Archive annuelle 9 mars 2016

ParJDA

Perquisitions en régime d’état d’urgence : « toc toc toc ! c’est le préfet ! »

par Maître Benjamin FRANCOS,
avocat au Barreau de Toulouse

Perquisitions
en régime d’état d’urgence :

« toc toc toc ! c’est le préfet ! »

Art. 32. La perquisition peut se définir comme l’acte par lequel un magistrat ou un policier, agissant dans le cadre d’une information judiciaire, d’une enquête de flagrance ou d’une enquête préliminaire, recherche dans un lieu occupé par une personne des documents et objets utiles à la manifestation de la vérité.

Par sa nature même, la perquisition constitue un acte d’enquête intrusif et attentatoire aux droits au respect du domicile et à la vie privée. C’est la raison pour laquelle son utilisation fait l’objet d’un encadrement particulièrement strict par le code de procédure pénale.

Ainsi, le régime de la perquisition repose sur un certain nombre de principes fondamentaux à commencer par la présence de la personne visée lors de la réalisation de la perquisition (ou un représentant de son choix ou, à défaut, deux témoins désignés par l’officier de police judiciaire et ne relevant pas de son autorité administrative).

En matière d’enquête préliminaire, conduite sous l’autorité du procureur de la République hors crime ou délit flagrant, les perquisitions et visites domiciliaires ne peuvent être effectuées qu’avec l’accord exprès de la personne chez laquelle l’opération se déroule. En l’absence d’un tel accord, le procureur de la République a néanmoins la faculté de saisir le juge des libertés et de la détention afin qu’il autorise la réalisation de l’acte. Cela étant, une telle possibilité n’est ouverte que pour les enquêtes portant sur un crime ou un délit puni d’au moins cinq années d’emprisonnement.

En matière d’information judiciaire, soit lorsqu’un juge d’instruction est en charge de l’enquête, le consentement de la personne n’est pas requis mais l’exigence tenant à la présence de celle-ci (ou d’un représentant de son choix ou de deux témoins indépendants) demeure.

Il sera en outre relevé que les perquisitions et visites domiciliaires sont interdites entre 21h et 6h du matin, sauf crimes et délits limitativement énumérés par le code de procédure pénale.

Ce portrait rapidement brossé démontre que le législateur a entendu circonscrire le champ d’application de la perquisition et définir strictement les cas dans lesquels il peut y être recouru comme les conditions dans lesquelles elle doit se dérouler.

Or, pour le formuler simplement : l’état d’urgence dispense du respect de plusieurs de ces principes essentiels. En effet, l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence procède à un transfert de compétence depuis l’autorité judiciaire vers l’autorité administrative – le préfet – pour ordonner la réalisation de perquisitions « en tout lieu, y compris un domicile ».

Ces perquisitions peuvent avoir lieu de jour comme de nuit, « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Le juge des libertés et de la détention, magistrat du siège, est totalement écarté de la procédure au profit d’une simple information faite au procureur de la République. Seule est maintenue l’obligation relative à la présence de l’occupant, de son représentant ou de deux témoins.

Outre l’exclusion de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, ce transfert de pouvoir soulève de légitimes inquiétudes tant est floue la notion de « menace pour la sécurité et l’ordre publics ».

Autant le principe de légalité des délits et des peines garantit qu’aux infractions prévues par le code pénal correspondent des définitions précises, autant l’expression « menace » se présente comme un concept dépourvu de tout contenu objectif. La subjectivité dont il est intrinsèquement porteur confère en conséquence aux préfets un très large pouvoir d’appréciation qui se matérialise par un contrôle juridictionnel inexistant.

Le suivi des perquisitions administratives ordonnées à la suite de la proclamation de l’état d’urgence confirme d’ailleurs que cette prérogative a été utilisée avec une légèreté qui, elle aussi, interpelle. Du 14 novembre 2015 au 7 janvier 2016, 3021 perquisitions administratives auraient été réalisées soit cinquante-cinq perquisitions par jour en moyenne. Ce rythme effréné aura permis l’ouverture de vingt-cinq procédures relatives à des faits en lien avec le terrorisme, dont vingt-un correspondent à de l’apologie. Soit un taux d’efficacité inférieur à 1%, abstraction faite de l’incertitude persistante quant au sens des décisions qui seront prises sur ces faits par la juridiction répressive (condamnation ou non…).

A ce premier constat, s’ajoute celui tenant aux perquisitions administratives décidées à l’encontre d’individus dont le caractère menaçant pourrait prêter à sourire si la situation était moins dramatique (maraîchers bio, militants écologistes…). Où l’on voit que l’absence de contrôle du juge quant à l’opportunité de la perquisition puis, dans un second temps, quant à sa validité, conduit à un emballement préoccupant de l’action administrative.

« Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser : il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites […], il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » énonçait Montesquieu dans l’Esprit des Lois. Là, nous semble-t-il, se trouve précisément le nœud du problème : l’état d’urgence, qui supplante un code de procédure pénale relativement équilibré en matière de perquisition, n’institue aucun contre-pouvoir aux compétences extraordinaires dont se trouvent, du jour au lendemain, dotés les préfets.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 32.

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ParJDA

La décentralisation de l’état d’urgence

par Nicolas KADA
Professeur de droit public
Directeur du CRJ (Université Grenoble Alpes) et du GRALE (GIS CNRS)

La décentralisation de l’état d’urgence :
les collectivités territoriales face à la menace terroriste

Art. 31. Avec la déclaration d’état d’urgence, les décisions prises par les préfets de département, qui visent à restreindre ou à interdire la circulation des personnes et des véhicules sur des parties du territoire départemental, à limiter l’accès à certains bâtiments publics, à interdire ou limiter les manifestations publiques ou encore à fermer certains lieux publics en raison des graves menaces terroristes, s’imposent aux maires des communes concernées. Ceux-ci ne peuvent ni réduire, ni modifier ces mesures de police administrative qui sont édictées, en vertu de l’état d’urgence, par les préfets sur tout ou partie du territoire de leur commune. Ils peuvent en revanche les aggraver si les circonstances locales le justifient. Les relations classiques entre Etat et collectivités territoriales s’en trouvent donc sensiblement modifiées, les enjeux liés à l’ordre public réduisant nécessairement les exigences nées de la décentralisation. Derrière les figures du préfet et du maire, c’est donc bien une recentralisation et une concentration des pouvoirs qui se dessine.

Le préfet
ou la recentralisation des pouvoirs

L’Etat en première ligne

Outre la proclamation de l’état d’urgence, l’Etat multiplie les consignes à l’attention des collectivités décentralisées et établissements publics locaux, ainsi qu’à ses propres relais préfectoraux dans les départements. Deux circulaires du 26 novembre 2015 ont ainsi exigé que soient réalisés ou actualisés très rapidement les schémas de surveillance de voie publique des écoles et des établissements et les plans particuliers de mise en sûreté (PPMS). De même, une autre des ministres de l’Education et de l’Intérieur en date du 17 décembre 2015 demandait aux préfets de préciser aux collectivités gestionnaires et aux recteurs les procédures à suivre pour solliciter des financements auprès du Fonds interministériel de prévention de la délinquance. En revanche, l’état d’urgence et les craintes d’attentat ne suffisent pas à justifier un renforcement des polices municipales. Le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » présenté en Conseil des ministres, le 3 février 2016, n’y fait ainsi aucune référence : le projet d’un nouvel article L.432-2 du Code de la sécurité intérieure ne s’intéresse ainsi qu’au « fait pour un fonctionnaire de la police nationale ou un militaire de la gendarmerie nationale de faire un usage de son arme rendu absolument nécessaire pour faire obstacle à cette réitération ». Même si la mesure est étendue aux militaires mobilisés dans le cadre de Vigipirate et aux agents des douanes, elle ne concerne délibérément pas les policiers municipaux.

Les préfets à la manœuvre

C’est encore par voie de circulaire que le ministre de l’Intérieur a demandé aux préfets d’organiser des réunions avec les maires afin de leur expliquer les conséquences de la mise en œuvre de l’état d’urgence sur le territoire. Bernard Cazeneuve semble d’ailleurs cantonner les élus locaux à un rôle d’alerte, lorsqu’il indique par exemple que les préfets devront répondre à toutes leurs questions. L’état d’urgence permet en effet aux préfets de décider un « couvre-feu dans les secteurs exposé à des risques importants de trouble à l’ordre public et d' »établir des périmètres de protection autour des bâtiments publics et d’édifices privés qui seraient susceptibles de faire l’objet de menaces. En Ile-de-France, des mesures renforcées sont possibles : assignation à résidence, fermeture provisoire des salles de spectacle, des débits de boissons et divers lieux de réunion, interdiction de toute manifestation susceptible de représenter un risque pour les participants… L’état d’urgence a ainsi permis aux préfets d’instaurer des couvre-feux, comme dans l’Yonne en novembre 2015, à condition de motiver leur décision par des circonstances précises et de la limiter dans le temps et le lieu. Les préfets pourront en outre confier aux sous-préfets d’arrondissement une mission d’animation locale de prévention de la radicalisation. Il est enfin demandé aux préfets de renforcer l’ancrage local de dispositifs tels que les contrats de ville et une plus grande articulation avec les conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLISPD), preuve supplémentaire de l’écoute attentive que l’Etat accorde aux élus locaux.

Le maire
ou la concentration des pouvoirs

Les pouvoirs de police du maire

Le fait que l’état d’urgence ait été déclaré sur tout le territoire métropolitain et en Corse fait présumer l’existence d’un risque réel d’atteinte à la sécurité publique par la menace terroriste sur l’ensemble du territoire français. De fait, ce régime exceptionnel de l’état d’urgence permet aux maires de justifier plus aisément de la légalité de leurs mesures de police administrative visant à assurer la sécurité publique sur tout ou partie du territoire de leur commune, puisque le risque de trouble à l’ordre public est caractérisé sur l’ensemble du territoire métropolitain et corse. Les risques d’attentat focalisent ainsi l’attention sur les mesures de police, y compris pour prévenir des drames ou violences qui relèvent d’une toute autre motivation : certaines municipalités s’interrogent ainsi sur le fait de savoir s’il faut davantage sécuriser les conseils municipaux, pour éviter des drames comme la tuerie de Nanterre de 2002.

De nombreuses circulaires ont également été publiées afin de renforcer la place des maires dans la prévention de la radicalisation, en particulier dans les quartiers de la politique de la ville. C’est le cas par exemple de la circulaire du 2 décembre 2015 des ministres de l’Intérieur et de la Ville. Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté le 17 décembre 2015 en première lecture une proposition de loi relative à la sécurité dans les transports, qui fait l’objet d’un examen en procédure accélérée. Programmé à la suite de la tentative d’attentat dans le Thalys, ce texte a fait l’objet de nombreux amendements, notamment l’un qui permet aux policiers municipaux d’intervenir dans les réseaux de transport urbain.

De manière générale, les maires sont invités à renforcer la présence de la police municipale dans les marchés alimentaires et les manifestations populaires. Pour autant, alors que de nombreuses municipalités avaient fait le choix d’armer leur police au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, en janvier 2015, il ne semble pas qu’il y ait pour l’heure un fort engouement pour une telle mesure. Certes, le maire de Lyon a bien annoncé sa volonté d’armer sa police municipale et le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a bien décidé d’équiper de portiques de sécurité tous les lycées de la nouvelle région, mais ces choix sécuritaires demeurent pour le moment relativement isolés… en dépit de quelques dérives heureusement sanctionnées.

Les dérives locales

Le tribunal administratif de Montpellier a suspendu, mardi 19 janvier 2016, l’exécution d’une délibération du 15 décembre 2015 du conseil municipal de Béziers qui avait décidé la création d’une « garde » annoncée par le maire de Béziers, Robert Ménard, dans le contexte de l’état d’urgence. Elle devait être « composée de citoyens volontaires bénévoles chargés d’assurer des gardes statiques devant les bâtiments publics et des déambulations sur la voie publique et devant alerter les forces de l’ordre en cas de troubles à l’ordre public ou de comportements délictueux ». Le juge des référés a ici appliqué une jurisprudence constante selon laquelle la police administrative constitue un service public qui, par sa nature, ne saurait être délégué (Conseil d’Etat, 17 juin 1932, ville de Castelnaudary). Le conseil municipal de Béziers ne pouvait ainsi légalement confier à des particuliers les missions de surveillance de la voie publique ou des bâtiments publics. Mais la décision du juge des référés est également intéressante en ce qu’elle se fonde sur deux autres arguments dont la qualité de « collaborateur occasionnel du service public » qui ne saurait être invoquée, selon lui, « qu’au profit des particuliers qui ont été sollicités, à titre temporaire et exceptionnel, pour exercer des missions de service public, en cas de carence ou d’insuffisance avérée des services existants ou en cas d’urgente nécessité ». L’état d’urgence ne saurait tout justifier : c’est ici l’état de droit qui le rappelle fort opportunément.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 31.

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Fonction publique & collectivités territoriales

par Cécile MAILLARD
Juriste assurance, SJ, Ville de Montreuil

Fonction publique
& collectivités territoriales

mars 2016 – 1ère chronique
La présente page est issue de la chronique
collectivités territoriales

Prise en charge du risque décès
par les collectivités

Art. 57. En vertu de l’article D.712-19 et suivants du Code de la Sécurité Sociale, issu du Décret 85-1354 du 17 décembre 1985, modifié notamment par le décret n°2015-1399 du 3 novembre 2015, un capital est versé aux ayants-droit du fonctionnaire décédé par la collectivité (ou l’Etat) qui l’emploie.

Avant le décret 2015-1399 du 3 Novembre 2015, les modalités de calcul du capital variait selon les circonstances du décès.

Lorsque le fonctionnaire décédait avant l’âge légal de départ en retraite, le capital était égal à la somme du dernier traitement indiciaire brut annuel augmenté des primes et indemnités non attachées à la fonction. Ceci excluait donc le supplément familial, l’indemnité de résidence et la nouvelle bonification. A cela, il était prévu une majoration équivalant au 300e du traitement indiciaire annuel correspondant à l’indice brut 585 pour chaque enfant du fonctionnaire décédé. Il faut préciser que les enfants nés viables dans les 300 jours du décès reçoivent exclusivement cette majoration.

Cependant, lorsque le fonctionnaire décédait après l’âge légal de départ en retraite, le capital était alors égal à trois fois le traitement indiciaire brut mensuel dans la limite minimale de 370,32 € et la limite maximale de 9 258 €.

Dans le cas particulier des accidents du travail ou à la suite d’un attentat, acte de dévouement dans l’intérêt du public ou pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes, le capital décès était alors versé trois année de suite à la date d’anniversaire du décès.

Quoiqu’il en soit, le capital était payé pour un tiers au conjoint survivant et pour les deux tiers entre les enfants.

Depuis le 6 novembre 2015, date d’entrée en vigueur du décret précité, le calcul du décès des fonctionnaires a été relativement simplifié puisqu’il est désormais versé un forfait aux ayants-droit du fonctionnaire décédé lequel varie selon les circonstances du décès.

Lorsque le fonctionnaire décède avant l’âge légal de départ en retraite, l’article D.712-19 du Code de la Sécurité Sociale prévoit désormais que le capital est égal à quatre fois le montant mentionné à l’article D361-1 du même code, en vigueur à la date du décès soit un total de 13 600 €. En outre, chaque enfant du fonctionnaire décédé reçoit une somme complémentaire de 823,45 €.

Lorsque le fonctionnaire décède après l’âge légal de départ en retraite, le capital est égal au montant mentionné à l’article D361-1 du Code de la Sécurité Sociale soit 3 400 €. Aucune majoration n’est due pour les enfants.

Enfin, dans le cas particulier des accidents du travail ou à la suite d’un attentat, acte de dévouement dans l’intérêt du public ou pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes, le calcul du capital décès se fait comme avant l’entrée en vigueur de ce décret pour les décès avant l’âge légal de départ à la retraite : il est versé trois années de suite à la date d’anniversaire du décès du fonctionnaire.

Le calcul du capital à verser en cas de décès d’un fonctionnaire a donc considérablement été simplifié et réduit au détriment des fonctionnaires qui souffrent à nouveau de la dévalorisation de leur statut et du désengagement de l’Etat de plus en plus important.

Chronique en droit des Collectivités Territoriales

 sous la direction de M. Pascal TOUHARI
Directeur de l’administration générale, Ville de Montreuil
Chargé d’enseignements à l’Université-Paris-Est-Créteil et Sciences-Po Toulouse

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Chronique Collectivités Territoriales – n°01-04, Art. 57.

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ParJDA

Urbanisme & collectivités territoriales

par Vincent THIBAUD
Docteur en droit public, Juriste, Direction de l’urbanisme, Ville de Montreuil

Urbanisme
& collectivités territoriales

mars 2016 – 1ère chronique
La présente page est issue de la chronique
collectivités territoriales

Intérêt à agir contre les autorisations d’urbanisme :
et si le législateur n’avait pas manqué son coup concernant la limitation des recours (pas qu’abusifs…)

Art. 56. Une référence intéressante (CE, 10/02/2016, n°387507) par laquelle le Conseil d’État développe son interprétation des termes de l’article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme concernant l’intérêt à agir des tiers contre les autorisations d’urbanisme réformé par une ordonnance du 18 juillet 2013.

De mémoire, il n’y avait que le recensement de jugements et autres arrêts de TA ou de CAA (notamment : CAA Marseille, 20/04/2015, n°15MA00145 ; note IBANEZ, in AJDA, 2015, p.1496), et c’est la première fois sur un contrôle en cassation d’un recours au principal (pour une procédure de référé : CE, 10/06/2015, n°386215) que la Haute juridiction semble donner une interprétation relativement uniforme et stricte des termes suivant lesquels désormais « une personne autre que l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L.261-15 du code de la construction et de l’habitation [VEFA] » (voir également : CE, 27/06/2014, n°380645, et le non-renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité à propos de ces dispositions).

Le Conseil d’État confirme le caractère subjectif (ou en tout cas désormais, largement subjectivé) d’un tel intérêt à agir, alors que jusque-là, celui-ci était déterminé par une notion relativement objective de “proximité immédiate du projet”, permettant une voie contentieuse relativement ouverte et conforme à l’esprit concourant à l’accès à la justice administrative d’une façon générale. Suivant la juridiction administrative donc : « il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien » et par suite, l’instruction de la requête commence par un examen des “écritures” et tous autres “documents [permettant de] faire apparaître clairement en quoi les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d’être directement affectées par le projet litigieux” ».

Les données factuelles de l’espèce sont encore plus éloquentes :

  • les requérants saisissent initialement le TA avec des pièces permettant tout de même d’établir le caractère mitoyen et de co-visibilité entre le projet en cause et leurs parcelles, avec un plan de situation “sommaire” (mais existant) mettant en lien la parcelle avec une façade du permis “fortement vitrée qui créera des vues”;
  • ce à quoi le Tribunal répond par une demande de régularisation devant apporter des précisions “nécessaires” quant à l’atteinte directe du projet sur les conditions “d’occupation, d’utilisation et de jouissance de leur bien”;
  • ne répondant que par une attestation de propriété (mode de régularisation classique en la matière), les requérants se voient rejeter par une ordonnance simple leur requête ;

Le Conseil d’État valide cette application faite des textes au niveau de la juridiction de 1er degré. En matière d’autorisations d’urbanisme, la Haute juridiction semble donc revenir sur une posture relativement libérale qui était la sienne concernant l’intérêt à agir et l’ouverture de la voie procédurale du recours pour excès de pouvoir en tant que contentieux objectif (la défense de la légalité au-dessus de l’intérêt particulier en quelque sorte). Il apparaît donc une subjectivisation d’ampleur du recours sur les permis de construire, alors même d’ailleurs que ledit recours ne peut pas porter au fond sur des motifs de droit privé.

L’appréciation critique de ces nouvelles règles gravite autour d’un paradoxe : si à la fois le praticien normalement constitué peut se satisfaire d’outils permettant une défense efficace contre des recours abusifs, le publiciste ne peut pleinement se satisfaire de la subjectivisation de l’acte administratif qui pourrait en découler alors même que l’autorisation d’urbanisme n’est pas un acte individuel mais à caractère réel (attaché au sol), en rapport d’ailleurs avec son objet même : une police pleinement “d’utilité publique” comme il est inscrit au fronton des articles préliminaires du Code de l’urbanisme.

Car l’on pourrait voir poindre un excès inverse sur cette subjectivisation supposée du droit de construire : comme l’autorité administrative doit désormais se vider de l’ensemble des motifs de refus qu’elle peut tenir à l’encontre d’un projet ; que si l’on va chercher plus loin, la construction irrégulière bénéficie de sécurités juridiques accrues (prescription administrative et autres restriction du champ d’application des actions en démolition) ; et si l’on va au bout de la chaîne de la logique réformatrice concernant le droit de l’urbanisme avec la promotion récente de nouvelles voies d’établissement des réglementations contenues dans les documents locaux de planification : que la règle doit désormais se mettre au service du projet et non l’inverse, alors même que la puissance publique n’a tout simplement plus les moyens (financiers du moins) d’une maîtrise efficace des sols… De là à n’être plus qu’en mesure d’envisager le permis de construire comme un acte d’enregistrement et de simple publicité administrative du projet dans un avenir de moyen terme, il est un pas que nous ne saurions franchir, quoique…

Chronique en droit des Collectivités Territoriales

 sous la direction de M. Pascal TOUHARI
Directeur de l’administration générale, Ville de Montreuil
Chargé d’enseignements à l’Université-Paris-Est-Créteil et Sciences-Po Toulouse

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Chronique Collectivités Territoriales – n°01-03, Art. 56.

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Commande publique & collectivités territoriales

par Philippe BIGOURDAN (PB)
Responsable du Service Achat et Commande Publique (SACOP), Ville de Montreuil

Nicolas HOUDART (NH)
Responsable du Service juridique (SJ), Ville de Montreuil

Hortense TRANCART (HT)
Juriste Marchés publics – Acheteur, SACOP, Ville de Montreuil

Commande publique
& collectivités territoriales

mars 2016 – 1ère chronique

Art. 55. La présente page issue de la chronique
collectivités territoriales
contient trois articles (numérotés de 01 à 03)
dont les auteurs sont PB (01), NH (02) & HT (03).

01. Code de la commande publique :
tout change mais rien ne change !

Le projet décret relatif aux marchés publics pris sur le fondement de l’ordonnance n°2005-899 du 23 juillet 2015 vise à achever les travaux de transposition des nouvelles directives européennes 2014/24/UE et 2014/15/UE sur la passation des marchés publics.

A l’instar de l’ordonnance, le décret tente d’unifier les règles juridiques de tous les contrats constituant des marchés publics au sens du droit de l’Union Européenne. Cette logique parfaitement compréhensible ne permet pas pour autant d’amoindrir les difficultés auxquelles se heurtent l’Etat qui cherche à garantir une certaine souplesse dans les procédures, à ménager les PME face au maelstrom administratif que peut représenter un contrat d’un montant de quelques dizaines de milliers d’euros tout en respectant la liberté de la concurrence et l’indispensable obligation de transparence lorsqu’une collectivité manipule de l’argent public.

La récente concertation publique effectuée sur le fondement de l’article 16 de la loi du 17 mai 2011 n°2011-525 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit fait déjà apparaître un retour à la souplesse pour les organismes actuellement soumis aux dispositions de l’ordonnance du 6 juin 2005 et pour les offices publics de l’habitat.

Plus spécifiquement, on peut d’ailleurs se poser la question des changements que va constituer la publication du décret (prévue au 1er avril) sur les pratiques des collectivités moyennes et petites. Et ce, d’autant plus que l’office du juge administratif sur le décret va aussi venir affiner, censurer ou interpréter certains de ces articles. Il est déjà sollicité sur l’ordonnance du 23 juillet 2015, saisi d’un recours en annulation au motif que la France a choisi de soumettre les prestations de service juridique au jeu concurrentiel par l’intermédiaire d’une procédure adaptée (article 42-2 de l’ordonnance) alors même que la directive laisse la possibilité de les exclure de ce champ.

De même, si on peut saluer que le sourçage soit consacré (article 3 du projet), on imagine difficilement ce qu’en pratique une telle disposition va changer pour des collectivités qui manquent avant tout de compétences dans ce domaine et ce que juridiquement un juge pénal ferait d’une mention telle que « les résultats de ce sourçage peuvent être utilisés par l’acheteur à condition qu’ils n’aient pas pour effet de fausser la concurrence et n’entraînent pas une violation des principes [fondamentaux de la commande publique] ».

On peut encore relever la paradoxale et soudaine souplesse dans la régularisation des offres. Ainsi, l’article 56 du projet permet à l’acheteur de sauver des offres dont l’erreur matérielle (absence de signature, ligne manquante dans un bordereau des prix volumineux, etc.) était susceptible de lui faire perdre une proposition compétitive. En autorisant la régularisation des offres en procédure formalisée et de manière plus simple qu’actuellement en procédure adaptée – c’est-à-dire sans être dans une phase de négociation -, la flexibilité offerte paraît cohérente. Mais le décret propose de très flous garde-fous (impossible pour une offre anormalement basse, ne doit pas modifier les caractéristiques substantielles de l’offre) et une procédure qui tend le bâton pour se faire battre (obligation de prévenir l’ensemble des candidats) dont on devine aisément la conséquence : une prudence des acheteurs qui resteront sur les pratiques précédentes, soit réservées et prudentes. Sur ce dernier point, Bercy s’est engagé à revoir sa copie à la suite de la consultation.

Plus globalement se pose la question des mesures en faveur des PME. On le sait, le décret de 2006 avait vu les dispositions des articles 60, 65 et 67 du code des marchés publics qui autorisaient le pouvoir adjudicateur à fixer un nombre minimal de petites et moyennes entreprises admises à présenter une offre se faire annulées par le Conseil d’État (décision du 9 juillet 2007 n°297711, 297870, 297892, 297919, 297937, 297955, 298086, 298087, 301171, 301238, SYNDICAT EGF-BTP et autres) en ce qu’elles conduisaient nécessairement à faire de la taille des entreprises un critère de sélection des candidatures. Aussi, le législateur se garde bien d’imposer des obligations qui auraient pour effet de porter atteinte à la concurrence, mais il durcit les conditions de recours à la sous-traitance via le contrôle du maître d’ouvrage public sur les prix des sous-traitants (article 45), renforce la détection des offres anormalement basses (article 57). Pour autant, il reste encore du chemin à faire en baissant par exemple le seuil de l’avance obligatoire ou en encadrant le recours par le pouvoir adjudicateur à la co-traitance solidaire susceptible de mettre les petites entreprises en difficulté en cas de défaillance du principal membre du groupement. Remarquons sur ce dernier point que le juge européen rappelle qu’un acheteur public ne peut pas imposer n’importe quel type de groupement pour l’exécution des prestations du marché (CJUE, 14 janvier 2016, « Ostas Celtnieks SIA », aff. C-234/14).

Au-delà du décret, les solutions se trouvent également dans les pratiques des collectivités. Peu d’entre elles maîtrisent les techniques de négociation (l’apparition de la très encadrée « procédure concurrentielle avec négociation » va-t-elle susciter l’intérêt des acheteurs ?), elles recourent avec parcimonie aux marchés publics simplifiés qui permet à une entreprise de ne fournir que le numéro de SIRET pour justifier de ses capacités (technique franco-française qui se heurte à la mise en place du DUME – voir infra – et qui donne lieu à des règlements de la consultation volumineux) et entrent difficilement dans une phase de dématérialisation. Cette modernisation de la vie publique est essentielle, mais elle intervient dans un contexte financier particulièrement lourd pour les collectivités territoriales. C’est d’ailleurs l’argument financier qui a fait renoncer à Bercy d’imposer la publication systématique d’un avis d’attribution pour toutes les marchés supérieurs à 25 000 € HT. Mesure qui permettait une plus grande visibilité sur les dépenses mais dont le coût prévisionnel de publication s’avérait conséquent.

02. Prestations juridiques
& mise en concurrence

Par ordonnance du 16 octobre 2015 (N° 393588), le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté la requête en référé suspension introduite par le Conseil National des Barreaux, la Conférence des Bâtonniers et l’Ordre des avocats à la Cour d’appel de Paris à l’encontre de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relatives aux marchés publics.

Si la teneur même de cette décision revêt peu d’intérêt, le rejet étant fondé sur l’absence d’urgence (l’entrée en vigueur de l’ordonnance n’interviendra pas avant le 1er avril 2016), elle est l’occasion de mettre en lumière les importants débats et controverses qui agitent la sphère juridique publique à propos de la mise en concurrence des prestations de services juridiques, dont la partie contentieuse est loin d’être close avec un REP pendant contre cette même ordonnance.

Pour mémoire, la directive européenne 2014/24/UE relative à la passation des marchés publics exclut de son champ d’application les services de représentation légale et de conseil fournis en vue d’une procédure contentieuse. Ne restent soumises à l’obligation de mise en concurrence que les prestations de conseil pur, soit en pratique une part très résiduelle des prestations juridiques effectivement commandées par les collectivités publiques. Néanmoins, l’ordonnance de transposition du 23 juillet 2015 ne reprend pas cette distinction et soumet de manière générale les prestations juridiques à une obligation de mise en concurrence, qu’elles soient ou non réservées à la profession d’avocat.

Si l’on comprend naturellement l’intérêt légitime des avocats à vouloir, au même titre que d’autres professions, que leurs services soient exonérés de mise en concurrence, ne s’agit-il pas finalement d’un débat en trompe-l’œil ?

En effet, sous l’empire des textes précédents, qui soumettaient déjà les services d’avocat à une obligation de mise en concurrence, certes allégée, force est de constater que cette obligation n’avait qu’une portée relativement réduite, les services préfectoraux du contrôle légalité et le Trésor Public n’étant pas excessivement regardants en la matière, et qu’un grand nombre de collectivités ne la respectaient pas, sans pour autant que cela génère un important contentieux.

Le fond de la problématique ne serait-il alors pas plutôt à rechercher dans l’évolution de la profession, ainsi et surtout que dans celle des besoins des collectivités en général et en matière de services juridiques en particulier ?

Côté sombre, les collectivités publiques sont actuellement confrontées pour la plupart, à des réductions budgétaires drastiques, leur imposant une nécessaire maîtrise de leurs dépenses, y-compris en matière juridique. En revanche, elles ont eu tendance à se professionnaliser en matière juridique par la création de compétences internes intégrées, ce qui a nécessairement une influence sur la nature de leurs besoins, réduisant ainsi la part d’un besoin juridique global d’essence « politique », au profit d’un besoin plus spécialisé, voire morcelé, d’essence plus « gestionnaire ». Autrement dit, pour reprendre la formule très juste du renommé Me Didier Seban : « L’avocat n’est plus seulement l’avocat du maire, mais d’abord celui de la collectivité ».

On peut tout à fait regretter une telle évolution mais il n’en reste pas moins que, suivant le fameux adage populaire, « le client est roi » et les personnes et collectivités publiques resteront libres, même en l’absence de toute obligation, de mettre en concurrence ce type de prestations. D’ailleurs, au regard des perspectives économiques et budgétaires actuelles, la tendance à une concurrence élargie s’inscrit parfaitement dans l’air du temps, ce que les avocats ont bien compris, à en juger notamment par l’évolution de leurs offres tarifaires ces dernières années…

03. Le DUME,
tout ça pour ça !

Dans une procédure de marché public, le Document Unique de Marché Européen (DUME), est un formulaire type à compléter au moment de la phase candidature. Il a pour objectif de simplifier la candidature aux marchés publics en supprimant l’obligation de fournir les certificats et attestations et en la remplaçant par une attestation sur l’honneur sous la forme d’un formulaire type. Il peut ainsi être réutilisé pour un autre marché soumissionné.

Prévu à l’article 59 de la directive 2014/24/UE publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne (JOUE) le 6 janvier 2016, son utilisation est autorisée depuis le 26 janvier 2016 pour les procédures formalisées. Il pourra être utilisé dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance et du décret Marchés publics c’est-à-dire au plus tard le 1er avril 2016.

Obligatoire pour les procédures formalisées, liberté est laissée aux acheteurs publics pour les procédures adaptées, qui, de plus, peuvent faire le choix français de ce que l’on appelle le Marché Public Simplifié (MPS).

Le DUME est divisé en six parties. La première recense les « Informations concernant la procédure de passation de marché et le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice ». Lorsque le formulaire est saisi en ligne, les informations sont automatiquement remplies si la procédure de consultation fait l’objet d’une publication au JOUE.

La seconde concerne les informations relatives à l’opérateur économique. La partie trois traite des motifs d’exclusion de la commande publique, au regard des éventuelles condamnations pour les délits listés à l’article 57 de la directive précitée, pour irrégularité des cotisations sociales et fiscales, pour insolvabilité, conflit d’intérêt ou encore faute professionnelle. La quatrième partie relative aux critères de sélection permet d’apprécier la satisfaction des soumissionnaires aux critères de sélection déterminés par l’acheteur public, notamment leur capacité professionnelle, technique et financière. La partie cinq dite « Réduction du nombre de candidats qualifiés » est à renseigner uniquement dans le cadre de procédures restreintes, en fonction des éléments demandés par l’acheteur public dans son avis d’appel public à la concurrence (AAPC) ou documents de la consultation. Enfin, la sixième partie relative aux déclarations finales constitue l’attestation sur l’honneur que toutes les informations fournies dans les parties II à V sont exactes et correctes et que les déclarants sont en mesure de communiquer à tout moment à l’acheteur public toutes les pièces justificatives qu’il demandera.

Bien que le DUME puisse être rempli manuellement jusqu’au 18 janvier 2018, l’intérêt réside essentiellement dans sa version électronique. En effet, cette dernière permet de pré-remplir certaines parties du document en assurant un lien avec les avis de publicité au JOUE et en rapatriant certaines données contenues dans les coffres forts électroniques ou autres services du Marché Public Simplifié. Une fois rempli le formulaire pourra être actualisé et utilisé par les soumissionnaires pour différentes consultations.

Pour autant, l’allègement des formalités côté entreprise engage les acheteurs publics à une plus grande rigueur et à un nombre accru d’opérations nécessaires à la vérification de l’exactitude des informations déclarées. Ainsi, l’acheteur public doit désormais consulter les sites internet des entreprises, les coffres-forts électroniques et si cela s’avère insuffisant, il doit d’adresser aux candidats une demande écrite.

Le DUME pourra être réutilisé par le candidat pour un autre marché si les informations contenues sont toujours d’actualité afin qu’il n’ait plus à établir un dossier complet pour chaque consultation.

Le DUME peut être fourni pour chacun des sous-traitants ce qui représente ici une véritable simplification administrative pour l’acheteur public. L’acheteur peut à tout moment de la procédure demander au candidat de fournir les documents qu’il atteste détenir. S’il s’avère que les attestations étaient fausses, le candidat peut être exclu de la procédure. Les acheteurs acceptaient à la remise de la candidature que les candidats remettent des attestations sur l’honneur. Dans le cas où le marché était attribué à un candidat, il lui était demandé de fournir les attestations et justificatifs dans le délai imparti.

Se pose alors la question de savoir si l’innovation du DUME en est vraiment une. De la même façon qu’en est-il de la compatibilité du DUME, dispositif européen, et du MPS, dispositif national, qui permet aux entreprises de candidater seulement avec leur seul numéro SIRET. Quelle est la pertinence de la coexistence de ces deux systèmes sachant que le MPS rencontre un succès important. N’y a-t-il pas là un sérieux risque de confusion des deux documents par les entreprises candidates ?

Si à compter du 18 avril 2018, le Dume ne pourra être fourni que sur support électronique, il y a fort à parier que cela provoquera sans nul doute certaines réticences de la part des entreprises peu habituées au « tout dématérialisé » à répondre aux appels d’offres.

Aussi, et au-delà du bilan qui sera effectué en avril 2017 par la Commission européenne sur la mise en œuvre du dispositif, nous pouvons dores et déjà l’affirmer, le DUME ne constituera une réelle simplification que pour l’entreprise au détriment de l’acheteur public qui devra, lui, demander à nouveau les attestations et justificatifs afin d’éviter d’attribuer le marché à une entreprise qui ne présenterait pas la solidité financière espérée. En d’autres termes, le DUME présentera pour seul véritable intérêt d’offrir un cadre légal à une pratique déjà acquise par les acheteurs.

Chronique en droit des Collectivités Territoriales

 sous la direction de M. Pascal TOUHARI
Directeur de l’administration générale, Ville de Montreuil
Chargé d’enseignements à l’Université-Paris-Est-Créteil et Sciences-Po Toulouse

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Chronique Collectivités Territoriales – n°01-02, Art. 55.

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ParJDA

Droit administratif des collectivités territoriales

par Pauline CHAPLET,
Juriste de droit public, SJ, Ville de Montreuil

Droit administratif
des collectivités territoriales

mars 2016 – 1ère chronique
La présente page est issue de la chronique
collectivités territoriales

Silence vaut acceptation :
simplification ou complexité ?

Art. 54. Depuis le 12 novembre 2015, le principe « Silence vaut acceptation » est applicable aux collectivités territoriales, en vertu de la loi n°2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens. Simplifier, vraiment ?

La réforme a pour but d’inverser le principe du silence gardé sur une demande pendant plus de deux mois vaut rejet. Désormais, le principe est celui selon lequel le silence de l’administration, sur une demande qui lui est adressée, vaut acceptation. Toutefois, ce principe est assorti de nombreuses exceptions, ce qui atténue la lisibilité et l’applicabilité de cette réforme.

La loi du 12 novembre 2013 prévoit quatre types de demandes entrant dans le champ de l’exception au principe :

– Lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle (ex : demandes tendant à l’abrogation ou au retrait d’actes réglementaires).

– Lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif (ex : les demandes à caractère fantaisiste, les recours hiérarchiques, gracieux …).

– Si la demande présente un caractère financier, dans un objectif de protection des deniers publics.

– Dans les relations entre l’administration et ses agents, la loi ne concernant que les usagers.

Par la suite, trois décrets ont été publiés au Journal officiel du 11 novembre 2015 venant préciser d’autres exceptions et dérogations au principe du silence vaut acceptation.

Le décret n°2015-1460 du 10 novembre 2015 fixe une liste des procédures pour lesquelles le délai à l’issue duquel le silence gardé par l’administration sur une demande vaut acceptation est différent du délai de droit commun de deux mois. Par exemple, pour les permis de construire, lorsqu’il y a lieu de consulter une commission nationale, le silence gardé dans un délai de 5 mois vaut accord.

Les deux autres décrets (n°2015-1459 et n°2015-1461), prévoient des procédures d’exclusions au principe fondées sur « le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l’ordre public » ainsi que pour « des motifs tenant à l’objet de la décision ou de bonne administration ».

Force est de constater que les hypothèses dans lesquelles le pouvoir réglementaire pourra prévoir un régime de décision implicite de rejet demeurent nombreuses (ex : Autorisation d’occupation du domaine public). Dans ce type de cas aussi, des délais différents du droit commun existent.

Enfin, pour une meilleure mise en œuvre, le gouvernement a également publié un tableau, consultable sur Légifrance, des « procédures pour lesquelles le silence gardé par les collectivités territoriales sur une demande vaut accord ». Ainsi, les procédures répondant au principe seraient consignées sur une liste. Néanmoins, rien n’est dit sur son caractère ou non exhaustif. Ainsi, que devront faire les services s’ils se retrouvent face à une procédure qui ne relèvent pas des décrets précisant les exceptions ou qui n’est pas citée dans le tableau ? Il est permis d’interpréter ces demandes comme des demandes qui seront acceptées au bout de deux mois en cas de silence de l’administration en application du principe.

De même pour les usagers, ces derniers auront quelques difficultés à identifier le régime qui leur est réellement applicable.

Ce dispositif est inscrit dans le nouveau Code des relations entre le public et l’administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016. Rien de radicalement nouveau sur le fond, mais cette codification permet à chacun de disposer en un seul texte des dispositions de nature générale et transversale applicables aux relations entre l’administration (Etat, collectivités territoriales, établissements publics, etc.) et le public (personnes physiques et morales), dans un objectif d’accessibilité.

Chronique en droit des Collectivités Territoriales

 sous la direction de M. Pascal TOUHARI
Directeur de l’administration générale, Ville de Montreuil
Chargé d’enseignements à l’Université-Paris-Est-Créteil et Sciences-Po Toulouse

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Chronique Collectivités Territoriales – n°01-1, Art. 54.

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Les pères du JDA : Anselme Polycarpe Batbie (II / II)

par M. le pr. Mathieu TOUZEIL-DIVINA,
Professeur de droit public, Université Toulouse 1 Capitole, Institut Maurice Hauriou,
Président du Collectif l’Unité du Droit

Art. 15. Il était important que le JDA ouvre ses colonnes en rendant – tout d’abord – hommage à ses deux premiers et originels fondateurs de 1853 :

Pour ce faire, le pr. Touzeil-Divina nous propose, issus de ses recherches doctorales, deux premiers portraits afin de connaître davantage les pères fondateurs du JDA.

Anselme Batbie - MTD(c)

Photographie (par Reutlinger) de M. Batbie (circa 1870)
Collection personnelle - Touzeil-Divina (c)

Anselme-Polycarpe BATBIE (1827-1887)

(1er titulaire de la seconde chaire parisienne de droit administratif) (1863-1887)

Eléments de biographie

  • Né le 31 mai 1827 à Seissan (Gers) dans une famille de notaires.
  • Ses études sont effectuées à Auch puis à Toulouse (jusqu’à la licence en droit) …
  • et s’achèvent à Paris où, le 30 août 1850, il reçoit le grade de docteur en droit.
  • Entré dans l’Université en 1852 suite à un concours (à Paris) pour une place de suppléant à la Faculté de Dijon.
  • En janvier 1853 il obtient sa mutation vers Toulouse où sa famille réside encore majoritairement et où il exerce également en qualité de suppléant jusqu’à ce qu’en 1857 (toujours au même grade et dans les mêmes qualités) il réussisse à intégrer la Faculté de droit de Paris qu’il ne quittera pas.
  • BATBIE réalisa en tant que suppléant (1857-1863) quelques cours dans la première chaire de droit administratif parisienne dont le titulaire était VUATRIN (depuis 1851).
  • En 1863, il est nommé le premier titulaire de la 2nde chaire parisienne de droit administratif qu’il occupe jusqu’à sa mort.
  • Parallèlement, il fut également, dès 1864, le premier titulaire d’une chaire d’économie politique en Faculté de droit.
  • A été avocat mais a surtout été connu comme élu, sous la Troisième République : député du Gers d’abord (de 1871 à 1876) puis sénateur de cette même circonscription (de 1876 à 1887).
  • Il fut également président de la société de secours mutuels de Seissan.
  • Sa carrière administrative et politique débute en 1849 lorsqu’il est reçu (le 07 août) premier au concours des auditeurs du nouveau Conseil d’Etat Républicain (qu’il quitte en 1852 lors de sa réorganisation impériale).
  • A partir de 1852 il ne s’éloignera plus des Facultés de droit, de leur enseignement ou … de leur ministère puisqu’en 1873 le général de MAC-MAHON l’appelle, après la chute de THIERS, au portefeuille de l’Instruction Publique, des Cultes et des Beaux-Arts (de mai à novembre 1873).
  • Célèbre en droit administratif tant pour son précis que pour son traité. A collaboré au Journal du droit administratif (de CHAUVEAU), au Journal des économistes, à la Revue des deux mondes. A publié de nombreux opus en économie politique.
  • Décédé le dimanche 12 juin 1887 à Paris (son corps repose à Seissan et son cœur git  à Montmartre dans l’une des chapelles latérales de la Basilique dont il avait favorisé la construction).

Coeur Anselme Batbie - MTD(c)

La sépulture du coeur de M. Batbie (2014)
Collection personnelle - Touzeil-Divina (c)

BATBIE, un administrativiste catholique … et républicain
entre deux LAFERRIERE !

« Autant pour plaire à Dieu que pour donner satisfaction à ses parents, le jeune Anselme recherchait avec avidité, le succès à l’Ecole du village et au catéchisme qui faisait ses délices ». Comme FOUCART, LAFERRIERE (père) ou DE GERANDO il a d’ailleurs voulu être prêtre et son premier ouvrage juridique est précisément consacré à un contentieux propre au droit canon : l’appel comme d’abus (1851).

Bien que républicain, jamais ce catholique convaincu n’abandonnera sa foi ainsi qu’en témoigne en 1873 la Loi qu’il fit voter pour la construction contestée du Sacré-cœur de Montmartre dans lequel il se fit d’ailleurs enterrer. Après un court passage au Conseil d’Etat (1849-1852) c’est la vocation de l’enseignement du droit qu’il suit en devenant professeur suppléant à la Faculté de droit de Dijon puis de Toulouse.

Là, il retrouve Adolphe CHAUVEAU dont il a été l’élève, dont il devient le suppléant attitré, et avec qui il s’occupe de la direction du Journal du droit administratif jusqu’en 1855. C’est à cette même période – décidément attiré par le droit public – qu’il rencontre Firmin LAFERRIERE alors inspecteur général et recteur de l’académie de Toulouse et qui le charge d’un cours de droit administratif comparé (1854-1856). A son service quelques années, il en deviendra – formellement au moins – le disciple et sera d’ailleurs à ce titre intégré à la dernière édition (1860) du cours du susdit grâce auquel il publie une introduction générale au droit public et administratif qui formera la première des cinq éditions de son précis.

Nommé à Paris en 1857, BATBIE est alors le suppléant de VUATRIN jusqu’à ce qu’un arrêté du 31 décembre 1862 ouvre (en 1863) une seconde chaire de droit administratif dont il prend la tête comme titulaire alors qu’il fait publier (de 1861 à 1868) la première édition de son imposant traité en sept volumes (2nde édition de 1885 à 1894).

C’est alors à Paris qu’il collabore avec le fils de Firmin LAFERRIERE, avec qui il rédige les Constitutions d’Europe et d’Amérique (1869) faisant ainsi le lien intellectuel entre les deux LAFERRIERE.

Comme Edouard, du reste, BATBIE est un républicain (et se déclare socialiste en 1848) même si son conservatisme et sa foi lui font également apprécier la Monarchie. D’ailleurs, dans les faits, on lui reprochera toujours de n’avoir jamais été républicain et d’avoir menti en 1848. Député puis sénateur du Gers, il sera même membre de l’un des premiers gouvernements de la Troisième République alors dirigée par THIERS qui le prend sous sa protection et lui demande d’assurer plusieurs traités de paix, la Loi du 24 mai 1872 sur la réorganisation du Conseil d’Etat et la création du Tribunal des conflits, l’organisation de Paris, etc. Ministre de l’Instruction Publique en 1873, BATBIE fait partie du gouvernement de BROGLIE qui, plus conservateur que républicain militant, sera jugé (par GAMBETTA notamment) trop proche de l’Eglise et du Comte de Chambord.

Signatue Anselme Batbie - MTD(c)

Signature personnelle de M. Batbie (1869)
Collection personnelle - Touzeil-Divina (c)

Anselme BATBIE,
un économiste libéral
à « l’Ecole de Paris »

Malgré son volumineux traité et son précis de droit public et administratif qui fut certainement (entre 1860 et 1885) le plus rigoureux et le plus éclairant de tous les écrits en la matière, BATBIE a certainement davantage marqué la postérité publiciste par sa nomination parallèle, en 1864, à la tête de la première (et unique jusqu’en 1877) chaire française d’économie politique à l’Université. Reconnu en effet dès 1860 par l’Institut pour avoir publié un essai relatif à TURGOT, économiste, philosophe et administrateur, BATBIE va publier de très nombreux ouvrages en ce domaine.

Relevons, parmi d’autres, son cours publié en 1866, ses différents Mélanges ou essais relatifs aux physiocrates (1865), au prêt, à l’impôt ou encore au luxe (1866). En outre, il a participé à plusieurs ouvrages collectifs avec l’association polytechnique sous la direction d’Evariste THEVENIN et y publia notamment des réflexions sur le crédit et la prévoyance (1864), le travail et le salarié (1866) ou grèves et coalitions (1868). A la Faculté de droit, il aura pour suppléant (1881-1887) le futur académicien Paul BEAUREGARD et, comme lui, ne s’inscrira pas (à la différence de ses collègues juristes et universitaires nommés, en province, à partir de 1877) dans le courant des économistes interventionnistes ou protectionnistes conduits par Charles GIDE et Paul CAUWES qui sera d’ailleurs, à la Faculté de droit parisienne, le collègue de BATBIE. Ce dernier, nourri comme FOUCART des pensées du parti constitutionnel et libéral de GUIZOT et de CONSTANT et dans la tradition citoyenne libérale que lui avait inculquée Firmin LAFERRIERE, était en effet un membre de ce que le professeur LETER a récemment nommé L’Ecole de Paris (autour de noms tels ceux de Pellegrino ROSSI, Jean-Baptiste SAY, Frédéric BASTIAT, Edouard LABOULAYE, Adolphe BLANQUI, Hippolyte PASSY, Charles COMTE ou encore Gustave de MOLINARI). BATBIE, bien que catholique et conservateur, sera en effet toujours un économiste libéral militant défenseur acharné du « libre échange » et proche des idées développées autour du fameux groupe de Coppet dont Benjamin CONSTANT avait été l’un des initiateurs.

Eléments de bibliographie

De « grands » travaux mériteraient d’être accomplis au profit de BATBIE. Citons les rares recherches existantes :

  • Dictionnaire Historique des Juristes Français (2nde édition), p. 65 et s. ;
  • VIDAL Roger, « BATBIE et les débuts de l’organisation scientifique du droit administratif » in RDP ; Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence ; 1950 ; p. 804
  • plus récemment, mais avec quelques réserves : SAMBA Mohamed, La systématisation du droit public et du droit administratif chez BATBIE ; Rennes, multigraphié ; Mémoire de D.E.A. en Histoire du droit (Université Rennes I) ; 1992
  • TOUZEIL-DIVINA Mathieu, La doctrine publiciste – 1800 – 1880 (éléments de patristique administrative) ; 2009, La Mémoire du Droit ; p. 254 et s.
  • Notons enfin une amusante notice caricaturale publiée en 1872 par le Trombinoscope de M. TOUCHATOUT (sic).

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Histoire(s) – Batbie [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 15.

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Les pères du JDA : Adolphe Chauveau (I / II)

par M. le pr. Mathieu TOUZEIL-DIVINA,
Professeur de droit public, Université Toulouse 1 Capitole, Institut Maurice Hauriou,
Président du Collectif l’Unité du Droit

Art. 14. Il était important que le JDA ouvre ses colonnes en rendant – tout d’abord – hommage à ses deux premiers et originels fondateurs de 1853 :

Pour ce faire, le pr. Touzeil-Divina nous propose, issus de ses recherches doctorales, deux premiers portraits afin de connaître davantage les pères fondateurs du JDA.

Adolphe Chauveau - MTD(c)

Daguerréotype de M. Chauveau (circa 1860)
Collection personnelle - Touzeil-Divina (c)

Adolphe CHAUVEAU (1802-1868)

(3e enseignant de la chaire toulousaine de droit administratif
après DE BASTOULH (fils) & ROMIGUIERES
mais 1er titulaire de fait) (1838-1868))

Eléments de biographie

  • Né le 29 mai 1802 à Poitiers (Vienne).
  • Fils de Jean CHAUVEAU, inspecteur des contributions et de Marie-Anne-Agnès- Augustine RICHARD.
  • Marié à Adèle-Louise DOUSSET le 24 Septembre 1820 ; ils auront quatre enfants.
  • Etudes de droit à la Faculté de Poitiers (licencié le 18 août 1821 date à laquelle il entre au Barreau de Poitiers puis à celui de Poitiers en 1825).
  • Doctorat obtenu le 31 août 1839 (de la société en matière civile et commerciale).
  • Entré dans l’Université en 1838 par nomination (sans concours).
  • Entré dans la chaire de droit administratif toulousaine en 1838 par nomination ministérielle puis confirmé de façon définitive en 1841.
  • Nommé professeur de droit administratif en 1838 il ne quittera jamais ces fonctions malgré de très nombreuses démarches en ce sens pour enseigner toute autre matière !
  • A été avocat aux Conseils au début de la Monarchie de Juillet ; en 1830, en effet, il a refusé la place d’avocat général près la cour de Poitiers que son ami, Nicias GAILLARD, acceptera, quant à lui, en 1833.
  • A été vice-président du Conseil des prisons.
  • Doyen de la Faculté de droit de Toulouse en 1861, puis de 1865 à 1868 (d’abord par intérim suite au départ de DELPECH puis comme titulaire à partir de 1865).
  • Décédé le 16 décembre 1868 à Toulouse (Haute-Garonne) (de problèmes cardiaques).
  • Il est inhumé à Toulouse mais les services des cimetières n’ont pas encore réussi à identifier l’endroit de sa sépulture. Des recherches approfondies sont en cours.
  • A rédigé de nombreuses codifications spéciales (forêts, instruction administrative, etc.) mais son ouvrage publiciste de référence est : Principes de compétence et de juridiction administratives (qui deviendra Lois de la procédure administrative).
  • A écrit de très nombreux ouvrages juridiques en droit pénal (avec Faustin HELIE) et en procédure (civile, pénale et administrative ; continuant ceux de CARRE) ; a dirigé de très nombreux recueils essentiellement prétoriens tels que le Journal des avoués et le Journal du droit administratif.

CHAUVEAU,
le Poitevin héritier de BONCENNE,
qui faisait du droit administratif
… malgré lui ! ?

Si l’on a pu écrire, que BARILLEAU et CABANTOUS, ou que GOUGEON, ne semblaient pas avoir été des administrativistes convaincus de l’utilité et de l’intérêt de leur enseignement en droit administratif, cela n’est rien comparé à l’apparent dégoût que semble avoir vécu Adolphe CHAUVEAU, à Toulouse, pour cette matière. Comme ses prédécesseurs dans cette chaire, d’ailleurs (DE BASTOULH et ROMIGUIERES), CHAUVEAU n’avait pas choisi d’enseigner le droit administratif : il lui fut proposé en 1838 par son ami le ministre SALVANDY mais il ne manqua pas, alors, de demander à ce que cette mission ne soit que des plus temporaires afin de pouvoir, en premier lieu, bénéficier d’une activité rémunérée (il avait en effet subi plusieurs déconvenues financières en tant qu’avocat) et, dans un second temps, être nommé dans une des deux chaires qu’il rêvait d’occuper : celle de procédure (civile et criminelle) qu’à Poitiers son maître, BONCENNE, avait tenue ou encore celle de droit pénal qu’on lui aurait promise à Paris.

En effet, jusqu’en 1838 CHAUVEAU avait rédigé et participé à la publication de très nombreux ouvrages en droit privé et notamment en matière procédurale ou pénale. Son nom avait même été associé dans cette voie à ceux des plus grands : CARRE et HELIE en particulier. Il passa alors toute sa carrière à demander mutations et promotions pour quitter l’enseignement d’un droit public qu’il n’avait pas choisi refusant néanmoins par deux fois d’embrasser la magistrature, se définissant (avec raison) comme un « véritable universitaire ».

Pourtant, dès 1840, le ministre qui l’avait nommé refusa qu’il se présentât à Poitiers au concours pour la chaire que BONCENNE avait laissé vacante « en se fondant sur ce qu’un professeur qui aurait échoué serait compromis aux yeux des élèves » ! Par suite, c’est très fréquemment que son dossier personnel fait état de demandes de mutations, de nominations, ou même d’autorisations à concourir comme en 1851 où le juriste fait partie des candidats en lice désireux d’occuper la chaire de DE GERANDO. En effet, même si CHAUVEAU demanda avant tout à quitter l’enseignement du droit administratif (en 1861 il demande ainsi une chaire de droit criminel ; en 1863 une autre de droit commercial etc.), il cherchait également une promotion (auprès de l’Ecole du Panthéon) mais aussi – et peut-être surtout – à quitter la ville de Toulouse dans laquelle dès son arrivée il eut quelques démêlés.

Notons d’ailleurs que CHAUVEAU écrivit tant et tant de demandes de mutations que cette action lui fut expressément reprochée dès 1845. Le ministre écrivant ainsi au Toulousain : « j’ai lieu de m’étonner, Monsieur, que pour me témoigner vos vœux à cet égard vous ayez cru devoir recourir à l’intervention d’un de mes collègues [en l’occurrence le Garde des Sceaux ainsi que cela se pratiquait déjà énormément]. Ce recours a quelque chose d’étranger de la part d’un fonctionnaire de l’Université ».

Adolphe Chauveau 1835 - MTD(c)

Signature personnelle de M. Chauveau (1835)
Collection personnelle - Touzeil-Divina (c)

CHAUVEAU (le mal aimé)
et « l’affaire » du doctorat

Dès son arrivée à Toulouse, CHAUVEAU fut particulièrement mal accueilli ce qui explique certainement son amertume et son désir de quitter un établissement dans lequel, lors de son arrivée, doyen, collègues et certains étudiants même, lui avaient clairement signifié que puisqu’il n’était pas docteur en droit (mais simplement licencié), il n’avait aucune légitimité à participer aux examens et à la vie même de la Faculté.

Des échanges – très vifs – eurent alors lieu entre le doyen MALPEL et lui. Le recteur THUILLIER (par lettre datée du 06 septembre 1839) décrit ainsi : « Depuis sa nomination, ce fonctionnaire n’a cessé d’exciter les plaintes les plus vives soit par la faiblesse de son enseignement, faiblesse qui s’est révélée dès la 1re leçon, soit par la turbulence de son caractère qui a donné occasion à plusieurs scènes scandaleuses » et notamment à de nombreuses injures destinées aux autres membres de la Faculté de droit (doyen compris !). Le 06 mai de cette même année il avait ainsi, pendant une séance disciplinaire, « dit tout haut qu’un simple doyen n’avait pas le droit d’agir comme [il agissait] et comme M. le recteur voulut le rappeler aux convenances, il répliqua avec arrogance qu’il avait eu tort de dire un simple doyen et qu’il aurait été peut-être plus juste de dire un doyen simple » !

Il n’en fallut pas davantage pour provoquer l’ire dudit doyen MALPEL qui signifia ouvertement à son ministre que non seulement CHAUVEAU devrait être rappelé à l’ordre mais encore qu’il était impératif qu’il obtienne dans l’année son grade de docteur pour ne pas se trouver comme il l’avait déjà été à examiner des « hommes plus avancés que lui ».

Auprès de BONCENNE et de FOUCART, CHAUVEAU revint donc à Poitiers pour terminer ses études (sic) et retourna ensuite à Toulouse où, peu à peu, les esprits se calmèrent. MALPEL gardera néanmoins un souvenir amer de cet épisode et continuera à dire au ministre : « vous savez de quelles circonstances fut accompagnée la nomination de M. CHAUVEAU à la chaire de droit administratif. Il ne m’appartient pas de critiquer la disposition ministérielle qui investit du professorat un sujet qui n’était pas pourvu des grades exigés par nos règlements universitaires (…) ayant alors eu pour résultat d’enlever à nos docteurs des droits acquis, ou du moins des espérances légitimes (…) [et qui jeta] du discrédit sur les grades universitaires ».

Eléments de bibliographie

A son égard, voyez notamment :

  • aux Archives Nationales : A.N F17 / 20404 (dossier personnel) ;
  • aux Archives Nationales : A.N. F17 / 2059 (affaire du doctorat) ;
  • Dictionnaire Historique des Juristes Français (2nde édition), p. 237 et s. ;
  • BATBIE Anselme-Polycarpe, « Annonce du décès de M. Adolphe CHAUVEAU » in RCLJ ; Paris, Cotillon ; 1869, Tome XXXIV ; p. 96 ;
  • DEVAUX Olivier & ESPAGNO Delphine, « Avant Maurice Hauriou, l’enseignement du droit public à Toulouse (…) » in Histoire de l’enseignement du droit à Toulouse ; 2007 ; p. 353 et s.
  • DAUVILLIER Jean, « Le rôle de la Faculté de droit de Toulouse dans la rénovation des études juridiques et historiques aux XIXe et XXe siècles » in Annales de l’Université des sciences sociales de Toulouse ; Toulouse ; 1976 ; Tome XXIV, fascicules 1 et 2 ; p. 368 ;
  • ROZY Henri-Antoine, CHAUVEAU Adolphe, sa vie, ses œuvres ; Paris, Thorin ; 1870;
  • TOUZEIL-DIVINA Mathieu, La doctrine publiciste – 1800 – 1880 (éléments de patristique administrative) ; 2009, La Mémoire du Droit ; p. 258 et s.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Histoire(s) – Chauveau [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 14.

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L’état d’urgence en droit international : qu’est-ce qui a changé depuis « la guerre contre le terrorisme » ?

par Mme Vasiliki SARANTI,
Docteur en droit (international) public, Université Panteion d’Athènes

La raison d’état dans les instruments
internationaux des droits de l’homme

Art. 29. La raison d’état est bien présente dans le droit international des droits de l’homme, en vertu des articles 4 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, 15 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et 27 de la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme. Lesdites provisions, connues comme « clauses de dérogation », offrent à l’état l’option de suspendre provisoirement l’application des certains droits et libertés (sauf un noyau dur qui ne peut être jamais suspendu) quand l’existence-même de la nation est menacée par un danger public exceptionnel. Les mesures prises pour faire face à une telle situation grave doivent être proportionnées aux exigences de la situation, compatibles avec les autres obligations imposées par le droit international et notifiées aux autres Etats contractants par l’intermédiaire du Secrétaire Général de l’ONU, du Conseil de l’Europe ou de l’Organisation des Etats Américains respectivement.

« Le danger qui menace l’existence
de la nation » : l’interprétation
du terme à la suite du lancement
officiel de la
« guerre contre le terrorisme »

Au cours des années, plusieurs Etats ont été impliqués dans un « état d’urgence », soit par un acte de proclamation formel soit de facto (Royaume-Uni, Turquie, Pérou, Algérie, Israël etc.). A la suite des attaques terroristes du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis, leur Président a déclaré, sans invoquer formellement l’article 4 PIDCP, « a national emergency », introduisant une série d’actes législatifs portant préjudice aux droits de l’homme, tandis que le Royaume-Uni a invoqué l’article 15 CEDH pour déroger au droit à la liberté (article 5 CEDH).

La mesure prise par le gouvernement britannique était la rétention administrative prolongée, soit indéfinie (décrit comme « rétention élargie » dans l’avis de dérogation), visant les étrangers à l’encontre desquels le Ministre de l’Intérieur avait délivré un certificat indiquant que leur présence au Royaume-Uni était considérée comme un risque pour la sécurité nationale et qu’ils ont été soupçonnés être des terroristes internationaux dont le refoulement ou l’expulsion du Royaume-Uni était prévue mais en ce moment-là impossible. Naturellement, une affaire est parvenue devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme : dans le cas A et autres/Royaume-Uni, la Cour de Strasbourg a conclu que le gouvernement défendeur a violé l’article 5 de la Convention, car la mesure prise était disproportionnée par rapport au danger ainsi que discriminatoire contre les ressortissants étrangers. Cependant, la Cour était encore une fois réticente à donner une définition stricte du danger tout en soulignant qu’elle n’avait jamais expressément jugé que le danger invoqué devait être de nature temporaire.

Les dérogations récentes
et leurs implications
pour le droit international

Ce qui est problématique dans l’application des clauses de dérogation et particulièrement intense dans la « guerre contre le terrorisme » est que les juridictions internationales donnent une excessive marge d’appréciation aux Etats quant à la qualification de la situation qui est identifiée comme danger menaçant l’existence de la nation. En effet, pour justifier une dérogation, un danger doit être actuel ou imminent, avoir des répercussions sur l’ensemble de la nation, constituer une menace pour la vie organisée de la communauté et avoir un caractère exceptionnel en ce sens que les mesures ou restrictions ordinaires autorisées par la Convention pour assurer la sécurité, la santé et l’ordre publics sont manifestement insuffisantes. Les attaques terroristes ne remplissent pas toujours ces critères. Cependant l’acte introduisant l’état d’urgence reste toujours un acte souverain de l’Etat qui échappe tant au contrôle national qu’international.

L’incertitude a endurci les positions des Etats. En effet, les avis de dérogation se multiplient et le terme « terrorisme » peut englober, selon les gouvernements, des actes de terrorisme sporadiques jusqu’à des situations de violence qui ressemblent plutôt à des conflits armés. En juin, l’Ukraine a notifié qu’elle a dérogé à plusieurs articles de la CEDH (et du PIDCP), invoquant comme danger « la campagne anti-terroriste » qui se déroule à l’est du pays. Mais ce que le gouvernement définit comme « terrorisme » est en réalité un conflit armé non international (au moins, peut-être aussi internationalisé) entre le gouvernement et les séparatistes. A un autre niveau, le rapport « Clearing the fog of law. Saving our armed forces from defeat by judicial diktat », préparé après plusieurs jugements de la CourEDH constatant une violation des articles 2 et 5 de la CEDH par les forces armées britanniques quant à la violation du droit à la vie et la détention des individus pendant les conflits armés en Irak et Afghanistan (Al-Jedda, Al Saadoon and others, Al-Skeini etc.), propose au gouvernement de déroger à la Convention européenne des droits Homme au titre de futurs conflits armés à l’étranger – c’est-a-dire d’appliquer la clause de dérogation extraterritorialement et apparemment pour une période indéfinie.

La France a bien suivi cette tendance. A la suite des attaques terroristes du 13 Novembre 2015, le gouvernement français a soumis un avis de dérogation qui est vague et incomplet, indiquant que certaines des mesures d’urgence peuvent impliquer une dérogation aux obligations découlant de la CEDH, sans expliquer quelles sont ces mesures qui nécessitent une dérogation à la CEDH, quels articles sont suspendus et pourquoi ces mesures sont strictement requises par les exigences de la situation. En d’autres termes, c’est une dérogation qui est équivalente à une carte blanche laissée à l’exécutif quant à la protection des droits et libertés, alors qu’elle a été utilisée pour limiter des démonstrations contre le changement climatique qui ont eu lieu à Paris pendant la Conférence de l’ONU et qui n’avaient aucun lien avec les attaques terroristes.

Bien que la France a un contrôle judiciaire effectif sur les mesures de dérogation (les assignations à résidence sont examinées par le juge administratif, alors que celles prises dans le cadre de la Conférence de l’ONU sur le changement climatique ont été abrogées spontanément par le ministère), ainsi qu’un contrôle parlementaire (la prolongation de l’état d’urgence est décidée par l’Assemblée nationale chaque trois mois), il est bien probable que certaines de ces mesures soient soumises à l’examen de la CourEDH, qui doit saisir l’occasion de se prononcer sur quatre questions posées : a) la nature de la dérogation elle-même, la gravité, l’imminence, la persistance et la durée du danger, b) la proportionnalité des mesures prises tant du point de vue de leur durée que de leur pertinence pour protéger l’existence de la nation, c) la compatibilité avec l’objet et le but de la CEDH de la réserve française à l’article 15, quant aux pouvoirs accrus du Président de la République, d) l’imprécision de l’avis de dérogation et l’importance du respect des conditions procédurales spécifiées dans le paragraphe 3 de l’article 15 CEDH.

 

Alors, quelque chose a-t-il changé depuis la « guerre contre le terrorisme » ? Je répondrais, oui ; on vit un renforcement de la souveraineté nationale qui au niveau des droits de l’homme se traduit par un renforcement de la raison d’Etat en dépit des droits et libertés. Les juridictions internationales tendent à laisser une ample marge d’appréciation quant à la proclamation de l’état d’urgence. Je souhaite qu’elles ne laissent pas une telle marge d’appréciation quant à la proportionnalité des mesures prises par le gouvernement français.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 29.

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Les organisations internationales et l’état d’urgence français

par Valère NDIOR,
Docteur en droit public de l’Université de Cergy-Pontoise

Art. 28. L’instauration de l’état d’urgence en novembre 2015 a suscité, au sein de différentes organisations internationales, des réactions dénonçant, plus ou moins explicitement, les risques de violation des engagements internationaux de la France (I). Bien que ces réactions soient hâtivement attribuées aux organisations internationales par les médias, alors qu’elles n’émanent parfois que de certains experts y officiant, elles ont l’intérêt de montrer que les enjeux suscités par la mise en place de l’état d’urgence ne sont pas étrangers à la sphère du droit international (II).

Les réactions de certains organes
d’organisations internationales

Sans aller jusqu’à le condamner, plusieurs organes d’organisations internationales dont la France est membre ont manifesté, dans différentes déclarations, leurs réserves à l’égard de l’état d’urgence. Il faut préciser d’emblée que les déclarations concernées n’ont pas tant critiqué son instauration que ses modalités, notamment sa prolongation annoncée par le gouvernement. La réaction la plus médiatisée vient de la sphère onusienne : cinq rapporteurs spéciaux de l’Organisation des Nations Unies – relevant des procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme – ont produit une déclaration publique conjointe en date du 19 janvier 2016. Ils y expriment leurs « inquiétudes » sur plusieurs aspects de la loi relative à l’état d’urgence : les mesures d’assignation à résidence (notamment la « conformité des mesures d’assignation à résidence de militants et activistes écologistes aux critères stricts de nécessité et de proportionnalité ») ; le manque de précision et le caractère vague des notions de « sécurité » et de « menace à l’ordre public » ; l’absence de contrôle judiciaire sur les procédures de blocage des sites internet, etc. Outre son remarquable caractère collectif – il est exceptionnel qu’une telle déclaration soit signée par cinq experts –, la position ici exprimée a l’intérêt de s’appuyer sur plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), à savoir les articles 19, 21 et 22. La déclaration vise plus particulièrement les restrictions opérées par la France aux droits garantis par le Pacte en matière de liberté d’expression, de liberté de réunion pacifique et de liberté d’association.

Si cette position des rapporteurs spéciaux a été largement relayée par les médias et décrite comme émanant de l’ONU dans son ensemble, force est de constater que les organes principaux des Nations Unies (Conseil de sécurité, Assemblée générale…) n’ont, pour leur part, pas adopté de position officielle à l’égard de l’état d’urgence français, se gardant bien de se prononcer sur son opportunité. Cette réserve fait d’ailleurs écho à la position d’autres organisations internationales qui demeurent silencieuses vis-à-vis des mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence tout en affirmant leur soutien à la France dans sa lutte contre le terrorisme (OTAN, OSCE, Conseil de l’Union européenne, etc.). Un tel silence peut sembler inhabituel alors que ces organisations n’ont pas hésité, par le passé, à adopter des positions officielles sur l’instauration de l’état d’urgence par d’autres États membres, notamment à la lumière de l’article 4 du PIDCP qui envisage les dérogations aux obligations internationales d’un Etat membre lorsqu’« un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel » (en ce sens, l’Observation générale n° 29 du Comité des droits de l’homme sur l’article 4, CCPR/C/21/Rev.1/Add.11 (2001), mérite d’être consultée).

Il convient toutefois de signaler la lettre adressée par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, au président François Hollande, le 22 janvier 2016. Il y évoque sa préoccupation face à l’annonce de la prolongation de l’état d’urgence et attire l’attention du chef de l’Etat sur les « risques pouvant résulter des prérogatives conférées à l’exécutif par les dispositions applicables pendant l’état d’urgence ». Allant plus loin, il propose l’assistance du Conseil de l’Europe pour que les « réformes […] annoncées s’inscrivent dans le respect des normes européennes relatives aux droits de l’homme » (ce qui est conforme au mandat du Conseil de l’Europe), puis rappelle finalement qu’« une fois l’état d’urgence levé », la Convention de sauvegarde des droits de l’homme s’appliquera « sans dérogation aucune aux réformes qui seront alors en vigueur ». Cet avertissement a le mérite d’être clair : les mesures adoptées par la France ne sauraient avoir un caractère autre que provisoire.

Des critiques non attribuables
aux organisations internationales

Force est de constater que la plupart des critiques de l’état d’urgence n’émanent pas tant des organisations internationales que de certains de leurs hauts fonctionnaires s’exprimant à titre personnel, ou d’experts et conseillers indépendants simplement associés à ces organisations. Or, dès lors que les positions exprimées ne résultent pas d’un processus délibératif établi au sein d’un organe habilité à parler au nom de l’organisation, il est erroné de considérer qu’elles peuvent engager l’ensemble de l’organisation. Tout au plus ces déclarations peuvent-elles refléter les inquiétudes de certains agents ou experts indépendants. Ainsi, lorsque Marwan Muhammad, conseiller auprès de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dénonce le manque de transparence des autorités françaises quant à la manière dont les perquisitions sont menées pendant l’état d’urgence (20 Minutes, 26 nov. 2015), c’est bien à titre personnel, sans représenter l’organisation, faute d’avoir la qualité d’agent habilité à le faire. Sur un autre plan, il serait également erroné d’assimiler la position de Martin Schulz, président du Parlement européen, à celle de l’institution dans laquelle il officie lorsque, tout en indiquant « comprendre » l’instauration de l’état d’urgence par la France, il s’inquiète de la « dérive autoritaire » des pays européens. En effet, cette déclaration est effectuée à l’occasion d’un entretien accordé à un quotidien français (Libération, 8 fév. 2016) et non dans l’enceinte du Parlement, au cours ou à l’issue d’un processus délibératif.

Il demeure que ces positions, souvent individuelles mais largement relayées par les médias, ne sont pas dénuées d’importance, aussi bien pour évaluer la légitimité internationale de l’état d’urgence que sa conformité aux textes internationaux, de manière notable la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme ou le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. A titre d’illustration, lorsqu’elle reproduit les propos du Commissaire aux droits de l’homme, Nils Muiznieks, la presse française affirme, de concert et sans nuance, que le « Conseil de l’Europe déplore » les dérives liées à l’état d’urgence, alors que le Commissaire est plus précisément une institution indépendante et impartiale, créée par le Conseil de l’Europe pour promouvoir la prise de conscience et le respect des droits de l’Homme dans les Etats membres. Toutefois, il est permis de constater à la lecture des déclarations de Monsieur Muiznieks reproduites dans les médias (France Culture, 12 jan. 2016 ; Le Monde, 3 fév. 2016), puis sur le site du Commissaire aux droits de l’Homme (3 fév. 2016), qu’il partage les appréhensions des experts de l’ONU : mise en péril du contrôle démocratique ; absence de contrôle judiciaire ; défaut d’adéquation entre les mesures adoptées et la lutte contre le terrorisme ; soupçons de profilage ethnique…

Dès lors, l’identité de vues entre de nombreux experts officiant dans ou auprès d’organisations internationales, parfois rompus à l’observation de situations d’état d’urgence, démontre que les risques associés à l’instauration ou la prolongation de l’état d’urgence font l’objet d’une vigilance internationale. Ces réactions, si elles en émanent bien, ne doivent certes pas être attribuées hâtivement aux organisations internationales dans leur ensemble. Elles permettent toutefois d’identifier les risques de fracture entre les mesures adoptées par la France et ses engagements internationaux.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 28.

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Les propositions des Comités Vedel et Balladur sur l’état d’urgence

par M. le pr. Jacques VIGUIER,
Professeur à l’Université Toulouse 1 Capitole, droit public,
Université Toulouse 1 Capitole, Idetcom

Art. 26. Le Comité Vedel (« Comité consultatif pour une révision de la Constitution ») et le Comité Balladur (« Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République ») ont tous les deux proposé de modifier l’article 36 de la Constitution de 1958, le premier en 1993, le second en 2007. Ces propositions faites quant à l’introduction de l’état d’urgence dans la Constitution comportent des éléments originaux quant à leur positionnement dans le rapport, quant à leur motivation et quant à leur contenu.

Quant à leur positionnement dans le rapport, un élément de distinction apparaît déjà à travers leur emplacement dans le plan.

Pourtant les deux rapports sont très proches dans leur présentation, consacrant tous deux un Chapitre au pouvoir exécutif, un Chapitre au Parlement et un Chapitre aux citoyens. La ligne directrice dans les deux rapports, c’est de donner des pouvoirs supplémentaires au Parlement : « Un Parlement plus actif » (Comité Vedel), un « Parlement renforcé » (Comité Balladur).

Mais la différence tient au fait que la proposition de modification de l’article 36 figure dans un Chapitre différent de chaque rapport. Le Comité Vedel la met dans le Chapitre consacré au Parlement, alors que le Comité Balladur l’intègre dans le Chapitre consacré au pouvoir exécutif. Plus précisément, le Comité Vedel la place dans un point relatif à « un rôle renforcé par l’accroissement des compétences et des pouvoirs de contrôle et par l’amélioration de la procédure législative » et le Comité Balladur la range dans un passage relatif à « des prérogatives mieux encadrées » du pouvoir exécutif, dans lequel il traite principalement de l’article 16.

Y avait-t-il une place plus logique qu’une autre ? Il paraît difficile de trancher radicalement sur ce point. La réflexion est la même dans les deux approches. Encadrement ou contrôle du pouvoir exécutif, cela semble pour le moins synonyme.

Quant à leur motivation, le Rapport Vedel affirme : « Il existe en droit français deux régimes législatifs des temps de crise : l’état de siège et l’état d’urgence. Pour des raisons de circonstances, la Constitution ne mentionne que l’état de siège. Il parait désormais nécessaire d’aligner le dispositif de l’état d’urgence sur celui de l’état de siège en inscrivant dans la Constitution des règles qui figurent d’ores et déjà dans la loi réglementant l’état d’urgence ». Le Rapport Balladur estime qu’il « y a lieu de mettre à jour les mécanismes de l’état de siège et de l’état d’urgence … de telle sorte que le régime de chacun de ces états de crise soit défini par la loi organique et la ratification de leur prorogation autorisée par le Parlement dans des conditions harmonisées ». Ce qui est frappant, c’est que les deux comités considèrent non pas qu’il faille supprimer l’article 36 applicable à l’état de siège – comme certains proposent régulièrement de supprimer de la Constitution de 1958 l’article 16 –, mais qu’il paraît plutôt nécessaire de faire figurer l’état d’urgence dans la Constitution.

Le fait que les deux comités proposent la même solution rend moins surprenante la volonté actuelle du pouvoir exécutif de réviser la Constitution en y faisant figurer l’état d’urgence.

Par ailleurs le Comité Balladur affirme aussi : « la diversité des menaces potentielles qui pèsent sur la sécurité nationale à l’ère du terrorisme mondialisé justifie le maintien de dispositions d’exception ». Cette remarque est d’une troublante actualité. Elle renvoie tout à fait à la situation présente et correspond parfaitement à la motivation présentée par le pouvoir exécutif actuel pour intégrer l’état d’urgence dans la Constitution.

Quant à leur contenu, il existe une légère divergence entre le Rapport Vedel et le Rapport Balladur. Le premier propose simplement de faire référence à l’état d’urgence dans l’article 36 : « L’état de siège et l’état d’urgence sont décrétés en Conseil des ministres. Leur prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement ». Le Rapport Balladur présente deux élément différents : il remplace « le Parlement » par « la loi » et il ajoute qu’« une loi organique définit ces régimes et précise leurs conditions d’application ».

Pour la première modification – Parlement ou loi –, la différence de terminologie semble ne pas beaucoup changer la portée de l’article 36. Simplement il confirme que le prolongement de l’état d’urgence par le Parlement ne fait pas l’objet d’une décision sui generis, mais d’une loi ordinaire. Pour la seconde modification, qui consiste en un ajout d’un alinéa selon lequel il faut qu’une loi organique intervienne, cela constitue une garantie plus forte, la loi organique apparaissant comme encadrant de manière plus solennelle la mise en place et les conditions d’application de l’état d’urgence.

En définitive, les deux rapports sont assez proches, dans leurs propositions, de ce que le pouvoir exécutif actuel envisage comme modification. L’introduction de l’état d’urgence dans la Constitution de 1958 et l’encadrement par une loi organique reprennent les propositions de ces deux comités, qui ne voyaient pas dans cette modification une forte atteinte à l’Etat de droit, alors que telle n’est pas vraiment la position d’une partie de la doctrine actuelle, qui relève la potentialité d’atteinte aux droits des citoyens. On se trouve toujours face à une opposition entre les tenants d’un maintien de la légalité étendue des fonctions de l’administration en cas de crise et ceux qui y voient une grave remise en cause des droits et libertés des citoyens.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 26.

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Les causes des précédents historiques de mise en œuvre de l’état d’urgence

par M. Rémi BARRUE-BELOU,
Docteur en droit public, qualifié aux fonctions de maître de conférences

Art. 25. Depuis le mois de novembre 2015, l’état d’urgence est une expression usitée quotidiennement, à la fois pour signifier l’existence d’une situation de troubles graves mais aussi pour justifier un renforcement des pouvoirs de police et donc une restriction des libertés. S’il est généralement admis que l’état d’urgence correspond à la mise en œuvre d’une disposition permettant l’application de mesures à caractère exceptionnel, nous proposons ici de mieux cerner cette mesure à l’aune des utilisations précédentes par les Présidents de la République.

Juridiquement, l’état d’urgence est une situation dans laquelle les pouvoirs de police administrative sont renforcés et étendus pour faire face à un « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou à des événements présentant « par leur nature ou leur gravité le caractère de calamité publique ». Cela correspond donc à une situation pouvant ou non résulter de circonstances exceptionnelles et dont l’existence justifie que l’administration, sous réserve de l’appréciation du juge, passe outre certains délais ou exigences de forme ou de procédure. Il se différencie principalement de l’état de siège qui implique un transfert de pouvoirs au profit de l’autorité militaire. Mais comprendre l’état d’urgence passe également par une perspective historique permettant de cerner les précédentes mises en œuvre. C’est ce que nous nous proposons de voir, ici.

L’état d’urgence est prévu par la loi n°55-385 du 3 avril 1955, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958, actuellement en application. Il répond à une volonté de la part des chefs de gouvernement de l’époque de permettre la mise en place de règles spécifiques dont le régime ne serait pas exactement celui de l’état de siège afin de laisser le pouvoir à l’exécutif et non aux forces militaires. Edgar Faure, alors Président du conseil, fait voter la loi du 3 avril 1955 en réponse aux événements ayant lieu en Algérie. La loi fait alors directement référence à la situation algérienne, ce qui entrainera la suppression de cette référence par la loi du 17 mai 2011. Une autre modification a été effectuée par la loi du 20 novembre 2015 : elle renforce le contrôle du Parlement, précise les actions pouvant être mises en œuvre et supprime la référence à la possibilité pour la juridiction militaire de pouvoir se saisir en cas de crimes ou délits afin de les juger.

Les applications de la loi du 3 avril 1955 ont été multiples, tout au long de la Vème République. Elles résultent d’une volonté du pouvoir exécutif (Premier ministre et Président de la République) de renforcer les pouvoirs de police dont ils sont détenteurs, amputant une partie des libertés publiques et individuelles.

La première application de la loi a lieu dès son adoption par le Parlement. Son application est prévue pour une durée de six mois et une prorogation est votée le 7 août 1955. Cette loi est adoptée notamment en raison des attentats perpétrés par le Front de libération nationale algérien (FLN), dès 1954. L’objectif de cette loi est de renforcer les pouvoirs de police au-delà de ce que la législation autorise afin de contrer les partisans de l’indépendance algérienne. La loi permettant l’instauration de l’état d’urgence trouve donc son origine dans la volonté de donner des pouvoirs exceptionnels à l’armée et aux services sous tutelle des ministères de l’Intérieur et de la Défense afin de mettre fin aux attentats et plus largement aux revendications indépendantistes. L’application de la loi prît fin le 15 décembre 1955 à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale.

Trois années plus tard, en raison des événements du 13 mai 1958 et de la tentative de coup d’État de quatre généraux français, l’état d’urgence est voté pour trois mois par le Parlement. Ces généraux, souhaitant renforcer la souveraineté de la France en Algérie et refusant la constitution du gouvernement de Pierre Pflimlin, soupçonné de négocier un cessez-le-feu avec le FLN, prennent d’assaut le bâtiment du gouvernement général (pouvoir exécutif de l’administration coloniale) et forment un comité de salut public. Afin de contrer ce mouvement insurrectionnel, le gouvernement français déclare l’état d’urgence. Prévu pour durer trois mois, l’état d’urgence prendra fin le 15 juin de cette même année, lors de la prise de fonction du général de Gaulle.

Toujours dans le contexte de tension de la guerre d’Algérie, le général de Gaulle, devenu Président de la République, décide de mettre en œuvre l’état d’urgence pour répondre au « putsch des généraux ». Cela fait suite à une nouvelle tentative de coup d’État de la part de généraux français qui refusent la politique d’abandon de l’Algérie menée par de Gaulle et son gouvernement. Cette fois, aucune loi n’est votée mais c’est un décret de de Gaulle (n°61-395) qui proclame l’état d’urgence à compter du 23 avril 1961 en application de la loi du 3 avril 1955. C’est donc le seul pouvoir exécutif qui décide la mise en œuvre de ce régime juridique d’exception. De plus – et cela sera la seule fois durant la Vème République – il est concomitamment mis en œuvre avec l’article 16 de la Constitution qui permet au Président de la République de regrouper entre ses mains des « pouvoirs exceptionnels » (notamment législatif, judiciaire et exécutif) du 23 avril au 29 septembre. Dans ce contexte, l’état d’urgence est prorogé jusqu’au 15 juillet 1962, puis prorogé une nouvelle fois par le biais d’une ordonnance du gouvernement jusqu’au 31 mai 1963.

A partir de 1984, des mouvements indépendantistes kanaks font connaître leur mécontentement à l’égard du statut administratif conféré à leur territoire. Des demandes de référendum d’autodétermination sont adressées au gouvernement français, mais refusées. Pour tenter de rétablir une situation calme sur ce territoire et en réponse à de nombreux affrontements, appelés « événements » de Nouvelle-Calédonie, l’état d’urgence est appliqué à plusieurs reprises : il est d’abord mis en œuvre le 12 janvier 1985, puis prorogé le 27 janvier et ce, jusqu’au 30 juin 1985 par la loi du 25 janvier 1985. En application de loi n°61-814 du 29 juillet 1961 et de la loi n°55-385 du 3 avril 1955, l’état d’urgence est ensuite déclaré le 29 octobre 1986 sur l’ensemble du territoire de Wallis-et-Futuna par un arrêté (il y sera mis fin le lendemain). Enfin et dans ce même contexte des « événements » de Nouvelle-Calédonie, l’état d’urgence est déclaré le 24 octobre 1987 sur une partie du territoire de Polynésie, jusqu’au 5 novembre.

Vingt ans plus tard, en raison des émeutes dites « de banlieue », le Président de la République prend un décret afin de permettre la mise en œuvre de l’état d’urgence, le 8 novembre 2005. Toujours dans le but de rétablir l’ordre public et face aux actes de mécontentement, parfois violents d’une partie de la population française, l’état d’urgence sera appliqué pour partie sur l’ensemble du territoire (ce qui concerne l’article 5 de la loi du 3 avril 1955) et les article 6, 8, 9 et 11 §1, dans un vingtaine d’agglomérations ainsi que sur l’ensemble du territoire d’Ile-de-France. Il est prorogé de trois mois à compter du 21 novembre 2005, par la loi du 18 novembre 2005 et prendra fin le 4 janvier 2006.

Enfin, lors de la survenance des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, l’état d’urgence est mis en œuvre par décret (décrets 2015-1475, 2015-1476 et 2015-1478 du 14 novembre 2015). Comme cela fut le cas en 1955, la mise en œuvre de l’état d’urgence répond à une volonté de renforcer les pouvoirs de police sur le territoire français afin de lutter plus efficacement contre les auteurs des attentats et d’en prévenir de nouveaux. Il est prorogé une première fois de trois mois à compter du 26 novembre 2015, par la loi du 20 novembre 2015 et une seconde fois de trois mois à compter du 26 février 2016, par la loi du 19 février 2016.

A l’aune de ces différents cas, l’état d’urgence est donc mis en œuvre afin de lutter contre des actions jugées par le chef de l’État (ou du gouvernement) comme étant à l’origine d’un trouble à l’ordre public et donc représentant un danger pour le pays.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 25.

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La loi « TREVENEUC » de 1872 : un régime d’exception oublié

par M. Olivier PLUEN,
Maître de conférences, droit public, Université des Antilles, Centre VIP

Art. 24. « Tréveneuc » ! Ce nom aurait pu demeurer dans les esprits celui d’une petite commune du pays de Saint-Brieuc, dans les Côtes d’Armor, si l’actualité n’invitait pas indirectement à se remémorer le titre donné à une loi votée dans les tout débuts de la IIIe République. En effet, si le législateur ordinaire, lors des prorogations de l’état d’urgence de 2005, 2015 et 2016, et aujourd’hui le législateur constituant, dans le cadre du projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation, ont pris soin d’énumérer la liste « traditionnelle » des légalités d’exception, un dispositif a systématiquement été oublié. Il s’agit de la loi du 15 février 1872 relative au « rôle éventuel des conseils départementaux dans des circonstances exceptionnelles », qui, initiée par le député monarchiste Henri Tréveneuc et adoptée par 482 voix sur 557 votants, est passée à la postérité sous l’appellation de « Loi Tréveneuc ».

Un régime d’exception désuet
mais toujours en vigueur

Bien qu’occulté et possédant un bien étrange intitulé pour une loi votée presque au lendemain de la « Commune », ce texte est toujours en vigueur aujourd’hui. D’ailleurs, les travaux législatifs de la dernière décennie y ont fait référence à deux occasions sous ce prisme. La question de son abrogation a d’abord été posée avec la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, déposée à l’Assemblée nationale par le député Warsmann en 2009. Mais si la Loi Tréveneuc fut qualifiée de « loi de circonstances, inappliquée depuis 127 ans » par le rapporteur de la commission des lois du Sénat, celui-ci se rangea néanmoins à l’argumentation de son homologue de la chambre basse, pour qui une telle abrogation, « si elle peut sembler justifiée, dépasse cependant le cadre d’un simple toilettage des textes ». Le texte de simplification promulgué le 17 mai 2011 ne devait ainsi pas en faire état. Quelques années plus tard, la loi du 17 février 2013 relative notamment à l’élection des conseillers départementaux vint modifier son titre et son article 1er, afin de tirer les conséquences de la transformation des « conseils généraux » en « conseils départementaux ».

Au demeurant, la remarque précitée du rapporteur du Sénat, concernant le caractère désuet de la Loi Tréveneuc, mérite d’être précisée. Il est certes bien exact d’affirmer qu’elle n’a jamais été appliquée en tant que telle. Mais il est en revanche erroné d’en déduire son inutilité. À lire les Généraux de Gaulle et Giraud, elle aurait pu être le salut de la France lors de la débâcle et de la libération. La déclaration organique du 16 novembre 1940, à la signature du premier et au visa principal de ce texte, soulignait : « Qu’à défaut d’un Parlement libre et fonctionnant régulièrement, la France aurait pu faire connaître sa volonté par la grande voix de ses conseils généraux ; que les conseils généraux auraient même pu, en vertu de la loi du 15 février 1872, et vu l’illégalité de l’organisme de Vichy, pourvoir à l’administration générale du pays ». Trois ans plus tard, le 17 mars 1943, Giraud écrivait une lettre à de Gaulle dans laquelle il suggérait la création d’un comité exécutif qui remettrait « ses pouvoirs au Gouvernement provisoire qui, dès la libération du pays, sera constitué en France selon la loi du 15 février 1872 ».

Un régime d’exception
à l’objet et aux leviers atypiques

Les dispositions de la Loi Tréveneuc ne sauraient être comprises sans se référer aux débats parlementaires qui lui ont permis de voir le jour. Or toute l’économie du texte paraît précisément ressortir d’une intervention du député Duchatel à l’Assemblée nationale, le 15 janvier 1872 : « Que voulons-nous ! Nous voulons qu’à l’avenir le pays tout entier ne se trouve pas livré sans moyen légal de résistance à la merci d’un coup…de force, tenté par un homme ou par quelques hommes…; nous voulons qu’en cas de violence faite à la nation dans la personne de ses représentants, la nation puisse avoir recours à la personne d’autres de ses mandataires d’un ordre hiérarchique différent, c’est-à-dire aux conseillers généraux ». La loi de 1872 s’explique ainsi par le souci d’apporter une réponse à une éventuelle tentative de mise à l’écart arbitraire de l’Assemblée nationale par l’Exécutif, et son article 1er conditionne dès lors son application à la circonstance que « l’Assemblée nationale ou celles qui lui succéderont (ont été) illégalement dissoutes ou empêchées de se réunir ». En cela, la Loi Tréveneuc se distingue des autres régimes d’exception qui reposent, ou bien sur une complémentarité de l’Exécutif et du Parlement, comme c’est le cas pour l’état d’urgence et l’état de siège, ou bien sur une confusion assumée des pouvoirs au profit du « premier » pour permettre le rétablissement du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels, comme c’est le cas avec l’article 16.

De manière concrète, la loi cherche à pallier l’absence d’Assemblée nationale à un double niveau, en partant dans les deux cas des départements, c’est-à-dire de l’échelon local. Il s’agit d’une part pour les conseils départementaux, composés au moins de la majorité de leurs membres, de se réunir « immédiatement, de plein droit », au chef-lieu du département ou en tout autre endroit de celui-ci (art. 1er), afin de pourvoir « d’urgence au maintien de la tranquillité publique et de l’ordre légal » dans leur ressort (art. 2). C’est justement l’application de ces premières dispositions que demanda Paul Valentino au conseil général de Guadeloupe, le 1er juillet 1940,…sans succès. Il s’agit d’autre part pour une « assemblée des délégués », composée de deux délégués élus par chaque conseil départemental et représentant au moins la moitié des départements, de se réunir « dans le lieu où se seront rendus les membres du Gouvernement légal et les députés qui auront pu se soustraire à la violence » (art. 3). Complémentaire des conseils départementaux compétents dans leur ressort territorial, cette instance se trouve chargée de prendre, « pour toute la France, les mesures urgentes que nécessite le maintien de l’ordre et spécialement celles qui ont pour objet de rendre à l’Assemblée nationale la plénitude de son indépendance et l’exercice de ses droits » (art. 4). Si la reconstitution de la chambre dissoute ou empêchée est apparue impossible dans le premier mois suivant l’évènement concerné, elle est tenue de « décréter un appel à la nation pour des élections générales » (art. 5). À ces fins, l’assemblée des délégués concentre les pouvoirs législatif et administratif, pourvoyant à « l’administration générale du pays » (art. 4) et disposant du personnel administratif, ses « décisions » devant « être exécutées, à peine de forfaiture, par tous les fonctionnaires, agents de l’autorité et commandants de la force publique » (art. 6). Or, si ces dispositions n’ont jamais été mises en œuvre complétement, l’histoire retient toutefois que l’ordonnance du Comité français de la libération nationale du 17 septembre 1943 s’en est inspirée en incluant « 12 délégués élus des Conseils généraux des départements et colonies libérés » à la composition de l’Assemblée consultative provisoire. L’existence de l’assemblée des délégués et les compétences exceptionnelles des conseils départementaux, justifiées par la volonté de rétablir l’Assemblée nationale, sont cependant limitées dans le temps. La première est tenue de s’auto-dissoudre et les seconds de revenir à leurs compétences ordinaires, dès lors que plus de la moitié des députés se trouve réunie sur un « point quelconque du territoire », ou lorsque la nouvelle Assemblée est constituée (art. 3 et 5).

Un régime d’exception
toujours d’actualité à ajuster

La Loi Tréveneuc est, à n’en pas douter, un texte qui n’a rien perdu de son acuité. L’adoption en février 2016 d’un amendement parlementaire au projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation, prévoyant l’impossibilité de dissoudre l’Assemblée nationale en période de mise en œuvre de l’état d’urgence, prouve sa complémentarité avec les autres régimes d’exception. De même, en donnant un rôle aux conseils départementaux, elle apparaît comme une façon originale de promouvoir la place des collectivités territoriales à l’heure de l’« Acte III » de la décentralisation. Reste que des imperfections appellent une intervention du législateur. Outre le fait que l’appellation de « conseil général » reste utilisée dans ses articles 2 et 3, il semble nécessaire de préciser les attributions de l’assemblée des délégués et des conseils départementaux, pour le moins floues, et de déterminer les places et/ou rôles respectifs du Sénat et des régions, inexistants en 1872, dans le dispositif qu’elle prévoit.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 24.

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Les autres régimes d’exception

par Mme Florence CROUZATIER-DURAND,
Maître de conférences (HDR), droit public,
Université Toulouse 1 Capitole, Institut Maurice Hauriou

Art. 23. Un régime d’exception peut être défini comme la situation dans laquelle se trouve un État qui, en présence d’un péril grave, ne peut assurer sa sauvegarde qu’en méconnaissant les règles qui régissent normalement son organisation et ses pouvoirs. Il a pour effet une aggravation des pouvoirs de police, une limitation des libertés publiques et une atténuation du contrôle de légalité. La conciliation des libertés fondamentales et de la sécurité publique se fait au profit de cette dernière. Outre l’état d’urgence, trois régimes d’exception peuvent être cités : l’état de siège, les circonstances exceptionnelles et les pouvoirs exceptionnels reconnus au Président de la République.

L’état de siège

Législation née sous le Second Empire, l’état de siège est le régime d’exception le plus ancien. Instauré précisément par la loi du 9 août 1849, modifiée par les lois du 3 avril 1878 et du 27 avril 1916, ce régime est aujourd’hui codifié à l’article 36 de la Constitution de 1958 et mentionné dans le Code de la défense (articles L. 2121-1 à L. 2121-8).

Il peut être déclaré en cas de péril imminent résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection armée. À la compétence traditionnelle du Parlement pour déclarer l’état de siège, l’article 36 de la Constitution de 1958 a substitué celle du Conseil des ministres. Néanmoins, sa prorogation au-delà de douze jours doit être autorisée par le Parlement.

L’état de siège a pour conséquence l’extension des pouvoirs de police, le transfert de certains pouvoirs à l’autorité militaire, ainsi que la création de juridictions militaires. Ainsi, les pouvoirs dont l’autorité civile est en principe investie pour le maintien de l’ordre et la police sont transférés à l’autorité militaire, l’autorité civile continuant d’exercer ses autres attributions. L’autorité militaire peut procéder à des perquisitions domiciliaires de jour et de nuit, éloigner toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation devenue définitive pour crime ou délit et les individus qui n’ont pas leur domicile dans les lieux soumis à l’état de siège, ordonner la remise des armes et munitions et procéder à leur recherche et à leur enlèvement, enfin, interdire les publications et les réunions susceptibles de menacer l’ordre public. La compétence des juridictions militaires est accrue, elles peuvent juger les crimes et délits contre la sûreté de l’État, ceux portant atteinte à la défense nationale, qu’ils soient perpétrés par des militaires ou des civils.

Les premières applications de l’état de siège ont visé à réagir à des troubles intérieurs notamment lors des révolutions en 1848 et 1849 mais aussi en 1871 lors de la Commune de Paris. Pendant les deux guerres mondiales, le gouvernement a eu aussi recours à l’état de siège.

Le Conseil d’Etat a précisé les contours de ce régime d’exception dans deux arrêts du 6 août 1915, Delmotte et Senmartin, portant sur la fermeture de débits de boisson accusés de porter atteinte à la moralité publique. Le juge administratif a rejeté le recours pour excès de pouvoir et a apporté d’intéressantes précisions sur l’état de siège. D’abord, il confirme que la loi de 1849 sur l’état de siège demeure valide. Ensuite il rappelle que l’état de siège est un régime de légalité dans la mesure où les décisions des autorités militaires et civiles sont soumises au contrôle juridictionnel. Il ajoute que les pouvoirs spéciaux organisés par la loi de 1849 sont de nature préventive et non répressive. Enfin, il juge que la loi de 1849 ne doit pas être interprétée restrictivement : « La législation de l’état de siège ne doit pas se combiner avec les lois ordinaires », affirme le commissaire au gouvernement, car « elle a pour but de les contrecarrer en bloc, en substituant à l’état de droit ordinaire un état exceptionnel s’adaptant, lui, aux nécessités de l’heure ». Dès lors, le transfert de certaines compétences des autorités civiles aux autorités militaires ne les modifie pas et ne les augmente pas non plus.

Destiné à faire face à des conflits traditionnels, l’état de siège est apparu comme une procédure lourde et inadaptée, ce qui explique l’adoption de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence qui peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des départements d’outre-mer, des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.

La théorie
des circonstances exceptionnelles

La théorie des circonstances exceptionnelles découle de celle, plus ancienne, des pouvoirs de guerre qui a été utilisée par le Conseil d’État pour permettre, même sans texte, une extension des pouvoirs de l’exécutif au-delà des frontières de la légalité pendant la Première Guerre mondiale. L’idée générale est que les limites du pouvoir exécutif ne peuvent pas être les mêmes en temps de paix et en temps de guerre. Née en 1918 dans le célèbre arrêt du Conseil d’Etat Heyriès, la théorie sera formulée très clairement par la Haute juridiction administrative dans l’arrêt Dames Dol et Laurent du 28 février 1919. Par l’arrêt Heyriès, le Conseil d’État admet qu’en période de crise, ou en période de guerre, la puissance publique dispose de pouvoirs exceptionnellement étendus afin d’assurer la continuité des services publics. La théorie des circonstances exceptionnelles permettra par la suite au Conseil d’État d’élargir sa jurisprudence à toutes les périodes de crise ou de troubles graves, tels les événements de mai 1968 ou encore les cas de grève générale.

Dans ses conclusions sur l’arrêt Laugier du 16 avril 1948, le commissaire du gouvernement Letourneur précise les conditions de mise en œuvre de la théorie des circonstances exceptionnelles. Il faut d’abord une situation anormale, pouvant consister soit en l’absence des autorités régulières, soit dans l’impossibilité pour elles d’exercer leurs pouvoirs, soit encore dans la survenance brutale d’un ou plusieurs événements graves ou imprévus. Il faut également que soit reconnue l’impossibilité d’agir légalement. Il faut enfin que soient prévus des effets limités quant à la durée de la situation anormale. Ces conditions cumulatives visent à limiter l’arbitraire et atténuer les risques d’atteinte aux droits et libertés.

L’instauration des circonstances exceptionnelles n’a pas pour effet la disparition de l’exigence de légalité, mais plutôt la substitution à la légalité normale d’une légalité de crise, moins contraignante pour l’administration et plus restrictive pour l’exercice des libertés publiques. Néanmoins, le juge administratif affirme dès 1919 dans l’arrêt Dames Dol et Laurent sa volonté de continuer à contrôler l’action administrative notamment en vérifiant l’existence réelle de circonstances exceptionnelles. Il ne suffit pas d’une simple urgence à agir, mais la survenance brutale d’événements graves et imprévus entraînant l’impossibilité pour l’administration d’agir légalement. Le juge vérifie également leur persistance à la date des mesures administratives. Enfin, le juge administratif contrôle l’adéquation de ces mesures aux nécessités de temps et de lieu mais aussi à la poursuite d’un intérêt public. Le maintien de ce contrôle sérieux et précis peut permettre au juge d’annuler des décisions illégales ou portant atteinte aux droits et libertés.

Il faut également préciser que les circonstances exceptionnelles enlèvent le caractère de voie de fait à des agissements qui seraient ainsi qualifiés. Tel fut le cas des arrestations et internements arbitraires à la Libération, illustré par l’arrêt du Tribunal des conflits, 7 mars 1952, Dame de la Murette. De manière générale, cette théorie jurisprudentielle autorise l’administration à faire tout ce qui est nécessaire pour continuer d’accomplir ses missions dans des situations exceptionnelles. Elle lui permet notamment de ne pas tenir compte de la hiérarchie des normes : dans l’arrêt Heyriès, un décret a autorisé la suspension pendant la Première Guerre mondiale de la loi de 1905 imposant de communiquer son dossier à tout fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires. Comme l’a souligné J. Rivero, c’est au moment où les libertés sont le plus menacées qu’elles sont le moins protégées.

C’est de cette théorie des circonstances exceptionnelles que s’inspire l’article 16 de la Constitution de 1958.

Les pouvoirs exceptionnels du Président

Selon l’article 16 de la Constitution de 1958, modifié par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. Il en informe la nation par un message. Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet. Le Parlement se réunit de plein droit. L’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels. Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. »

L’article 16 de la Constitution est un régime exceptionnel d’organisation des pouvoirs publics visant à sauvegarder les institutions de la République dans des situations d’une gravité particulière. Ce régime exceptionnel permet d’accroître temporairement les pouvoirs de l’exécutif pour le rendre plus réactif et plus efficace. L’article 16 de la Constitution de 1958 s’inspire de l’idée qu’en période de crise la concentration des pouvoirs au profit du président de la République permet seule la sauvegarde des institutions. C’est l’un des symboles de la Vème République telle que voulue par le Général de Gaulle consacrant un Président fort : il trouve son origine dans le souvenir de la défaite de 1940, marquée par la grande faiblesse du pouvoir exécutif, alors impuissant à résister à l’invasion allemande.

Sa mise en œuvre est subordonnée à une double condition : il faut que pèse une menace grave et immédiate sur les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux ; de plus, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels doit être interrompu. Le Conseil d’État ne contrôle pas la décision de recourir à la procédure et les mesures prises par le Président dans le domaine législatif, mais seulement les actes pris dans le domaine réglementaire. La jurisprudence du Conseil d’État du 2 mars 1962, Rubin de Servens précise que la décision de mettre en œuvre les pouvoirs exceptionnels est un acte de gouvernement dont il n’appartient pas au Conseil d’État d’apprécier la légalité ni de contrôler la durée d’application.

Ce régime d’exception n’a été utilisé qu’une fois, en 1961, au moment du putsch militaire en Algérie. Le Président Mitterrand avait proposé sa suppression en 1993 mais son projet est resté sans suite. Sans envisager sa suppression, du fait des menaces terroristes pesant sur la sécurité nationale, le Comité Balladur a proposé de le modifier en instaurant notamment un contrôle de la durée de sa mise en œuvre. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a ainsi ajouté : « Au terme d’un délai de trente jours, le Conseil constitutionnel peut être saisi par soixante députés ou soixante sénateurs aux fins d’apprécier si les conditions fixées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce par un avis qu’il rend dans les moindres délais. Il procède de lui-même à cet examen après soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà. » L’objectif est d’encadrer davantage les pouvoirs exceptionnels du Président, en instituant un contrôle du Conseil constitutionnel dont l’avis est public.

Conclusion :
Le droit public français a prévu plusieurs régimes d’exception inadaptés à la situation de lutte contre le terrorisme.

Ces régimes d’exception, comme l’USA Patriot Act adopté aux Etats-Unis en 2001, illustrent la logique de supériorité de la lutte contre le terrorisme sur le respect des droits et libertés. Ce sont des régimes exceptionnels en raison de l’ampleur des événements qui ont déclenché leur adoption, en raison des atteintes qu’ils portent aux libertés fondamentales, mais aussi en raison de leur durée d’application. De telles réponses exceptionnelles à des événements exceptionnels devraient demeurer provisoires.

Inadaptés au moment de la guerre du Golfe, les frontières n’étant pas menacées, les pouvoirs publics ont mis en place un « état de vigilance » qui, contrairement aux régimes d’exception, ne devait entraîner aucune altération du régime des droits et libertés. Pourtant les pouvoirs de police ont été renforcés (interdiction de certaines manifestations sur la voie publique, refus de délivrance ou de renouvellement de port d’armes, expulsion d’étrangers selon la procédure d’urgence absolue). Toutes ces mesures ont été décidées dans le cadre du plan Vigipirate destiné à renforcer la surveillance policière pour empêcher tout acte terroriste.

 Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 23.

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L’ancien comité de rédaction

Le comité scientifique & de rédaction du JDA
qui a été modifié le 10 septembre 2019
a été formé de 2016 à septembre 2019 comme suit :

Trois membres du Tribunal Administratif de Toulouse
(Mme le V. Président Isabelle CartheMazeres,
M. le rapporteur public Damien Dubois
& M. le Président Christophe Laurent).

Trois administrateurs
(Mme Cécile Chicoye,
M. Victor Denouvion
& M. le Sous Préfet Jean-Charles Jobart).

Trois avocats aux Barreaux de Toulouse & de Paris
(dont Maîtres Benjamin Francos
& Christophe Leguevaques).

Trois membres de l’IEP de Toulouse
(Mme Delphine Espagno,
M. Cédric Groulier
& M. Julien Saint-Laurent).

Trois doctorants
(Mme Lucie Sourzat
& MM. Maxime Boul
& Arnaud Duranthon).

Trois maîtres de conférences
(Mmes Nicoletta Perlo
& Julia Schmitz
& M. Didier Guignard).

Trois professeurs de l’Université Toulouse 1 Capitole
(Grégory Kalfleche,
Sébastien Saunier
& Jean-Gabriel Sorbara).

Le directeur de la rédaction, initiateur du JDA,
est M. le professeur Mathieu Touzeil-Divina.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Comité scientifique et de rédaction ; Art. 20.

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Le premier comité de soutien

Le premier comité de soutien du JDA
(modifié depuis le 10 septembre 2019)
a été formé & composé de :

Mmes & MM. les professeurs
Joël Andriantsimbazovina,
Aurore Gaillet,
Hélène Hoepffner,
Xavier Bioy,
Pierre Delvolvé,
Christian Lavialle,
Jean-Arnaud Mazeres
& Philippe Raimbault.

Ainsi que de Mmes
Nathalie Laval-Mader
& Florence Crouzatier.

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Comité de soutien ; Art. 19.

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AG du 21 janvier 2016

Art. 12. Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Chers élus, Chers Maîtres, Chers collègues, Chers étudiants,

En 1853, à la Faculté de Droit de Toulouse (Haute-Garonne), Adolphe Chauveau (1802-1868) initiait avec son ami Anselme Polycarpe Batbie (1827-1887), le premier média national du droit administratif nommé : « Le Journal du droit administratif mis à la portée de tout le monde (sic) ». Désormais, toujours à Toulouse, ce média est en train de revoir le jour après trois premières réunions (d’information et de constitution).

Notre troisième échange a eu lieu le 21 janvier 2016 en salle dite des thèses.

Etaient présents une vingtaine de personnes et quelques représentées, tous intéressés par le Journal du Droit Administratif (Jda) et membres issus de l’Université de Toulouse 1 Capitole, de Sciences Po Toulouse, du Barreau ainsi que du Tribunal Administratif de Toulouse (au moins un représentant de chaque institution).

La réunion s’est organisée autour des points suivants d’annonces et de discussions :

  • Questionnaire / Interview :

Il a été acté par les membres du Jda que périodiquement notre média offrirait à ses lecteurs la publication d’un questionnaire / interview sur le droit administratif (et ses mutations contemporaines notamment). C’est M. le professeur Pierre Delvolvé – qui en a accepté le principe – qui ouvrira cette série de questionnaires. La forme de ces derniers (questions générales et ouvertes) sera a priori la même pour toutes les interviews qui suivront lors des numéros suivants. Un exemple de questionnaire (réalisé par Mme Lucie Sourzat (merci à elle) et M. Touzeil-Divina) est en ce sens joint au présent compte rendu et sera versé aux débats de notre prochaine réunion (Annexe I).

  • Site Internet
  1. A. Duranthon, M. Sztulman & M. Touzeil-Divina sont chargés – par les membres présents et représentés – de prévoir pour la prochaine réunion du Jda quelques exemples de mises en formes et d’ossature(s) du futur site Internet de notre média. Ils ont commencé à réfléchir aux possibilités d’actions et proposeront lors de la prochaine réunion trois « thèmes » qui seront soumis au vote de l’assemblée pour décision.
  • Premier « dossier » du Jda

Actualité(s) oblige(nt), les échanges se sont formalisés, dès 2015, autour des questions de l’état d’urgence (sécurité et libertés) comme première thématique retenue. Le titre du premier dossier sera donc « L’état d’urgence mis à la portée de tout le monde ».

Il a été proposé que trois personnes (dont deux universitaires issus de laboratoires différents et un praticien) coordonnent ce premier dossier ; le pr. Touzeil-Divina a indiqué ne pas vouloir diriger ledit dossier (même s’il y sera naturellement associé de façon étroite) en tant que directeur du Journal. Les trois noms proposés sont ceux de :

  • le professeur Joël Andriantsimbazovina (Ut1, Irdeic)
  • Maître Benjamin Francos (Barreau de Toulouse)
  • Mme Julia Schmitz (Mcf, Ut&, Imh).

L’assemblée vote à l’unanimité la proposition des trois coordinateurs. Ces derniers acceptent la proposition avec enthousiasme.

Proposition de mise en place d’un calendrier pour ce dossier :

  • 21 janvier 2016 : discussions sur le dossier ;
  • Février 2016 :             appel à contributions & écriture des contributions ;
  • Mars 2016 :                         choix des contributions & montage du dossier ;

                                                puis ouverture du site.

Il est acté que la grande majorité des contributions (sauf exceptions) devra respecter le formalisme minimaliste suivant sans perdre de vue l’optique pédagogique du Jda :

  • Contribution d’une à deux page(s) (format word ou autre / A4) environ ;
  • Police unique dans tout le corps du texte (Times New Roman au plus simple) (12) ;
  • Sans aucune note de bas de page ni soulignement ;
  • Avec une proposition de titre et d’au moins trois mots-clefs référentiels (si possibles définis ou renvoyant à des définitions d’auteurs) ;
  • Avec les subdivisions suivantes I. II. III. etc. ; puis A. B. etc. ; puis au besoin §1, § 2. etc. ;
  • Indiquant ses nom, prénom(s), titres & fonctions et joindre une photographie ;

Il est proposé d’articuler le dossier autour de rubriques contenant des articles. En ce sens, les coordinateurs proposent l’appel à contributions suivant :

  1. I) Qu’est-ce que l’état d’urgence ?
  • Que dit la loi ?
  • Quels sont les autres régimes d’exception ?
  • Que dit la Cour européenne des droits de l’homme sur l’état d’urgence ?
  • Qu’enseigne l’histoire ?
  • Qu’enseigne le droit comparé ?
  • Quelles ont été les applications de l’état d’urgence sous la Véme République ?
  • Le contexte de 2015 ?
  1. II) Quel est le régime juridique de l’état d’urgence ?
  • Quelles sont les conditions de son déclenchement et de son extinction ?
  • Comment se matérialise l’état d’urgence ?
  • Ce qui change pour le juge ?
  • Ce qui change pour l’administration ?
  • Ce qui change pour les services de police ?
  • Ce qui change pour les administrés (impacts sur les droits et libertés)
    • Exemples : le contrôle d’identité, assignation à résidence, perquisition…
  • Y a-t-il des risques de dérives ? (Différents points de vue possibles)
    • Exemples : assignations prononcées lors de la COP 21, explosion de la perquisition, détournements potentiels de procédure (migrants, manifestations, réunions) ?

III) L’état d’urgence au quotidien « vu par »

(administrateur, magistrat, avocat, policier, administré)

Les quatre questions suivantes (au moins) seront posées à plusieurs acteurs du droit administratif :

  • Qu’est-ce que l’état d’urgence selon vous ?
  • Concrètement, quel est impact sur votre pratique professionnelle ?
  • Au nom de l’état d’urgence, avez-vous été empêché d’agir, comme en temps normal ?
  • Quel en est l’exemple le plus marquant ?
  1. IV) Quels sont les contrôles de l’état d’urgence ?
  • Quels sont les contrôles des différents juges ?
  • Quels sont les contrôles parlementaires ?
  • Quels sont les contrôles des Autorités Administratives Indépendantes ?
  • Quels sont les contrôles de la société civile ?
  1. V) Quel serait l’après état d’urgence ?
  • Sort-on vraiment de l’état d’urgence ?
  • Combien coûte l’état d’urgence
  • La responsabilité de l’état d’urgence ?
  • Proroger l’état d’urgence ?
  • Constitutionnaliser l’état d’urgence ?

Ces propositions n’excluent ni des propositions supplémentaires spontanées ni des contributions multiples sur le même sujet (ce qui développera les points de vues).

L’appel sera diffusé au 01 février 2016 par tous les canaux possibles. Une adresse dossier@journal-du-droit-administratif.fr est créée en ce sens et sera accessible à tous les coordinateurs.

L’appel est annexé au présent compte rendu (Annexe II).

  • Chroniques

La première chronique (collectivités locales ; sous la direction de M. Pascal Touhari) est programmée pour le 01 mars 2016. Elle sera testée en ligne en ce sens, à charge à M. Touhari d’en fournir les éléments pour la fin du mois de février.

Le professeur Jean-Gabriel Sorbara propose de réaliser une deuxième chronique (relative aux biens). L’assemblée valide ces deux propositions et en remercie les porteurs.

  • Second « dossier »

Le deuxième dossier pourrait être programmé pour juillet ou septembre 2016. Il pourrait porter sur « les relations entre administration(s) & administré(s) » selon la proposition qu’en avait faite le professeur Saunier (à qui l’on pourrait en confier la coordination s’il le souhaite – au besoin de façon également collective).

Le professeur Touzeil-Divina propose un éventuel troisième dossier pour décembre portant sur la laïcité ; ce dossier pourrait se faire en partenariat avec un nouveau média interdisciplinaire (les Cahiers de la LCD (Lutte Contre les Discriminations)).

  • Jurisprudence(s)

Il avait été proposé et acté (en 2015) que lors de chaque réunion du Jda, chaque membre présent du comité de rédaction pourrait proposer une décision juridictionnelle (en matière administrative) comme décision du mois ou du moment et ce, pour convaincre le comité de l’intérêt de commenter cette décision au sein du Jda. Il est en outre acté, lors de la réunion du 21 janvier 2016, qu’il pourra y avoir non seulement une mais aussi plusieurs décisions retenues afin de multiplier les points de vue et les articles. Les débats se font alors autour de la ou des décisions à retenir pour l’année 2015 et à exposer en mars 2016 dans la première mise en ligne de notre site Internet. Plusieurs décisions sont citées mais aucune ne fait -encore – l’unanimité. Il est alors proposé de mettre en ligne plusieurs contributions (selon les propositions qui seront reçues au premier mars) dont un ou plusieurs jugements proposés au commentaire par le Tribunal Administratif de Toulouse.

  • Appel(s) à contribution(s)

Il est proposé pour fédérer toutes les initiatives de procéder comme suit :

  • au premier février, sera lancé l’appel à contribution spécial au premier dossier sur l’état d’urgence (cf. Annexe II) ;
  • parallèlement le présent compte rendu envoyé aux personnes intéressées par le projet Jda vaut également appel à contributions pour nourrir le site (d’ici le 01 mars) en plus du dossier spécial. En ce sens, sont attendues des propositions d’article(s) telles que :
    • un ou plusieurs jugements de 2015 choisis par le Tribunal Administratif de Toulouse et commentés par des membres du Jda;
    • un ou plusieurs extraits de conclusions de rapporteurs publics choisis par le Tribunal Administratif de Toulouse ;
    • une interview au moins (celle du pr. Delvolvé) pour inaugurer le site ;
    • d’éventuelles notes de lectures ou même annonces concernant le droit administratif (colloques, soutenances de thèses, etc.) ;
    • des commentaires – libres – de plusieurs décisions juridictionnelles ayant marqué l’année 2015 ;
    • une ou deux premières « chroniques » (collectivités et biens) ;
    • un éventuel « portrait » d’un « grand auteur » du droit administratif :;
    • quelques articles « libres » proposés sur des sujets de droit administratif et – au besoin – par exemple sur quelques « sagas » juridictionnelles (comme à propos des affaires dites Dieudonné par exemple) ;
    • ainsi qu’un éditorial présentant le Jda et ses origines historiques.

Toute personne intéressée par participer à l’une des propositions ci-dessus est priée de se faire connaitre au plus vite afin de « réserver » une / sa contribution ou plusieurs mêmes (en envoyant un courriel à contact@journal-du-droit-administratif.fr).

  • Prochaine séance

Pour la réunion prochaine, il est proposé :

  • de nous donner rendez-vous le 10 mars 2016 à 18.30 (salle à préciser) ;
  • que chacun vienne avec une ou des proposition(s) de jurisprudence(s) à retenir comme étant « LA » jurisprudence du début d’année 2016 (Conseil d’Etat, Tribunal des Conflits et Tribunal Administratif de Toulouse) ;
  • & de quoi préparer une fin de réunion conviviale pour ceux qui le désireront.

L’ordre du jour appellera les points suivants :

  • Présentation de trois « thèmes » / « architectures » de site Internet ;
  • Vote sur l’architecture / le thème retenu ;
  • Présentation des articles & contributions reçues au titre des variétés (et non du dossier) : conclusions, jurisprudences, commentaires, avis, notes, etc.) ;
  • Présentation des contributions et interviews réalisées dans le cadre du premier dossier ;
  • Présentation de la première interview du Jda;
  • Présentation des deux premières chroniques du Jda;

Le présent compte rendu a été dressé et rédigé le 27 janvier 2016 avec l’aide de Mme Julia Schmitz et de M. Maxime Boul (merci à eux).

Pr. Mathieu Touzeil-Divina

Annexes I & II (lien)

Le présent compte-rendu (avec ses annexes)
est en ligne au format PDF
en cliquant ICI

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2016 ; Art. 12.

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