fondateur et directeur du Journal du Droit Administratif,
professeur de droit public à l’Université Toulouse 1 Capitole, IMH

Le présent article est dédié à M. le professeur B. Pacteau
– en respectueux hommage –
ainsi qu’à la famille de M. Victor Ucay

Des fondateurs aux lecteurs. Le Journal du Droit Administratif (Jda) a été fondé en 1853 et ce, notamment par les professeurs de la Faculté de Droit de Toulouse, Adolphe Chauveau[a] (1802-1868) et Anselme (Polycarpe) Batbie[b] (1827-1887). Il nous a été donné, déjà, non seulement de leur rendre un juste hommage et tribut mais encore de revenir sur l’histoire même[c] du premier (et pérenne) média spécialisé dans la branche dite publiciste du droit administratif. Après nous être ainsi intéressés à ses fondateurs et à ses promoteurs, penchons-nous maintenant sur leurs lecteurs.

Il nous a alors semblé intéressant – dans le cadre de la section « Histoire(s) du Droit Administratif » – de mettre ici en lumières – en cinq articles ainsi répartis – les éléments que nous avions trouvés, entre droit administratif, histoire locale et politique mais aussi généalogie, concernant Victor Ucay (1856-1950) :

V. Du Jda oublié
à l’affaire des affiches lacérées

Assurément, Victor Ucay fut un personnage politique important et un véritable juriste d’envergure. On a ainsi pris beaucoup de plaisirs à relire ses écrits et ses engagements (même si on ne les partagerait pas tous pour autant). L’homme semblait passionné et fondamentalement habité d’une envie d’agir pour la Cité et les plus nécessiteux. Sa passion pour le monde agricole, les chevaux, le droit administratif ou encore les questions fiscales semble évidente.

On est alors peu étonné de constater que sa présence était recherchée et appréciée des notables et la lecture de la presse nous apprend même qu’il fit partie de la liste des jurés tirés au sort pour siéger[1] en Cour d’assises en 1911 même si l’on n’en sait encore pas davantage sur cette participation potentielle.

Pour terminer ce portrait d’un de nos abonnés, on a voulu exprimer ici une quasi uchronie.

Que se serait-il en effet passé si Victor Ucay avait lu le Journal du Droit Administratif qui lui était destiné en juillet 1878 ? L’a-t-il reçu et non ouvert et dans cette hypothèse comment s’est-il retrouvé près d’un siècle et demi après à Bordeaux puis à Toulouse ? De même, s’il n’a jamais reçu ledit numéro, comment a-t-il pu à ce point être égaré ?

On ne le saura vraisemblablement jamais.

On sait en revanche, ainsi qu’on l’a expliqué supra, que le numéro oublié contenait quelques précisions (au n°3252) sur la question de la responsabilité d’un élu qui avait lacéré les affiches électorales d’un candidat. Et Victor Ucay n’avait pas eu – et pour cause – connaissance de cet article. Or, nous apprend-t-on[2] en mai 1902, quelques jours avant le second tour des législatives opposant Cruppi et Ucay, le député sortant s’était ému de ce qu’Ucay aurait – précisément – fait lacérer et contre placarder certaines des affiches du député Cruppi avec une bannière « aux républicains honnêtes » à qui l’on recommandait l’abstention contre Cruppi afin qu’elle profitât à Ucay !

Était-ce un simple argument voire une calomnie de campagne ? De la contre-propagande ? Ucay avait-il vraiment lui-même lacéré ou fait lacérer des affiches ? On ne le sait pas plus mais l’on s’amuse à penser que s’il avait été destinataire du Jda oublié, peut-être y aurait-il réfléchi à deux fois.

Il existe encore, en conclusion, de nombreuses pistes à aller explorer à propos de la vie et des travaux de Victor Ucay, l’un des premiers abonnés de notre Journal du Droit Administratif.

  • Pourquoi avait-il voulu faire une thèse de doctorat ?
  • Qui décida d’attribuer son patronyme à des courses hippiques ?
  • Jean Cruppi appréciait-il – derrière le masque politique – le commensal Ucay ?
  • Avait-il rencontré, en politique ou à Toulouse, un Jean Jaurès (1859-1914) ?
  • Reste-t-il quelques traces oubliées mais écrites des éventuelles plaidoiries au Palais de Justice de l’avocat Ucay ?
  • Quels liens entretint-il avec plusieurs des professeurs de la Faculté dont les professeurs de droit administratif Rozy, Vidal, Wallon et même Hauriou ?
  • Ucay appartint-il à d’autres sociétés savantes ou autres ?
  • Comment le numéro oublié du Jda fut-il retrouvé à Bordeaux ?
  • Et, surtout ( ?), combien de temps y fut-il abonné ?

Il reste encore et heureusement à chercher, à trouver et à écrire mais l’on est heureux de pouvoir ainsi saluer la mémoire de ce glorieux personnage. Enfin, il faut évidemment mentionner ici le décès de Victor Ucay. Il advint le 18 décembre 1950, à Grenade, « en son domicile rue Gambetta ». Victor était alors presque centenaire et son corps a été par suite inhumé au cimetière de Grenade, la Chapelle de Saint Bernard, autrefois appelé l’ancien cimetière.

Ill. 46 © Commune de Grenade-sur-Garonne. Certificat de décès de Victor Ucay.

Le professeur Touzeil-Divina tient à remercier la mairie de Grenade-sur-Garonne, l’Université Toulouse 1 Capitole et, surtout, la famille de Victor Ucay pour leur disponibilité et l’accès privilégié à leurs sources.


Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2021, Art. 353.


[a] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Chauveau [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 14 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=128.

[b] Journal du Droit Administratif (Jda), 2016, Histoire(s) – Batbie [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 15 : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=131.

[c] Touzeil-Divina Mathieu, « Le premier et le second Journal du Droit Administratif (Jda) : littératures populaires du Droit ? » in Guerlain Laëtitia & Hakim Nader (dir.), Littérature populaires du Droit ; Le droit à la portée de tous ; Paris, Lgdj ; 2019 ; p. 177 et s. ; Eléments en partie repris in : Journal du Droit Administratif (Jda), 2019, Eléments d’histoire(s) du JDA (1853-2019) I à IIII [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 253, 254 et 255. En ligne depuis : http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=2651.

[1] La Dépêche, édition de Toulouse du 06 mai 1911.

[2] La Dépêche, édition de Toulouse du 10 mai 1902 ; p. 04.

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À propos de l’auteur

JDA administrator

Le JDA (Journal du Droit Administratif) en ligne a été (re)fondé en 2015 à Toulouse. Son ancêtre le "premier" JDA avait été créé en 1853 par les professeurs Adolphe Chauveau & Anselme Batbie. Depuis septembre 2019, le JDA "nouveau" possède un comité de rédaction dirigé par le professeur Mathieu Touzeil-Divina et composé à ses côtés du Dr. Mathias Amilhat ainsi que de M. Adrien Pech.