Questionnaire de Me Bomstain (14/50)

ParJDA

Questionnaire de Me Bomstain (14/50)

Jonathan Bomstain
Avocat au Barreau de Toulouse

Art. 153.

1 – Quelle est, selon vous, la définition du droit administratif ?

Il s’agit de l’ensemble des règles spéciales et dérogatoires du droit commun, construites autour des notions d’intérêt général et d’ordre public, définissant les droits et obligations de l’Administration.

2 – Selon vous, existe-t-il un « droit administratif d’hier » et un « droit administratif de demain », et dans l’affirmative, comment les distinguer / les définir ?

Les comportements et les nécessités d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui, pas plus qu’ils ne seront ceux de demain.

Il existe ainsi sans nul doute un droit administratif d’hier et il existera un droit administratif de demain.

La distinction doit se faire de prime abord au regard de l’évolution de la société et de ses besoins (explosion du numérique, développement de la régulation des activités économiques, attentes accrues des citoyens dans la démarche interventionniste de l’Etat, etc.) et, de fait, de la notion d’intérêt général.

Le droit administratif d’hier était très certainement plus unilatéral que ne l’est celui de demain.

Le droit administratif de demain laissera une place plus importante au contradictoire ou à la démarche contractuelle associant les acteurs de la réalisation de l’intérêt général.

3 – Qu’est ce qui fait, selon vous, la singularité du droit administratif français ?

La singularité du droit administratif français réside dans l’idée selon laquelle il est impossible d’appliquer le même droit à l’administration et aux particuliers.

Cette singularité ne se retrouve pas dans les pays anglo-saxons en particulier, où l’administration est considérée, d’une manière générale, tel un opérateur économique comme un autre.

Le droit administratif français est donc la traduction d’une haute conception de la place et de l’action de l’Etat.

La manifestation la plus flagrante de cette singularité, outre le caractère impératif et contraignant des décisions administratives, réside dans le privilège de juridiction accordé à la personne publique.

4 – Quelle notion (juridique) en serait le principal moteur (pour ne pas dire le critère) ?

Sans aucun doute, l’intérêt général.

5 – Comment le droit administratif peut-il être mis « à la portée de tout le monde » ?

Il l’est déjà en partie, en particulier grâce aux nouveaux moyens de communication et à la dématérialisation des normes et documents administratifs.

La personne publique a mis en place de nombreuses plateformes exposant de façon pédagogique les règles du droit administratif s’appliquant dans les relations avec les usagers.

Toutefois, la trop grande complexité de certaines mécanismes juridiques constitue encore un obstacle non négligeable, qui ne peut qu’apparaître insurmontable au profane.

Bien qu’une démarche de simplification du droit ait pu être initiée ces dernières années, il semble nécessaire de redoubler d’effort en ce sens.

6 – Le droit administratif est-il condamné à être « globalisé » ?

Indéniablement.

Le droit administratif français ne saurait ignorer les évolutions de la société, qui tend inexorablement vers une globalisation des échanges de toutes natures, au risque de constituer finalement un frein à l’action de l’administration.

La construction européenne est l’exemple le plus frappant de la globalisation du droit administratif.

C’est parce que l’Administration doit faire face à de nouveaux enjeux et à de nouvelles contraintes que le droit qui encadre ses moyens d’intervention doit évoluer.

Non seulement, le droit administratif est condamné à être globalisé, mais la sentence a été exécutée.

7 – Le droit administratif français est–il encore si « prétorien » ?

Le droit administratif conserve encore aujourd’hui la caractéristique prétorienne qui participe indéniablement à sa spécificité.

La poursuite de la réalisation des buts d’intérêt général implique nécessairement la mise en œuvre de mécanismes unilatéraux, faisant usage le cas échéant de la contrainte légitime quel qu’en soit la forme.

Cette mission ne peut encore se satisfaire pleinement des outils mis à disposition par le droit commun.

Cependant, force est de constater que la pénétration des principes et mécanismes issus du droit privé, notamment sous l’impulsion européenne, vient fragiliser, voire faire vaciller, l’aspect prétorien du droit administratif.

À n’en pas douter, l’avenir du droit administratif impliquera une remise en question profonde de l’unilatéralité de la démarche administrative.

8 – Qui sont (jusqu’à trois propositions) selon vous, les « pères » les plus importants du droit administratif ?

Les pères les plus importants du droit administratif sont :

  • Maurice Hauriou ;
  • Léon Duguit ;
  • Charles E.

9 – Quelles sont (jusqu’à trois propositions) selon vous, les décisions juridictionnelles les plus importantes du droit administratif ?

  • Bien évidemment «Blanco » rendue par le Tribunal des conflits le 8 février 1873 ;
  • L’arrêt du Conseil d’Etat du 27 octobre 1995 « Commune de Morsang-Sur-Orge», car cet arrêt a permis une extension fondamentale de la notion d’ordre public. Par ailleurs, il s’agit très certainement de la jurisprudence la plus connue de l’ensemble des étudiants en droit de France et de Navarre.
  • L’arrêt du Conseil d’Etat du 10 novembre 1944 « Sieur Langneur ». Cette décision revêt une importance particulière bien que spécifique à la fonction publique. Elle constitue le pendant propre aux fonctionnaires du principe de la désobéissance civile du citoyen.

10 – Quelles sont (jusqu’à trois propositions) selon vous les normes (hors jurisprudence) les plus importantes du droit administratif ?

  • La loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, aujourd’hui codifiée au sein du Code des relations entre le public et l’administration ;
  • La loi du 5 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

11 – Si le droit administratif était un animal, quel serait-il ?

Si le droit administratif était un animal, il serait un caméléon.

12 – Si le droit administratif était un livre, quel serait-il ?

Si le droit administratif était un livre, il serait Candide ou l’optimisme (Voltaire)

13 – Si le droit administratif était une œuvre d’art, quelle serait-elle ?

Si le droit administratif était une œuvre d’art, il serait « La Liberté guidant le peuple » (E. Delacroix).

 

Vous pouvez citer cet article comme suit :

Journal du Droit Administratif (JDA), 2017, Dossier 04 : «50 nuances de Droit Administratif» (dir. Touzeil-Divina) ; Art. 153.

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À propos de l’auteur

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Le JDA (Journal du Droit Administratif) en ligne a été (re)fondé en 2015 à Toulouse. Son ancêtre le "premier" JDA avait été créé en 1853 par les professeurs Adolphe Chauveau & Anselme Batbie. Depuis septembre 2019, le JDA "nouveau" possède un comité de rédaction dirigé par le professeur Mathieu Touzeil-Divina et composé à ses côtés du Dr. Mathias Amilhat ainsi que de M. Adrien Pech.

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