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ParJDA

Petite chronique d’une rencontre : le Code des relations entre le public et l’administration et l’aménagement du territoire

par Mme Michèle BOUBAY-PAGES,
Maître de conférences de droit public, Université Toulouse I Capitole

Art. 88. L’aménagement du territoire est une politique publique rétive à l’encadrement juridique bien que deux lois lui aient été spécialement dédiées, la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire et la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, qui est venue la modifier. En effet, le droit de l’aménagement du territoire est largement redevable à la soft law, à des documents sans portée normative, tels que les schémas, les chartes, ou encore à ces actes que le code qualifie de non décisoires. La politique d’aménagement du territoire est animée par une double ambition : assurer l’égalité des chances sur l’ensemble du territoire en déployant des incitations financières en direction des entreprises et des actions de revitalisation des territoires en difficulté et le renforcement du rayonnement international de la France. L’objectif du code est de rendre accessibles aux usagers les règles régissant les relations entre le public et l’administration en faisant œuvre de simplification et de transparence.

Que ressort-il de la rencontre de ces deux ambitions ? Quel est l’apport du code à la politique d’aménagement du territoire ?

Outre les dispositions concernant l’entrée et la sortie de vigueur (exception faite de l’article L 242-2-2° relatif au retrait des subventions) des actes administratifs unilatéraux qui, de manière générale, s’appliquent à toute matière ayant recours aux actes décisoires, les règles particulières à la saisine et aux échanges par voie électronique (articles L 112–7 à L 122–2), et celles concernant l’association du public aux décisions (Titre 3, articles L 131–1 à R 132–10) intéressent tout particulièrement l’aménagement du territoire. Les dispositions relatives aux actes non décisoires dont ce droit fait grand usage, restent trop embryonnaires, et cela est regrettable, pour le concerner de manière efficiente.

Des rencontres fructueuses

Téléprocédures et politique des services publics

Dans les zones rurales, la mise en œuvre de la politique des services publics fait largement appel aux outils numériques. Les téléprocédures, notamment, permettent d’abolir les distances et de restreindre la nécessité de la présence physique des agents. Sur le fond, le code n’apporte pas de règles nouvelles, il retranscrit en partie l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ainsi que loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés. Cependant le regroupement de ces règles rend la matière plus directement accessible. Il ressort clairement deux principes applicables aux téléservices : l’accessibilité et la sécurité.

La fin du casse-tête de la récupération des aides d’Etat

Le 2° de l’article L242-2 aux termes duquel « Par dérogation à l’article L. 242-1, l’administration peut, sans condition de délai : (…) 2° Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n’ont pas été respectées » est particulièrement bienvenu. En effet, il résulte de la jurisprudence Ternon (CE, Ass., 26 oct. 2001, M. Ternon n° 197018) qu’un acte créateur de droit entaché d’illégalité ne peut être retiré que dans le délai de quatre mois maximum à compter de la prise de décision. Ce délai était trop bref lorsque l’illégalité d’une aide était due au non-respect des règles de l’Union Européenne concernant les aides d’Etat (article 108 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne). Lorsqu’une aide a été accordée en violation de ces règles, l’Etat doit en récupérer le montant auprès du bénéficiaire en appliquant le droit interne et en veillant à ce qu’il ne fasse pas obstacle à la récupération. Véritable casse-tête, le délai de quatre mois étant largement insuffisant pour remplir ces exigences (cf. Conseil d’Etat, Section, 13 mars 2015, ODEADOM, requête numéro 364612 jugeant que le droit européen ne pouvait être tenu en échec par le droit interne) ! L’œuvre créatrice du codificateur mérite ici d’être saluée.

Des rendez-vous manqués

La concertation

Le Code n’envisage l’association du public qu’en amont de la décision. Or, l’article 1er de la loi précitée du 4 février 1995 dispose, à propos de la politique d’aménagement du territoire, que «Les citoyens sont associés à son élaboration et à sa mise en œuvre ainsi qu’à l’évaluation des projets qui en découlent». Ce n’est donc pas une simple participation en amont mais une véritable adhésion qui est ici recherchée. L’aménagement du territoire génère des documents, plans et chartes, dénués de portée normative, tirant « leur force de la qualité de la concertation dont ils sont issus » (Yves Morvan). Les plans, qu’ils soient nationaux ou locaux, n’ont généralement pas de portée prescriptive, pas davantage que les chartes définissant les orientations des « territoires de projets », ex pays, agglomérations. La concertation avait trouvé son point d’orgue avec l’institution du conseil de développement des pays par la loi du 25 juin 1999. Mais l’ambition de cette loi a fait long feu. Des conseils de développement ont été prévus pour les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux qui ont en quelque sorte pris la suite des pays (loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles). Ces conseils sont composés de représentants de la société civile, mais ils ne sont plus sollicités au moment de l’élaboration, mais seulement de la mise en œuvre des orientations du pôle. S’agissant des plans, l’association du public, quand elle est prévue, peut se limiter à l’élaboration du document. C’est le cas du nouveau schéma régional, le SRADDET (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) créé par la loi Notre (loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République). La loi prévoit une enquête publique portant sur le projet de schéma, enquête relevant du Code de l’environnement, restant par conséquent en dehors du champ du code (article 134-1). La concertation peut aussi, tout en étant prévue, manquer de consistance comme en témoigne la circulaire du Premier ministre du 15 novembre 2013 relative à l’élaboration de la génération actuelle des contrats de plan Etat-région. Tout en affichant la volonté d’associer « les acteurs de la société civile aux réflexions stratégiques », la circulaire fourmille de bonnes intentions sans toutefois aborder les modalités concrètes de cette concertation. On peut regretter que le code n’ait pas été l’occasion de donner corps à ce type d’association du public.

Quant aux dispositions relatives aux « commissions administratives à caractère consultatif » (articles R133-1 à R133-15), elles intéresseraient l’aménagement du territoire qui prévoit de nombreuses consultations, si du moins les commissions les plus importantes, à l’instar des conférences territoriales de l’action publique instituées dans chaque région par la loi du 27 janvier 2014, n’étaient pas créées par la loi et donc hors champ du code.

Les actes non décisoires

La politique d’aménagement du territoire fait largement appel aux actes non décisoires tels que les circulaires ou directives devenues lignes directrices (le code ne reprend aucune de ces deux dénominations) pour l’attribution des aides aux entreprises. Le code est ici un peu décevant dans la mesure où il envisage seulement la publicité de ces actes quand la codification de la jurisprudence aurait ajouté à la connaissance, à la compréhension et à la stabilisation de leur régime. S’agissant des aides aux entreprises, leur octroi doit en effet s’effectuer dans la transparence. Si la publication des actes non décisoires peut y aider, il en va de même la motivation du refus d’une aide ou d’un agrément. Cela dit, le Code reprend ici les dispositions de la loi du 11 juillet 1979.

L’apport du code à la politique d’aménagement du territoire laisse un goût d’inachevé, mais faut-il le regretter si l’on considère, à la lumière de la pratique, que les procédures de l’aménagement du territoire sont faites pour n’être pas respectées ?

Vous pouvez citer cet article comme suit :

Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 02 « Les relations entre le public & l’administration » (dir. Saunier, Crouzatier-Durand & Espagno-Abadie) ; Art. 88.

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