Le requin & le droit administratif

ParJDA

Le requin & le droit administratif

Art. 366.

Cet article fait partie intégrante du dossier n°08 du JDA :
L’animal & le droit administratif
… mis à la portée de tout le monde

par M. Vincent VIOUJAS
Directeur d’hôpital, chargé d’enseignement à la Faculté de droit et de sciences politiques d’Aix-en-Provence (AMU), chercheur associé au Centre de droit de la santé (UMR 7268 ADES, AMU/EFS/CNRS)

Au fil des arrêts les plus célèbres du droit administratif, les vipères côtoient les chiens errants, qui eux-mêmes voisinent avec les oiseaux migrateurs[1], sans que l’on n’y rencontre fréquemment de requins. Cette invisibilité peut s’expliquer par une double raison.

D’une part, même si plusieurs dizaines d’espèces différentes vivent près des côtes françaises métropolitaines, les interactions avec l’homme s’avèrent peu nombreuses. Les requins qui peuplent l’Atlantique ou la Méditerranée sont, en effet, inoffensifs et préfèrent, le plus souvent, demeurer dans les eaux profondes[2]. Il peut parfois arriver qu’ils s’échouent sur le rivage, comme ce fut le cas d’un requin bleu près de Capbreton en août 2020, mais le phénomène reste exceptionnel. La situation est revanche différente Outre-mer, au large de la Nouvelle-Calédonie, en mer des Caraïbes[3] et, bien entendu, à la Réunion, où les attaques se concentrent dans l’ouest de l’île comme on aura l’occasion de le voir.

D’autre part, les requins, qui constituent un super-ordre de la sous-classe des poissons élasmobranches au sein des poissons cartilagineux, ne bénéficient que d’une protection juridique très incomplète, et ce alors même que, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), au moins 11 espèces de requins et de raies (qui appartiennent à la même sous-classe) sont menacées dans les eaux de France métropolitaine[4]. Ainsi, aucun d’entre eux ne fait partie des espèces protégées au sens de l’article L.411-1 du code de l’environnement. En droit international, contrairement aux grands cétacés avec lesquels on les confond souvent[5], ils ne disposent pas d’un instrument de protection spécifique. Au cours des quinze dernières années, la liste des espèces de requins et de raies inscrites à l’annexe II de la Convention internationale sur le commerce des espèces menacées de faune et de flore sauvages (CITES, ou Convention de Washington) a cependant été élargie, non sans vives discussions[6]. Mais le texte ne vise toujours pas les requins bouledogues et requins tigres, qui sont ceux impliqués dans les attaques de requins au large de la Réunion. Il en va de même s’agissant de la Convention de Bonn (1979) sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage. Contrairement à ce qu’une dépêche AFP avait annoncé à tort en novembre 2014, ces deux espèces de requins ne figurent pas dans les annexes de celle-ci. Quant au droit de l’Union européenne, il s’est essentiellement employé à interdire le shark finning, c’est-à-dire la pratique consistant à couper les nageoires de requins, utilisées dans certaines soupes asiatiques ou par la médecine traditionnelle, et à rejeter en mer le reste du corps, le plus souvent vivant[7], sans d’ailleurs que l’on puisse garantir la pleine effectivité de ces mesures[8].

Cette situation illustre parfaitement la logique darwinienne sur laquelle repose la sélection des espèces à protéger. Outre les intérêts scientifiques et les nécessités de préservation du patrimoine naturel, les considérations économiques et financières entrent aussi en ligne de compte…au même titre que le « capital sympathie » de ces différentes espèces[9]. Or le requin ne dispose pas, loin de là, d’une image aussi favorable que le panda, le koala ou encore le bébé phoque. Dans l’imaginaire collectif, nourri par des décennies de films, séries ou bandes-dessinées, il se distingue plus comme un dangereux prédateur que comme un animal menacé d’extinction. Devenu un défenseur de la protection des océans, Peter Benchley, l’auteur du roman Jaws, adapté par Spielberg, a d’ailleurs regretté la description erronée des requins dans cette œuvre de jeunesse qui a sans doute largement desservi leur cause[10]. Cette représentation persistante explique aussi la manière dont ces derniers sont envisagés par le droit administratif

Il n’existe ainsi aucun plan national d’actions (PNA) pour le rétablissement ou pour la conservation des requins[11] et, bien entendu, aucune organisation institutionnelle spécifique (préfet coordonnateur, mission interministérielle…) telle que prévue pour certaines espèces protégées. Leur appréhension par le droit administratif passe donc principalement par la voie contentieuse et ce sont les enseignements de la jurisprudence qui permettront d’en esquisser les contours. De la vingtaine d’arrêts recensés se dégage, par ailleurs, la confirmation que le requin y est essentiellement traité comme une menace pour l’homme, comme le montre l’expression « risque requin » désormais consacrée[12].

Toutes les affaires examinées par le juge administratif portent sur une petite partie du territoire ultramarin de la Réunion, et plus précisément la partie ouest de l’île. Dans un contexte d’augmentation du nombre d’attaques de requins au niveau mondial depuis les années 2000, la Réunion concentre, en effet, environ 6% de celles mortelles, ce qui en fait un des territoires les plus concernés avec les États-Unis, l’Australie et l’Afrique du Sud[13]. Ces attaques, qui impliquent deux espèces de requins macrophages (requins bouledogues et requins tigres), se produisent, le plus souvent, dans le périmètre de la Réserve naturelle maritime (RNM) de la Réunion, créée en février 2007[14], qui occupe environ la moitié de la côte ouest. Or cette dernière regroupe également les principaux spots de glisse et les zones de baignade. De fait, les surfeurs et les body-boardeurs apparaissent surreprésentés parmi les victimes. Ces éléments permettent de comprendre la multiplicité des enjeux en présence : conservation du milieu naturel, préservation de l’ordre public, maintien d’une activité touristique aux retombées économiques importantes et pratique de sports côtiers dans des lieux renommés. Les oppositions ne se limitent d’ailleurs pas à la sphère juridique comme le montre l’implication de certains surfeurs en politique lors des élections municipales de 2014. Dans ces conditions, il n’est guère surprenant de retrouver systématiquement les mêmes acteurs dans le prétoire : État et collectivités locales, particulièrement la commune de Saint-Leu, associations défendant la cause environnementale et pratiquants des sports de glisse.

Leurs vives confrontations, depuis une dizaine d’années, a donné naissance à une jurisprudence dont les principales lignes directrices procèdent de l’assimilation des requins à un risque vital pour l’homme. Dans une telle situation, les autorités publiques ont l’obligation positive d’agir (I), sous peine de voir engagée leur responsabilité en cas de manquement (II).

I. L’obligation d’agir face au « risque requin »

Les contentieux successifs illustrent parfaitement les inflexions récentes de la jurisprudence en matière de police administrative et d’office du juge des référés. Ainsi, les obligations positives qui pèsent sur les autorités publiques en cas de danger caractérisé pour la vie des personnes (A) peuvent justifier, si elles ne sont pas correctement accomplies, le prononcé d’injonctions par le juge du référé-liberté (B).

A. Le requin, catalyseur de mesures de police administrative

A l’interrogation de savoir si l’autorité de police est libre d’agir, le professeur Truchet répondait, en 1999, « à question classique, réponse classique, confirmée par une jurisprudence peu abondante, mais constante et bien connue : l’administration doit parer aux menaces pour l’ordre public dont elle a connaissance »[15].  Vingt ans plus tard, si la conclusion n’a pas changé, les termes du sujet semblent avoir sensiblement évolué. D’une part, la jurisprudence a été considérablement enrichie dès lors que, sur le terrain indemnitaire, la responsabilité de l’administration est, de plus en plus souvent, recherchée pour sa carence, réelle ou supposée, à mettre en œuvre certaines polices spéciales, par exemple dans le domaine de la pharmacovigilance (Mediator) ou de la matériovigilance (prothèses PIP)[16]. D’autre part, le juge administratif a repris à son compte la technique des obligations positives, forgées par la Cour européenne des droits de l’homme, en considérant que « lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut (…) prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence »[17]. Menaçant directement la vie des personnes, les attaques de requins nécessitent ainsi une réaction rapide des détenteurs du pouvoir de police.

En la matière, comme souvent, les regards se sont d’abord tournés vers les maires. Outre le pouvoir de police administrative générale prévu à l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales[18], ces derniers exercent, en effet, la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés, en mer jusqu’à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux[19]. Certains d’entre eux ont ainsi pu prendre des arrêtés interdisant ces dernières[20]. Mais l’exercice de pouvoir de police du maire se heurte ici à une double limite. En premier lieu, seul le représentant de l’État dans le département est compétent pour prendre les mesures relatives à l’ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d’application excède le territoire d’une commune[21]. En second lieu, l’existence d’un espace naturel protégé (la RNM) empêche les communes de faire appel au public pour réaliser des prélèvements préventifs de requins. Un arrêté en ce sens de la commune de Saint-Leu a ainsi été suspendu par le tribunal administratif de Saint-Denis, ce que le Conseil d’État a confirmé par la suite[22]. Les dispositions de l’arrêté du 21 février 2007 précité interdisent, en effet, en principe, de pratiquer la pêche au sein des zones de protection renforcée et des zones de protection intégrale de la réserve. Si des dérogations sont envisagées, par exemple pour limiter les espèces surabondantes ou éliminer les espèces envahissantes, elles ne peuvent être décidées que par le préfet, d’où l’incompétence de l’autorité municipale.

Les attaques de requins ont ainsi débouché sur une crise institutionnelle opposant certaines communes, à commencer par celle de Saint-Leu, au représentant de l’État, dans un contexte déjà tendu à la suite de la création de la RNM jugée insuffisamment concertée[23]. Plusieurs initiatives ont pourtant été prises rapidement par le préfet de la Réunion : interdiction temporaire de certaines activités nautiques dans les eaux maritimes bordant le littoral, lancement du dispositif vigie-requins visant à mesurer les conditions environnementales favorables aux activités de surf et à mettre en place des équipes de surveillance et d’intervention sur et sous l’eau lorsque ces activités étaient autorisées, création d’un comité réunionnais de réduction du risque requins[24]… Mais l’arrêté du 13 août 2012 comportait également une mesure autorisant le marquage et le prélèvement de deux espèces de requins (requins bouledogues et requins tigres), à des fins scientifiques afin d’évaluer le risque de ciguatéra[25]. Officiellement, selon les services de la préfecture, il s’agissait de disposer d’informations supplémentaires pour savoir si l’interdiction de commercialisation des espèces de poissons concernés, privant la pêche de tout débouché commercial, devait être maintenue, ou s’il était possible d’envisager de les réintroduire dans l’alimentation des réunionnais. Officieusement, il est tentant d’y voir une légitimation de façade pour justifier le prélèvement des requins à l’origine des attaques depuis 2011[26]. Sans se prononcer sur le détournement de pouvoir, le juge administratif, saisi par plusieurs associations de défense de l’environnement, a néanmoins suspendu la disposition en estimant disproportionnée l’autorisation de prélèvement dans les zones de protection renforcée de la RNM par rapport aux buts poursuivis par le préfet[27]. C’est donc le droit applicable à la réserve, et lui seul[28], qui est venu au secours des requins, tout en exacerbant les tensions entourant la création de cette dernière.

Dans ces conditions, outre une procédure visant à obtenir l’annulation du refus implicite opposé par le premier ministre à sa demande d’abrogation du décret du 21 février 2007, qui ne nous intéresse pas directement ici[29], la commune de Saint-Leu, connue des surfeurs pour sa déferlante à gauche, n’a pas hésité à mobiliser ce que la doctrine a, par la suite, proposé de qualifier de « référé liberté pour autrui »[30]. Elle a ainsi saisi le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis, sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, d’une demande tendant à enjoindre au préfet de La Réunion d’autoriser la pêche de requins-bouledogues adultes, y compris dans le périmètre de la RNM, de prendre sans délai toute mesure utile afin d’encourager le prélèvement de requins de cette espèce et de déterminer, dans une décision ultérieure, les mesures complémentaires pouvant être rapidement mises en œuvre pour réduire le risque d’attaques de ces requins, telle l’installation de filets et de dispositifs de pêche adaptés. Le contentieux qui en a résulté a apporté d’utiles précisions sur l’office du juge du référé-liberté lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale.

B. Le requin, révélateur de l’office du juge du référé-liberté

La diversité des mesures que le juge du référé-liberté peut ordonner, sur le fondement de l’article L.521-2 du Code de justice administrative, est considérable, afin de sauvegarder une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale[31]. Comme rappelé précédemment, depuis la jurisprudence Ville de Paris et SEM Pariseine, il peut également être saisi, au nom du droit au respect de la vie, en cas de carence grave de l’autorité de police et prescrire, dans ce cadre, toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de celle-ci[32]. En outre, l’intervention du juge est envisagée de manière séquencée puisque qu’il peut, le cas échéant, après avoir ordonné des mesures d’urgence, « décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s’imposent et qui peuvent être très rapidement mises en œuvre ». Dans l’affaire en question relative aux travaux entrepris sur la dalle des Halles au-dessus d’un magasin de prêt à porter d’une célèbre chaîne suédoise, le Conseil d’État avait considéré que les circonstances ne faisaient pas apparaitre de danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes.

Cette jurisprudence a connu un premier usage très médiatisé lorsque le juge des référés, saisi par la section française de l’Observatoire international des prisons, a ordonné à l’administration pénitentiaire de procéder, dans un délai de dix jours, à la détermination des mesures nécessaires à l’éradication des animaux nuisibles présents dans les locaux du centre pénitentiaire des Baumettes[33]. Mais, en l’espèce, la carence de l’autorité publique exposait les personnes détenues à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant davantage qu’elle ne créait un danger imminent pour leur vie. L’intervention du juge administratif, sur saisine de la commune de Saint-Leu, constitue ainsi la première mise en œuvre pratique de la jurisprudence Ville de Paris et SEM Pariseine sur le fondement du droit à la vie. Recensant les différentes attaques survenues depuis 2011, dont la dernière concernait une adolescente se baignant à proximité du rivage, le Conseil d’État estime, en effet, que l’existence d’un tel risque mortel « révèle un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, qui excède ceux qui peuvent être normalement encourus lors de la pratique d’une activité sportive ou de loisirs par une personne avertie du risque pris »[34]. Cette situation, qualifiée d’exceptionnelle, impose donc aux autorités publiques de déterminer d’urgence les mesures de leur compétence de nature à réduire ce danger, le juge du référé-liberté pouvant prescrire des mesures de sauvegarde en cas de carence.  A cet égard, l’ordonnance du 13 août 2013 comporte trois enseignements importants.

En premier lieu, le Conseil d’État indique que les mesures en question doivent porter effet dans un délai très bref. Cette exigence d’immédiateté se conçoit parfaitement dès lors que le juge du référé-liberté demeure un juge de l’urgence. Elle peut ainsi être rapprochée du délai de 48 heures qui lui est, en principe, imparti pour statuer. Comme l’écrit le professeur Le Bot, « en fixant au juge un délai de jugement aussi bref, la loi recherche un résultat instantané »[35]. A ce titre, les mesures de prélèvements de requins ou d’installation de dispositifs limitant leur incursion dans certaines zones réclamées par la commune de Saint-Leu ne sont pas susceptibles de produire des effets favorables rapidement. Elles ne peuvent donc pas être prescrites par le juge du référé-liberté, ce que le Conseil d’État a, de nouveau, confirmé plus récemment[36].

En deuxième lieu, la carence des autorités de police compétentes et l’atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie en résultant sont appréciées après un examen détaillé des mesures envisageables et de celles déjà mises en œuvre ou annoncées. Dans l’affaire Ville de Paris, le rapporteur public avait mis en garde le Conseil d’État sur ce point : « votre crédibilité est aussi en jeu : il faut enjoindre ce qui peut être raisonnablement fait par l’administration, en évitant le trop-plein contentieux et la délivrance de prestations irréalistes »[37]. Se référant à des études comparatives internationales, l’ordonnance du 13 août 2013 détaille ainsi les actions susceptibles de réduire, en tout ou partie, les risques d’atteinte à la vie ou à l’intégrité corporelle des baigneurs ou des pratiquants de sports nautiques. Elle insiste également sur les décisions intervenues dans l’intervalle. Le préfet de la Réunion avait, en effet, pris un arrêté, le 26 juillet 2013, interdisant temporairement la baignade et certaines activités nautiques, sauf dans le lagon et certaines zones aménagées et surveillées. Mais le juge ne se limite pas à considérer les mesures d’ores et déjà formalisées ou entrées en vigueur. Il accepte aussi de prendre en compte les engagements exprimés par les autorités publiques. L’ordonnance se réfère ainsi à l’annonce, faite par voie de presse, de prélèvements à intervenir et à la promesse d’un plan comportant diverses autres mesures et études en vue de diminuer les risques d’attaques de requins.

Ce n’est donc qu’après s’être livré à cet examen complet que le Conseil d’État conclut que, compte tenu de l’exigence d’effet immédiat rappelée plus haut, seules les mesures d’interdiction de baignade et d’activités nautiques sont de nature à produire des effets à court terme. Cela suppose néanmoins que ces interdictions soient respectées, ce qui implique une large diffusion de l’information, à destination non seulement de la population permanente mais aussi des personnes ne résidant pas habituellement dans l’île, et donc une signalisation adaptée. Par conséquent, il enjoint à l’autorité préfectorale, dans un délai de dix jours, de s’assurer que les interdictions de baignade et d’activités nautiques et les risques encourus par leur non-respect font l’objet d’une information suffisante. Il précise, par ailleurs, que celle-ci doit être réalisée « d’une part, sur les lieux où ces interdictions s’appliquent et, d’autre part, par les voies de communication les plus appropriées, à destination de l’ensemble des populations concernées dans le département ».

En troisième lieu, l’ordonnance du 13 août 2013 indique que, s’il n’appartient pas au juge des référés de déterminer les mesures à prendre à la place de l’autorité administrative, « il ne peut se borner à fixer un objectif général sans préciser les domaines dans lesquels des mesures pouvant porter effet dans un bref délai doivent être prises ». L’injonction doit donc être précise, ce qui n’était pas le cas de celle prononcée par le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis qui portait, de manière générale et, somme toute, assez vague, sur « la détermination des mesures nécessaires pour prévenir le risque d’attaques de requins-bouledogues adultes, (…) sans exclure des actions de pêche ou de prélèvement d’individus de cette espèce »[38].

La jurisprudence Commune de Saint-Leu a donc apporté des précisions essentielles sur l’office du juge du référé-liberté. Les trois aspects évoqués ont, en effet, connu une importante postérité. L’exigence d’immédiateté a, tout d’abord, été systématiquement rappelée par la suite et vient singulièrement limiter ce qu’il est possible de demander au juge des référés sur le fondement de l’article L.521-2. Ainsi, sollicité à plusieurs reprises en matière de surpopulation carcérale et de vétusté et d’insalubrité des établissements pénitentiaires, le Conseil d’État a écarté, faute de produire un effet à bref délai, les demandes tendant à la réalisation de travaux de réfection[39] et, plus largement, toutes les demandes relatives à des « mesures d’ordre structurel reposant sur des choix de politique publique »[40]. De même, à propos de la « jungle de Calais », il a estimé que les seules mesures réalisables dans un bref délai portent sur la création de points d’eau supplémentaires, la mise en place d’un dispositif de collecte des ordures, le nettoyage du site et la création d’accès aux services d’urgence[41].

S’agissant de l’appréciation de la carence des autorités publiques et de l’illégalité manifeste de l’atteinte au droit à la vie, le raisonnement déployé dans l’ordonnance du 13 août 2013 a été confirmé et précisé à l’occasion des recours suivants. Comme indiqué précédemment, le souci de réalisme guide le juge administratif depuis l’origine. L’ordonnance en question tenait ainsi compte des mesures déjà adoptées par l’autorité administrative compétente, et même de celles simplement annoncées mais non mises en œuvre à la date du jugement. En d’autres termes, « la notion de mesures recouvre non seulement les actes déjà accomplis mais aussi les engagements qui, ayant été pris par l’administration, devraient à l’avenir porter leurs fruits »[42]. Mais, le Conseil d’État ne faisait pas expressément référence aux moyens dont cette autorité dispose comme critère d’appréciation. Cette mention figure expressément dans l’ordonnance rendue à propos de la maison d’arrêt de Nîmes[43] et revient désormais de manière systématique.

Ces deux éléments – conception souple des mesures entreprises et prise en considération des moyens dont dispose l’administration – ont été rappelés à l’envi à l’occasion de la cascade de référés-libertés formés dans le cadre de la crise sanitaire, depuis mars 2020. On se souvient, en effet, que l’une des premières ordonnances rendues écartait la demande de confinement total strict de la population notamment faute de pouvoir assurer un ravitaillement à domicile, compte tenu des moyens disponibles. Ces derniers justifiaient également que soit rejetée celle tendant à enjoindre au premier ministre de prendre les mesures réglementaires propres à assurer un large dépistage des personnels médicaux[44]. Le Conseil d’État ne s’est pas départi de cette grille d’appréciation lors de l’examen des nombreux autres recours dont il a ensuite été saisi[45]. Quant à la confiance accordée aux annonces des autorités publiques, elle a souvent reposée sur les engagements exprimés oralement au cours des débats, comme le reconnaît le président Stirn qui y voit une « démarche constructive »[46]. Mais, pour conclure sur ce point, il importe de souligner que c’est précisément parce que l’office du juge du référé-liberté est limité qu’il ne permet pas, par exemple, de mettre fin à des conditions de détention contraires à la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui a entraîné la condamnation de la France pour manquement à l’article 13 de ce texte[47]

Enfin, l’exigence de précision conduit le juge administratif à se situer sur une ligne de crête, pour reprendre une formule chère au président Lasserre[48]. L’ordonnance du 13 août 2013 s’efforçait, en effet, de tracer une voie médiane entre une injonction à portée générale, telle que celle prononcée en première instance, et la nécessité de ne pas se substituer à l’administration. A y regarder de plus près, il semble néanmoins que, comme l’observe Julia Schmitz, « les ordonnances prises par le juge du référé-liberté fixent un mode d’emploi de plus en plus précis à destination de l’administration, lui imposant les fins et les moyens, les moments et les manières de décider »[49]. La formule selon laquelle « il n’appartient pas au juge des référés de déterminer les mesures à prendre à la place de l’autorité administrative » apparaît donc plus cosmétique que réellement opératoire.

En définitive, le contentieux entre la commune de Saint-Leu et le préfet de la Réunion a posé les bases d’une transformation de la finalité de l’intervention du juge du référé-liberté, au risque de devenir une « sorte d’auxiliaire de la police administrative dont il s’efforce d’améliorer l’efficacité »[50] au nom du respect au droit à la vie, tout en en définissant des limites confirmées et précisées par la suite. Par leur nombre et leurs conséquences potentielles sur la vie quotidienne de millions de personnes, les recours formés depuis mars 2020 n’ont fait qu’amplifier et mettre en évidence un mouvement entamé depuis plusieurs années. De là à dire que la crise des requins a servi de terrain d’expérimentation à celle du pangolin, il y a un pas que nous ne nous risquerons pas à franchir, ne serait-ce que parce que les accusations portées contre ce dernier animal n’ont, à ce jour, toujours pas été prouvées avec certitude…

II. La responsabilité des autorités de police face au « risque requin »

Sur le plan indemnitaire, la carence des autorités de police est susceptible d’engager leur responsabilité en cas de dommage et il semble même que les exigences du juge administratif en la matière soient moins élevées que dans le contentieux de la légalité[51]. Comme indiqué dans les paragraphes précédents, à la Réunion, les autorités locales ne sont pas demeurées inactives : interdiction de la baignade et des activités nautiques dans certaines zones, lancement de plusieurs études et projets de recherches, mise en place de filets anti-requins couplée avec une surveillance renforcée, programme de pêche de protection[52]…De fait, les bases de jurisprudence ne recensent qu’une seule affaire, largement commentée, où un surfeur, victime d’une attaque de requin, le 5 août 2012, à la suite de laquelle il a dû subir une amputation de la main et du pied droits, recherchait la responsabilité de l’État en invoquant la carence de l’autorité préfectorale dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative[53]. L’échantillon d’analyse du régime de responsabilité applicable apparaît donc singulièrement réduit. Pour autant, ce cas d’espèce présente l’intérêt de mettre en évidence les conditions d’engagement de la responsabilité administrative.

L’acceptation du « risque requin » constitue une exception à un tel engagement (A) tandis que l’imprudence de la victime est de nature à exonérer, en tout ou partie, l’administration (B).

A. L’acceptation du « risque requin » comme exception

Dans l’affaire en question, l’action de la victime et de la famille était dirigée contre l’État auquel il était en particulier reproché une carence de l’autorité préfectorale dans l’exercice du pouvoir de substitution au maire prévu à l’article L.2215-1 du code général des collectivités territoriales. Le lieu de l’accident se situait, en effet, sur une partie du rivage considérée comme dangereuse et au sein de laquelle le maire de Saint-Leu avait interdit la baignade par arrêté en date du 1er mars 2011. Cette interdiction était matérialisée sur place par un panneau mentionnant « baignade interdite, site dangereux, accès à vos risques et périls », mais ne signalant pas explicitement le « risque requins ». Les requérants estimaient ainsi que l’information sur les dangers identifiés n’étant pas suffisante, le préfet aurait dû se substituer au maire défaillant en vertu de l’article L.2215-1.

Cette stratégie contentieuse peut susciter un certain scepticisme. La responsabilité de l’État en raison des dommages causés aux tiers du fait de la décision du préfet de ne pas se substituer au maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police n’est, en effet, engagée qu’en cas de faute lourde[54], ce qui semblait peu évident dans le cas d’espèce. Mais, en toute hypothèse, elle suppose aussi naturellement qu’il y ait une carence de l’autorité municipale dans l’exercice de son pouvoir de police. Les requérants pouvaient ici se prévaloir de deux arguments. D’une part, si la jurisprudence considère, de longue date, qu’il incombe au maire de signaler spécialement les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir[55], elle semble plus exigeante, depuis quelques années, en matière de police de baignades et des activités nautiques. Ainsi, a été jugée fautive la commune ayant apposé des panneaux prévenant les baigneurs de la présence de dangers à certaines périodes de l’année, sans préciser aux usagers « la nature des risques contre lesquels ils devaient se prémunir »[56]. D’autre part, l’ordonnance du 13 août 2013, dont il a été largement question dans la partie précédente, enjoignait à l’autorité préfectorale de mettre en place une signalisation adaptée des interdictions ou des limitations de baignade et d’activités nautiques, « en précisant clairement la nature des risques ». Au regard de ces différents éléments, il paraissait donc envisageable de démontrer le caractère insuffisant de l’information mise en œuvre par la commune.

Telle n’a cependant pas été la solution retenue par les juges du fond[57]. Ces derniers n’ont, en effet, pas relevé une quelconque carence quant au caractère approprié de l’affichage sur des dangers identifiés. L’argumentaire du pourvoi en cassation devant le Conseil d’État revenait ainsi, selon la formule du rapporteur public, « à considérer qu’une interdiction de police stricte et correctement indiquée et matérialisée, mais non motivée, ne suffit pas à prévenir la pratique interdite totalement en raison de la gravité du risque encouru ». Mais, alors que ce dernier concluait à l’erreur de qualification juridique de la cour administrative d’appel (CAA), la variété des causes de danger semblant, à ses yeux, devoir imposer de spécifier la nature du danger en question s’agissant d’attaques de requins, par nature imprévisibles et irrépressibles, la Haute juridiction ne l’a pas suivi sur ce point. Faut-il y voir une remise en cause des inflexions jurisprudentielles précitées, qui, il est vrai, portaient toutes sur des affaires où la baignade n’était pas strictement interdite ? En réalité, comme l’indique Nicolas Polge dans ses conclusions, l’arrêt de la CAA de Bordeaux doit plutôt être compris comme reposant sur l’exception de risque accepté pour expliquer le rejet de la carence.

Selon une présentation doctrinale classique, l’exception de risque accepté fait partie, avec l’exception d’illégitimité et celle de précarité, des exigences tenant à la situation de la victime qui, alors même que les conditions d’engagement de la responsabilité sont réunies, conduisent à écarter le droit à réparation s’il n’est pas justifié qu’il soit reconnu à celle-ci[58]. En d’autres termes, « l’acceptation des risques ne gomme ni la faute, ni le préjudice » mais « elle empêche simplement la victime de se prévaloir utilement de ceux-ci »[59]. Ainsi, le préjudice résultant d’une situation à laquelle cette dernière s’est sciemment exposée n’ouvre pas droit à réparation[60].

En l’espèce, le tribunal administratif, puis la CAA, commencent par rappeler la réglementation en vigueur et le fait que le panneau affiché indiquait sans ambiguïté la dangerosité du lieu, même si la nature du danger n’était pas précisée, et la stricte interdiction de la baignade. Après avoir conclu à l’absence de carence de la signalisation, un paragraphe est consacré à la situation de victime : surfeur expérimenté, connaissant le spot et qui ne pouvait ignorer les risques d’attaques de requins puisqu’il résidait dans l’île depuis de nombreuses années et que les autorités locales avaient largement communiqué sur le sujet. A ce titre, selon la cour, l’accident survenu, alors qu’il « se devait de se prémunir par un comportement prudent et adapté aux circonstances dans laquelle il pratiquait son activité sportive, ne peut être attribué et imputable qu’à sa seule imprudence ». Pour citer à nouveau le rapporteur public, « on peut accepter de regarder ces motifs sur l’exonération de toute responsabilité de l’administration comme ne faisant pas déjà double emploi avec les motifs relatifs à l’absence de carence de la commune et donc de faute du préfet dans l’exercice de son pouvoir de substitution, car ils ne sont pas sans lien les uns avec les autres, à travers la question du caractère suffisant de l’information accessible à M. B…. sur la nature du danger existant »[61].

Ainsi, loin d’être superfétatoire, le motif se référant à l’exception de risque accepté permet d’ajuster l’étendue de l’obligation pesant sur les autorités de police en termes de signalisation aux connaissances préalables de la victime. Sur ce point, les éléments avancés prennent principalement en compte la situation subjective de celle-ci (expérience, antériorité de la résidence à la Réunion, ampleur des informations diffusées par la commune et par la préfecture…) pour en déduire qu’elle ne pouvait ignorer les risques d’attaques de requins auquel elle s’exposait en pratiquant le surf à cet endroit. Reprenant ce solide argumentaire, le Conseil d’État, qui laisse à l’appréciation souveraine des juges du fond le soin de déterminer si la victime s’est sciemment exposée à un risque de dommage, a estimé que l’arrêt n’était pas entaché de dénaturation. Dès lors, comme une partie de la doctrine l’a relevé, ce sont surtout les circonstances particulières de l’affaire qui, par le recours à l’acceptation des risques, justifient que l’information délivrée ait été jugée suffisante[62].

Néanmoins, la mention de « l’imprudence de la victime », retenue tant par les juges du fond que par le Conseil d’État, met en évidence l’ambiguïté persistante qui entoure l’usage de l’exception de risque accepté en jurisprudence, tant et si bien que certains auteurs ont considéré que seul le souci de préserver les deniers publics donnait à celle-ci sa cohérence[63]. Même si elle est plus fréquemment utilisée en matière de responsabilité sans faute, dans le cadre de la responsabilité pour faute, les arrêts évoquent, en effet, fréquemment l’imprudence fautive de la victime. Comme l’écrit le professeur Belrhali, « on glisse ainsi du préjudice non réparable à la détermination des causes du dommage » et le juge raisonne alors plutôt en termes de cause exonératoire[64].

B. L’imprudence fautive de la victime du requin comme cause exonératoire

Dans la présente affaire, aucune faute des autorités de police n’a été reconnue, que ce soit en termes de signalisation, comme indiqué précédemment, ou du fait de l’absence de réalisation de prélèvements. La formulation de la CAA de Bordeaux pouvait sembler difficilement intelligible sur ce point précis, comme l’admet le rapporteur public, mais le Conseil d’État prend le soin d’écarter comme inopérant le moyen tiré de ce que le préfet de la Réunion aurait commis une faute en n’ordonnant pas des prélèvements de requins pour réduire le danger[65]. Seules des conjectures peuvent donc être faites sur l’exonération de la responsabilité de l’administration à laquelle l’imprudence de la victime aurait pu conduire.

Il n’en demeure pas moins que, sauf en matière de harcèlement moral, la faute ou le fait de la victime constitue un élément totalement ou partiellement exonératoire de responsabilité[66]. De fait, l’imprudence fautive de celle-ci est fréquemment retenue s’agissant d’accidents survenus au cours d’activités de pleine nature, à l’image du ski hors piste[67]. Les juges se réfèrent aussi souvent à la connaissance des lieux par la victime pour conclure qu’elle n’a pas fait preuve de la prudence qui s’imposait normalement à elle[68].

Pour en rester aux baignades et autres activités nautiques, une abondante jurisprudence s’efforce de départager ce qui relève du comportement de la personne concernée et de celui de l’autorité de police. A titre d’exemple, est fautif le maire qui a omis de matérialiser des zones surveillées et non surveillées sur un plan d’eau et d’avertir du danger que présente le fait de plonger d’un ponton installé dans une eau peu profonde, mais la responsabilité de la commune est atténuée par le fait que la victime a commis une grave imprudence en plongeant sans s’assurer qu’elle pouvait le faire sans risque[69]. Ce cas d’espèce présente par ailleurs l’intérêt de mettre en évidence les éléments pris en compte par le juge pour apprécier le comportement en question. A la comparaison in abstracto avec le standard du pratiquant idéal[70] s’ajoutent, en effet, des considérations plus subjectives tels qu’ici l’âge et la qualité professionnelle de l’intéressé.

A n’en pas douter, les éventuels contentieux indemnitaires futurs à la suite de dommages provoqués par des attaques de requins ne feront pas l’économie d’une analyse du comportement de la victime. Dans la seule affaire examinée à ce jour, la faute de celle-ci semblait assez évidente. Outre son expérience et sa connaissance des lieux et des risques encourus, le malheureux surfeur était, en effet, en infraction avec les mesures de police qui prescrivaient une interdiction absolue de la baignade. D’autres configurations (pratiquant plus jeune, simplement de passage dans l’île…etc) pourraient toutefois conduire à des solutions différentes puisque ne saurait être qualifié de fautive la prise d’un « risque mesuré, justifié par les circonstances »[71]. Sans naturellement souhaiter une telle issue, notons, pour conclure, que le surf est de nouveau autorisé dans le cadre d’une zone d’expérimentation opérationnelle sur le site de Saint-Leu[72].

En définitive, la représentation populaire des requins dessert certainement la cause de ces animaux qui ne disposent pas d’une protection adaptée aux menaces qui pèsent sur la survie de certaines espèces. Mais, pour le juriste, elle présente l’avantage de fournir une parfaite illustration de la manière dont le droit administratif appréhende un risque jugé vital, à la fois sous la forme d’une obligation d’agir pour les autorités de police et d’une cause d’exclusion ou d’exonération de responsabilité en cas d’imprudence, respectivement non fautive et non fautive, de la victime.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), Dir. Pech / Poirot-Mazères
/ Touzeil-Divina & Amilhat ;
L’animal & le droit administratif ; 2021 ; Art. 366.


[1] Respectivement CE, 6 févr. 1903, Terrier ; CE, 4 mars 1910, Thérond et CE, sect., 3 déc. 1999, Ass. ornithologique et mammologique de Saône-et-Loire, n°199622.

[2] La dernière attaque de requin en Méditerranée remonte à 1989 et la victime était un plongeur-chasseur ayant de nombreux poissons morts accrochés à sa ceinture.

[3] Ont ainsi été recensées récemment l’attaque d’un baigneur, au large de l’îlot Maître (févr. 2021), d’un plongeur au nord d’Ouvéa (mars 2021) et d’une nageuse au large de Saint-Martin (déc. 2010).

[4] La liste rouge des espèces menacées en France, UICN France, 2013. Au niveau mondial, l’UICN considère que 36% des requins et des raies sont menacés d’extinction (liste rouge 2021).

[5] Il s’agit de la Convention internationale pour la règlementation de la chasse à la baleine, adoptée à Washington le 2 décembre 1946.

[6] En 2019, par exemple, le requin taupe-bleu et le petit requin taupe y ont été ajoutés. La CITES, adoptée en 1973, ne constitue pas un traité global de protection des espèces sauvages mais vise simplement à réglementer le commerce international des espèces menacées. Celui-ci n’est interdit, sauf circonstances exceptionnelles, que pour celles inscrites à l’annexe I. Sur le sujet, v. M. Morin, « Les requins, la CITES et la FAO », Neptunus, Université de Nantes, vol. 26, 2020/1 (en ligne).

[7] Règlement (CE) n°1185/2003 du Conseil du 26 juin 2003 relatif à l’enlèvement des nageoires de requin à bord des navires, modifié par le Règlement (UE) n °605/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013. Sur les limites de la version de 2003 et les raisons ayant conduit à sa révision, v. Ph. Billet, « On achève bien les requins… », Environnement, 2012, alerte 81.

[8] Lorsque les navires battant pavillon d’un État membre capturent, détiennent à bord, transbordent ou débarquent des requins, l’État membre du pavillon doit soumettre chaque année un rapport à la Commission sur la mise en œuvre du règlement au cours de l’année précédente, et en particulier la façon dont il a contrôlé le respect du règlement. Plusieurs États membres côtiers ne remplissent pas cette obligation.

[9] Ph Billet, « Au secours ! Darwin revient. De la sélection des espèces à protéger », Environnement, 2012, alerte 38.

[10] V. son livre Shark trouble, Random House, 2002.

[11] Dispositif prévu à l’article L.411-3 du code de l’environnement, v. note du 9 mai 2017 relative à l’élaboration des plans nationaux d’actions.

[12] L. Peyen, « Le risque requin, le droit et la société : scolies sur l’encadrement d’un risque naturel », Dr. adm., 2016, étude 2.

[13] Les développements de ce paragraphe ont été nourris par l’excellent article (en ligne) de F. Taglioni et S. Guiltat, « Le risque d’attaques de requins à la Réunion », EchoGéo, avr. 2015.

[14] Décret n°2007-236 du 21 févr. 2007 portant création de la réserve naturelle nationale marine de la Réunion.

[15] D. Truchet, « L’autorité de police est-elle libre d’agir ? », AJDA, 1999, n° spéc., p.81.

[16] V. plus largement sur le sujet, M. Deguergue, « La responsabilité du fait des activités de police » in Ch. Vautrot-Schwarz, dir., La police administrative, PUF, coll. Thémis, 2014, p.221.

[17] CE, sect., 16 nov. 2011, Ville de Paris et SEM Pariseine, n°353172 ; RFDA, 2012, p.269, concl. D. Botteghi.

[18] « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique ».

[19] Art. L.2213-23 CGCT.

[20] TA Saint-Denis, 18 avr. 2013, n°1200016 : rejet de la demande de suspension de l’arrêté municipal d’interdiction de baignade sur le plan d’eau de la plage de Boucan Canot, mesure jugée proportionnée à l’objectif de sécurité publique poursuivi.

[21] 3° de l’article L.2215-1 CGCT.

[22] TA Saint-Denis, 7 juin 2013, n°1300707 ; CE, réf., 30 déc. 2013, Commune de Saint-Leu, n°369628.

[23] Pour une analyse complète des faiblesses du processus de gouvernance de ce projet et des oppositions entre les élus, les services de l’État, les pratiquants de sports côtiers et les associations de défense de l’environnement, poursuivant tous des intérêts différents, v. F. Taglioni et S. Guiltat, op. cit., p.13 et s.

[24] Devenu, en 2016, le centre de ressources et d’appui (CRA) pour la réduction du risque requin. Pour un bilan de ses actions, v. Préfecture de la Réunion, CRA – Bilan et perspectives, 2019.

[25] La ciguatéra est une forme d’intoxication alimentaire due à l’ingestion d’une toxine accumulée dans la chair de certains poissons se nourrissant d’une microalgue présent dans les récifs coraliens.

[26] V. en ce sens, dénonçant l’artifice de la mesure, Ph. Billet, « On achève bien les requins… », op. cit.

[27] TA Saint-Denis, 27 sept. 2012, n°1200779 et 1200800.

[28] V. L. Stahl, « Les requins dans l’onde du droit », RJE, 2013, p.81.

[29] CE, 19 déc. 2014, Commune de Saint-Leu, n°381826 ; AJDA, 2015, p.933, note A. Van Lang : rejet, le Conseil d’État précisant à cette occasion qu’une demande d’abrogation d’un décret de classement d’une réserve naturelle nationale doit être regardée comme une demande de déclassement.

[30] X. Dupré de Boulois, « Le référé liberté pour autrui », AJDA, 2013, p.2137 : comme le précise l’auteur, le juge des référés accepte de connaître d’actions engagées par des personnes en vue de préserver les libertés fondamentales d’autres personnes, d’où la dénomination de « référé liberté pour autrui ».

[31] Pour un bilan v. O. Le Bot, « Vingt ans de référé liberté », AJDA, 2020, p.1342.

[32] Seul le droit à la vie, dont il est question dans les recours relatifs aux attaques de requins, sera évoqué ici. Pour une analyse plus large portant sur l’ensemble des libertés fondamentales invocables dans le cadre d’un référé-liberté, v. C. Friedrich, « Le référé-liberté en carence de l’administration », RDP, 2018, p.1297.

[33] CE, ord., 22 déc. 2012, Section française de l’OIP, n°364584 ; D., 2013, p.1304, note J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ; JCP A, 2013, 87, note O. Le Bot.

[34] CE, ord., 13 août 2013, Commune de Saint-Leu, n°370902 ; AJDA, 2013, p.2104, note O. Le Bot.

[35] O. Le Bot, « Référé-liberté à la maison d’arrêt de Fresnes : les limites de l’article L. 521-2 », AJDA, 2017, p.2540.

[36] CE, ord., 25 juill. 2019, Ass. Océan prévention Réunion et autres, n°432876. Figurent cette fois parmi les requérants une école de surf et un commerce d’accessoires pour activités nautiques.

[37] D. Botteghi, « Référé liberté et référé conservatoire en cas de menace pour la sécurité. Conclusions sur CE, sect., 16 nov. 2011, Ville de Paris et SEM Pariseine, n°353172 », RFDA, 2012, p.269.

[38] TA Saint-Denis, ord., 19 juill. 2013, n°1300885.

[39] CE, ord., 30 juill. 2015, Section française de l’OIP, n°392043 ; AJDA, 2015, p.2216, note O. Le Bot. S’agissant de l’atteinte portée au droit à la vie, le Conseil d’État ordonne, en revanche, à l’administration pénitentiaire de mettre en œuvre trois injonctions figurant dans le dernier rapport de la commission départementale pour la sécurité contre les risques d’incendie.

[40] CE, ord., 28 juill. 2017, Section française de l’OIP, n°410677 ; AJDA, 2017, p.2540, note O. Le Bot.

[41] CE, ord., 23 nov. 2015, Ass. Médecins du monde, n°394540 ; AJDA, 2016, p.556, note J. Schmitz ; RDSS, 2016, p.90, note D. Roman et S. Slama.

[42] O. Le Bot, « Référé-liberté à la maison d’arrêt de Fresnes… », op. cit.

[43] CE, ord., 30 juill. 2015, Section française de l’OIP, op. cit.

[44] CE, ord, 22 mars 2020, Syndicat des jeunes médecins, n°439674 ; AJDA, 2020, p.851, note Ch. Vallar ; AJCT, 2020, p.175, note S. Renard ; D., 2020, p.687, note P. Parinet-Hodimont ; JCP G, 2020, 434, note O. Le Bot.

[45] Parmi une abondante bibliographie, v. C. Broyelle, « Regard sur le référé-liberté à l’occasion de la crise sanitaire », AJDA, 2020, p.1355.

[46] B. Stirn, « Le référé et le virus », RFDA, 2020, p.634 : « Les débats au cours de l’audience publique ont souvent permis à cette dernière (l’administration) de préciser et d’amplifier son action ».

[47] CEDH, 30 janv. 2020, n°9671/15, J. M. B. c/ France ; AJDA, 2020, p.1064, note H. Avvenire ; D., 2020, p.753., note J.-F. Renucci : v. en particulier les &217 et 218 où la Cour considère que le pouvoir d’injonction conféré au juge administratif a une portée limitée et que ce dernier fait dépendre son office des moyens dont dispose l’administration.

[48] B. Lasserre, « Éditorial », Rapport public 2019 du Conseil d’État, p.9.

[49] J. Schmitz, « Le juge du référé-liberté à la croisée des contentieux de l’urgence et du fond », RFDA, 2014, p.502.

[50] X. Dupré de Boulois, « On nous change notre…référé-liberté », RDLF, 2020, chron. n°12.

[51] F. Melleray, « L’obligation de prendre des mesures de police administrative initiales », AJDA, 2005, p.71.

[52] Sur ces dispositifs, F. Taglioni et S. Guiltat, op. cit., p.16 et s.

[53] CE, 22 nov. 2019, Consorts Bujon, n°422655 ; AJCT, 2020, p.152, note S. Renard et E. Péchillon ; AJDA, 2020, p.1867, note J.-Ph. Ferreira ; Dr. adm., 2020, comm. 26, obs. J.-S. Boda et B. Pouyau ; JCP A, 2020, 2035, note H. Pauliat. L’auteur remercie le service de diffusion de la jurisprudence du Conseil d’État pour la communication des conclusions du rapporteur public, Nicolas Polge.

[54] CE, 25 juill. 2007, Société France Telecom, Société Axa corporate solutions assurance, n°28300 et Min. de l’intérieur c./Alfonsi, n°293882 ; AJDA, 2007, p.1557.

[55] CE, 5 mars 1971, Le Fichant, n°76239 ; AJDA, 1971, p.680, note J. Moreau. Parmi les nombreux cas d’application, CE, 14 oct. 1977, Commune de Catus, n°01404 (responsabilité de la commune pour défaut de signalisation du danger présenté par un plan d’eau aménagé) ; CE, 19 nov. 2013, Le Ray, n°352955 ; AJCT, 2014, p.168, obs. E. Royer ; JCP A, 2014, 2238, note H. Arbousset (responsabilité de la commune faute d’avoir pris les mesures appropriées à l’usage d’une plate-forme flottante aménagée permettant à des enfants et des adolescents d’effectuer des plongeons).

[56] CAA Bordeaux, 9 nov. 2015, n°14BX03697 (dangers de forts courants et de formation de brisants de rivage lorsque la mer est houleuse). Dans le même sens (absence de signalisation de l’existence d’un danger précis), CAA Douai, 12 nov. 2015, n°13DA00151.

[57] TA Réunion, 12 mai 2016, n°1400880, confirmé par CAA Bordeaux, 28 mai 2018, n°16BX02294.

[58] R. Chapus, Droit administratif général, T.1, Montchrestien, 15ème éd., 2001, p.1253.

[59] J. Antippas, Pour un droit commun de la responsabilité civile des personnes privées et publiques, Dalloz, 2021, p.468.

[60] CE, 10 juill. 1996, Meunier, n°143487 ; RDP, 1997, p.246, concl. J.-H. Stahl. Pour davantage d’illustrations, v. F. Séners, F. Roussel, Répertoire de la responsabilité de la personne publique, Dalloz, 2019, n°88.

[61] N. Polge, conclusions préc.

[62] J.-Ph. Ferreira, « Attaques de requins à la Réunion : à qui la faute ? », AJDA, 2020, p.1867, selon qui « le Conseil d’État a adopté une décision sur mesure, valant essentiellement pour des victimes averties ». Dans le même sens, mais plus prudents sur l’utilisation de l’exception de risque accepté, S. Renard et E. Péchillon, « Police des baignades : la mention « baignade interdite » constitue, parfois, une information appropriée du public », AJCT, 2020, p.152.

[63] V. sur ce point l’article classique de I. Mariani-Benigni, « L’ »exception de risque accepté » dans le contentieux administratif », RDP, 1997, p.841.

[64] H. Belrhali, Responsabilité administrative, LGDJ, 2017, p.261.

[65] A la date de l’accident. Comme indiqué précédemment, de nombreux prélèvements ont été réalisés par la suite.

[66] F. Lombard, J.-C. Ricci, Droit administratif des obligations, Sirey, 2018, p.320.

[67] M. Carius, « La police administrative et les activités sportives de pleine nature », RJE, 2001, p.173.

[68] Par ex., CE, 22 déc. 1971, Commune de Mont-de-Lans, n°80060 ; RDP, 1972, p.1252, note M. Waline ; CE, 25 févr. 1976, Commune des Contamines-Montjoie, n°92780 ; CE, 9 nov. 1983, Cousturier, n°35444 ; CE, 8 déc. 1989, Oddes, n°84854 : dans cette dernière affaire, la victime, qui connaissait les lieux, a commis des « imprudences graves qui sont à l’origine exclusive de l’accident ».

[69] CAA Douai, 23 janv. 2001, n°97DA01217 : la commune est déclarée responsable d’un quart des conséquences dommageables de l’accident. Pour d’autres illustrations : CAA Nantes, 29 nov. 1990, n°89NT00423 (exonération totale) ou CAA Nantes, 25 févr. 2009, n°08NT00234 (exonération partielle).

[70] J. Moreau, L’influence de la situation et du comportement de la victime sur la responsabilité administrative, LGDJ, 1957, spéc. p. 203 et s.

[71] CE, 9 déc. 2009, Philippe X., n°311795.

[72] « Le surf de nouveau autorisé sur la gauche de Saint-Leu, malgré les requins », Le Figaro, 10 avr. 2021.

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